Shûsaku Endô - [Japon]

«Un des plus grands romanciers de notre temps» a dit de lui Graham Greene.

Mes 2 livres préférés : « Un Admirable idiot » et « La Fille que j'ai abandonnée » ; pour la finesse psychologique dont il fait preuve, de l’art, du très grand art…

Sinon, « En Sifflotant » donne un vision très précise des contradictions du japon actuel ; écrit il y a 20 ans et toujours d’actualité !

Shûsaku Endô est mort en 1996.

Il s'appelle Gaston, Napoléon, c'est le nom du chien...

Petit réflexe (erreur ?) mémoriel…je reprends donc.

Un Admirable idiot :
Un Français, Gaston Bonaparte, descendant très éloigné du connu, arrive au Japon en voyage d’étude ; il est « accueilli » par 2 jeunes Japonais qui le méprisent.
En effet, Gaston est ce que l’on pourrait appeler un pot fêlé (s’identifie par là même au chien qui le suit et qui lui-même est hors normes et que Gaston dénomme Napoléon…), il va déverser ses émotions sur ces 2 japonais…qui finiront par fleurir ?
A lire absolument !

La Fille que j'ai abandonnée :

Shûsaku Endô a écrit:

Sans même lui dire au revoir, ni lui faire un signe de la main, je montai dans le wagon. J'entendis sa voix crier quelque chose dans mon dos - "quand se revoit-on ?" - mais les portes se refermèrent avant qu'elle ait pu terminer sa phrase. Alors que le train s'ébranlait lentement, j'éprouvai une joie cruelle en me retournant vers la fenêtre : Mitsu, la bouche ouverte, incrédule, trottait le long du quai, une main à moitié levée en l'air...

Yoshioka a une aventure avec Mitsu, une aventure banale sans lendemain, qu’il s’empresse d’oublier…puis insidieusement, au fil des années, Mitsu devient une obsession pour lui et il va consacrer son existence à la retrouver coûte que coûte…
Histoire bouleversante, où comment les priorités données à l’ambition laissent un goût amer face à une autre forme de réussite, celle de sa vie…2 très beaux personnages que l’on suit avidement dans leurs parcours !

Je viens de lire un admirable idiot traduit de l'anglais ( rah sacrilège !) par Nicole Tisserand aux éditions Buchet/Castel.

Pour tout vous dire, je fus sacrément déçu. Je n'y ai vu qu'un gentil conte moraliste, arrivant tout juste à la cheville des feuilletons de noël sur m6, un de ces livres ou, non content de dessiner des portraits grossiers et trop facilement discernables, l'auteur martèle à longueur de pages la même phrase pour caractériser ses personnages, histoire d'être sûr que le lecteur a bien compris toute la finesse de son propos.
C'est lourd.
On sent bien, pourtant, que l'auteur peut avoir une vision nuancée et riche du Japon, ça transparaît deci delà, mais non, décidément, pour ce bouquin, il semble qu'il ait eu envie de faire simple, de faire du gentil quiproquo, du mélo souriant, du niais.
Il plaide pour le gris et ses tons innombrables en faisant du noir et blanc.
Suis mortifié.


Enfin, je ne vous le conseille vraiment pas.


Je lirai d'autres romans de cet auteur très réputé au Japon (ne serait-ce qu'à cause de mes études), espérant qu'il a pondu ce manuscrit comme un délassement et que les autres valent sa réputation.

A suivre donc.

Oui, avec Shûsaku Endô, il faut aller voir plus loin que le « doigt » et regarder ce qu’il nous montre …
Le propos n’est certainement pas de dire « c’est pas bien d’être méchant avec ses inférieurs » (ce qui serait un conte moraliste à la M6) mais de remettre en cause les hiérarchies sociales, instinctives chez tous les individus et plus particulièrement dans la culture japonaise.

Gaston nous est-il inférieur ?
Pas si sûr nous répond subtilement Shûsaku Endô…et il nous dit pourquoi !
Evidemment si on le suit, une question nous vient à l’esprit : pourquoi le traitons nous comme tel ?

En clair, cet écrivain, si l’on est sensible à son écriture, nous pousse à nous remettre en cause ; avec des histoires simples certes mais jamais simplistes…
Et ça, c’est la marque d’un grand écrivain !

mouaif, je trouve pas que ça mérite la fameuse métaphore bouddhique du doigt et de la lune, n'importe quel koan est plus efficace (et surtout va plus loin, enfin, nulle part, enfin...Raaah saleté de zen !)...

