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 Syndicalistes, philosophes et footballeurs

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Simon BRODSKY
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Simon BRODSKY


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MessageSujet: Syndicalistes, philosophes et footballeurs   Syndicalistes, philosophes et footballeurs EmptyMar 08 Fév 2011, 16:31

Syndicalistes, philosophes et footballeurs


M’man m’emmène au bureau demain ; c’est le début de mon stage. J’suis en classe de troisième et il paraît qu’il est temps pour moi de découvrir les réalités du monde de l’entreprise. J’sais pas trop à quoi ça va servir, dans la mesure où j’sais déjà ce que j’veux faire plus tard. J’veux devenir avocat.
Il y a deux ans, j’ai vu un film avec Roschdy Zem : «Commis d’office». C’était génial. Le lendemain, j’ai acheté plusieurs bouquins sur le sujet et je les ai dévoré. Bien sur, j’suis réaliste, j’sais bien que la vie, c’est pas comme dans les histoires de Grisham, mais quand même, la vie d’un pénaliste en France, c’est top. On se frotte à l’humain, au mystère de l’âme, à l’irrationnel. Y a un côté héroïque à l’entreprise. Seul contre tous, face à la meute, au côté d’un pauvre gars qui n’a plus que nous comme espoir. On est là pour rappeler à l’implacable machine judiciaire qu’elle juge un être humain, et pas un dossier comme le voudrait certains juristes, ou un monstre comme le prétende les journaleux. Et quand le Président d’un tribunal, au moment de la plaidoirie prononce les paroles magiques «Maître, vous avez la parole», alors on a tous les droits, on peut tout dire, envoyer chier toutes les conventions... C’est surement le seul endroit au monde où c’est possible.
Avocat... Putain le pied...

Sauf que mon stage, j’peux pas le faire dans un cabinet d’avocat. J’ai fait des demandes, mais j’ai pas eu de réponse. En fait, pour ce genre de trip, faut des relations. Et moi, j’en ai pas. Et m’man non plus.
Comme j’ai rien trouvé, elle s’est arrangée avec son patron. Il est d’accord pour que je le fasse chez lui. Dans une grande boîte de nettoyage. M’man est secrétaire du DRH. C’est pas le top... Mais bon. C’est comme les cours de math, ce s’ra un mauvais moment à passer.


_____________________



ALL CLEAN. C’est le nom de la boîte de m’man. Deux étages entiers d’un grand immeuble à Montreuil. Les bureaux sont modernes, bien meublés, et le boss de m’man à l’air vachement sympas. Il m’installe dans un bureau vide, pas loin du sien, à côté de la salle de réunion. Y a une photocopieuse. Il m’explique que pendant quinze jours, c’est moi qui devrait faire toutes les photocopies du service. C’est une tâche vachement importante, il me dit, parce que ça permettra à tout le monde de gagner du temps, et que le temps, c’est de l’argent. En plus, y a deux personnes en arrêt de travail. Une des secrétaires est en ceinte, et l’autre en arrêt maladie longue durée. Alors, il paraît que je suis «L’homme qui tombe à pique». Il se marre. J’comprends pas... Il me demande si je connais la série télévisée «L’homme qui tombe à pique». J’lui dit que non... Il se marre à nouveau. «L’homme qui tombe à pique»... Il répète ça plusieurs fois, il est pété de rire... Moi aussi, je fini par rigoler. Alors il est content, et il me dit de m’installer...

La journée passe, et je commence à prendre conscience des «réalités du monde de l’entreprise». J’ai plusieurs centaines de photocopies à faire, avec une bécane qui marche quand elle a le temps. Y a tout l’temps des bourrages, et je passe ma vie à retirer les feuilles à l’intérieur. Après, j’ai les doigts plein d’encre et j’dois aller me laver les mains pour pas salir les autres documents. Chaque fois que je passe devant le bureau du boss, il me fait un large sourire et lance à m’man : «Tiens, voilà l’homme qui tombe à pique». Et chaque fois, il recommence à se marrer.
Ca dure comme ça toute la journée. J’suis claqué... et à part le fonctionnement de la photocopieuse, j’ai pas appris grand chose.
Un peu avant l’heure de partir, j’entends que le boss parle un peu fort. Je jette un oeil discrétement, et je le vois derrière son bureau en train d’engueuler un employé. C’est un noir, et il porte la tenue de la boîte. Il a du faire une grosse connerie, parce qu’il garde les yeux baissé pendant que le boss lui parle. M’man est à côté, impassible, elle prend des notes...

