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| | Lawrence Durrell [Angleterre] | |
| | Auteur | Message |
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Tchipette Animation
Nombre de messages : 3927 Age : 61 Date d'inscription : 19/11/2007
| Sujet: Lawrence Durrell [Angleterre] Mar 05 Aoû 2008, 12:05 | |
| Après la publication de ses premiers romans, dont Cefalù, Lawrence Durell va exercer le métier d'attaché de Presse en particulier à Belgrade pendant l'année 1951. En 1952 il quittera son emploi, se consacrant définitivement à l'écriture et partira pour Chypre où il écrit le Quatuor d'Alexandrie.
Son année à Belgrade est sombre : il fait trop froid pour cet amoureux du soleil ; la Yougoslavie de Tito ressemble, pour les diplomates, à une prison dorée, il n'y a pas de relation possible avec les yougoslaves (Durell tente de se faire un ami qui finit en prison pour l'avoir fréquenté).
Les misions diplomatiques se battent contre l'ennui en se recevant à tour de rôle dans des fêtes toujours un peu plus vaines et folles.
C'est cet univers qu'il décrit dans trois livres rassemblés sous le titre : Affaires urgentes.
C'est drôle à en pleurer de rire, à glousser tout seul en se remémorant les meilleurs passages. Si Durell n'est pas franchement connu pour ce côté, ne boudons pas, il est drôle comme un très bon Woodhouse, ou comme un Evelyn Waugh. Les situations cocasses, les diplomates guindés mais toujours prêts à boire, les relations aigres douces entre les ambassades, tout est décrit sous sa plume féroce, à vous arracher le rire.
Vraiment un coup de coeur, plus même : un grain.
Si d'aucuns veulent tenter l'aventure, le livre, comme son auteur, aime les voyages. | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Lawrence Durrell [Angleterre] Mer 06 Avr 2011, 09:58 | |
| Je n'ai pas encore parlé du Quatuor d'Alexandrie car j'attendais de l’avoir fini. Seulement voilà, j’en suis au milieu du deuxième volume et cela me démange trop. Je suis tout bonnement époustouflée par ce livre. La richesse de cette œuvre mérite qu’on s’y attarde, même si je dois l’avouer je suis partagée entre le désir d’en parler pendant des heures et l’envie de garder tout cela pour moi. clic ! Le premier tome, Justine, m’avait déjà bouleversé par sa finesse, sa force et la beauté de l’écriture. En quelques mots, le narrateur, dont on ne connaît ni le nom, ni la nationalité, exilé sur un île quelque part en méditerrannée (je n’ai pas le livre sous la main), revient sur les années qu’il a passé à Alexandrie. Ni ordre chronologique, ni dates. Le narrateur ne cherche pas raconter les événements tels qu’ils se sont déroulés. Ce qu’il retranscrit c’est la manière dont ses évènements l’ont marqué. Au cœur de l’histoire, le personnage de Justine. Juive mystérieuse, presque magicienne qui ensorcelle les hommes. Mais femme aussi, meurtrie par la douleur, diminuée. Au fil des pages l’histoire prendre de l’ampleur et l’on finit par être complètement absorbé par la ville. Je pourrais aussi parler de la peinture du monde postcolonial (les années 30, 40) (certaines réflexions sont à remettre dans leur contexte), la psychologie fouillée des personnages, où insister sur la modernité de la construction romanesque… mais ce qu’il faut retenir surtout c’est la poésie de ce roman. Une magnifique ode, qui se déploît au fil des pages. Des réflexions profondes aussi, qui nous amènent à nous interroger sur notre rapport au monde et notre connaissance des autres. Et là je ne sais plus si j’en dis trop ou pas assez.
