Hugo Pratt

Je l'ai déjà évoqué ... mais un fil au minimum

Costume de marin, cheveux bruns, anneau à l'oreille gauche. La silhouette élancée et élégante. Une lueur d'amusement et d'ironie bienveillante dans le regard. L'air de se tenir à distance.

L'art d'observer choses et gens avec détachement. Certains le disent pirate. Lui se prétend gentilhomme de fortune... Fils d'une gitane andalouse et d'un marin des Cornouailles. Une gueule, une personnalité, un destin.

C'est ...

Je n'en ai pas déjà parlé ici ? Je n'ai pas du tout lu tous les albums, mais j'ai adoré ceux que j'ai eu entre les mains.

Ah Corto Maltese ! Sacré personnage.

Pour moi le grand héros de cette saga c'est le grand Raspoutine, aka Ras, le vrai pote de Corto... Il est si beau quand il est de mauvaise humeur et qu'il porte son imper ... dans Corto Maltese en Sibérie, un des meilleurs pour moi

Jude a écrit:

Pour moi le grand héros de cette saga c'est le grand Raspoutine, dans Corto Maltese en Sibérie, un des meilleurs pour moi

Le vrai héros de Corto Maltese en Sibérie c'est Von Ungern: baron balte, général "blanc", dernier Khan de Mongolie et réincarnation du Dieu de la guerre selon ses sujets mongols.

Je voulais dire qu'il porte son imper dans Corto en Sibérie, pas qu'il en était le héros... Ton émoticône correspond bien au baron fou....

J’ai longtemps trimballé avec moi les albums de Corto Maltese et j’ai dû en perdre quelques uns au cours des déménagements, mais j’ai toujours dans ma tête “Les Ethiopiques” avec ce fameux personnage: Cush, un guerrier Danakil dont la philosophie radicale emprunte autant à certaines sourates du Coran qu’aux 7 pilliers de la sagesse de Lawrence d'Arabie. Il devient le compagnon d’infortune de Corto, même si ce dernier a du mal à supporter ses remarques acerbes, mais on le retrouve aussi dans une histoire ultérieure sur l’album “les scorpions du désert”, en tout cas c’est sans aucun doute le plus fort des “seconds rôles“ qu’Hugo Pratt a crée.


Cela dit mon ouvrage préféré du maître italien reste avant tout “Jesuite Joe”, l’histoire d’un indien qui endosse l’uniforme de la police montée canadienne pour venger les siens, c’est violent comme un film de Sam Peckinpah, et en même temps c’est zen comme la peinture d’Hokusaï (il y a des cases tellement silencieuses, des sapins stylisés, de la neige, des feuilles mortes qui volent... presque pas de dialogue sauf les “crack ! crack !” des coups de fusils), franchement cela mérite d’être connu et considéré à sa juste valeur...

Le Voyage imaginaire d’Hugo Pratt jusqu’au 21 août, Pinacothèque de Paris, 28, place de la Madeleine (8e).

Hugo Pratt s’est inspiré des écrivains. En témoignent ces aquarelles illustrant des poèmes de Kipling ou les années africaines de Rimbaud. D’autres renvoient à sa vie mouvementée. L’univers militaire: dès 14 ans, le jeune Pratt se retrouve enrôlé par son père dans la police coloniale italienne. Mais aussi le désert et cette ligne d’horizon qui le fascine.

Les villes où il a vécu: Venise, Buenos Aires, Paris pendant plus de dix ans, Rio de Janeiro, Cordoue… et Grandvaux, en Suisse, où il s’est éteint d’un cancer en 1995. On croise aussi des femmes, dangereuses comme il les aime. Autant d’occasions d’admirer ses aquarelles, de plus en plus épurées, parfois rehaussées d’un trait d’encre de Chine. Dans un film de sept minutes – on aurait aimé qu’il soit plus long – le visiteur fait la connaissance de l’homme. Celui qui peint d’un geste sûr.

le JDD.

Dans La Ballade de la mer salée, Pratt fait assaut de références (Stevenson, Conrad, Melville... mais aussi Les Révoltés du Bounty dans la version de 1935 avec Clark Gable et Charles Laughton) et développe une construction narrative d'une modernité folle pour l'époque
Voir l'article du Monde

Ses aquarelles sont de toute beauté. J'ai l'intégrale de Corto, cette série est formidable !

rotko a écrit:

Le Voyage imaginaire d’Hugo Pratt jusqu’au 21 août, Pinacothèque de Paris, 28, place de la Madeleine (8e).