- Pourquoi il s’est fait engueuler le mec, je lui demande dans le métro en rentrant chez nous.
- Il venait pour un problème sur sa fiche de paie, et il a commencé à être impoli. Alors Monsieur Brassard lui a rappeler qui était le patron.

J’ai pas envie de manger ce soir. J’suis vidé... J’m’endors très vite, et je rêve que je fais des photocopies, des centaines de photocopies, des milliers de photocopies...


_________________________



Le boss est de mauvais poil ce matin. Il répond par un grognement à mon salut et part s’enfermer avec un de ses collaborateurs. M’man m’explique pourquoi : y a une réunion avec les délégués du personnel aujourd’hui. Et il vont se pointer avec leur représentant syndical. Il s’appelle Brodsky, et c’est un sale con. Il est payé par son syndicat et n’est même pas salarié de la boîte. Alors il se permet tout... Il gueule tout le temps, et fout une merde pas croyable. L’autre jour, il a donné une conférence de presse et a raconté aux journalistes des trucs absolument ignobles. Il est passé sur France 3 Région, et le boss a eu droit à la visite de l’inspection du travail.

- Pourquoi, il avait fait quelque chose de mal ?
- Avec les syndicalistes, le patrons fait toujours quelque chose de mal, répond m’man.
- Et c’est quoi les trucs ignobles qu’il racontait ?
- Les trucs habituels, on paye mal, on respecte pas le code du travail, on exploite les salariés...
- Pourquoi il disait ça ?
- Parce que certains employés ne veulent pas se donner du mal, ne veulent pas faire d’effort... Alors ils vont voir les syndicats et ils essaient d’en faire le moins possible...

Moi, j’me dis qu’au bahut, je fais aussi parti de ceux qui veulent en faire le moins possible. J’me dis que ce serait bien qu’on ait des syndicats... J’imagine la tête de la dirlo si elle voyait un type expliquer sur France 3 qu’elle et le CPE ne respectent pas le réglement intérieur et la dignité des élèves...
J’entre dans mon bureau. Une montagne de photocopie m’attent. Des documents en rapport avec la réunion de tout à l’heure. J’me dis que c’est quand même un peu déguelasse que sous prétexte que certains veulent rien foutre, moi, j’dois m’taper un travail de titan.

Vers les 10 heures, j’entends du bruit à l’accueil. Ce sont les syndicalistes qui sont arrivés. J’décide d’aller voir sous prétexte de me laver les mains. Je passe devant un groupe en pleine discussion. Y a que des noirs, et un blanc au milieu. Surement le type dont m’a parlé m’man. C’est un petit gros avec la boule à zéro, une moustache et un petit bouc genre mousquetaire. Les autres ont l’air de bien l’aimer. Mais ils l’appellent «Monsieur Simon», alors j’me dis que c’est peut-être pas le mec que m’man déteste. J’préfère ça finalement, parce qu’il a une bonne tête, et il a pas l’air d’un gros con. Il a même l’air marrant, il est en bras de chemise, avec une cravate sur laquelle il y a une reproduction d’un tableau de Picasso. Celui de Don Quichotte...

Monsieur Brassard sort de son bureau avec un autre bonhomme. On voit tout de suite que ce sont eux les patrons. Ils sont les seuls à porter un costume. Ils adressent tous les deux un sourire jovial au petit groupe, et ils serrent la main à tout le monde. J’me dis que m’man a sans doute un peu exagéré... Ils entrent dans la salle de réunion et ils ferment la porte... Moi, j’regagne illico mon bureau et j’essaie d’écouter. Bingo ! La paroie est tellement fine que j’entends tout ce qu’ils racontent comme si j’y étais.

Finalement, le petit gros, c’est bien Brodsky. Simon, ce doit être son prénom...
C’est pas bien passionnant. Ils parlent de trucs auxquels je capte pas grand chose. Des erreurs sur des fiches de paye. Mais c’est des broutilles, un euros par ci, un euro trente par là. Tout le monde reste très poli... Le boss est vachement conciliant en fait. Il reconnait que la compta a pu faire des erreurs, il promet qu’il va vérifier et qu’il corrigera s’il le faut. Pas de quoi en faire un fromage.
Quand on aborde la question des salaires, les choses se compliquent un peu. Les salariés ralent parce qu’ils n’ont pas été augmenté depuis 3 ans et que la boîte fait pourtant des bénéfices. L’adjoint du Boss explique que ce n’est pas vrai, que le SMIC a augmenté et que les salaires ont suivi la hausse du smic. Il est pas possible de donner plus, parce que les actionnaires ont besoin d’être rémunérés également, et que la plupart des bénéfices de cette année sont passé là-dedans. Il rappelle aussi que l’année dernière, les bénéfices étaient passés dans le renouvellement du matériel et des tenues des salariés. J’m’attendai à entendre Brodsky raler, mais il ne dit rien. J’commence à croire que si m’man l’aime pas, c’est parce qu’il ressemble un peu à mon père qui s’est tiré il y a plusieurs années sans laisser d’adresse.

