Emmanuel Dongala (Congo).

Emmanuel Boundzéki Dongala, écrivain congolais, enseigne aux Etats-Unis. Il est chimiste de formation, mais consacre une grande partie de son temps à la littérature francophone et au théâtre.

Son titre le plus connu : 'Johnny Chien Méchant qui dépeint la tragédie des enfants soldats a été adapté à l’écran par Jean-stéphane Sauvaire.

Johnny, quinze ans, enfant-soldat armé jusqu’aux dents, est habité par le « chien méchant » qu’il veut devenir.
Avec son commando, No Good Advice, Small Devil et Young Major, il vole, pille et abat tout ce qui croise sa route. Des adolescents abreuvés d’imageries hollywoodiennes et d’information travestie qui jouent à la guerre…



je lis avec plaisir d' Emmanuel Dongala, Photo de groupe au bord du fleuve, publié chez Actes Sud.

Photo de groupe au bord du fleuve 1/3 raconte l’histoire de Mereana, qui comme ses amies casse des cailloux pour en faire du gravier, nécessaire à la construction d’un aéroport.

Les acheteurs lésinent sur le prix des sacs, si bien que les femmes en viennent à se révolter …

Le récit, fait à la deuxième personne, colle étroitement à la condition de la femme africaine dans ce conflit, mais aussi parce que Méreana se rappelle, et sa propre histoire, et celle de ses compagnes.

Les nouvelles entendues à la radio lui disent que son sort est celui des femmes africaines, opprimée dans tous les domaines. Un récit triphasé

L' histoire, sans visée démonstrative, est bien construite, on s’ y intéresse vivement, car on la vit avec ces femmes. (à suivre).

Photo de groupe au bord du fleuve 2/3

Pas question bien sûr de vous raconter l’histoire, très intéressante, je le répète, et qui constitue l’épine dorsale de ce livre.

Dongala lance une charge violente contre les régimes africains, où violence et corruption font bon ménage, où les discours battent tous les records de mensonges officiels.

Appréciez ces injonctions

Citation :

« je demande à nos soldats de ne pas violer. Sachez que si vous violez, vous risquez d’être contaminés par le virus à votre tour ».

et le discours de la Mère de la Nation, dans un pays qui se caractérise par une totale absence de politique de santé publique :

Citation :

« Il y a mon programme de lutte contre le VIH/ sida. Sur le conseil des Églises, je viens d’ajouter l’abstinence et la réinsertion des prostituées car moins il y en aura, moins il y aura de sidéens et de risques de contamination. »

terrible la vie des femmes africaines et plus terribles encore les conseils.

Photo de groupe au bord du fleuve 3/3

Vous lirez avec plaisir Photo de groupe au bord du fleuve parce que, tout en nous éclairant sur la femme africaine et ses problèmes, il repose sur un récit intéressant et ne tombe pas dans un prêche sentimentalo-pathétique.

Au départ on croit avoir affaire à une sorte de Germinal africain : la dureté du labeur etc.

Pourtant c’est la dignité, plus que la misère, qui motive la révolte de ces femmes.

Le propos se fait ensuite plus politique, dénonçant par divers canaux, la violence de la répression, et les manoeuvres ouatées et perfides du pouvoir.

On entend des paroles toutes faites qui restent bien abstraites…

Citation :

- Savez-vous vraiment combien nous souffrons, madame ?

Le vernis d’amabilité craque une fois de plus pour faire place à un visage sévère accompagné d’une voix pontifiante.

- La souffrance ? Vous ne le savez peut être pas, madame, j’ai été nommée ministre de la Femme parce que je suis spécialiste de leurs souffrances […] j’ai participé à plus d’une vingtaine de conférences nationales et internationales sur les problèmes des femmes et j’en connais toutes les statistiques…

Toutes ces épreuves créent des liens entre les femmes, mais sans pour autant en faire des personnages édifiants : à la fin du récit, certaines gardent les valeurs de solidarité qu’elles ont découvertes, mais aussi leurs vulnérabilités et leurs tentations personnelles.

C’est pourquoi on croit à cette histoire, aux parcours des personnages, à leur paroles publiques et privées - que quelques locutions familières viennent parfois émailler.

Rappel aussi de la valeur du Tu selon Butor ;

il s'agit ici de la voix d'une narratrice vieillie et mûrie qui raconte l'histoire de Méréana, l'actrice, qu'elle prend à témoin. Elle n'avait pas encore conquis sa parfaite lucidité politique : on voit donc ses incertitudes, les faux-pas qu'elle évite de justesse, les impressions que produisent sur elle les évènements et les conduites inhabituelles.

Photo de groupe au bord du fleuve
Comme parfois, ce livre est devenu un compagnon de trajet de train, de bus entre Thionville et Luxembourg et même de soirée.
Il m’a suivi au fond de mon sac et de mes poches, avec une impatience secrète pour retrouver ces femmes superbes de courages, chargées de leurs histoires communes et individuelles, dans l’histoire de leur pays, de leur continent.
Un monde où les femmes ont le combat obligatoire et où le risque de tomber est si proche.
J’ai aimé ce style direct, pas de bisounours dans ce monde difficile et surprenant, mais la tendresse de femmes sœurs et d’hommes dont la tâche est encore plus difficile.
Ce monde développe d’autres réflexes.

Ravie que tu aies apprécié, Alain

Merci encore du conseil initial, et de ce que tu dis ! l'accompagnement de ce récit dans ta vie de tous les jours.

en effet Alain, les commentaires me donne encore plus envie de découvrir cet auteur...

Photo de groupe au bord du fleuve

défi lecteurs : place 1/8

Les lecteurs ont apprécié la solidarité des femmes, la démystification de la langue de bois des officiels, et ils recommandent de lire Johnny Chien Méchant .

Dans le chaos d'une guerre civile avec déplacements massifs de populations, colonnes de réfugiés sur les routes et le lot habituel d'accompagnateurs plus ou moins bienveillants (organisations humanitaires, journalistes, coopérants qu'il faut évacuer, etc.), deux adolescents racontent ce qu'ils vivent

Ce livre a très nettement été gagné la première place.