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| | Saramago [Portugal] | |
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Auteur | Message |
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Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: Saramago page4 Mar 26 Juin 2012, 15:12 | |
| bonjour: j'aimerais savoir si Caïn est pour lecture commune ou accompagnée et j'ai vu en même temps de Barbey D'aurevilly "Un dîner d'athées" qui m'intéresse, celui ci serait pour quand? j'attendrai la réponse de ceux qui sont au courant merci d'avance | |
| | | mazel pilier
Nombre de messages : 1421 Age : 72 Localisation : Carrières sous Poissy Date d'inscription : 19/01/2007
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mar 26 Juin 2012, 15:18 | |
| - Amadak a écrit:
- bonjour: j'aimerais savoir si Caïn est pour lecture commune ou accompagnée et j'ai vu en même temps de Barbey D'aurevilly "Un dîner d'athées" qui m'intéresse, celui ci serait pour quand?
j'attendrai la réponse de ceux qui sont au courant merci d'avance pour Barbey, pendant les vacances je pense | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mar 26 Juin 2012, 15:25 | |
| CAÏN
en lecture accompagnée, je le commence ce soir ou demain. | |
| | | Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: Saramago page4 Mar 26 Juin 2012, 15:30 | |
| merci, deux questions: les vacances chez vous c'est quand? et pour lecture commune nous avons quoi? | |
| | | mazel pilier
Nombre de messages : 1421 Age : 72 Localisation : Carrières sous Poissy Date d'inscription : 19/01/2007
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mar 26 Juin 2012, 15:49 | |
| - Amadak a écrit:
- merci, deux questions: les vacances chez vous c'est quand? et pour lecture commune nous avons quoi?
juillet/août | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mar 26 Juin 2012, 18:08 | |
| pour lalecture commune de juin, c'était Balzac et muriel barbery que tu as lus. Pour Juillet, il faut suivre le fil lectures communes de juillet, où rien n'est encore décidé. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mer 27 Juin 2012, 05:21 | |
| J'ai commencé Cain, et je m'amuse.
Bien sûr on connaît l'histoire, mais la facon dont Saramago la raconte est pleine de saveur : multiples décalages faisant de Dieu le père un patron venant visiter sa troupe, d'Adam et Eve, des garnements désobeissants qui innovent dans les plaisirs, Caïn en insolent qui a des arguments en sa faveur...
A vrai dire, je suis moins sensible à l'argumentation "metaphysique" (oh ! bien familière) qu'au ton rebelle de Caïn, et à la tonalité sarcastique, pleine de verve du récit.
Saramago m' a paru inspiré dans les dialogues, bonimenteur dans sa présentation, avec les clins d'oeil d'usage au public : moi je marche dans sa combine. On devrait le lire à voix haute, voire le mettre en scène.
(a suivre, je n'en suis qu'au début, bien allègrement mené). | |
| | | mazel pilier
Nombre de messages : 1421 Age : 72 Localisation : Carrières sous Poissy Date d'inscription : 19/01/2007
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mer 27 Juin 2012, 07:50 | |
| savoureux je trouve ! Juste un détail que je n'ai pas vérifié au sujet de Lillith... il me semblait qu'elle était la première compagne d'Adam et non d'Abel ? | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mer 27 Juin 2012, 08:50 | |
| - Citation :
Lilith... il me semblait qu'elle était la première compagne d'Adam oui, c'est aussi mon avis. confirmé par Joumana Haddad. et dans la postface d' Amour, Prozac, et autres curiosités de Lucia Etxebarria. Une figure essentielle pour les femmes, à ce que j'ai compris, avec ces deux écrivains.Lilith Considérée comme un démon dévorateur, elle est liée à une déesse mère. Démon dévorateur, déesse-serpent, déesse ailée (donc alliant les caractères chtonien et aérien), Lilith correspond à la déesse mère dont on retrouve la trace depuis le paléolithique supérieur. On la retrouverait également dans la « déesse aux serpents » de la civilisation minoenne, mais également sous les traits d’Isis, la déesse ailée de l’Égypte ancienne. Elle aurait été reprise par la tradition juive aux temps de la captivité de Babylone. Aux temps bibliques, elle est une représentation symbolique du matriarcat préexistant au patriarcat.Dotée d’une sexualité illimitée et d’une fécondité prolifique, tout en étant symbole de frigidité et de stérilité, épouse, fille et double du diable, elle rassemble, dans la culture judéo-chrétienne, les côtés négatifs attribués à la féminité archaïque, celle qui ne peut être l’épouse de l’hommeVoilà qui fait réflechir | |