Pour finir, ils parlent d’un gars qui est là depuis 3 mois et qui n’a toujours pas signé son contrat de travail.

- Je vous rappelle, dit le boss, que le contrat de travail n’est pas forcément écrit. Les fiches de paies permettent de prouver qu’il est bien salarié chez All Clean, et il les a reçu n’est-ce pas ? En plus il était en période d’essai.
- M’sieur Brassard, dans la mesure où tous les autres ont leur contrat, j’vois pas pourquoi Issourou aurait pas le sien.
- Je vais vousfaire plaisir Monsieur Brodsky. Monsieur Issourou nous ayant donné entière satisfaction durant sa période d’essai, je vais faire établir un contrat et il sera signé pour la fin de la semaine.
- Sans nouvelle période d’essais.
- Bien sur Monsieur Brodsky. Bon, et bien je vois que cette réunion s’est bien passé, j’en suis heureux, nous allons pouvoir...
- En malien...
- Pardon Monsieur Brodsky ?
- En malien le contrat... En langue malienne.
- Je... Je ne comprends pas, Monsieur Brodsky.
- Issourou est malien. Il comprend pas un mot de français... Il va pas signer un contrat auquel il comprend rien...
- Mais... On est en France Monsieur Brodsky. Pas au Mali...
- Justement ! En France, un salarié étranger, est en droit de demander à signer un contrat de travail rédigé dans la langue de son pays d’origine. C’est prévu par le code du travail.
- Mais nous ne pouvons pas...
- Ben va falloir... Pis pareil pour Maskowiack que vous v’nez d’embaucher. Va falloir me faire ça en polonais.
- Mais Maskowiack comprend le français !
- Ouais, mais il est pollack, et il veut un contrat en polonais.
- Mais, nous n’avons pas les moyens de...
- Faire autrement. M’sieur Brassard, ça fait 2 heures que j’ferme ma gueule et que j’vous entends dire qu’il faut respecter les règles et les réglements à la lettre. La Loi prévoit qu’ 1,5% d’augmentation du smic, donc on aura pas plus, parce que vous appliquez la Loi. Ben vous avez raison... Faut appliquer la loi. Maintenant, vous ferez signer des contrats dans la langue du pays d’origine des salariés. C’est la Loi... Faut l’appliquer.
- Est-ce que vous vous rendez compte de ce que cela va couter à l’entreprise ?
- Ca, j’m’en tape complétement...Vous donnerez moins de fric aux actionnaires, c’est tout.

Moi, j’enrage de pas voir ce qui se passe. Mais j’imagine quand même la tête du boss, vu le silence qui s’est installé.

- Vous vous rendez compte de la merde dans laquelle vous me mettez Brodsky ?
- M’sieur Brassard, j’vais vous parler d’homme à homme. Vous êtes pas le premier avec qui j’traite dans cette boite de négriers. Des enfoirés, ici, j’en vu... Plein. Et vous êtes pas l’pire... Perso, ça m’f’rait chier que les actionnaires vous virent. Humainement d’abord, et puis, j’reconnai que vous êtes assez compétent. Mais vous comprendrez qu’moi, mon rôle, c’est d’obtenir le max pour mes p’tits gars. Alors voilà c’que j’vous propose : j’ai chiffré ce que ça allait couter de traduire tous les contrats. Ce s’rait du fric foutu en l’air, vu que moi, j’suis là pour veiller à ce que les gars se fassent pas avoir. Si vous augmenter les salaires de 0,7%, ça vous coutera moitié moins cher. Et j’laisse tomber les traductions. Aux actionnaires, vous expliquez qu’il y avait pas moyen de faire autrement, parce que sinon, on partait pour 3 semaines de grève et que vous auriez perdu de gros clients. En clair, vous leur sauvez leur thune à ces enfoirés...
- Je suppose que je n’est pas le choix, Monsieur Brodsky ?
- Non.
- Vous me laissez jusqu’à ce soir pour vous répondre ?
- Suspension de séance alors, les gars retournent pas au taf tant qu’on a pas la réponse.
-On fait comme ça.

