Laurent Binet, HHhH et autres.

HHhH de Laurent Binet chez Grasset.
« le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich ».

prix goncourt du 1er roman.

Laurent Binet mène son histoire sur plusieurs plans :

- Histoire de l’attentat contre Heydrich et de la traque des conspirateurs,
- histoire de l'élaboration de son roman, avec la documentation qu'il a dû amasser, les écueils à éviter dans un récit historique etc...
- Il parle aussi des oeuvres (livres et films) qui traitent de personnages historiques et de Heydrich en particulier.

On dirait un entretien familier avec l'auteur qui, progressivement, associe le lecteur à son projet et à son sujet.
Pour moi, c'est un bon début.

oui, le sujet m'avait paru intéressant, mais justement, je n'aime pas trop que l'auteur soit présent dans son histoire... en tout cas, la presse est élogieuse

L'auteur ne veut pas faire une illusion complète de reconstitution historique ou romancée, et il précise les raisons de son choix, ce qui est louable intellectuellement.

Pour certains hommes, il avoue son sentiment, libre à nous de le suivre sur son terrain ou non.

Par exemple pp 102-103, il parle de Daladier qui déclame le 21 aôut 1938

" En face d'États autoritaires qui s'équipent et qui s'arment sans aucune considération de la durée du travail, à côté d'États démocratiques qui s'efforcent de retrouver leur prospérité et d'assurer leur sécurité et qui ont adopté la semaine de 48 heures, la France, plus appauvrie en même temps que plus menacée, s'attardera-t-elle à des controverses [...] il faut qu'on puisse travailler plus de 40 heures et jusqu'à 48 heures dans les entreprises qui intéressent la défense nationale".

il rappelle que cet homme fut ministre (défense nationale) dans le gouvernement Leon Blum.
et l'auteur de rappeler qu'à droite tout est bon pour "remettre la France au travail". Nous-mêmes nous connaissons de ces politiciens transfuges.

Drôle d'évolution pour un homme du Front populaire !

Lanzmann préfère HHhH de Binet à, Jan Karski de Y Haenel.

Une entrevue avec l'express : http://www.lexpress.fr/culture/livre/claude-lanzmann-la-fiction-ne-donne-pas-tous-les-droits_857748.html

Je ne retrouve plus où on avait parlé sur GDS* de la polémique Lanzmann - Haenel, si la modo pouvait venir mettre le lien, d'avance merci

A propos de HHhH, Lanzmann parle quand même de "toute la beauté, toute la grandeur" de ce livre. Et il précise que ce n'est pas du tout la fiction qui le dérange chez Haenel.

rotko a écrit:

Laurent Binet mène son histoire sur plusieurs plans :

- Histoire de l’attentat contre Heydrich et de la traque des conspirateurs,
- histoire de l'élaboration de son roman, avc la documentation qu'il a dû amasser, les écueils à éviter dans un récit historique etc...
- Il parle aussi des oeuvres (livres et films) qui traitent de personnages historiques et de Heydrich en particulier.

J'aime bien l'idée de ces différents plans.
J'ai noté ce livre sur ma liste.

Amarande a écrit:

Je ne retrouve plus où on avait parlé sur GDS* de la polémique Lanzmann - Haenel, si la modo pouvait venir mettre le lien, d'avance merci

on n'a pas beaucoup parlé de cette polémique. Elle n'apportait pas grand chose, sinon que, c'est là mon sentiment, la part de Haenel était minime, Karsky restant le principal contributeur de son livre.
D'autre Haenel a usé d'arguments mesquins pour discréditer Lanzman (celui-ci a-t-il écrit voulait se faire de la pub la semaine où la télévision programmait un de ses films !!). L'utilisation de pareils ragots gratuits est indigne.
Laurent Binet se pose la question de la reconstitution historique. Il a un souci éthique. S'il fait mention, ponctuellement de ses amours, c'est son droit, et je trouve qu'il introduit ainsi une distance par rapport à son sujet, une bouffée d'air dans les miasmes fascistes.
Si, comme le dit Onfray, on en savait plus sur la vie affective et sexuelle des philosophes, on comprendrait mieux leur façon de raisonner.

je rajoute un mot comme un remords : je n'ai pas suivi assez attentivement l'affaire Karsky pour me prononcer.

Laurent Binet est un petit malin qui pratique la citation clin d’œil, par une passerelle entre le passé et certaines orientations actuelles affichées :

Citation :

« Les enfants tchèques ne recevront en guise d’enseignement que le strict nécessaire leur future profession ».