Dernière édition par Moon le Mer 06 Avr 2011, 16:21, édité 2 fois | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Lawrence Durrell [Angleterre] Mer 06 Avr 2011, 09:59 | |
| clic ! On pourrait croire que le deuxième volume, Balthazar, qui reprend l’histoire après la lecture de Justine par l’un des personnages serait redondant et ennuyeux. Absolument pas ! C’est un exercice de haute voltige. On ne revient que brièvement sur les évènements déjà racontés. D’autres épisodes sont ajoutés, l’éclairage change… Pour le moment je suis tout à mon enthousiasme (Beaucoup d’enthousiasme pour mes lectures ces dernier temps, mais moins on a de temps, plus on s’attarde sur les œuvres qui en valent la peine). Vous avez mes impressions sur le vif, même si ma lecture de Justine remonte à fin Janvier. Il me reste encore Mountolive et Cléa et cela risque de me prendre du temps avant que je puisse me faire une idée du Quatuor d’Alexandrie ; c’est un livre qui se savoure, je ne compte absolument pas tout lire d’une traite. On verra donc dans quelques mois. J’ajouterais seulement que c’est le livre préféré de mon grand-père (plus de quatre-vingt ans et toute une vie de lecteur derrière lui !), et que je regrette presque de fixer et livrer mes impressions en quelques phrases. Un seul petit bémol, je ne suis pas capable d’apprécier la version originale comme j’en apprécie la traduction (la langue y est trop subtile). | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Lawrence Durrell [Angleterre] Mer 06 Avr 2011, 10:09 | |
| Le début de Balthazar. - Citation :
- Tonalités du paysage : du brun au bronze, ciel abrupt, nuages bas, sol de perle aux ombres nacrées et aux reflets mauves. La poussière fauve, la royale poussière du désert : tombes de prophète virant au zinc et au cuivre quand descend le crépuscule sur l’antique lac. Ses immenses trouées dans le sable, comme des flaque abandonnés par les marées du ciel ; vert et jaune cédrat cédant aux nuances du métal oxydé, ou s’exaltant en une unique couleur de pruneau, humide, palpitante : nymphe aux ailes poisseuses. Taposiris est mort ici, parmi ses colonnes et ses amers culbutés, disparus les Harponneurs… Mareotis sous un ciel de lilas brûlant.
Puis, page 126. - Citation :
- « Je la hais parce qu’elle est comme moi, comprenez-vous ? Et je la crains parce qu’elle peut lire en moi. » Elle se mit à rire. « Ma chérie, dit-elle, en appelant Justine, venez ici et asseyez-vous près de moi. » Et elle poussa devant elle le genre de confiseries qu’elle détestait le plus – des violettes confites – qu’elle vit Justine accepter avec réserve -, car elle aussi les avait en horreur. Les voilà donc assises toutes les deux, un sphinx voilés et un autre sans voile, grignotant des violettes au sucre que l’une et l’autre détestaient. J’étais ravis de pouvoir contempler ainsi des femmes à l’état le plus primitif. Mais je ne pourrais pas vous dire grand-chose quant à la validté de tels jugements. Nous en portons tous de semblables les uns sur les autres.
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| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Lawrence Durrell [Angleterre] Mer 06 Avr 2011, 11:55 | |
| Plus de 1050 p pour le quatuor d'alexandrie, mais je regarderai Justine. J'avais commencé Cephalu, dont l'abord m'avait paru difficile, l'ile étant la metaphore d'un cerveau, à ce que j'avais cru comprendre, mais c'est bien loin. je suis content que tu parles de Lawrence Durrell puisque Rabah Belamri me l'avait conseillé, peu de temps avant sa mort. | |
| | | Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Re: Lawrence Durrell [Angleterre] Mer 13 Avr 2011, 15:32 | |
| Pas de demi-mesure avec Lawrence Durrell, il faut accepter de se plonger complètement dans son oeuvre. Deux passages lus aujourd'hui... Scobie et Melissa ! Ils continuent à vivre dans la lumière dorée de ces dimanches, dans cet éclairage cru que dispense le souvenir à ceux qui enrichissent nos vies par les larmes ou le rire, sans savoir qu'ils nous ont donné quelque chose. Ce qui est vraiment horrible c'est que cette passion contraignante que Justine a allumé en moi fut tout aussi valable que si elle avait été "réelle" ; le don de Mélissa lui aussi est une énigme - qu'aurait-elle pu m'offrir, en vérité, cette pâle enfant échouée sur le littoral d'Alexandrie ? Clea fut-elle enrichie ou appauvrie par ses relations avec Justine ? Enrichie - enrichie au-delà de toute mesure, oserais-je dire. Ne nous nourrissons-nous que de fictions, de mensonges ? Je me rappelle les mots que Balthazar écrivit quelque part, de sa grande écriture de grammairien : "nous présentons au monde plusieurs faces fictives que nous choisissons selon les circonstances" et aussi "tout peut être vrai de n'importe qui..." Ces mots de Pursewarden lui ont-ils été dictés par sa propre expérience des hommes et des femmes, ou les a-t-il écrits après nous avoir observés attentivement, après avoir étudié nos faits et gestes et leurs conséquences ? Je ne sais. Il me vient à l'esprit un passage d'un roman de Prusewarden où il parle du rôle de l'artiste dans la vie. Il dit quelque chose comme ceci: "Conscient de toutes les discordes, de toutes les calamités qui sont dans la nature même de l'homme, il ne peut rien pour prévenir ses amis, pour leur montrer les dangers et leur crier gare à temps pour les sauver. Ce serait inutile. Car ils sont les instruments délibérés de leur propre malheur. Tout ce que l'artiste peut proclamer, c'est "réfléchis et pleure"." (page 176) La ville, habitée par ces souvenirs qui me restent, ne plonge pas simplement dans le passé de notre histoire, étayée par les grands noms qui marquent chaque station de la chronique, mais se déploie aussi en arrière et avant du temps présent en quelque sorte - dans le dédale de ses croyances et de ses races contemporaines ; les centaines de petites sphères enfantées par la religion ou le savoir qui s'agglutinent mollement pour former cette grosse méduse déployée qu'est l'Alexandrie d'aujourd'hui. Ainsi unies, fortuitement, de par la volonté de la ville, isolées sur un promontoire schisteux dominant la mer, sans aucun rempart que le miroir lunaire de Mareotis, le lac salé, et, au-delà, l'infinitude d'un désert déchiqueté (maintenant doucement caressé par les souffles du printemps, plissé en dune de satin, informe et magnifique comme un champ de nuage), les communautés se perpétuent et communiquent... (pages 190-191). | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Lawrence Durrell [Angleterre] Jeu 23 Fév 2012, 06:28 | |
| L'écrivain est vraiment né en 1935. C'est l'année où il entreprend sa copieuse correspondance avec Henry Miller après le choc du Tropique du cancer, la publication d'un roman d'apprentissage qu'il reniera par la suite (Petite musique pour amoureux), l'abandon de la vie de bohème et le départ pour Corfou. Là, réfugié dans une petite maison abandonnée, il passe ses heures avec les pêcheurs, nage et écrit. En sort son grand livre de la révolte absolue, Le Carnet noir, sous l'influence de Shakespeare et de D. H. Lawrence.
De cette Grèce qu'il découvre et aime à en mourir, avec «la pauvreté nue qui donne la joie sans l'humiliation (…), les tavernes avec leurs couronnes de laurier, les agneaux rôtis à la broche pour Pâques, les héros barbus, les petits saints de renommée locale…». Il quitte l'île ionienne pour rejoindre l'Égypte, en pleine Seconde Guerre mondiale. Alexandrie, la ville-métaphore, ce «grand pressoir de l'amour» ; moderne cosmopolis où cohabitent Grecs, Italiens, Juifs, Coptes, Bédouins, Anglais et futures vedettes de la chanson française. Alexandrie, c'est aussi le berceau des poètes: Ungaretti, Schéhadé, Cavafis…
Déjà, Durrell revendique son héraldisme: attitude qui consiste à remplacer le temps par l'espace, ou plutôt par une «existence spatiale, avec ses qualités magiques». Chez lui, le paysage agit comme le temps chez Proust. «Tout ce qui sort de moi est un paysage.»
un article sur laurence Durrell dans le Figaro.
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| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Lawrence Durrell [Angleterre] Mar 28 Fév 2012, 05:48 | |
| «Citrons acides» paraît en poche (coll. Libretto) tandis que Buchet/Chastel réédite «le Quatuor d’Alexandrie» et publie un inédit en français «Petite Musique pour amoureux».
La collection Voyager avec… de la Quinzaine littéraire et Louis Vuitton fait paraître «Dans l’ombre du soleil grec», recueil commenté de textes, dessins et tableaux de Durrell qui contient également une chronologie.
cf. article de Libération.
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