J'avais bien discerné le but de l'auteur, mais ses manières m'ont paru poussives. (puis son postulat de dénonciation d'un système hiérarchique fondé sur du préjugé délétère, M6 peut tout à fait en faire un mélo pour le coup, le sujet n'a rien d'exceptionnel et c'est donc bien l'auteur qui doit le rendre enivrant)

Pour moi c'est un bon roman pour préado abordant tout juste la littérature, rien de plus.

Shûsaku Endô travaille toujours comme cela, une histoire simple, sans événement extraordinaire, avec des personnages ordinaires, réagissant, avec leur logique, aux faits.
Et arrive un moment où certains personnages (les plus sûrs d’eux souvent) se retrouvent enfermés dans leurs contradictions et, mine de rien, Shûsaku Endô montre la sortie. Evidemment cela peut sembler simple et poussif mais vu l’importance des hiérarchies sociales au Japon actuellement (à l’époque, c’était encore pire), la plupart des individus n’ont pas assimilés le message…et c’est pas mieux dans nos sociétés occidentales où l’une des premières questions que l’on s’entend poser est : « quel est votre métier »…

Un préado n’a pas besoin de remettre en cause ses contradictions puisqu’il se les cherche encore …

Le préado est bourré de préjugés et de contradictions. Il suffit de l'avoir été pour s'en souvenir.


Mais encore une fois j'avais bien pigé le propos de Endo
(cf.

Citation :

Il plaide pour le gris et ses tons innombrables en faisant du noir et blanc.

)

Mais son tsyle est imbouffable, cette désagréable sensation d'être tenu par la main à chaque pas du récit, ces répétitions balourdes du PEU d'images ou métaphores utilisées pour motiver son récit (ouais ouais gaston est chevalin...) font que de l'histoire simple (je suis convaincu qu'une histoire simple peut donner de très beaux textes, je pense à Carver, je pense à Mansfield, je pense à Banana...) nous passons à l'oeuvre simpliste.

Et qu'on ne me dise pas qu'il a un style épuré, Carver (encore une fois) ou Duras ou même Yoshimura (quoique dans une bien moindre mesure) ont un style épuré, le sien (bien entendu je ne parle que d'un admirable idiot, qui n'est pas salué par ses pairs comme son livre le plus intéressant) est PLAT, pas d'invention, pas de singulier derrière la plume.

je crois que vous avez fait le tour d' un admirable idiot si vous connaissez un autre titre....

Comme c’est le seul titre de cet auteur lu par Rodolphe, on peut difficilement discuter sur un autre. De plus, comme il trouve le style Shûsaku Endô « imbouffable », il n’en lira sûrement pas d’autres, sauf par obligation, mais le style ne changera pas et comme Shûsaku Endô est mort il ne pourra pas se rendre compte de sa médiocrité et prendre des leçons de Rodolphe concernant sa psychologie des préados…

Couronné par les plus grands prix littéraires du Japon, traduit dans le monde entier, son oeuvre le classe aujourd'hui au premier rang des écrivains japonais. Pas mal pour un simpliste plat destiné aux préados…

Je suis désolé qu’un admirable idiot, beaucoup trop facile à comprendre, ne se soit pas montrer à la hauteur de l’intelligence de Rodolphe. Vous pensez un homme qui a lu Carver, Duras ou Yoshimura dans le style épuré ainsi que Carver (encore une fois), Mansfield ou Banana pour les histoires simples…
Toutes mes excuses pour un simple avis de lecteur et non celui d’un étudiant qui sort ses références…

boah je sors mes références pour te dire ce qui me fait vibrer, pas pour le plaisir du nom posé.

On va pas refaire une scène, comme cela fut dit et redit, un avis est une affaire du singulier, et l'intérêt de ce forum est de voir comment des personnalités différentes réagissent face aux auteurs.

les habitués de GDS commencent à avoir une petite idée de mes goûts et réactions, ils doivent aussi avoir une idée bien plus poussée des tiens (et tiennes), observer nos réactions quasiment antithétiques sur Shusaku est plus riche pour le forum que de nous voir dans le consensus.

Ca leur permet de se faire une petite idée de l'auteur et surtout, ça démontre qu'il leur faut avant tout aller voir par eux même, vu l'abysse entre nos deux avis.

