François de Rosset

Cet écrivain du XVIIe siècle est l'auteur des Histoires tragiques.



Quatrième de couverture

C'est ici non pas l'un des plus grands succès du XVIIe siècle, mais sans doute le plus grand et le plus durable : pas moins de quarante éditions se succèdent entre 1614 et 1758. Longtemps les lecteurs les plus avisés, comme le marquis de Sade, Jean Potocki, Charles Nodier ou encore Stendhal, Alexandre Dumas et Barbey d'Aurevilly se plairont à la lecture d'un livre qu'ils n'hésiteront pas à piller.
A la vérité, on tient dans les Histoires tragiques moins un titre parmi d'autres qu'un genre né pendant l'Antiquité et qui participe tout à la fois du fait divers, de l'anecdote et de la nouvelle. Le sang, la volupté et la mort y règnent, en partage avec la cruauté et le diable. Les personnages font le mal ou s'y prêtent sans état d'âme. La confession et, parfois, la contrition, viennent à la fin, comme pour rappeler qu'on nous a conté l'horreur et le péché sans autre intention que de nous les donner à haïr.
Tout est construit sur cette équivoque cafarde qui entretient la gourmandise des lecteurs auxquels sont découverts les plus bas instincts dans l'intention de les morigéner. Personne ne s'y est trompé, à commencer par Sade.

Mon avis

J'ai bien aimé cette lecture, sans y adhérer tout à fait. Ce qui m'a gêné, c'est que souvent, le style est trop ampoulé et Rosset en fait "trop". On est vraiment dans la caricature : "Regardez comme ils sont vilaiiiiiiiiins !" ; ""La reine est la meilleuuuuuure" ; enfin bref, vous voyez le genre. Il s'en excuse lui-même de façon indirecte : "Il est bien dangereux de dire non seulement des choses fausses, mais encore d'en proférer de véritables, lorsque celui contre lequel on les adresse ne manque point de pouvoir ni de ressentiment." (Histoire II) Mais avouons que la pilule est un peu dure à avaler pour un lecteur du XXIe siècle.

Extrait de l'Histoire I : "Des enchantements et sortilèges de Dragontine, de sa fortune prodigieuse et de sa fin malheureuse"

Lorsque Filotime pensait toucher de front les étoiles, la justice de Dieu, après avoir si longtemps attendu en patience son amendement, se sert de la justice du roi pour châtier ce malheureux. Le voilà tout pompeux qui entre dans le Palais-Royal, suivi de cent cavaliers. On lui ouvre la grande porte et chacun s'incline devant cette idole. Tandis, un homme habillé en prêtre lui présente une lettre et lui supplie de la lire. Ce superbe, qui méprise tout le monde, refuse de la prendre parce qu'il croit qu'on se doit adresser à l'un de ses secrétaires et non à lui qui trenche du prince souverain. Comme cet homme le presse et le suit, il arrive à un petit pont de bois qui sépare la première porte d'avec la seconde. Là, il trouve à sa rencontre le valeureux Adamas, accompagné de son frère Persée et de quatre ou cinq autres vaillants hommes. Adamas porte sa main sur celle de Filotime et lui fait commandement de venir parler au sofi. Cet ambitieux, étonné de la privauté du valeureux Adamas, s'arrête et lui tient ce langage : "Vous me pressez bien, j'irai parler à Sa Majesté sans que vous m'y meniez." - "J'ai le commandement, repart Adamas, de vous mener de la sorte, voire de vous faire mourir." Ce disant, il met promptement la main à l'épée et lui en donne au travers du corps, pendant que son frère Persée et les autres qui l'accompagnent, lui percent la tête à coups de pistolet. Le misérable, tâchant aussi de mettre la main à l'épée, tomba tout mort sur le pont, sans avoir le loisir de se reconnaître ni de demander pardon à Dieu de tant de péchés qu'il avait commis. Misérable mort des pécheurs de qui la naissance a été mauvaise et la vie pire ! Misérable, dis-je, la mort de Filotime, si nous la considérons et jugeons par les effets de sa vie ! Car tout ainsi que la vie de l'homme est bonne, si l'on vit vertueusement, aussi l'on doit peser la mort par les déportements de la vie passée. Voilà pourquoi la mort n'est nullement un mal puisqu'elle nous conduit à l'immortalité, mais elle l'est nécessairement parce que, lorsqu'on a mal vécu, il faut qu'on aille souffrir la peine des supplices éternels.

ah ! Bravo Kervinia je n'avais jamais entendu parler de ce romancier et de cet ouvrage.

Apparemment il serait inconnu du livre de la Pleiade sur les romanciers du XVIIe ?

Charles Sorel (Auteur), Paul Scarron (Auteur), Antoine Furetière (Auteur), Madame de La Fayette (Auteur),

A vrai dire, je suis tombée sur cet auteur par un pur hasard. J'étais chez Virgin, pour tout autre chose que pour acheter des livres, et là, à l'occasion d'une promotion (X livres achetés, un livre offert), ce recueil était exposé. J'ai sauté sur l'occasion. Je dirais que ce que j'ai surtout aimé dans ce livre, c'est le côté "anecdotes croustillantes", et lorsque l'auteur ne fait pas dans le style ampoulé, il écrit très bien.