| | | mazel pilier
Nombre de messages : 1421 Age : 72 Localisation : Carrières sous Poissy Date d'inscription : 19/01/2007
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mer 27 Juin 2012, 12:32 | |
| c'est bien ce qu'il me semblait Rotko, merci pour la recherche, | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mer 27 Juin 2012, 15:05 | |
| Saramago n’hésite pas à bousculer les données fondamentales, ou prétendues telles, et à une femme comme Lilith, dévoreuse d’hommes, il peut attribuer comme mari Noé, successeur d’Adam, et tous les amants voulus. En lisant Caïn, on pense à Diderot, à ses adresses malicieuses au lecteur, à ses digressions, aux récits anticipés, avortés, détournés, à quelques écarts dans la conduite de l’âne, de Caïn, ou d’Abraham, ce dernier rencontré par hasard, accompagné de son fils innocent qui ne se doute pas de ce que mijote son père. Là, Saramago pose un problème : sacrifier son fils pour Abraham, n’est-ce pas une manie de Dieu le Père ? On le verra plus tard à l’œuvre... Cet épisode, aussi cocasse que cruel, permet à l’auteur de quitter le langage biblique compassé : « Outre le fait qu’Abraham était un aussi fieffé fils de pute que le seigneur, il était aussi un menteur subtil, prêt à tromper n’importe qui avec sa langue bifide, mot qui en l’occurrence, d’après le dictionnaire privé du narrateur de cette histoire, signifie traîtresse, perfide, trompeuse, déloyale et autres joyeusetés du même acabit. »Passage éclairant car dans cette histoire où les dialogues ne sont pas signalés par des tirets, guillemets et autres, le narrateur est le maître des marionnettes, il les agite, contrefait leur voix, et surveille du coin de l’œil que son auditeur/lecteur est aussi amusé qu’attentif. Pas de problème avec moi | |
| | | Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: Saramago page4 Mer 27 Juin 2012, 20:18 | |
| pour Rotko: une bonne introduction pour comme tu dis souvent, pour ouvrir l'appétit, mais si je ne me trompe pas, Caïn est pour lecture accompagnée. j'ai le livre, pas commencé encore. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mer 04 Juil 2012, 13:04 | |
| Caïn 2/2 La suite du récit de Saramago correspond bien aux premières impressions : le narrateur mélange les épisodes bibliques comme autant de fariboles auxquelles il donne un tour plaisant par la façon de les raconter, - ou des anachronismes : Job, accablé gratuitement de maux, devient l’enjeu d’un pari entre Dieu et Satan, comme le découvre Caïn au cours de ses voyages « sans carte Michelin » . Se dégage du récit l’image d’un Dieu peu soucieux de la vie humaine, comme dans l’épisode de Sodome et Gomorrhe, non épargnées malgré l’habile marchandage de Caïn. Le rire de Saramago s’en prend donc aux textes fondamentaux, et il rend le lecteur complice des aventures héroï-comiques d’un conducteur d’âne - dont les réflexions, pleines de bon sens, valent bien les explications alambiquées de savants théologiens. | |
| | | Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: saramago page5 Mer 04 Juil 2012, 21:16 | |
| Rotko, cher ami, comme habituelles tes analyses sont parfaites. Je lirai Caín, j'ai le livre j'ai lu plusieurs de Saramago, mais à mon avis aucun n'est à la hauteur de "l'année de la mort de Ricardo Reis" où Pessoa qui vient de mourir est présent dans le livre. Un bijou. Caïn est un sujet bien différent, plein d'humour et d'ironie, il a été applaudi par la critique et il a scandalisé les croyants. | |
| | | mazel pilier
Nombre de messages : 1421 Age : 72 Localisation : Carrières sous Poissy Date d'inscription : 19/01/2007
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Jeu 05 Juil 2012, 12:53 | |
| d'accord avec ton analyse.
