Max Frisch

Frisch est né le 15 mai 1911 à Zurich. Cent ans plus tard, l’auteur de Stiller et Homo Faber, qui souvent raya de sa plume acide la carapace dorée de la Suisse, a conservé une autorité parfois monochrome en Suisse alémanique.

Il est très joué en Allemagne, plus rarement en France où j'ai quand même vu Monsieur Bonhomme et les incendiaires: Pièce didactique sans doctrine



252 p

Walter Faber, le héros d'Homo Faber, est-il le portrait jumeau de son auteur ? Ingénieur au service de l'Unesco, Faber entreprend de raconter sa vie dans une langue sèche, précise, rigoureuse et parfaitement désincarnée. Mais comment parler de sa vie ainsi ?

Si la langue technique est exemplaire et adéquate pour rendre compte des lois de la nature, que peut-elle exprimer de notre intériorité ? Rien ou pas grand-chose. C'est le constat que fait Walter Faber à ses dépens, lui qui s'est efforcé de parcourir le monde et s'est épuisé à vouloir l'analyser...

C'est un roman, je vais voir une pièce de théâtre, Andorra, Gallimard, Collection : Le Manteau d'Arlequin.

Dans Andorra, l’écrivain suisse alémanique Max Frisch met en lumière les mécanismes sournois de l’antisémitisme, ainsi que la lâcheté et les compromissions de ceux qui l’attisent et le propagent. Cette pièce de théâtre en douze tableaux décortique notamment de façon crue le besoin qu’éprouvent les «petites gens» de désigner des boucs émissaires, lesquels deviennent des victimes expiatoires en des temps agités.

On reconnaît facilement dans ces données de base, en 1961, les ingrédients historiques et idéologiques de l'époque : souvenirs du nazisme et de la collaboration, bien-pensance et opportunisme helvétique, compromission ou inaction criante des autorités religieuses, notamment de la papauté, (le personnage du curé), discours scientifique fondant le racisme (le personnage du docteur), le discours ambiant chargé de sous entendus (je les connais bien, ils sont tous de la même eau), la lâcheté collective (je n'ai rien vu, ce n'est pas notre affaire, ce n'est pas ma faute).

Pourtant la pièce garde des accents modernes, c'est pourquoi elle est toujours jouée et remise au jour, intéressante aussi au niveau théâtral par l'utilisation de deux fils :

- le premier présente l'histoire en train de se faire.

- le second jouxte l'histoire : chaque protagoniste, une fois le drame accompli, déclare au public qu'il n'y était pour rien.

(à suivre).

Andorra

Le metteur en scène, Christophe Rouxel, a dépouillé le décor et le contexte, autant que faire se peut, des données initiales; Une scène tout blanche, avec une maquette d'Eglise autour de la quelle se groupent quelques maisons : milieu renfermé, circonscrit, craintif de l'extérieur.

Si Andorra est un pays imaginaire, l'insistance des personnages sur être ou ne pas être un Andorrien, rejoint des désignations contemporaines apparues après la fâcheuse enquête sur "l'identité nationale", avec pour effet de jeter la suspiscion sur des arbres généalogiques, des provenances, bref de remettre à jour des préjugés de mauvaise mémoire.

Autre intérêt de cette pièce, la "peinture blanche" .

Au début de la pièce, il s'agit de repeindre le village pour honorer Saint Georges, à la fin, c'est pour oublier les drames survenus. On pratique alors l'oubli, l'amnistie, le maquillage, de la même manière qu'un pays passe sous silence des épisodes de lâcheté collective, pratique la politique de l'autruche (archives non accessibles), ou le maquillage positif. Voilà la poussière cachée sous le tapis, et des thèmes devenus tabous. La pureté affichée cache souvent de vilaines coulisses.

Enfin les "hommes en noir" d'Andorra renvoient aux milices politiques et religieuses qui désignent des coupables ideaux, des dissidents, des boucs émissaires, qu'il s'agisse de l'homosexuel, de l'étranger, du vulnérable, du différent.