Jean-Pierre Gattégno

Avec vue sur le royaume, de Jean-Pierre Gattégno, chez Actes Sud

Citation :

« Nous ne nous étions jamais rencontrés de notre vivant, il avait trouvé la mort au Caire et moi à Paris, pourtant nous partagions la même éternité. Quel lien obscur nous unissait ? Il était fils de nazis et moi de djidios. Cela suffisait-il à expliquer notre voisinage dans cet avion et la familiarité qui s’était instaurée entre nous ? »

Jean Pierre Gattégno renouvelle la montée au royaume des cieux !

Aussitôt le décès, les morts volent en hyper class de Sky Bus S 850 tout en regardant des films qui les concernent sur un écran demi sphérique. Ils échangent leurs impressions pendant les pauses de publicité (!), tout en buvant du Whisky Suntory comme Bill Murray dans [b]Lost in translation[b].

Que se racontent-ils ? leurs morts, leurs vies et leurs amours. Que se demandent-ils ? pourquoi donc les a-t-on mis sur des sièges contigus ?

En attendant de le savoir, on écoute les mensonges d’individus qui ont échangé leurs états civils, les mensonges des nazis avec le camp de Terezin, le récit des moeurs des Juifs de Salonique en Sambre et Meuse, et on regarde sur l’écran quelques scènes mystérieuses, et d‘autres, hilarantes.

Avec vue sur le royaume

Finalement, à travers des références cinématographiques, chacun dit quel fut son rôle de son vivant , selon qu’il hérita d’un père sous-directeur de camp ou déporté. Il y des liens entre eux, et des passerelles !

Qui reprocherait quelques longueurs au narrateur nazi, les oublierait vite dans la troisième partie menée au pas de charge.

Gattégno joue au client du psychanalyste. Installé sur le divan au milieu de miroirs truqués, il raconte, le sourire en coin, des histoires cocasses et des amours explosives.

Avec vue sur le royaume

le début :

Depuis quand suis-je mort ?

Depuis toujours ou depuis quelques instants ?

Mais peut-être est-ce seulement un rêve ? Peut-être rêve-t-on lorsqu'on est mort ? Car dans cet avion qui traverse le Royaume des Cieux s'opère un étrange brouillage du temps, une chronologie illusoire où l'avant et l'après se confondent en un simulacre de continuité. Quel jour sommes-nous, quel mois, quelle année ? Comment savoir si ce qui a lieu à un moment donné n'a pas déjà eu lieu à un autre moment ?

Pour qui est confronté à l'éternité, ces questions n'ont aucun sens. Elles sont un résidu d'autrefois, une survivance de la vie. D'un temps où six heures venaient après cinq heures, juillet après juin, mardi après lundi.

Quand je prenais l'avion, je connaissais la date de départ, la destination, l'aéroport, la porte d'embarquement. J'avais toutes les données en main : billet, numéro du vol, numéro de siège, heure de décollage, heure d'atterrissage. Un voyant lumineux indiquait qu'il était interdit de fumer, qu'il fallait attacher sa ceinture, etc.

A citer parmi les personnages, un certaine Paula Rubin qui excelle à manier l’insolence et le blasphème , y compris en poésie !

Citation :

L’Obertsturmmachin avait sorti sa quéquette
Aussi vite qu’il saluait son Führer.
Il comptait sans doute impressionner la fillette
En lui présentant son engin fornicateur.

La veste relevée, la culotte baissée,
Il s’évertuait à maintenir haut dressée
La belle ardeur qu’il portait à son dictateur.
Ah comme tu jubilais, sinistre menteur,

Toi qui avais fait de Terezin la Cité
Idéale pour offenser la vérité !
Pouvais-tu imaginer très chère lavette

Que face à la chipie armée de ses crayons,
Qui te croquait en tenue de copulation,
Ta pauvre verge ne valait pas tripette ?

le psy s'est endormi et retrouve sa patiente étranglée sur le divan !

un film de jean Jacques Beneix avec Jean Anglade.

Avec vue sur le royaume

à tout ce que tu as dit Rotko j'ajouterai ceci

Ce tableau de Bombois La grosse fermière sur son échelle fait partie de ce roman, il en est le fil rouge

Dans Longtemps je me suis couché de bonheur c'était l'Origine du monde de Courbet le pivot de l'histoire...

ici sans avoir autant d'importance, le tableau de Bombois revient comme une petite musique tout au long du livre...

Je ne connaissais pas Bombois et très peu Courbet : quel bonheur de pouvoir enrichir sa culture "concrètement" à travers une lecture ....

De même je n'ai pas encore vu le film Lost in translation....

J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce livre de JP Gattégno

ah ! bonne idée Mona

j'ai vu le film que Beneix a tiré de mortel Transfert de gattegno : il y avait un psychiâtre avec une voiture de sport.

Question d'un spectateur : vous avez voulu montrer que les psy s'enrichissent aux dépens de leurs clients ?

réponse de beneix : pas vraiment. C'est une voiture que je rêvais d'avoir quand je tournais aux USA, et de plus l'arrière est suffisamment large pour qu'on s'y installe avec une camera pour filmer le conducteur et la route.

Il a même donné une troisieme raison, purement technique.

Ce qui aboutit en clair à dire qu'on se focalise parfois sur un détail qu'on croit symbolique alors que le réalisateur poursuivait tranquillement ses petites lubies ou son désir de confort pendant le tournage

tu peux dire, Mona, ce qui t'a dissuadé de poursuivre la lecture de
la route des indes ?

rotko a écrit:

tu peux dire, Mona, ce qui t'a dissuadé de poursuivre la lecture de
la route des indes ?

je viens de répondre sur le fil adéquat...

J'ai lu dans sa bibliographie que JP Gattégno avait écrit récemment Sur le divan racontant son expérience d'analysé...

j'aimerais bien le lire (un de plus )