Gros dépoussiérage très libre des mythes fondateurs et ces allées et venues à travers le temps ne sont pas gênantes.
Dieu n'est pas un personnage très sympathique, normal, il s'ennuie, et joue avec ses créations.
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| | | Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: saramago page5 Jeu 05 Juil 2012, 17:56 | |
| pour Mazel: il n'est pas sympatique, il joue avec ses creations, il s'ennuie et comme l'enfant qui détruit ses jouets, il fait et a fait ce qu'il voulait avec ses creatures humaines. | |
| | | mazel pilier
Nombre de messages : 1421 Age : 72 Localisation : Carrières sous Poissy Date d'inscription : 19/01/2007
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Ven 06 Juil 2012, 07:35 | |
| - Amadak a écrit:
- pour Mazel: il n'est pas sympatique, il joue avec ses creations, il s'ennuie et comme l'enfant qui détruit ses jouets, il fait et a fait ce qu'il voulait avec ses creatures humaines.
en effet, et d'un coup de déluge il efface tout. | |
| | | Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Lun 30 Juil 2012, 09:04 | |
| - rotko a écrit:
- Célinou a écrit:
- Alors là, pour le coup, je suis très déçue. J'ai lu la moitié de " la lucidité " et j'ai pas réussi à le finir, pour l'instant. L'écriture ne me plaît pas du tout. Pas de guillemets, pas de points d'interrogations... ce qui fait que j'ai beaucoup de mal à le lire.
tout est voulu, ni majuscule, ni tiret, ni paragraphe, on le verra avec le voyage de l'éléphant. Les scènes de ménage n'en sont que plus hilarantes : je viens de commencer la lecture de Caïn ! | |
| | | mazel pilier
Nombre de messages : 1421 Age : 72 Localisation : Carrières sous Poissy Date d'inscription : 19/01/2007
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Lun 30 Juil 2012, 09:48 | |
| - Luca a écrit:
- rotko a écrit:
- Célinou a écrit:
- Alors là, pour le coup, je suis très déçue. J'ai lu la moitié de " la lucidité " et j'ai pas réussi à le finir, pour l'instant. L'écriture ne me plaît pas du tout. Pas de guillemets, pas de points d'interrogations... ce qui fait que j'ai beaucoup de mal à le lire.
tout est voulu, ni majuscule, ni tiret, ni paragraphe, on le verra avec le voyage de l'éléphant. Les scènes de ménage n'en sont que plus hilarantes : je viens de commencer la lecture de Caïn ! absolument génial ! pense lire L'Évangile selon Jésus-Christ avant la fin de l'année... | |
| | | Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Lun 06 Aoû 2012, 11:29 | |
| J'ai beaucoup aimé Caïn, pour la jubilation du premier degré (j'ai pensé à Desproges et à Dubout) et pour tout ce qu'il remue au second degré. Saramago ne m'a pas donné l'impression d'invectiver dieu mais plutôt de s'étonner qu'on le fasse, qu'on accorde la moindre foi en toutes ses invraisemblances.
Comme si Saramago, feuilletant les pages bibliques, nous disait : « On pourrait admettre que la Bible soit un beau conte de fées, sauf que le dieu imaginé par ses auteurs est loin d'être une fée, plutôt une sorcière avec un petit pois dans la tête ; comment peut-on prétendre encore construire sa vie - et a fortiori des civilisations - sur de telles billevesées ? » (propos de l'auteur totalement inventés par moi-même)
« Il suffit que l'esprit humain crée et recrée ce en quoi il croit obscurément. »
Finalement, qui est le créateur et qui est la créature ?
