Tarjei Vesaas [Norvège]

Un très bon livre: "Palais de glace".

Je me permets de mettre le lien vers le site de Flammarion où il est très bien évoqué:
http://minilien.com/?wbz0wrGtbg

Si "Palais des glaces" vous a séduit, je vous conseille vivement "les oiseaux", sublime roman où les sentiments entre une soeur et un frère "ahuri" débordent d'angoisse. Angoisses pour Mattis qui se demande ce qu'il deviendrait si sa soeur venait à mourir, soeur si attentionnée et disponible à son égard. Angoisses pour Hege qui aimerait bien enfin faire le choix entre son frère et sa propre vie de femme.

Pour moi, ce roman est un chef-d'oeuvre et rares sont les fois où j'utilise cet adjectif.

Merci Esther..J'avais noté Les oiseaux dans mes projets de lecture...On m'en avait déjà dit le plus grand bien.

Bien que « Palais de glace » soit plus léger que « Les Oiseaux » - roman que j’ai beaucoup apprécié -, c’est avec un pur bonheur que je me suis replongée dans une œuvre de Tarjee Vesaas.
Là encore, l’atmosphère qui entoure les personnages est primordiale. Nous sommes pris dans un étau et avons bien du mal à en sortir indemne. De même, une certaine frustration nous enveloppe dû aux non-dits de l’auteur, ce qui nous laisse un léger goût amer en fin de lecture.
Mais quoi de plus merveilleux que ses descriptions de ce palais de glace, laissant tous ceux qui s’y approchent, envoûtés par le charme de cette pureté. Il en est de même pour cette montée en puissance des relations très ambiguës entre Unn et Siss, deux jeunes demoiselles unies pour l’éternité.
Je ne vous en dis pas plus, le mieux est de découvrir ce roman car la poésie ainsi que la chaleur avec lesquelles les récits de Tarjee Vessas évoluent sont indescriptibles.

"J'aimerais vous situer le registre où s'inscrit la voix, l'écriture de Tarjei Vesaas ; au frontières de l'indicible, dans un territoire limite que hantent de préférence ceux qui savent, par grâce, entendre l'inaudible : les enfants, les animaux, les prétendus simples d"esprits et les poètes. Tarjei Vesaas a gardé de son enfance l'art de s'émerveiller et c'est cet art qui dicte les relations magiques qu'il entretient avec les mots. La Nature tient une place majeure dans son inspiration. La grande nature farouche du Nord, avec cette lumière impensable, cette clarté d'aube des temps qui se joue de nos habitudes, efface les distances, abolit les reliefs à force de netteté, soulève les apparences, magnifie, irradie, dédouble.
Il y a des valeurs éternelles en-dehors de nous auxquelles il ne tient qu'à nous de participer, un amour de vivre, de toute vie, qui relègue ce dérisoire individualisme au rang des aberrations. Nous ne sommes exclus de rien, la plus petite fille (comme dans Palais de Glace) accordée aux grandes pulsions élémentaires, en sait plus que nous sur la grâce d'aimer."
Stéphanie Loïk (metteur en scène de théâtre)

Palais de glace:
Un petit village norvégien à la fin de l'automne.Unn et Siss ont douze ans . Siss est volontaire, toujours meneuse de jeu dans son groupe d'amis. Unn est nouvelle à l'école comme dans le pays, de père inconnu et récemment orpheline de mère. Elle refuse l'invitation de Siss à partager les jeux de leur groupe. Cette sauvagerie n'empêche pas qu'une attirance s'établisse entre elles et que finalement Unn invite Siss à venir la voir. Elles deviennent amies, d’une manière mystérieuse et passionnelle.
Un jour, Unn part dans la campagne figée par le froid, vers un palais de glace que l'hiver sculpte dans les eaux de la cascade. Tarjei Vesaas peint en maître la beauté de l'hiver norvégien.
Unn va disparaître et Siss coupe toute communication avec ses parents, ses amis. Elle s'isole, pour rester fidèle à la promesse qu'elle s'est faite de ne jamais oublier Unn.

coline a écrit:

Palais de glace:
Un petit village norvégien à la fin de l'automne...

J'ai beaucoup aimé "le Palais de glace" et aussi "L'arbre de santal" ; dans ce dernier, une mère, enceinte de son troisième, est persuadée qu'elle va mourir. Elle ne peut communiquer le pourquoi. Son mari va hypothéquer tous ses biens pour accomplir la volonté de son épouse : partir en voyage, en famille. Bientôt sans le sou, il faudra prendre le chemin du retour.
Dans ces deux romans, est évoqué le miracle ou la difficulté du partage de l'indicible, son caractère secret et personnel. Par là, ce sont deux livres sur la solitude des êtres.

Afin de vous suivre, Domi, Esther, Coline, j´ai pu lire quelques extraits de Tarjei VESAAS online.
Celui-ci correspond à la page 173," Les ponts", selon le zazieweb et il me plait bien. Merci de m´avoir presenté cet ecrivain du Nord dont je n´avais jamais entendu parler.


