Un meurtre que tout le monde commetUn livre totalement incroyable de talent, qui doit figurer dans toute bonne bibliothèque et avoir été lu. Une histoire apparemment linéaire mais qui se révèle être une trame originale, épousant une boucle qui se referme.
Ceci commence comme suit : nous assistons à l’enfance, l’adolescence et la vie d’adulte d’un jeune bourgeois, Conrad, évoluant dans l’Allemagne des années 20. En milieu urbain, il est confronté à une vie tracée par d’autres. Un père colérique et industriel lui ouvre une voie professionnelle privilégiée, pour laquelle il n’a que peu d’efforts à faire. Une mère soumise et affectueuse, mais effacée et finalement quasiment transparente. Voire inutile...
Les premières passions de l’enfance (chimie, biologie, etc…) défilent comme des lubies vite oubliées et qui déjà, enseignent la fugacité des affects humains. Les premiers émois amoureux se suivent et se ressemblent jusqu’au mariage avec une femme banale, ni belle, ni laide, mais curieusement attirante : sa sœur fut assassinée il y a 8 ans, dans un train.
Conrad, qui ne sait rien de cette belle-sœur, va s’éprendre de cette énigme. On n'a en effet jamais retrouvé l’auteur de ce crime crapuleux où la victime a perdu ses bijoux.
Mais quelle est cette force occulte qui pousse Conrad à enquêter sur une affaire de famille enterrée et si sombre ?
Le livre est très lent, remarquablement subtil dans la psychologie des personnages et surtout des étapes-clefs de la vie de Conrad. Des étapes universelles, où chacun reconnaitra des sentiments vécus.
Mais il y a l’expérience souterraine de la vie. Celle qui ne se narre pas. Que Conrad sent parfois affleurer.
Elle émerge violemment avec ce crime du passé.
Conrad aime pourtant la vie, alors pourquoi plonger dans l'obscurité pour en extraire une maigre réponse à la fatalité ?
L’écriture est dense et fouillée.
Admirable de précision et de cohérence. Imagée et très parabolique.
Sans le savoir, le lecteur est ainsi préparé à résoudre lui-même le mystère d’un meurtre qui lui semble étranger. C’est sans compter sur la maestria de l’auteur qui rend petit à petit le drame proche et familier.
Conrad se l'approprie.
Nous aussi.
Question de destin.
Le mot n’est pas jeté par hasard. Nul n’y échappe et la fin nous laisse époustouflés par la prestidigitation littéraire.
Il faut vraiment
faire l’expérience de ce livre.
Qui est bien plus qu’une lecture.
Vous n’êtes pas passif, vous êtes vous-même invité à monter dans ce train funèbre, comme happé par un sort implacable...