Le nom qui parle à tout le monde, avec une certaine sympathie, en plus.
Je ne vais pas parler de Robinson, mais de Moll Flanders.
Cet écrivain, qui tient plus de l'aventurier que de l'homme de lettres a écrit sur le tard, après la soixantaine.
On a dit que Moll Flanders était un roman pré balzacien. A nuancer, mais il traite d'une question de son temps (le 18è donc) : la condition féminine. Et comme toujours, elle n'est pas drôle.
A travers les mésaventures de Betty, surnommée Moll Flanders au moment où elle devient voleuse professionnelle. Née d'une mère débauchée, elle se retrouve sans le sou et vite placée dans une bonne famille. Mais sa beauté lui vaut bien des courtisans et des histoires d'alcôves, se soldant en mariages ou en affaires de moeurs.
Que fait une femme sans argent à cette époque ? Le livre répond :
1-elle se marie
2-elle se prostitue
3-elle vole.
De liberté, il n'est point question. Mais d'usage de la ruse, du mensonge ou du corps.
L'auteur nous promène donc au long des 5 mariages de Betty, tous désastreux, avec banqueroutes en trophée. Dont un avec un homme qui se révèlera être son frère.
Pour survivre, une femme n'a que son corps, qui possède évidemment une date de péremption : la fin de sa beauté.
Defoe ne détaille pourtant pas le contexte historique de l'époque. Le livre se passe à Londres (dans les bas fonds), mais il n'y a aucune description du monde urbain. Juste la claustrophobie de ces mariages incontournables pour pouvoir manger.
Defoe va loin : il réduit l'existence de son héroïne à la dimension économique. Comment survivre quand on n'est rien ?
En cela, on évoquera un roman social et militant.
Mais cette vie de vices n'est pas exempte de questionnements spirituels. Après 12 ans de vol, Betty est enfermée en prison. Elle y attend la mort et se repent.
Se repent de sa mauvaise vie (malgré un déterminisme évident) et atteint une sorte de conscience intérieure, une conscience que la repentance est en elle-même un grand bonheur.
La fin est donc assez optimiste.
Attention au style ! Pas facile pour nous.
Il y a quelques longueurs, mais ce livre est un jalon intéressant.