Etgar Keret [Israël]

Crise d'asthme chez Actes sud.

traduction de Rosie Pinhas-Delpuech.

L'auteur n'a peur ni des mots ni des sujets tabous, et il épingle avec irrespect le quotidien israelien, soit pour s'en étonner en faux-naïf, soit pour en rire, avec la complicité du lecteur.

Les dix commandements ? Corby les invoque quand il reproche à Miron de lui avoir piqué sa copine, et quand il s'interroge, une barre de fer à la main, sur le châtiment précisé par la Bible dans ce cas-là (la copine de Corby).

Les relations juifs-arabes ? ou plus précisément juifs-palestiniens ? Dans cran d'arrêt on assiste à une vraie scène de western avec échanges d'insulte puis affrontement à armes égales dans la rue.

L'Holocauste ? le vieux survivant juif préconise le boycottage des produits allemands. Comment va faire le jeune sportif à qui on vient d'offrir de superbes baskets made in germany ? (Des chaussures).

Ces nouvelles font de deux à quatre pages. On en trouve une cinquantaine dans le recueil qui commence sur les chapeaux de roues avec l'histoire du chauffeur d'autobus qui voulait être Dieu.

Merci Rotko, un écrivain de la jeune génération qui semble intéressant et non-conformiste.
Il me semble qu'il est également cinéaste.

Seb

Seb a écrit:

Il me semble qu'il est également cinéaste.

Oui, avec les méduses un film israélien de Shira Geffen et Etgar Keret avec Sarah Adler, Tsipor Aizen, Tami Harel, Bruria Albek.

Dans un joyeux désordre, chacune des trois femmes du film cherche sa place, l'amour, l'oubli ou sa mémoire, c'est la vie à Tel-Aviv...

rotko a écrit:

Dans un joyeux désordre, chacune des trois femmes du film cherche sa place, l'amour, l'oubli ou sa mémoire, c'est la vie à Tel-Aviv...

Tel Aviv est également le cadre d'un autre film israélien, The Bubble, d'Eytan Fox, dont on a dit beaucoup de bien.
On voit aussi à la fin de Paradise now, film palestinien de Hany Abou Assaad, des images de Tel Aviv, ville effervescente en contraste total avec l'atmosphère des Territoires Occupés où évoluent les personnages principaux du film, deux Palestiniens qu'on a chargé de commettre un attentat-suicide. Ce film subtil et fort avait obtenu une moisson de prix dans les festivals internationaux.

Seb

Pour revenir à Etgar Keret, voici la couverture de Crise d'asthme :


Seb

Un petit passage d'etgar keret sur les rapports entre l'auteur et son lecteur :

Citation :

Si l'écrivain était un ange, alors l'abîme qui le sépare de ses lecteurs serait si profond que son écriture ne pourrait pas être proche d'eux ni les atteindre.
Mais parce qu'il est ici-bas avec nous, plongé jusqu'au cou dans la boue et dans la fange, il est celui qui, mieux que quiconque, peut partager avec nous tout ce qui fourmille en lui, dans les zones éclairées, et surtout dans les recoins sombres.

in lemonde des livres du 21/03/2008 page 2. (traduit par Rosie Pinhas-Delpuech)

ce qui rappelle les propos d'Amos Oz et de son lecteur

Citation :

Il faut établir des parallèles entre le héros de l'histoire et votre ego intime...la terrifiante créature que vous enfermez au secret pour que personne n'en soupçonne jamais l'existence. ..

Les livres auraient donc le pouvoir de vous consoler un peu de vos terribles secrets...

chez Etgar Keret, la concision est de mise, et si les amoureux se quittent, c'est en peu de mots comme dans la jeune fille sur le réfrigérateur : Il voulait être tout le temps avec elle, et elle, elle aimait être seule :

Citation :

tout ça à cause de son enfance. Si bien qu'il finit par lui dire : 'il faut que tu m'expliques ou qu'on se quitte". Elle accepta de le quitter.

le recueil se termine sur

Citation :

crise d'asthme

Quand on a une crise d'asthme, on manque d'air

[...] Pendant une crise, quand quelqu'un vous dit "je t'aime" ou "je t'aime beaucoup" il y a une différence. Celle d'un mot. Et un mot c'est beaucoup, parce que ça peut être "s'asseoir", "ventoline" ou même "ambulance"

.

Bonne justification de la concision !