L’après midi passe lentement. Le boss s’est enfermé dans son bureau avec m’man et son adjoint. Personne me donne de photocopie... J’arrette pas d’aller aux toilettes pour essayer de choper des infos. Brodsky et ses copains attendent tranquillement dans la salle de réunion.
Finalement, vers 16h, j’entends des cris de joie dans la salle de réunion. Je passe la tête... Tous le monde se serre la main et se félicite. Même le boss se marre avec Brodsky. Il a sauvé sa tête et les salariés ont eu leur augmentation.


_____________________________________



Bon, le lendemain, trêve de plaisanterie, j’retrouve mon tas de photocopies et ma bécane qui marche que quand elle veut. Tout le monde a du taf par dessus la tête, et quand j’passe devant le bureau du patron, il lève plus la tête pour me balancer ses vannes pourries sur «l’homme qui tombe à pic». M’man non plus a plus le temps de lever la tête. Au point qu’à l’heure du repas, elle me dit d’aller déjeuner tout seul et de lui remonter un sandwich quand j’aurai terminé.

J’descends à la brasserie où on va d’habitude et j’m’installe à une table libre. La serveuse se pointe. Elle est canon. Elle doit avoir dans les 30 ans, elle est blonde avec des yeux verts trop maquillée. Elle a une jupe courte et des escarpins qui mettent ses jambes en valeurs. Elle fait un peu pouffe, un peu bad girl. Moi, ça m’excite grave...

- Vous avez choisi ?

C’est la première fois qu’elle me parle en direct. D’habitude, elle demande à m’man et c’est elle qui passe la commande. Là, elle me regarde, et j’suis en train de fondre. J’bredouille comme un gland que j’voudrai bien un oeuf mayo, suivi d’une andouillette frite... Elle me fait un sourire rapide et se tire avec la commande. Moi, j’mate ses jambes avec des yeux écarquillés. J’dois ressembler au loup de Tex Avery... Ridicule...

- Alors petit, Séverine a fait une nouvelle victime on dirait ?

J’sursaute et j’lève les yeux. Brodsky est devant moi... Qu’est-ce qu’il me veut ?

- C’est toi le stagiaire de chez All Clean ? J’t’ai aperçu hier qui nous espionnait en faisant semblant d’aller aux toilettes.
- Heu... J’vous espionnais pas m’sieu.
- Je plaisante petit... J’peux m’assoir à ta table ? Les autres sont occupées, et c’est toi ou la vieille là-bas.
- ???
- Pitié ! qu’il dit avec un clin d’oeil.
- Heu... Oui bien sur M’sieur Brodsky.
- J’m’appelle Simon. Tout le monde m’appelle Simon. Sauf Brassard.
- M’man aussi, j’réponds en baissant les yeux.
- Hein ? C’est qui ta mère ?
- C’est la secrétaire du patron.
- Ouais, bien sur. Elle peut pas m’appeler Simon non plus. T’imagine la tête de l’autre...

J’me marre un peu...

- Et toi, comment tu t’appelles ?
- Socrates M’sieur.
-Socrate... Voyez vous ça. Comme le philosophe...
- Comme le footballeur.
- Hein ?
- Socrates... Y avait un joueur de foot au Brésil qui s’appelait comme ça au milieu des années 80.
- Ouaiiis... Socratès. Faut prononcer le è alors ?
- Normalement oui. C’est comme ça que ça s’écrit. Mais j’dis Socrate, sinon faut toujours expliquer. Ou alors les profs au bahut font des réflexions.
- Ca te vient d’où ? Ton père est brésilien ?
- Non. Mon père est un sale connard qui s’est tiré sans laisser d’adresse après m’avoir donné le nom à la con de son joueur de foot péféré.
- C’est pas un nom à la con. Socratès était un grand joueur. Un trés grand joueur...
- Ben vous pourrez dire à vos copains que vous avez déjeuné avec lui.
- J’vais même l’écrire... Mais en parlant de déjeuner, voilà Séverine. Tu permets ?
- Salut Simon. Tu prends quoi aujourd’hui ?
-Y a du gras double ?
- Oui, il doit en rester...
- Alors sert moi un steack frite. Avec une Guinness...

Séverine repart.