"Nous sommes tous des bêtes vivant au bord des rivières. La nuit est à nous. Nous sommes tous des petites bêtes noires, habitant loin, à l'intérieur des terres, dans des trous, où nous nous réfugions lorsqu'on enlève les pierres sous lesquelles nous nous cachons. Nous sommes tous comme des vers dans la boue qui s'amoncelle au fond d'une rivière. Nous sommes enfoncés là-dedans, ayant une vie sans bornes. Nous nous trouvons dans des endroits que le soleil n'atteint pas, mais nous possédons notre propre lumière grâce à laquelle nous nous rencontrons avant de poursuivre notre cheminement solitaire dans la profonde obscurité." (page 173)

Tarjei Vesaas...un auteur pour l'été, non?...

swallow a écrit:

"Nous sommes tous des bêtes vivant au bord des rivières. La nuit est à nous. Nous sommes tous des petites bêtes noires, habitant loin, à l'intérieur des terres, dans des trous, où nous nous réfugions lorsqu'on enlève les pierres sous lesquelles nous nous cachons. Nous sommes tous comme des vers dans la boue qui s'amoncelle au fond d'une rivière. Nous sommes enfoncés là-dedans, ayant une vie sans bornes. Nous nous trouvons dans des endroits que le soleil n'atteint pas, mais nous possédons notre propre lumière grâce à laquelle nous nous rencontrons avant de poursuivre notre cheminement solitaire dans la profonde obscurité." (page 173)

C'est trop fort ! le passage que j'avais precisément choisi pour illustrer mon compte-rendu !

Tarjei Vesaas, les ponts, Autrement littératures.

Torvil et Aude sont proches, comme leurs maisons mitoyennes, comme leurs parents liés par une amitié de toujours. Un jour ils découvrent un secret qui les traumatise car devant lui, ils ne savent pas, faute d’être adultes et avertis, comment réagir. Une troisième personne est concernée, à peu près de leur âge, et ils essaient de partager avec elle une situation de détresse.

Impossible de révéler cette histoire où le silence joue un rôle capital. Il faut comprendre le paysage, une rivière profonde et toujours en mouvement, insondable, et des ponts qui enjambent des gouffres profonds comme des angoisses. La forêt aussi qui abrite et dissimule.

Je comptais mettre ici le passage cité plus haut par Swallow !!

Vesaas jette une lumière sur les profondeurs auxquelles nous avons accès seulement dans les prémonitions et les rêves.

Les ponts

Citation :

On attend quelque chose. L’air est chargé de messages qui restent inexprimés.

On devine leur présence.

On est tout entier tourné vers la venue d’un inconnu, on pressent une vague menace et rien n’arrive. Même si on est avec les autres à la maison, on a l’impression d’être isolé dans un espace vide, tandis que le message est à l’extérieur. On est certain de son existence,mais il ne s e manifeste guère. On ignore tout de sa provenance et de la forme qu’il prendra pour apparaître. Il y a mille façons de penser.

On se sent mal à l’aise en tout cas.

Le germe

Je suis toujours autant éblouie par cette écriture qui suggère et qui élève.

L’histoire : celle d’un homme traumatisé lors d’une explosion d’usine, après s’être réveillé vivant au milieu des blessés et des morts. Il ne se remet pas de ce drame et fuit partout sur terre, espérant (naïvement) effacer l’irréparable souvenir.

Il débarque sur une île tranquille, où le décor est déjà campé par l’auteur, avec des personnages tout en nuances. La nature est évidemment une héroïne à part entière. Dans sa beauté, comme dans sa violence.

Cet homme assiste malgré lui à une scène fermière, naturelle et pourtant bien odieuse (une truie prise de furie qui mange ses petits). Cet acte l’achève. Il devient fou, court éperdument dans les bois et tue la première innocente qu’il rencontre (une jeune fille).

On est sur une île, l’alerte est vite donnée. Le fuyard est traqué comme un gibier et tué par le frère de la victime, Rolv, aidé par la population, déchaînée. Acte bestial, sauvage et foudroyant.

Ce qui intéresse l’auteur : la conscience et la réalité de la nature humaine. Comment ceux qui condamnent un crime peuvent-ils le commettre à leur tour, sous l’emprise d’un aveuglement rageur ? Y a t-il une légitimité ?

A cela, Vesaas ne répond pas. Mais il nous interpelle tous, nous rappelant que les démons sont tapis en nous et peuvent nous dominer en un instant.

Je ne peux pas résumer toutes ses pistes de réflexion, mais il y a dans ce livre la forme et le fond.

« Nous cherchons la guérison et nous ne trouvons que la mort. Nous cherchons la consolation et nous ne trouvons que le mal. »

« Je crois que l’humanité se dévoile mieux dans sa détresse, dans sa tragédie, que dans une joie entière et simple ».

Vesaas lui-même était un être taciturne, à part, dans sa ferme familiale. Une sorte d’ermite surnommé le « sphinx de Vinge ».

Les rares phrases sur lui-même :

« Presque rien n’a besoin d’être dit, quand on a des yeux et quand on a sa propre chanson. »

« Rester assis à songer ; cela aussi est fertile. »

Brume de Dieu, d'après Les Oiseaux, de Tarjei Vesaas (traduit du norvégien par Régis Boyer, éd. Plein Chant). Mise en scène : Claude Régy. Théâtre national de Bretagne, rue Jean-Marie Huchet, Rennes (Ille-et-Vilaine).

c'était jusqu'au 13 novembre 2010, mais il reste une idée de lecture :

Mattis a été envoyé sur le lac par Hege pour essayer de pêcher du poisson. Seul dans sa barque qui prend l'eau, le garçon regarde les poissons, qui "sont là à flâner sans rien faire, exactement comme Mattis", et songe. A elle, sa soeur, qui lui a dit le matin : "Je ne sais pas pourquoi j'existe", et à d'autres choses indicibles.