Je vais pouvoir y aller.

Corto je l'avais dans les mains je devais avoir 15 ans.
voilà donc au moins autant de temps que je suis ses aventures, d'asie centrale au pacifique en passant par venise, à chaque fois des histoires chargées de poésie, de dangers, de vagabondage, tout en refletant la réalité d'une époque mouvementée..
on aimerait tous etre un corto....

un diaporama des aquarelles et des planches de hugo Pratt à La Pinacothèque de Paris. Jusqu'au 21 août.

J'ai découvert Hugo Pratt tout à fait par hasard en regardant parmi de nombreuses BD en librairie. Son trait qui partait dans tous les sens m'a tout de suite plu. Il m'a fait vite penser à Egon Schiele et son style se distinguait clairement des BD habituelles. Tout fouillé, brut et simple à la fois. J'ai à peine ouvert le livre et je suis repartie mais j'avais retenu le nom de l'auteur et j'en ai parler avec mon père à l'époque. J'ai alors appris qu'il connaissait et qu'il avait lu tous les scorpions du désert lorsqu'il était gosse. Ca m'a intrigué et en me rensseignant j'ai découvert les films de Corto Maltese. L'ambiance, l'histoire, le contexte, les dessins m'ont envoutés. Après ça je suis passée aux album et je n'ai plus démordu depuis.

Mon histoire préférée reste aussi Jesus Joe ! J'aime comme il part dans le politiquement incorrect avec cet anti-héro. Il nous obligent à penser nos actes autrement, c'est courageux.

Je suis aussi allée voir l'expo et je l'ai trouvé magnifique ! Tip-top ce qu'il fallait pour cet auteur. Ce mec est vraiment très fort techniquement et il bon sang, il dessine une grâce des femmes comme personne ! Je l'admire parce que même s'il innove pas vraiment dans le genre graphique (je me suis laissée dire qu'il suit la même vague que Buck Dany (qui part d'Achile Talon)) il a vraiment su se démarquer sur l'aspect littéraire en romancant ses histoires.

PS : Est-ce que l'un de vous à lu aussi son livre sur St Exupery ?

Jamais lu Jesuite Joe, mais ça m'intéresse beaucoup !

Corto est un de mes personnages de BD préférés. Ceux que j'ai le plus aimés c'est Corto Maltese en Sibérie et les Éthiopiques, pour l'ambiance générale de la BD. Mais mon passage préféré c'est dans les Celtiques je crois (j'ai prêté tant de fois mes Corto que je me souviens plus à qui), où on voit un groupe de soldats mener une opération pour récupérer un trésor, et on apprend tout à la fin que c'est Corto qui avait tout monté, alors qu'il n'a jamais pris part à l'action. Et j'avais trouvé ça génial comme histoire.

Pratt...
Oui c'est "Corto" mais heureusement ce n'est uniquement cela. C'est aussi "les scorpions", "Fort Wheeling" et "Ernie Pike" entre autres. Ce qui est dommage c'est qu'il a occulté beaucoup d'auteurs latins tels que Sergio Toppi, Dino Battaglia, Micheluzzi, Brandoli & Queirolo et le plus grand de tous Alberto Breccia. Pratt était aussi un redoutable homme d'affaire qui a surfé sur la vague du succès. J'admire Pratt qui est un des artistes qui m'a le plus influencé mais il ne faudrait pas oublier ce qu'il doit à la bd américaine (Milton Caniff en tête et aussi à Oesterheld). Il ne l'a d'ailleurs jamais renié.
Plus qu'à Egon Schiele c'est à à la sensualité de Klimt qu'on pourrait rapprocher les aquarelles de Pratt, c'est surtout vrai dans les dessins érotiques. Ce qu'on peut regretter c'est qu'il n'aie jamais pris la peine de réaliser un album directement à l'aquarelle. Même si je me suis toujours demandé si "Ticonderoga" n'était pas en couleur directe avec un tirage en n/b à cause des films?

Tu m'en apprends beaucoup Liliam, merci ! Est-ce que tu peux expliciter plus en détail en quoi il se rapproche plus de Klimt, un exemple précis ? Parce que je vois assez bien qui sont les deux peintres et certains de leur tableaux mais justement moi j'aurais plus cru qu'il se rapprochait de Schiele par son trait nerveux.