Je ne l'ai jamais lu, mais je sais qu'il est à l'origine d'une tradition française : celle de l'histoire horrifique. Mais comme le dit Kervinia, ce genre est encore moralisateur, même s'il est assez ambigu. Ses principaux continuateurs, toujours dans une visée morale, sont au XVIIIe s. Dom Calmet et Lenglet Du Fresnoy, et au XIXe s. Pierre Cuisin, Jacques Collin de Plancy, Jean-Baptiste-Benoît Eyriès, Gabrielle Paban (cousine de Collin de Plancy)...

Il faut attendre l'évolution du frénétique avec Nodier pour que le genre soit un peu moins moralisateur. J'ai étudié la préface de Nodier à son recueil des Infernaliana, et on y trouve une ambigüité très intelligemment insérée.

Au XVIIIe cela ne m'etonne pas, même si j'ignore les auteurs cités.

En revanche au XVIIe, je suis surpris. je dois me faire une fausse idée du XVIIe, trop policé dans mon esprit (peut être pas dans la réalité),

alors que les histoires grivoises et scatologiques sont frequentes au XVIe notamment dans l'heptameron - où la société mise en scène est quand même "le dessus du panier".

Moi aussi, quand j'ai lu La Littérature frénétique d'Anthony Glinoer (PUF, "Les Littéraires", 2009), j'ai été surpris de trouver cela au XVIIe s.

Glinoer indique que que le genre de l' "histoire tragique" est hérité des "canards sanglants", ersatz de récits de faits divers. Parmi les plus grands représentants de ce genre, il mentionne au XVIIe s. François de Rosset et Jean-Pierre Camus (évêque). Camus a notamment publié Les spectacles d'horreur, où se découvrent plusieurs tragiques effects de nostre siècle et L'amphithéâtre sanglant, où sont représentées plusieurs histoires tragiques de notre temps, tous deux en 1630.

Pour les autres, voici quelques titres :

- CALMET Antoine (dit Dom), Traité sur les Apparitions des Anges, des Démons et des Esprits et sur les Vampires, ou les Revenans de Hongrie, de Bohème, de Moravie et de Silésie, Paris, Debure l’aîné, 1751, 2 vol.

- LENGLET DU FRESNOY Nicolas, Recueil de Dissertations, anciennes et nouvelles, sur les Apparitions, les Visions et les Songes, Avignon, Jean-Noël Leloup, 1751, 2 vol.
—, Traité historique et dogmatique sur les apparitions, les visions & les révélations particulières. Avec des observations sur les dissertations du R.P. Dom Calmet, abbé de Senones, sur les apparitions & les revenans, Avignon, Jean-Noël Leloup, 1751.

COLLIN DE PLANCY Jacques, Les Contes noirs, ou les Frayeurs populaires : nouvelles, contes, aventures merveilleuses, bizarres et singulières, anecdotes inédites, etc, sur les apparitions, les diables, les spectres, les revenans, les fantômes, les brigands, etc., Paris, Mongie aîné, 1818, 2 vol.

CUISIN Pierre, Les Ombres sanglantes, Galerie funèbre de Prodiges, Événemens merveilleux, Apparitions nocturnes, Songes épouvantables, Délits mystérieux, Phénomènes Terribles, Forfaits historiques, Cadavres mobiles, Têtes ensanglantées et animées, Vengeances atroces et combinaisons du crime, puisés dans des sources réelles. Recueil propre à causer les fortes émotions de la terreur, Paris, Veuve Lepetit, 1820.

EYRIES Jean-Baptiste-Benoît, Fantasmagoriana, ou Recueil d’Histoires d’Apparitions de Spectres, Revenans, Fantomes, etc., Paris, 1812, 2 vol.

NODIER Charles, Infernaliana, ou Anecdotes, petits romans, nouvelles et contes sur les revenants, les spectres, les démons et les vampires [1822], Paris, Pierre Belfond, 1966.

PABAN Gabrielle, Demoniana, ou nouveau Choix d’anecdotes surprenantes, de nouvelles prodigieuses, d’aventures bizarres, sur les revenants, les spectres, les fantômes, les démons, les loups-garous, les visions, etc. ; ouvrage propre à rassurer les imaginations timorées contre les frayeurs superstitieuses, Paris, 1820.

Les titres sont assez évocateurs pour deviner le contenu

(La forme adoptée est celle de ma bibliographie )

ahaha ! bonne pioche, il ya de quoi s'amuser

Citation :

Traité historique et dogmatique sur les apparitions, les visions & les révélations particulières. Avec des observations sur les dissertations du R.P. Dom Calmet, abbé de Senones, sur les apparitions & les revenans,

"l'exorciste" avant l'heure !

Casanova raconte des histoires d'abbé exorcistes qui avaient une manière bien virile de calmer les agitées du démon. Il leur fallait être seul avec la "possédée"

Merci, Prince, pour toutes ces informations

De rien

Nestor a écrit:

Casanova raconte des histoires d'abbé exorcistes qui avaient une manière bien virile de calmer les agitées du démon. Il leur fallait être seul avec la "possédée"

Ou La Fontaine dans "Comment l'esprit vient aux filles" Sacrées méthodes