Décapant. Et j'adore son style : comme le dit Rotko, on pourrait le mettre en scène ; d'ailleurs je me suis fait la mise en scène dans la tête tout du long. Vivant et enlevé.
Dernière édition par Luca le Mar 07 Aoû 2012, 06:06, édité 2 fois | |
| | | Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Lun 06 Aoû 2012, 12:02 | |
| Tissage littéraire... Dans Caïn, on croise des thèmes vus dans Les Diaboliques : les femmes capables de tout et la semence jetée à terre. | |
| | | Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Mer 15 Aoû 2012, 08:40 | |
| La marque de Caïn ? Adrian Borda I Keep The Smile in My Heart | |
| | | Casus Belli habitué(e)
Nombre de messages : 28 Age : 40 Date d'inscription : 17/12/2013
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Dim 22 Déc 2013, 01:49 | |
| j'ai été scié par l'Aveuglement. l'humanité en prend pour son grade. en quelques jours, toute dignité disparaît, les peurs remontent à la surface, la déchéance est totale, imparable, inéluctable. à chaque page, je me demandais jusqu'à quel point il pouvait nous enfoncer dans le cauchemar. il a un don pour les déceler les peurs humaines. et pourtant, le message me semble très subtil, l'Aveuglement est moins visible qu'il n'y paraît.. | |
| | | Casus Belli habitué(e)
Nombre de messages : 28 Age : 40 Date d'inscription : 17/12/2013
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Ven 27 Déc 2013, 21:55 | |
| ci-dessous, mon analyse de Ensaio Sobre A Cegueira (l'Aveuglement) : Le roman décrit les effets d’une épidémie de cécité, si rapide que l’humanité n’a pas le temps de se retourner et de trouver les solutions adéquates. La mise en quarantaine est un désastre : les conditions de vie y sont dégradantes, la peur prend le dessus, et les êtres humains se comportent en animaux. Les civilités s’estompent aussi rapidement que le jour décline, l’anarchie finit par régner. Les comportements les plus abjectes ont lieu : insultes, vols, viols, tyrannie, meurtres. La peur est au centre de cette descente aux enfers. - Saramago a écrit:
- [page 29] Avec le passage du temps, sans compter les activités de la vie en commun et les permutations génétiques, nous avons fini par introduire la conscience dans la couleur de notre sang et dans le sel de nos larmes et, comme si cela était encore trop peu, nous avons fait de nos yeux des sortes de miroirs tournés vers le dedans, avec pour conséquence, très souvent, qu’ils montrent sans réserve ce que nous nous efforçons de nier avec la bouche
L’apparente bienveillance de nos comportements civilisés vole en éclats. Nos yeux sont tournés vers le dedans, vers notre âme parce que nous scrutons notre intérieur pour comprendre l’autre. L’aveuglement ici décrit est moins la perte de vue au sens propre, mais au contraire de comprendre que nos sens nous trompent, nous aveuglent, et une fois qu’on s’en trouve privés, du moins de la vue, nous recouvrons une partie de notre être intime, nous sondons notre rapport à l’autre, sans les artifices de la vue. L’œil est trompeur, mais pas le regard. Casus Belli - Saramago a écrit:
- [page 356]Tu te trompes, les images voient avec les yeux de ceux qui les voient,
La nature ne nous a pas fait propres, l’âme est encore plus sale que le corps - Saramago a écrit:
- [page 209-210]…, pour autant que cela ait encore un sens de parler pureté du corps dans cette maisons de fous où nous vivons, quant à la pureté de l’âme, nous savons que personne ne peut s’en approcher.