Très belle exposition sur Hugo pratt, les rites, les initiations, et sesrapports avec la franc-maçonnerie, au musée franc-maçon de la rue Cadet.

Hugo pratt dans ses albums multiplie les références aux rites initiatiques, aux mythes et à l'histoire.
Ainsi pour leslégndes celtiques, le site de Stonehenge qu'on trouve dans "songe d'un matin d'hiver" de Celtiques

Hugo Pratt était Franc Maçon? C'est la première fois que j'entends cela. Certes il y a des références maçonnes dans Corto, dans Fable de Venise c'est clair mais pour les autres albums, il n'en est rien, et c'est totalement absent des autres séries. Et dans aucun de ses interviews que j'ai lu, il ne met cela en exergue. Les légendes celtiques elles ne sont présentes que dans l'album Les Celtiques, mais ils parlent aussi de la révolution irlandaise et du Baron Rouge. J'avoue être un peu surpris par le thème de cette expo. Pourrais-tu développer ton article stp?

hugo Pratt était membre de la loge Hermès de Venise, de 1976 à sa mort en 1995. effectivement dans la fable de Venise, il parle de l'offensive du fascisme contre la maçonnerie, en s'inspirant de l'histoire.

Les rites d'initiation sont une constante chez Hugo Pratt, notamment dans les helvétiques avec la porte basse et l'épreuve du feu.

Dans les Celtiques, le premier chapitre se passe à Venise, où la franc-maçonnerie est active depuis 1729, et joue son rôle contre la domination autrichienne et pour l'unité italienne.

Parmi les francs-maçons de Venise, Casanova qui s'en est revendiqué, Goldoni, Bernis (s'agit-il du cardinal avec lequel Casanova eut un épisode amoureux avec deux religieuses qui lui passèrent... sous le nez ?).

Certes il ya bien des anachronismes historiques chez Corto Maltèse, et des allusions qui relèvent de l'humour : Pendant la guerre 14-18, un nom rappelle un certain Hemingway, travaillant dans les ambulances, et qui a écrit l'adieu au combat .

On y parle d'une jeune fille qui est l'ange à la fenêtre d'Orient dont les messages doivent être décryptés. or le décryptage tient une place essentielle dans les différents épisodes des Celtiques : messages lumineux, mots intercalés dans le discours du marionnettiste etc..

une petite aquarelle pour terminer ce post indigeste :


j'ai vu aussi le procés-verbal de l'initiation de Pratt dans sa loge, où il est aussi question de grades... Chez Hugo pratt, les rites d'initiation et les sociétés secrètes sont fréquents, depuis Anne la Jungle jusqu à fort Wheeling (début 1962-1964, et album achevé juste avant sa mort 1995 sur un rite d'initiation).

On pourrait aussi parler de valeurs maçonniques..

J'avais jamais remarqué ce côté. Merci du renseignement. Cependant il était assez discret en interviews car je ne me souviens pas qu'il aie souligné son appartenance à une loge. A moins que c'est simplement moi qui n'ai pas été intéressé par la chose.

Citation :

Pendant la guerre 14-18, un nom rappelle un certain Hemingway, travaillant dans les ambulances, et qui a écrit l'adieu au combat .

il s'agit d'Hernestway dans les Celtiques II sous le drapeau de l'argent, là aussi un mot de passe à dechiffrer T.I.N.T.O.R.E.T.T.O

A noter que hugo Pratt est un adepte du double-fond : L'histoire est présentée comme vécue puis rêvée, et les artifices demise enscène sont nombreux,marionnettes, trucages, reférence à Hollywood.

continuons l'exploration des profondeurs

attachement à la liberté et à la democratie, défiance à l'egard des religions, hymne à la fraternité

Citation :

Liberté, Egalité, Fraternité, Tolérance.

Fort Wheeling 1962- 1995

Comment naissent les guerres et ce qu’il en advient.

Hugo Pratt s’est documenté sur les différents peuples indiens, et son album, si longtemps mijoté, prend pour sujet les guerres avec les Indiens et l’indépendance américaine de 1775-1783.

On y voit l’amitié entre deux jeunes gens, pris dans les différents conflits, et qui en subissent les effets désastreux. C’est un hymne à la fraternité, et une dénonciation de ces monstres appelés « les tueurs d’indiens » qui scalpent leurs victimes et sèment la haine.


