Luca pilier
Nombre de messages : 2880 Age : 112 Date d'inscription : 15/06/2011
| Sujet: Jean-Marc Moutout : De bon matin Dim 30 Oct 2011, 09:21 | |
| Lundi matin, Paul Wertret se rend à son travail, à la banque où il est chargé d’affaires. Il arrive, comme à son habitude, à huit heures précises, sort un revolver et abat deux de ses supérieurs. Puis il s’enferme dans son bureau. Dans l’attente des forces de l’ordre, cet homme, jusque là sans histoire, revoit des pans de sa vie et les évènements qui l’on conduit à commettre son acte.C’est un film sec. Sec et dur. À l’image de cet univers professionnel d’où l’humain est désormais exclu. Étrangement silencieux aussi. Tout particulièrement le lieu professionnel, avec ses cloisons de verre et ses moquettes. Tout y est délesté des bruits humains. Les coups de feu n’en retentiront que plus. Le temps narratif est déconstruit, à l’image de la lente désintégration de Paul. La réalité nous parvient en fragments épars, qui n’ont pas un sens linéaire mais un poids cumulatif. Les éléments s’empilent les uns sur les autres, les uns après les autres, les uns dans les autres, pour peu à peu noyer l’homme sous la masse. Jean-Marc Moutout fait montre d’une étonnante clairvoyance, parsème l’histoire de détails insignifiants à l’œil profane mais tellement signifiant pour celui qui a traversé une telle épreuve. Les petites humiliations répétées, la gentillesse extrême du manipulateur avec les autres, qui fait qu’on ne sera pas cru lorsqu’on parlera – alors on ne parle pas, et on finit même par douter soi-même. Il est bien étonnant de constater à quel point l’histoire est toujours identique. On peut voir De bon matin, lire les livres de Marie-France Hirigoyen ou de Jean-Marie Abgrall, on y retrouvera toujours les mêmes étapes, les mêmes signes, les mêmes conséquences. Et pourtant, ça se rejoue, encore et encore. Comme si, chaque fois, l’essentiel était de ne pas être, soi, la victime. « Tant que ce n’est pas moi… » À tel point que lorsque le drame survient, tous se soumettront à la même incantation : « S’il a craqué, c’est qu’il y avait autre chose. Moi, dans sa situation, je m’en serais sorti ». C’est oublier la mécanique toile d’araignée qui se met en place lors de ces situations de harcèlement. Avant d’inoculer lentement le poison, on prend bien soin d’isoler et d’immobiliser la victime, de lui enlever la possibilité de fuir. Quels sont les mécanismes de ce piège ? Je n’en sais rien, ou si peu ; mais le résultat est là : cela fonctionne. Chaque fois. Enfin non, il y a ceux qui fuient juste à temps. L’ami qui a été viré est un chanceux. Il dit : « Toi tu es encore à l’intérieur, fais attention à toi ». La collègue qui a été virée est une chanceuse. Elle dit : « Je ne veux plus entendre parler de cette histoire, foutez-moi la paix ». Mais pour Paul, il est trop tard. Il est déjà en dehors de sa vie, de la vie. Un court instant, il tente de fixer ce qui lui est essentiel, le cœur de sa vie : l’homme, la femme, l’enfant. Mais le temps reprend son cours. Les cloisons de verre se sont multipliées et ont envahi son monde bien au-delà de son univers professionnel. Personne ne peut le comprendre puisque lui-même ne comprend pas. Darroussin est glacial, parfait, froid parce que déjà mort. Même le psy est à côté de la plaque. Alors Paul lui dit ce qu’il a envie d’entendre : les rêves abandonnés, les illusions perdues, l’homme qu’on voulait être et qu’on a oublié en route... Parce que ce psy oublie – et tous feront de même - l’essentiel : on juge sa vie depuis le lieu où l’on se tient. Voir la bande annonce. | |
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Drella pilier
Nombre de messages : 98 Age : 35 Date d'inscription : 30/08/2010
| Sujet: Re: Jean-Marc Moutout : De bon matin Mar 01 Nov 2011, 18:29 | |
| Rien de spécial à rajouter, si ce n'est que j'ai trouvé ce film extrêmement réaliste, froid et "précis" pile comme il le fallait, et Darroussin y est vraiment vraiment excellentissime. Personnellement j'ai vraiment adoré. J'aime bien quand un film retranscrit avec une certaine précision ce qui "fait" l'homme. Son malaise, ses questionnements, ses combats, ses échecs. Sujet excellemment bien traité. A aller voir si le sujet vous intéresse. | |
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