Aussi laids soient nos intérieurs, ils tapissent notre être. Ainsi, rendus aveugles, la peur prend le dessus, s’entretient, se nourrit d’elle-même avec d’autant plus de force lorsque tout un groupe d’individus est frappé de cécité et forcé de vivre ensemble (en quarantaine). En lui-même, l’œil n’indique rien. Le regard est de notre propre fait, de notre volonté. - Saramago a écrit:
- [page 275] les yeux proprement dits, n’ont aucune expression, les yeux sont deux billes inertes même quand ils sont arrachés, ce sont les paupières, les cils et aussi les sourcils qui ont la charge des diverses éloquences et rhétoriques visuelles, pourtant ce sont les yeux qui récoltent la renommée,
De même ce que l’on voit de l’autre est de notre fait. L’histoire de l’Humanité est-elle si différente ? Au sein de cet asile mis en quarantaine, l’histoire de l’humanité se rejoue : méfiance vis-à-vis des autres, regroupement par territoires (par dortoirs), tentative d’organisation, désignation d’élus ; mais la face sombre des comportements humains se découvre : individualisme, vols, asservissement, utilisation d’armes, demande de rançon, viols et homicides. La situation est très similaire à celle des prisons. Les points suivants abordent et les aspects de la vie de celles et ceux qui ont perdu la vue, et les aspects de la vie de l’Humanité en général et de ses tourments, afin de montrer que l’Aveuglement nous frappe tous (surtout celles et ceux qui ont la vue) : • Les guerres demeurent - Saramago a écrit:
- [page 220] Ça sera la lutte, la guerre, Les aveugles sont toujours en guerre, ils ont toujours été en guerre, » p 240 : « ce qui parvient à ses oreilles c’est le vacarme des scélérats du dernier dortoir qui fêtent leur victoire militaire par des agapes,
Même avec la vue, les guerres ont lieu. Sommes-nous aveugles ? La mésentente, la peur, la recherche des ressources nous pousse à nous entretuer. Avec ou sans la vue, nous sommes aveugles. • L’amour - Saramago a écrit:
- [page 113]Des porcs, ce sont des porcs. Ce n’étaient pas des porcs mais simplement un homme aveugle et une femme aveugle qui ne connaîtraient probablement rien d’autre que cela l’un de l’autre.
Même avec la vue, connait-on pour autant mieux l’âme de l’autre ? Même sans la vue, l’Amour et son intimité n’ont pas pris ombrage. • L’asservissement des femmes est un des thèmes présents. Lorsque le dortoir tyrannique demande des femmes pour son plaisir, c’est toute une partie de l’histoire des femmes qui se trouve convoquée ici : victimes des comportements primaires des hommes, assujetties à de la viande fraîche à consommer. - Saramago a écrit:
- Et que feriez-vous donc si au lieu de demander des femmes ils avaient demandé des hommes, que feriez-vous, racontez-nous donc un peu ça.
La lutte (et non la guerre) des sexes refait surface. • Avoir la foi, même en enfer : qu’est-ce qui nous pousse à continuer de vivre, même en enfer ? - Saramago a écrit:
- [ page 229] Seule mourra la personne dont les jours sont comptés et personne d’autre, dit le médecin
L’incertitude sur le moment et les circonstances de notre mort est un moteur. Il nous faut nous cacher la conscience de notre mort, faire comme si nous n’allions pas mourir pour agir, pour continuer la lutte. Avoir la foi. - Saramago a écrit:
- [page 237]c’est ça aussi la cécité, vivre dans un monde d’où tout espoir s’est enfui.