Le début est constitué de vignettes où la part du texte est (trop) importante, c’est pourquoi je préfère nettement les vues de paysages, minimalistes, ou chaque coup de crayon a une valeur, où les silhouettes sont des ombres chinoises, et les paysages des taches noires maîtrisées. Une plus grande sobriété apparaît à la fin de l’album, et l’économie des traits n’en prend que plus de valeur.

Je t'arrêtes Rotko quand tu parles de l'hymne contre les "monstres tueurs d'indiens". C'est une belle vision un peu tronquée de Fort Wheeling. Le tueur d'indiens n'est pas plus important que d'autres personnage et Ezra fascine même. Wheeling est une peinture des coureurs des bois et non une charge écologiste et flower's power. Quant au fait qu'il y aurait trop de textes, là aussi, il y a un problème. La bd c'est aussi un récit et pas uniquement une succession de dessins. C'est un savant équilibre. C'est un des défauts de la bd contemporaine, se reposer sur le dessin et les inter-cases pour espérer en faire un récit. A l'image d'une littérature très prisée par les cercles mondains, la bd file vers des déserts arides et sans consistance.

La fable de Venise met l’accent sur le mystère, les symboles initiatiques, la franc-maçonnerie et les sociétés secrètes.

A vrai dire on s’y perd un peu en cours de route, mais le dénouement de cette « farce merveilleuse » ou de cette «  extravagance », selon les expressions de Hugo Pratt, rassurent le lecteur, un moment partagé entre l’adhésion au récit et le doute.

En fait le début de l’album tendrait à faire prendre au sérieux les différentes amulettes et talismans, au moins comme ferments de l’imagination de l’auteur, familier depuis l’enfance avec les inscriptions du vieux ghetto de Venise.

Le port des cagoules par les francs-maçons a pour seul but d’instaurer « une aura de mystère et une densité dramatique ». Toutefois les attaques du fascisme contre la maçonnerie correspondent bien à une situation réelle à Venise en 1921.

Quant au baron Corvo, surnom de plume de Frederick William Rolfe, il correspond à un personnage réel, excentrique et secret. L’exposition que j’ai vue à Paris en faisait un parfait mythomane. Il a donc bien sa place dans le récit.

Bonjour à tous.
J'ai découvert hier (vendredi 25 mai 2012) "Les vendredis de Pratt" un cycle de conférences autour d'Hugo Pratt et de son oeuvre au Musée de la franc-maçonnerie.

Eblouissant "Parcours maçonnique à Venise avec Hugo Pratt" par Joël Gregogna, auteur de "Corto l'initié". L'historien est clair, précis, et fort respectueux des auditeurs pas nécessairement aussi cultivés que lui, sans compter qu'il est doué d'humour, bref un régal.

Les conférences commencent à 18 heures pour se terminer vers 20 heures, elles ont lieu dans le temple de la rue Cadet auquel on accède par le musée. C'est gratuit, mais il est indispensable de réserver.

Prochaine séance le vendredi 1er juin : "Fort Wheeling d'Hugo Pratt, occasion d'une leçon de fraternité universelle" par Florian Rubis, journaliste et critique BD.
Puis le 29 juin : "Les voyages initiatiques de Corto Maltese" par Christophe Bitaud, enseignant. Toutes les infos sur le site du musée, l'expo "Corto Maltese et les secrets de l'initiation" est visible jusqu'au 15 juillet.

http://www.museefm.org/

Rotko, si je me suis trompée de direction pour ce message, merci de le réintégrer à la bonne place... Bonne journée.

L'exposition à Cadet est terminée. Elle était pas mal, je l'ai vue, et c'était plutot chouette.

Citation :

Le port des cagoules par les francs-maçons a pour seul but d’instaurer « une aura de mystère et une densité dramatique ». Toutefois les attaques du fascisme contre la maçonnerie correspondent bien à une situation réelle à Venise en 1921.

Oui, et non. Car en Italie, les maçons ont bel et bien été persécutés par les fascites, tout comme les maçons français par Vichy qui en a fait déporté pas mal et qui a pillé les archives.
Il y a effectivement eu, en Italie, une période ou les membres faisaient leurs réunions (qu'on appelle des tenues) avec une cagoule, afin de se protéger et de ne pas montrer qui ils étaient. Il faut savoir que lorsqu'on est maçon, on peut aller assister à des tenues d'une autre loge que la sienne, et donc il fallait se protéger de ces visiteurs, qui venaient peut etre repérer qui était là, pour aller cafter.