Aksel Sandemose [Norvège]

UN roman norvégien. Je repense à lui après avoir lu Vesaas

Aksel Sandemose, Le marchand de goudron, Actes sud.

"la véritable haine ne s'éteint jamais".

En couverture,un détail de "Mélancolie" d'Edvard Munch.
Sur ce roman norvégien paru en 1945 planent les grandes
ombres de l'histoire, la montée du nazisme et l'invasion allemande. Audun Hamre est un personnage solitaire, , obsédé par les malheurs de son passé et hanté par l'idée de se venger.

Citation :

"Tous criminels ou pas, nous sommes poussés par de sombres puissances vers le marécage noir qui nous engloutira.".

Ce roman expressionniste est singulier, bâti comme un puzzle avec des dates qui reconstituent la chronologie. Le narrateur est mauvais, comme l'humanité elle-même, et ses forfaits accomplis, il se terre dans son repaire comme un renard.

Certaines scènes sont très inquiétantes : une scène d'hystérie dans une secte, des cauchemars, des visions morbides. On pénétre en vrille dans ce roman , comme ferait un tire-bouchon, pour une plongée dans la souffrance humaine.

Pour l'auteur, la littérature enjolive les faits.
Avec Sandemose,

Citation :

"on ne vole pas sur les ailes de l'aurore, mais on patauge sur quelque chemin, sous la pluie par surcroît".

180 pages pour ce voyage en enfer, je trouve que ça vaut le déplacement.

Un petit extrait

Citation :

"Assis devant la cheminée, il songeait combien le crime est ennuyeux dans son déroulement réel. Ceux qui écrivent et lisent des romans policiers oublient toujours l'essentiel, dont ils ne s'avisent probablement jamais : le suspense, le romantisme - y compris le romantisme des brigands de grand chemin, n'existent que dans l'imagination ou dans les souvenirs, lorsqu'on revit d'une manière intense, ce qui s'est passé ou aurait pu se passer.

C'est plus excitant de lire l'histoire d'un homme qui fuit la police que d'être soi-même à la place de cet individu. Lorsque soi-même on participe à la chasse à l'homme, celle-ci devient un travail dont il est difficile de de distinguer les attraits.

Quant à celui qui raconte une expérience d'une manière brève et "virile", soit il fait preuve d'un manque d'imagination, soit il n'a fait que participer à l'évènement, sans l'avoir vécu.

La réalité est sèche jusqu'à ce qu'elle se transforme en un spectacle..."

A priori, je préfère l'atmosphère des romans de Tarjei Vesaas...

Curieusement lire l'un - Vesaas, m'a rappelé l'autre, et le passage que Swalow et moi avions choisi aurait pu être signé par Sandemose.

Citation :

Nous sommes tous des bêtes vivant au bord des rivières. La nuit est à nous. Nous sommes tous des petites bêtes noires, habitant loin, à l'intérieur des terres, dans des trous, où nous nous réfugions lorsqu'on enlève les pierres sous lesquelles nous nous cachons. Nous sommes tous comme des vers dans la boue qui s'amoncelle au fond d'une rivière. Nous sommes enfoncés là-dedans, ayant une vie sans bornes. Nous nous trouvons dans des endroits que le soleil n'atteint pas, mais nous possédons notre propre lumière grâce à laquelle nous nous rencontrons avant de poursuivre notre cheminement solitaire dans la profonde obscurité.

C'est en tout cas un livre que j'ai lu avec plaisir et que je n'ai pas oublié.

L'extrait que j'en donne vise surtout les amateurs de romans policiers mais il n'est pas représentatif de l'histoire du marchand de goudron.

Sandemose a aussi ecrit le clabaudeur chez Elan, et matelot de norvege chez stock.
+ chez laffont, le loup-garou, et le secret de l'île aux bienheureux Edité par Esprit ouvert