Pas de princesse de Clèves, donc.

Cette remarque faite, la citation d’Heydrich (discours du 4 février 1942) intéresse par les moyens d’obtenir une population docile :

« Il est essentiel de régler leur compte aux enseignants tchèques car le corps enseignant est un vivier pour l’opposition. Il faut le détruire et fermer les lycées […]

Pour la jeunesse je ne vois pas de meilleur endroit qu’un terrain de sport. Avec l’éducation physique et le sport, nous assurerons tout à la fois un développement, une rééducation et une éducation »

A lire HHhH on comprend la différence entre la littérature et les romans d’action.

Le sujet se prêtait admirablement à un thriller à la Ludlum. Un montage alterné entre d’un côté les cibles toutes puissantes, quasiment invulnérables, et de l’autre, les parachutistes, aguerris, qui ont pour mission de les descendre. Chaque chapitre se terminerait à un endroit crucial pour rendre le lecteur impatient.

Chez les parachutistes, les fausses alertes (ouf !) alterneraient avec les vraies péripéties, développées longuement, dans tous les détails. De l’action, de l’action ! vous dis-je, et pas de politique, « ce coup de pistolet au milieu d'un concert » (1)

Mais on sait que comme Stendhal relatant l’évasion de prison de Fabrice Del Dongo, le vrai romancier « esclave de ses scrupules »(2) ne cède pas aux facilités d’un suspens bon marché.

Il reconstitue les scènes, incertain de sa fidélité au vécu, éprouvant lui-même les angoisses de ses personnages, leurs hésitations, demandant une attention active et critique à son lecteur, en s’appuyant sur une documentation triée, et sans oublier les enjeux humains de son récit.

HHhH, cet excellent roman nous fait toucher du doigt la bête immonde du fascisme, et la détermination de ceux qui - du haut en bas de l’échelle des responsabilités, ont tout fait pour le refuser.

(1) Stendhal dans Lucien Leuwen.

(2) « Mon histoire est trouée comme un roman, mais dans un roman ordinaire, c’est le romancier qui décide de l’emplacement des trous, droit qui m’est refusé parce que je suis l’esclave de mes scrupules. Je feuillette les photos » Laurent Binet, p.395

Ce serait bien que le prochain grain lecteur de HHhH relève les titres des récits et films cités par Laurent Binet.
L'auteur aurait d'ailleurs pu mettre une rapide mention en fin de volume des auteurs et oeuvres cités.

à mettre en relation avec haenel et karsky.

rotko a écrit:

le prochain grain lecteur de HHhH

Je me porte volontaire, mais il faudra être patients

Les références de Laurent Binet en livres :

Jacques Delarue : Histoire de la Gestapo
Vladimir Pozner : Le mors aux dents
Robert Merle : La mort est mon métier
Lina Heydrich : Vivre avec un criminel de guerre
Miroslav Ivanov : L’Attentat contre Heydrich
Jiry Weil : Mendelssohn est sur le toit
Colonel Moravec : Master of spies
Alan Burgess : Sept hommes à l’aube
David Chacko : Like a man
Göbbels : Journal

Et en films :
Conspiracy (Kenneth Brannagh)
Les bourreaux meurent aussi (Fritz Lang/Bertold Brecht)
Hitler’s Madman (Douglas sirk)
Triple Agent (Eric Rohmer)

Je viens de finir ce livre, pas mal de réserves... Dès que j'aurai un peu de temps, j'essaierai de démêler les raisons de mon malaise...

je suis content de voir que Laurent Binet n'hesite pas à prendre position dans l'affaire Céline, qu'il le fait avec des arguments.

je note simplement le lien pour information.

En effet, je mentionne cette prise de position sur le fil Laurent Binet, et lui laisse la responsabilité de ses propos.

D'eventuels commentaires seraient à mettre sur son blog, et non plus sur GDS* où nous avons échangé. Il serait fâcheux de nous voir nous répéter.

Mais comme je l'ai dit ailleurs, le fil Céline reste ouvert pour les comptes rendus de ses oeuvres.

Les oeuvres, c'est quand même ce qui compte, non ?

D'ailleurs parlerait-on de Céline s'il n'avait pas écrit. Donc....

