- rotko a écrit:
- Citation :
- Si cela vous intéresse, je posterai un de ses poèmes à l'occasion...
oui, volontiers.
Voici donc quelques vers de Vermenouze. Bonne lecture... :
Les Burons
I
Sitôt qu'il a humé la première herbe fraîche,
En avril, fatigué d'un sombre et rude hiver,
Et de toujours traîner le lourd collier de fer
Qui lui râpe le cuir et le rive à la crèche,
Le troupeau rouge songe au mont lointain et vert,
Aux immenses plateaux, coupés de larges brèches,
Où, tout l'été, parmi les gentianes rêches,
Il va se parfumer le mufle à ciel ouvert.
Là-haut, c'est le sapin ombreux, l'airelle brune,
Le repos en commun, dans le parc blond de lune,
Le plein air et la liberté pour de longs mois.
C'est, dans l'épais gazon que mouille une eau plaintive,
Le retour à la vie agreste et primitive
Dont vivent les moutons laineux et les chamois.
II
Par un matin de mai, qu'on choisit clair et beau,
En blanc surplis flottant comme une aile légère,
Le long d'étroits sentiers perdus sous la fougère,
A point d'aube, quand s'éveille le corbeau,
Monsieur le Curé vient bénir le grand troupeau,
Avant qu'il n'ait subi la traite coutumière.
Près du parc, les trayeurs soulèvent leur chapeau,
Et le fermier se signe, ainsi que la fermière.
Alors, grave et debout, le prêtre fait pleuvoir
Sur le rouge bétail les pleurs de l'aspersoir,
En prononçant tout haut les formules latines;
Puis les trayeurs, la selle en bois nouée au flanc,
Pénètrent dans le parc inquiet et beuglant,
Et les ruisseaux de lait jaillissent des tétines.
III
En tête du troupeau turbulent, qu'elle entraîne,
Marche, fauve et géante, une aïeule aux longs pis,
Qui fait, voilà vingt ans, l'ascension des puys.
Les vachers, aux sabots en forme de carène,
Lèvent sur le bétail de lourds bâtons de frêne;
Et les pâtres, pour qui c'est un joyeux déduit,
Les pâtres joufflus, dans la poussière et le bruit,
Vont et viennent, criant Dame ! Comtesse ! Reine !
Vermeille !... - Une sonnaille attachée au fanon,
Chaque vache mugit à l'appel de son nom.
Et quand, tout hérissé d'herbe rude, se dresse
Le grand mont, qui jadis nourrissait des aurochs,
Le troupeau radieux, escaladant les rocs,
En un long beuglement cuivré dit son ivresse.
IV
Le troupeau rouge broute à deux pas des abîmes,
Sur un plateau bordé de sombres entonnoirs,
Où, tout échevelés, parmi les sapins noirs,
Des torrents, d'un seul bond, plongent du haut des cimes.
Mais le pâtre, tournant le dos aux monts sublimes,
Regarde, au sud, monter en vapeurs d'encensoirs,
Ces brouillards bleus qui sont l'haleine des beaux soirs;
Et son oeil songe, plein de tristesses intimes,
Car par delà l'azur qui baigne le lointain,
Il est d'humbles coteaux tout parfumés de thym,
Des plaines de bruyère immense et toute rose;
Et c'est là que se cache, aux confins du Cantal,
Sous quelque châtaignier vétuste et grandiose,
Et parmi les genêts en fleurs, son toit natal.
Mon Auvergne(- le "troupeau rouge" désigne les troupeaux de vaches salers, à la belle robe rouge
- les "burons" sont de petits refuges en pierre (toits de lauzes), présents dans les montagnes)
