alexis Jenni, l'art français + Elucidations

Ca fait déjà un moment que ce livre fait couler  beaucoup d'encre à sa louange, mais à écouter Roland de Castro et Gérard Mordillat, entre autres, à "la grande table" de france-Culture, on comprend bien les enjeux et les réussites de ce récit.

A les écouter, c'est une fresque historique qui va de 1954 à nos jours et soulève le pan de l'histoire coloniale.

Depuis l'indochine jusqu'à l'Algérie le contexte de guerre entre la metropole et ses colonies n'est guère abordé à sa juste mesure. Pourtant les interrogations demeurent, posées par des écrivains comme Laurent Mauvignier ou Jean-Pierre Spilmont.

Les films sur ces guerres coloniales sont rares, et il faut bien avouer que le sujet fait peur sauf sur GDS* :la colonisation laisse des traces.

Tel serait le point de vue d'Alexis Jenni qui ponctue son récit de commentaires sur la France Contemporaine, sur l'identité nationale, trop souvent conçue comme restrictive par les partis au pouvoir.

Tout le monde en parlait, le Goncourt l'a couronné.

nouveau mérite !

le nouvel obs le trouve sympa !

Ses élèves ont dix-sept, dix-huit ans. Ils iront sans doute jeter un œil au roman de leur prof. Ils y trouveront des scènes où le narrateur parle de son absentéisme, de ses journées de glandeur, de ses marathons sexuels, de son sperme qui sèche sur ses poils pubiens. Que vont-ils dire ? «J’espère bien qu’ils en sont là, qu’ils ont fait pareil…», explique-t-il.

Des langues vipérines s'expriment dans Libé et moquent son milieu d'origine : l'EN.


Je vois pas pourquoi.

Quoi ?


J'ai rien dit moi, je fais que répéter.

Je me lance dans la lecture de l’art de la guerre, un livre de 600 p. qui emprunte son titre à Sun-Tsu, avec une anecdote : on peut faire manœuvrer tout homme pour la bataille en lui inculquant l’obéissance.

Le préambule [ « commentaires I »] est brillant ; d’ un style vif et ironique, il démonte les relations guerrières transmises par nos médias, qui nous abusent par les chiffres qu’ils brandissent et
une balance occidentale qui estime à peu la vie des autres populations.

Réjouissons-nous : la technologie guerrière est aussi au point que l’information-propagande des medias !!

un petit passage qui concerne les contrôles d'identité :

"Le contrôle d'identité suit une logique circulaire : on vérifie l'identité de ceux dont on vérifie l'identité, et la vérification confirme que ceux-là dont on vérifie l'identité font bien partie de ceux dont on la vérifie. Le contrôle est un geste, une main sur l'épaule, le rappel physique de l'ordre. tirer sur la laisse rappelle au chien l'existence de son collier."

« Evidemment, si on compare à la production courante, il va de soit que «l’Art français de la guerre» n’est pas un mauvais livre. On est du côté de la littérature, ça ne serait même pas intéressant d’en parler, sinon. J’ai été bluffé par les cinquante premières pages où, en baisouillant sa copine, le narrateur regarde la Première Guerre du Golfe à la télévision, celle dont Baudrillard disait qu’elle n’avait pas eu lieu, ce qui avait fait hautement scandale.

C’était la première fois qu’on voyait une guerre uniquement à travers des écrans. L'épisode raconte quelque chose d’assez fort, avec un style qui, sans être neuf, est contemporain.»

je suis d'accord, l'entrée en matière est brillante.

C'est le début d'un article qui s'en prend à Alexis Jenni.

A mon avis il a tort, même si dans ce livre je n'ai pas été trop convaincu par Commentaires 2 j’eus des jours meilleurs.

L'analyse de la société de consommation, à l'étalage des viandes, m' a paru convenue. Le rire revenait lorsque le narrateur présentait à des convives interloqués des têtes de mouton et des longueurs entières de boudin débordant des plats ;

Une manière comme une autre de faire partir les fâcheux

C’est une épreuve d’endurance - mais aussi un plaisir, de lire l’art de la guerre de Jenni.