Orkeny a écrit:

Les références de Laurent Binet en livres :

Jacques Delarue : Histoire de la Gestapo
Vladimir Pozner : Le mors aux dents
Robert Merle : La mort est mon métier
Lina Heydrich : Vivre avec un criminel de guerre
Miroslav Ivanov : L’Attentat contre Heydrich
Jiry Weil : Mendelssohn est sur le toit
Colonel Moravec : Master of spies
Alan Burgess : Sept hommes à l’aube
David Chacko : Like a man
Göbbels : Journal

Et en films :
Conspiracy (Kenneth Brannagh)
Les bourreaux meurent aussi (Fritz Lang/Bertold Brecht)
Hitler’s Madman (Douglas sirk)
Triple Agent (Eric Rohmer)

rotko a écrit:

pratique, merci...

Je viens de finir ce livre, pas mal de réserves... Dès que j'aurai un peu de temps, j'essaierai de démêler les raisons de mon malaise...

Je l'ai lu aussi, et moi aussi, il me laisse une certaine sensation de malaise.
Pas du tout par rapport au sujet où aux personnages, mais par son traitement.
Nous avons là un auteur qui écrit un roman, en semblant vouloir écrire un livre d'histoire, où tout serait basé sur des faits et rien ne serait inventé.
Au final on n'a ni l'un ni l'autre. Et entre les scènes du "roman" parlant d'Heydrich et des parachutistes, on a beaucoup de justification de l'auteur sur le fait qu'il n'écrit ni l'un ni l'autre.
L’histoire racontée est très intéressante, le fait que l'auteur parle de ses sources et des moyens de les obtenir l'est aussi, mais le ton est un peu trop "égocentré" à mon goût. Les scrupules de l'auteur sont un peu trop présents.

Dans le même genre, j'ai préféré les Soldats de Salamine de J.Cercas.

rotko a écrit:

... « ce coup de pistolet au milieu d'un concert »

Il y a ça dans un film... mais lequel?
Un Hitchcock, il me semble...
Il s'agit de descendre un méchant (ancien nazi ou autre) d'un coup de feu pile au moment d'un grand coup de cimbale

L'homme qui en savait trop (1956)

Laurent Binet, prix du Livre de Poche, pour HHhH. Moi j'avais bien aimé, et je crois au talent de Laurent Binet sur plusieurs plans, comme celui d'un homme qui ne s'en laisse pas conter et porte un regard lucide sur l'actualité.

rappel : HHhH raconte l’enquête sur l’assassinat du terrifiant Reichsprotektor Reinhard Heydrich, dit «la Bête blonde», survenu à Prague le 27 mai 1942. Heydrich le grand organisteur du génocie tzigane, notamment !

moi j'aime bien Laurent Binet, je sais qu'il a énérvé certains grains avec son livre HHhH , mais sa démarche prudente qui le fait hésiter entre ce qu'il sait et ce qu'il imagine ou trouve vraisemblable me paraît honnête. J'ai lu aussi quelques articles de lui, responsables, pertinents, personnels.

vous savez qu'il a été chargé de suivre l'élection de françois hollande, dans les coulisses.bibliobs donne quatre extraits de «Rien ne se passe comme prévu»,

J''ai lu HHhH il y a quelque temps. Très prenant, Laurent Binet met le doigt sur ce qui fait mal ...10 ans pour le rédiger et moult recherches car il n'avait pas vécu cette période, il est trop jeune : certainement que chaque mot a été pesé ! C'est d'ailleurs, cette alternance : sa réalité dans la construction de son livre , son vécu quotidien aussi, et le résultat de ses recherches qui m'avaient séduite . A la lecture des articles que tu cites Rotko, il me semble que là aussi, il fait preuve d' honnêteté intellectuelle.
Je ne résiste pas, je vais lire son livre . Merci.

Rien ne se passe comme prévu....

Le titre du dernier opus de Laurent Binet, sur la campagne de François Hollande

L'Express

C'est comme ce qu'avait fait Yasmina Reza sur la campagne de Nicolas Sarkozy (une nullité sans nom, un honte qu'un machin pareil soit publié à grands renforts de publicité... Ce n'était qu'un carnet de notes anarchiques et sans le moindre intérêt. Elle prenait plaisir à se mettre en scène: JE suis dans l'avion présidentiel, etc...)



PS au modo: il faudrait peut-être ôter HHhH du titre du fil, puisqu'on y parle aussi d'autres livres

PPS: pas de fil sur Yasmina Reza???

Bridget Jones a écrit:

PS au modo: il faudrait peut-être ôter HHhH du titre du fil, puisqu'on y parle aussi d'autres livres (1)

PPS: pas de fil sur Yasmina Reza???(2)

(1) j'ai modifié

(2) ben non ! à ton bon coeur ou à ta mechante langue