Lucien de Samosate

Puisque l'on trouve qu'on ne parle assez des auteurs antiques sur ce forum, je me permets de me jeter à l'eau avec ce premier sujet (et c'est parti pour le rite d'initiation).

Lucien naît vers 120 à Samosate en Syrie. Il décrit son enfance, dans l'un des tout premier texte autobiographique que nous ayons conservé, Le Songe :

Citation :

Lorsque j'étais de retour de l'école, ramassant de la cire, je modelais des bœufs, des chevaux et même des personnages, ressemblants à ce que croyait mon père. Cela m'avait valu bien des coups de mes maitres d'école. Maintenant cela me valait des éloges pour ce talent naturel, et le meilleur espoir que j'apprendrais rapidement le métier de sculpteur […] mon oncle m'ayant donné un ciseau, m'ordonna d'attaquer en douceur une plaque de pierre qui était au milieu de l'atelier. Faute d'expérience, je frappai trop fort et la plaque se brisa. Mon oncle se mit en colère, prit un bâton qui trainai à proximité, et me donna une première leçon sans douceur ni effort de persuasion, si bien que mon apprentissage commença par des larmes.

Ainsi détourné de sa vocation première de sculpteur, Lucien se tourne vers la rhétorique. Il devient l'un des orateurs les plus cotés de l'empire et passe sa vie à enseigner de parts et d'autres de la Mare Nostrum.

Comme on peut le voir, à la lecture de ce passage de son autobiographie, Lucien possède un certain don pour universaliser son propos : cette citation aurait bien pu être extraite des confessions d'Augustin, voire de l'ami Jean-Jacques. Certaines de ces œuvres comptent parmi les plus accessibles de la littérature grecquo-romaine. Ses Histoires vraies possèdent des allures de conte philosophique (on qualifie parfois Lucien du titre de Voltaire de l'antiquité), voire de roman de science-fiction (égarée dans l'espace une galère romaine assiste ni plus ni moins à un véritable star war entre les habitants de la Lune et ceux du Soleil, flanqués de leurs alliés venus d'autres planètes). Complément de cette fiction, Comment on écrit l'histoire est une réflexion historiographique toujours d'actualité aujourd'hui (qu'est qu'un bon historien ? Comment résister aux sirènes de la propagande impériale ou nationale ?)

Pour ceux qui sont déjà familiers de la culture hellénistique, je ne peux que recommander l'excellente parodie des banquets socratique qu'est Hermippe. Ou les Philosophes à l'encan, où se vendent et se marchandent les doctrines philosophiques. Lucien a donné une suite à ce texte, le Pécheur, où les philosophes de l'Athènes classique, furieux d'avoir été ainsi vilipendés, reviennent de l'enfer se venger sur l'auteur. Athée convaincu, le bonhomme ne porte guère les chrétiens dans son cœur : Pélégrinos les présente comme une secte mal dégrossie menée par des dirigeants plutôt machiavéliques que mystiques.

Bref c'est plutôt folklore et déluré. Assez éloigné, en somme, de l'image qu'on se fait généralement de l'antiquité.

317 p.

Ce volume propose une sélection d'œuvres de Lucien. Le Songe ou la Vie de Lucien, texte autobiographique, est presque unique en son genre. Le misanthrope du Timon sera repris par Shakespeare. Les Portraits sont un compliment de courtisan et un essai de critique d'art. Une fantaisie débridée, l'Icaroménippe, nous mène chez les dieux et nous révèle leur opinion sur les hommes.

Les Affabulateurs offrent un témoignage intéressant sur la crédulité au w siècle de notre ère. Dans La Mort de Pérégrinos, Lucien, impitoyable, dénonce imposture et malhonnêteté. L'Assemblée des dieux étudie comment les pauvres Olympiens résolvaient une crise de surconsommation de nectar et d'ambroisie. Un chef-d'œuvre de science-fiction, les Histoires vraies, toutes fausses, comme Lucien en avertit le lecteur, ferme le recueil

Eh bé… Rotko a dégainé d'office la principale édition française accessible des œuvres de Lucien.

Sinon, on trouve, toujours au Livre de Poche, les Philosophes à l'encan (traduits par Philosophes à vendre) suivis du Pécheur :



Citons également le cas des Œuvres choisies éditées au Temps des cerises (Philosophes à l'encan, Icaroménippe, Comment il faut écrire l'histoire, La mort de Pélégrinus, Le Pêcheur, Alexandre, Le Songe). Bon, il y a de la reprise par rapport au Livre de poche. Mais aussi quelques inédits indispensables pour un Lucianophile :



Malheureusement, les célèbres Dialogues des morts ne sont toujours pas traduits (même aux Belles Lettres : l'intégrale de Jacques Bompard s'arrête à l'opus 25 sur près de 80). On ne peut les trouver que dans des éditions anciennes…

J'ai acquis récemment le livre dont parle Rotko.

Mais je finis d'abord Alcibiade, qui méritera un fil bien fourni, vu l'envergure du bonhomme.

Merci à Alexander Doria pour nous accompagner. J'ai de fortes carences en littérature antique et je compte bien les combler grâce aux conseils de ceux qui savent...