Sinon mes études ne me forceront pas à lire Shusaku, je pourrais passer à travers mais, étant donné le prestige de l'auteur que tu soulignas fort à propos, c'est mon peu de zèle qui me turlupine et qui me pousse à aller voir un autre bouquin de lui ( cette fois-ci directement traduit du japonais).
Il peut arriver qu'une rencontre ne se fasse pas du premier coup ; pour revenir à elle et à mes références denses, encyclopédiques même, il y a quelques livres de Duras que je n'aurais pas aimé lire en premier...

Qui sait pour Endo le prochain sera peut être le bon.

(PS. un désaccord sur un point n'est pas une faillite complète, j'ai souvent apprécié tes remarques dans GDS et, ô ironie, c'est en lisant ton fil sur Shusaku que je suis allé l'emprunter)

Je viens de retrouver avec émotion Endo.
J'en ai profité pour lire ce fil et je suis tombée des nues !
Pour moi, l'Eternel idiot est un livre inoubliable !

J'ai donc retrouvé avec bonheur cette fausse légereté Japonaise, avec Volcano, le livre qu'Endo écrivait parallèlement à l'Eternel idiot, justement.

Endo y pose un peu son problème personnel, métaphysique. Sa mère l'a baptisé très jeune. Il hérite alors du prénom chrétien de Paul.

Rappelons qu'il fera ses études de lettres en France, dans une grande solitude. Il en tombera malade et l'écriture sera un exutoire.

Le présent livre montre la rupture entre la sagesse Japonaise, shintoïste, imprégnée de sacré et d'interdits et cette religion lourde qu'est le christianisme.

Religion faite de culpabilité et culpabilisante. Du moins, l'évoque t-il à travers certains personnages.

Mais elle peut laisser les coeurs aussi vides que des coquilles et le manque d'amour dénature alors l'essence du message christique.

Le livre s'ouvre avec la mise en retraite d'un vieil homme, qui a dédié toute sa vie au volcan près de chez lui. Un volcan qui sommeille, mais dont la tonitruance peut se manifester à chaque instant.

Comme le mal chez l'homme. Ce leitmotiv allégorique va illustrer les tourments de plusieurs personnages : ce vieil homme qui réalise que son entourage ne l'aime pas, qu'il vieillit, va mourir et que le volcan, son compagnon, son âme soeur presque, commence à fumer...

Il y a le prêtre défroqué, l'ancien père Durand. Il a renié l'Eglise. Il doute et en même temps craint Dieu.

Le christianisme est-il crédible pour un Japonais ? Il répond "non, car vous n'avez aucun sens du péché".

Au-delà de ces interrogations spirituelles, qui sont la voix même d'Endo, se dresse une petite galerie de personnages peu reluisants.

Individualistes, rapaces. Et qui se cachent derrière les convenances (comme la femme du vieux, qui se tait, mais déteste sa soumission et son mari...)

Des profils plein d'arrière-pensées.

Ah que les silences parlent et crient !

De là à condamner une société dont la tradition est aussi basée sur le pharisaïsme, il n'y a qu'un pas.

Pas franchi avec cette plume si aérienne, qui dit peu mais raconte tout, pleine de tristesse pour ces destins humains moribonds.

Le ton est pessimiste.

C'est pourtant du grand art littéraire.

Ah, au fait, le volcan s'agite à la dernière ligne ...

Je m'étais terriblement ennuyé en lisant "Le Fleuve Sacré" mais j'ai repéré "La fille que j'ai abandonnée" chez un bouquiniste samedi dernier.
Il doit encore y être.
Vos commentaires sur "L'Eternel idiot" me titillent.

Thierry a écrit:

Je m'étais terriblement ennuyé en lisant "Le Fleuve Sacré"

Le Fleuve sacré est le seul que j'ai lu pour l'instant de Shûsaku Endo. Personnellement j'avais beaucoup apprécié les histoires des différents personnages. J'ai trouvé particulièrement touchante celle du jeune homme parti au séminaire à Lyon. Alors qu'il était trop catholique pour ses comparses japonais, il est trop japonais pour ses co-séminaristes. Certes le thème de la différence et de la difficulté à se positionner n'est pas nouveau. mais Endô déroule son récit avec finesse.

Il me faudrait en lire d'autres pour me faire une meilleure idée de cet auteur. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les différents commentaires à propos de cet auteur sur ce fil; je devrais rapidement trouver de quoi satisfaire ma curiosité.