• Le sacré : ce combat est également abordé sous l’angle du sacré - Saramago a écrit:
- [page 233] Les aveugles avancèrent comme des archanges ceints de leur propre splendeur,
Même avec la vue, nous nous auréolons d’une lumière divine, d’une foi intérieure (et qui donne lieu, hélas, à des religions). • Savoir être un tyran : lorsque l’homme qui portait l’arme est assassiné, un autre la prend. Mais il ne suffit pas d’être en possession des moyens, il convient aussi de savoir user du pouvoir avec assurance - Saramago a écrit:
- [page 237] l’aveugle comptable ayant commis la grande erreur de penser qu’il lui suffirait de s’emparer du pistolet pour avoir automatiquement le pouvoir en poche, or le résultat fut précisément le contraire, chaque fois qu’il fait feu c’est comme s’il tirait par la culasse, en d’autres termes chaque balle tirée est une fraction d’autorité perdue, […] De même que l’habit ne fait pas moine, de même le sceptre ne fait pas le roi, […] Et s’il est vrai qu’à présent c’est l’aveugle comptable qui brandit le sceptre royal, on est tenté de dire que le roi, bien que mort, bien qu’enterré dans le dortoir, et mal enterré, […], continue à être présent, et même très présent, à cause de sa très forte odeur
Nous avons ici une métaphore et un paradoxe : il ne s’agit pas de l’odeur du corps, mais de l’odeur de la tyrannie : le pouvoir est là, mais la personne qui l’a pris ne sait pas s’en servir, et cela excite d’autant plus les hyènes alentour, qui aimeraient bien prendre la place. • Le pouvoir du mythe : nous avons horreur d’un passé creux (pas vide). Il nous faut une explication sur l’origine. - Saramago a écrit:
- [page 297] il est tout à fait compréhensible que quelqu’un demande comment il est possible de savoir que les événements se sont déroulés ainsi et pas autrement, et la réponse à donner est que tous les récits sont comme ceux de la création de l’univers, personne n’était là, personne n’y a assisté, mais tout le monde sait ce qui s’est passé.
• Redéfinir le bien et le mal : dans une société nouvelle, ou après un cataclysme, dans une nouvelle configuration, le bien et le mal sont à redéfinir, en commençant par se positionner par rapport aux autres - Saramago a écrit:
- [page 308] nous sommes tous égaux devant le mal et le bien, je vous en supplie, ne me demandez pas ce qu’est le bien et ce qu’est le mal, nous le savions chaque fois que la cécité était une exception, les notions de juste et d’erroné sont simplement une façon différente de comprendre notre relation à l’autre, pas celle que nous entretenons avec nous-mêmes et à laquelle nous ne pouvons nous fier,
Vivre en société c’est redéfinir le bien et le mal tous ensemble. La notion de bien et de mal selon notre vue individuelle existe mais est inefficiente ou peu efficiente. • Autrui est toujours lésé : l’égalité parfaite n’existe pas. Tant qu’il y aura des pauvres, une classe aisée, des avantages, etc. la moindre de nos actions sera politique. - Saramago a écrit:
- [page 352]tout ce que nous mangeons est volé à autrui, et si nous volons autrui excessivement nous finissons par causer sa mort, au fond nous sommes tous plus ou moins des assassins,
Inutile de se trouver en situation d’anarchie pour se rendre compte que la vie des uns se fait sur le dos des autres, que le prolétaire a toujours socialement existé. Un des éléments clé du roman, est d’avoir introduit un personnage qui voit : la femme de l’ophtalmologue. Elle permet de rendre compte que la vie se réorganise par les sentiments. C’est après avoir recouvré la vue, après avoir compris et vécu nos peurs, que l’on se connait mieux, qu’enfin l’on « voit » mieux, l’on sort de l’aveuglement (au sens métaphorique) : - Saramago a écrit:
- [page 362] j’ai même l’impression de voir mieux que je ne voyais,
Je termine l'analyse par cette sentence lapidaire : - Saramago a écrit:
- [page 336] l’expérience de ces derniers temps n’a fait que nous dire qu’il n’y a pas d’aveugles mais des cécités
phrase que je placerais au frontispice du roman. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Saramago [Portugal] Sam 28 Déc 2013, 08:23 | |
| le contraire de l'aveuglement serait-il....
Lucidité -- José Saramago ; trad. du portugais par Geneviève Leibrich Seuil 354 p. "Ensaio sobre a Lucidez". Prix Nobel de littérature en 1998. A la suite d'élections municipales qui font apparaître 83% de votes blancs sans aucune abstention, le gouvernement et les partis politiques paniquent et, convaincus qu'il s'agit d'une conspiration organisée, choisissent la répression.
Les citoyens s'organisent et couvrent la ville de leurs intentions de vote. L'auteur dénonce les formes dévoyées des démocraties modernes. | |
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