La maman et la putain de Jean Eustache (1972)

Je ne suis franchement pas un inconditionnel de la Nouvelle Vague, mais ce film m'a soufflé, et aussi démontré que le cinéma d'Arnaud Desplechin n'était pas aussi original que je le pensais.
C'est à mon sens une des premières (après Pasolini je crois mais avant le Bertolucci du Dernier tango à Paris) remises en question des bienfaits de la libération sexuelle, à travers les doutes d'un trio mal assorti. Un jeune homme désoeuvré et spirituel quoique très pessimiste (J. P. Léaud) se remet lentement mais voluptueusement d'une rupture dans les bras d'une femme plus âgée qui l'entretient (Bernadette Laffont). Il rencontre une fille très commune voire vulgaire, mais très intuitive, à laquelle à son grand étonnement il s'attache.
Les monologues de Léaud sont brillants, les scènes amoureuses tordues à souhait comme je les aime. Je ne sais s'il l'a déjà reconnu, mais j'y vois une des prinicipales sources du cinéma de Bertrand Blier à ses débuts.

j'en ai vu des extraits il y a des années (mais je n'étais déjà plus une jeune fille innocente ). On a travaillé certains passages du texte lors de cours de théâtre, et je me souviens d'une ambiance vraiment particulière, évanescente, légère et pourtant très.... étrange, ambigue. DE la violence contenue aussi, je crois.
Depuis, je me dis souvent qu'il faudrait que je le revoie, ou le relise...

J'ai beaucoup aimé ce film et j'ai eu la folie d'aller le voir deux fois la même semaine... erreur, un film de 4 heures si mes souvenirs sont bons.
J'ai eu le même sentiment que toi Queenie sur ce film, atmosphère très douce, évanescente et c'est dernièrement qu'en parlant d'une chanson de Diabologum - La Maman Et La Putain d'autres ont parlé de violence. Je ne l'ai pas vu ainsi ...

Et je ne trouve plus le site, que Rotko nous avait donné, pour pour vous la faire écouter...



Au Centre Pompidou Jean Eustache - Rétrospective intégrale du 14 déc. au 15 janvier 2007, si cela vous tente !

On y verra ses quinze films, dont l'un est inédit. Seront également présentés quelques films réalisés par d'autres cinéastes et montés par Jean Eustache (mieux que les siens, disait-il), ainsi que des interviews et documents sur son travail.

9 titres de diabologum sur http://www.blogmusik.net/

je crois que Moon n'est pas la seule à devoir ranger sa chambre

Merci ... pour ranger ... bien, ce n'est plus possible du tout, trop de bouquins en attente, grâce au forum et je l'en remercie vivement

On trouve le titre de Diabologum : la maman et la putain.

Je pensais, c'est curieux d'ailleurs que ceux qui m'ont parlé du film comme étant noir, faisaient référence à cette chanson qui l'est mais bon faite xx années après le film...

Je m'en voudrais de ne pas citer des extraits de dialogues, dès que j'en aurai le temps.

Ah oui pour les extraits, ce sont les dialogues qui sont particulièrement intéressants, je ne dirai pas qui font le film mais.... presque

Le scénario est très écrit, très peu de place pour l'impro contrairement aux apparences. Les Cahiers du cinéma l'ont édité, et j'y puise ces extraits.

Alexandre, le héros, accoste une jeune femme (Veronika) et ils conviennent d'un rendez-vous, Veronika précisant qu'elle déteste les lapins. Mais Alexandre l'attendra en vain. Nouveau rendez-vous, ce qui nous vaut cette scène dans un grand bistrot parisien. Ils parlent de la rencontrée manquée. Voici ce qu'en pense le protagoniste :

Alexandre : Je vous ai dit, ça n'a aucune importance. Au contraire. Je dirais même que ça m'a arrangé. Il y a longtemps qu'on ne m'avait pas posé de lapin. C'est un mot que j'avais presque oublié. Vous l'avez fait resurgir du passé, comme d'autres mots que l'on n'entend plus. Par exemple on n'entend jamais plus le mot "limonade".

Je pensais à ça en vous attendant. Et même quand je ne vous attendais plus car j'en restais là. Je pensais : si elle arrive maintenant je vais lui parler de limonade. Pour voir la tête que vous auriez fait.

Et puis je n'ai jamais compris les gens qui sans se connaître trouvent des sujets de conversation. Je crois qu'il faut se taire, se regarder en silence. Ou bien parler beaucoup car cela revient au même. Mais chercher les mots qu'il faut dire, choisir...Pourquoi ?

Vous savez en général les gens, les femmes me plaisent surtout pour des raisons extérieures, posées sur elles comme une robe de chambre. Une femme me plaît par exemple parce qu'elle a joué dans un film de Bresson, ou parce qu'un homme que j'admire est amoureux d'elle. Quel plus grand hommage peut-on rendre à un homme qu'on admire que de lui prendre sa femme ?

En ne venant pas hier, vous m'avez permis de parler de votre absence, alors qu'hier je n'avais rien à vous dire. Vous avez installé quelque chose entre nous. Vous ne croyez pas ?

Veronika : Je ne sais pas.
A. : Si ce que je dis vous ennuie, vous m'arrêtez.
V. : Oh, non pas du tout.
A. : Parce qu'on peut parler d'autre chose, de la pluie, du beau temps, du MLF.

S'agit d'une des scènes initiales, celle qui m'avait retenu (j'étais un peu réticent au départ : 220 minutes tt de même).

Le reste est de la même eau, alternant les instants de fantaisie et les scènes graves, avec un sens des contrastes (de lumières et d'atmosphères) très original, et une vacherie réjouissante.