Il est évident pour moi que ce livre est trop long, il demanderait qu’on lise chaque jour 100 pages d’affilée. Le seul épisode d’Indochine ferait un roman à lui seul.

Le narrateur suit la carrière d’Adrien Savignon, de Vichy à l’époque moderne, à travers les guerres coloniales, mais en suivant aussi un fil artistique (Savignon enseigne la peinture au narrateur, ce que le romancier oublie, et se rappelle par intermittences !).

En même temps que ce rappel du passé, le narrateur fait la radiographie de la France actuelle, dont le parcours historique révèle les lignes de force.

"L’art de la guerre du génie français" consiste en la politique de la gifle, c’est-à-dire, du pavé pour écraser une mouche.

Ainsi, p.191 si l’ennemi est « comme un poisson dans l’eau, il faut vider le bocal », adopter des solutions radicales.

A peine sortis de la guerre contre le nazisme et des brutalités de la gestapo, voilà que les victimes françaises deviennent les bourreaux de Sétif et de Guelma en 1945.

Un tel passé éclaire le présent, toujours de l’intimidation, avec des contrôles au faciès, la manie des opérations coup de poing, des interventions qui font d’un petit incident une émeute, aussitôt réprimée avec les rancoeurs et rancunes qu’on connaît.

La bataille d’Alger en fut le modèle

« nous restâmes les maîtres d’une ville dévastée, vidée d’hommes à qui parler, hantée de fantômes électrocutés une ville où ne restaient plus que la haine, la douleur atroce, et la peur générale. La solution que nous avions trouvée montrait cet aspect reconnaissable du génie français les généraux Salan et Massu appliquèrent à la lettre les principes de la géniale bêtise de Bouvard et Pécuchet : dresser des listes appliquer la raison en tout, provoquer des désastres . »

Ce qui explique les défaites coloniales, et actuellement les germes, dans notre pays, d’une guerre sociale.

L’épisode d’Indochine fait connaître les héros français du jour, les forts entourés de têtes sur une pique.

Tout cela se passe de commentaires. C'est bien écrit, mais intellectuellement accablant.

Je suis assez attirée par la lecture de ce livre de part les critiques et le thème abordé , seulement , je ne sais pas , j'ai un peu peur de le trouver trop pompeux , c'est ce que tu sous-entends par "accablant"?

Accablant de voir comment les représentants du pays des droits de l'homme deviennent des chefs de guerre paranoiaques et cruels, aux dépens des populations.

les slogans radicaux de la terre brûlée s'y entendent expressément.

J'ai lu les 2/3 du roman, c'est vraiment un pavé.

Je vais donc attendre que tu le finisses^^

D'ailleurs c'est un essai ou un roman? Parce que de tout ce que je lis , il penche plus vers l'essai.

non, j'arrête là. je ne peux pas lire à une telle cadence le soir. D'ailleurs ce soir je vais voir Senso de Visconti.
Je doute que les jurés du Goncourt aient lu le livre en entier. Ce serait une occupation à plein temps.

Il ne doit pas t'emballer plus que ça si le dernier tiers passe à la trappe^^

j'ai compris la thèse, vu les récits et les commentaires du narrateur, car lelivre alterne récit/commentaires, et j'ai besoin de respirer. D'ailleurs j'ai d'autres tentations, et je suis impatient d'y succomber.

Et comme dirait Wilde...La meilleure façon (...) et tu connais la suite !

J'ai fini de lire ce pavé, après une non-lecture pendant quelques jours. Ma critique est mitigée, pas complète.

Un livre un peu particulier construit avec d'un côté " le roman, " avec six chapitres aux titres variés , ( le premier ; la vie des rats - et le dernier la guerre en ce jardin sanglant). l’histoire de Victorien Salagnon, peintre et vétéran des guerres coloniales françaises, formé aux armes pendant la Seconde guerre mondiale puis passé par l’Indochine et l’Algérie. De l’autre, les " commentaires " du narrateur, jeune lyonnais, qui vit enfermé sous les toits. Il regarde à la télévision les images de la guerre du Golfe. Le récit se situe en 1991. Il rend visite à Salagnon, qui lui apprend l'art de manier le pinceau avec de l'encre de Chine. Entre ces deux êtres , se noue une relation étrange ; celle de la transmission du savoir – l'art de peindre – et de l'expérience – celle des conflits coloniaux.

Un roman tout en longueur, parfois pesant, mais où il y a nombreuses références aux récits fondateurs, ( Homère) et aussi des allusions à ce qui a été l'œuvre de De Gaulle. Il propose un récapitulatif de cet " art français de la guerre" de 1943 à aujourd'hui en s'attaquant à certaines valeurs: le fascisme, l'intégration. Tous les mots appellent à la réflexion. L’amour du verbe chez l’auteur est aussi fort que l’amour du pinceau et de l’encre de Chine chez le héros Salagnon. Nous sommes donc invités à un tango de la mort entre ces deux voix qui rêvent toutes deux de plus d’humanité. Certes Salagon a les mains couvertes de sang mais son pinceau de martre trace l’indicible. Apprendre son art à ce jeune désœuvré vivant de certificats médicaux qu’est le narrateur, sera sa rédemption.

Le narrateur s'interroge aussi sur l'armée, du maintien de l'ordre dans un pays non en guerre, mais où règne" la guerre" dans les banlieues.
Les minorités sont-elles considérées comme des citoyens à part entière ou comme des sujets? C’est là où l’histoire de la guerre devient actualité brûlante.
Voici ,un roman riche en interrogations!!


Quelques extraits :

" Dans le dessin , les traits les plus importants sont ceux que l'on ne fait pas . Ils laissent le vide , et seul le vide laisse la place : le vide permet la circulation du regard , et ainsi de la pensée ."

" - Mais vous, qu'est-ce que vous faîtes là ?
- Auprès de vous ? Je prends de vos nouvelles. Je vous aime bien, jeune Salagnon.
- Je veux dire en Indochine.
- Je me bats comme vous.
- Vous êtes allemand.
- Et alors ? Vous n'êtes pas plus indochinois que je ne le suis, que je sache. Vous faîtes la guerre. Je fais la guerre. Peut-on faire autre chose une fois que l'on a appris ça? Comment pourrais-je vivre en paix maintenant, et avec qui ? En Allemagne, tous les gens que je connaissais sont morts en une seule nuit. "





Blog de Alexis Jenni

Il est juste - et bien tourné, ton avis sur l'art de la guerre.

rotko a écrit:

Il est juste - et bien tourné, ton avis sur l'art de la guerre.

Merci

Il émane du deuxième livre d’Alexis Jenni, Goncourt 2011, une atmosphère plutôt inquiétante, un climat d’effroi feutré, qui vous gagne à la lecture des 50 courts textes qui le composent. L’écrivain fait remonter la mémoire de sa jeunesse, après une mise en garde : « Mes souvenirs sont faux, et les vôtres aussi, tous. C’est une réalité neurologique, et linguistique… » Nous voici donc déjà en léger trouble face aux fragments impressionnistes de Jenni, qui glissent insensiblement vers le fantastique. Par bribes, l’écrivain raconte une enfance des années 1960, dans la lumière des étages d’un de ces bâtiments qu’on nommait alors avec emphase et confiance dans le progrès « les grands ensembles ». La séquence se clôt par une bouleversante vision de sa mère en contre-jour, ardente comme une Jeanne d’Arc au bûcher… Le père, lui, marque tout le recueil, maître qui enseigne au fils les secrets de la matière mais aussi vigie mutique branchée sur la radio matinale. Chez les grands-parents, l’enfant fuit un personnage sorti d’un tableau de Georges de La Tour ; les miroirs gardent l’empreinte des hommes. Les pages se font alors ressassantes, obsessionnelles, incantatoires. Le père meurt, un ami se suicide, et la douleur imprègne tout. Étrangeté de nos vies, où les absents deviennent si présents. À la manière des étoiles, dont la lumière continue de voyager longtemps après qu’elles soient éteintes. Pour défier le chagrin, Jenni tord ses récits, s’échappe par l’imaginaire, glisse à la manière de Borges vers les parallèles dimensions permises par la littérature. Écrire ou survivre à l’impossible oubli.