- Elle est canon quand même ?
- Heu... J’sais pas.
- Elle est canon... Et tu la trouves canon. Et tous les mecs qui sont ici viennent parce qu’ils la trouvent canon . C’est pas pour la bouffe, crois moi...
- Vous la draguez ?
- Non... J’suis marié, et j’adore ma femme. Mais bon... Un renard prend toujours plaisir à voir passer un poulet, pas vrai ? Sinon, pour reprendre notre conversation de tout à l’heure, Socratès était vraiment un très grand joueur, et son équipe était la meilleur du monde.
- Ils ont jamais gagné la coupe du monde.
- Non c’est vrai. Mais au-delà du fait qu’il ait marqué 22 buts en 60 match, et qu’il a été capitaine de l’équipe nationale, il avait instauré la démocratie dans son club pendant que son pays était dirigé par des dictateurs. Et sur le maillot de son club, il avait fait écrire le mot «démocratie». C’est pas «Zizou» qui aurait fait un truc pareil...
- Vous croyez pas que Zizou était le meilleur joueur du monde ?
- Tu peux me tutoyer. Repose ta question.
- Vous... Tu crois pas que Zizou était le meilleur joueur du monde.
- J’sais pas ce que ça veut dire «meilleur joueur du monde». Ce que je sais, c’est qu’à Manchester, les anglais se levaient pour chanter la Marseillaise lorsque Cantonna entrait sur le terrain. Et qu’aujourd’hui, le même Cantonna fait trembler les banquiers. Pour moi, un grand joueur c’est un type comme ça, Canto ou Socratès, des hommes qui ont une vraie conscience de l’humanité, qui ont un idéal, et qui sont capables d’entrainer les autres dans leurs rêves. Tu portes un nom formidable petit. Au lieu d’en avoir honte, sois en digne...

On discute de tout et de rien pendant encore une bonne demie heure. Puis, j’remonte m’occuper de ma photocopieuse qui s’ennuierait sans mes caresses.
Dans l’après midi, Simon se pointe et entre dans le bureau du boss. Ils discutent un long moment. Puis soudain, m’man se pointe en flippe total.

- Monsieur Brassard demande à te voir. Qu’est-ce que tu as fait...
- Mais... Rien M’man.
- Et pourquoi il demande à te voir alors ?
- J’te jure que j’en sais rien M’man...

J’me dirige vers le bureau du boss complétement liquéfié. Brodsky a du lui dire qu’il avait bouffé avec moi, et maintenant, il va me virer. M’man va avoir la honte, elle va hurler pendant des heures, et se mettre à pleurer. Tout ça à cause de moi, parce que j’ai parlé à un syndicaliste, un fouteur de merde qu’a pas su tenir sa langue...
J’entre. Et j’en crois pas mes yeux : Le patron est debout, tout sourire, et Brodsky est assis SUR SON BUREAU. Ils ont l’air d’avoir passé un bon moment. J’me détends un peu.

- Dites moi jeune homme, dit le boss, il va falloir que je passe un savon à votre mère...
- (merde !!!) Pourquoi M’sieur Brassard ?
- Je viens de parler avec Monsieur Brodsky. Tu ne t’appelles pas Socrate, mais Socratès... Tu sais qui était Socratès ?
- Un grand joueur de foot brésilien.
- Mieux que ça jeune homme. C’était mon idole quand j’étais jeune... Et Monsieur Brodsky (qui sait être une bête nuisible quand il en a envie) connait ma passion pour le foot. Il vient de me prendre traîtreusement par les sentiments, et m’a convaincu qu’avoir Socratès lui-même en stage dans son entreprise était un honneur. On est tombé d’accord... Ce n’est pas obligatoire, mais il est possible de rémunéré les stagiaires. 200 euros pour tes quinze jours, ça te convient ?

J’en crois pas mes oreilles. Quand j’dis ça à M’man, elle devient toute rouge, me dit que c’est pas possible, qu’on peut pas accepter ça, qu’elle va aller voir Monsieur Brassard pour lui dire que c’est pas la peine, que... Brodsky sort du bureau, et se pointe vers M’man. Il a compris ce qui se passe.

- Votre fils est formidable Madame. Et Monsieur Brassard trouve qu’il fait du bon boulot... Vous pouvez être fier de lui.
Il me fait un nouveau clin d’oeil et me passe la main dans les cheveux.

- Merci... bredouille M’man.

Alors c’est ça le monde de l’entreprise ?
Pas tout à fait. J’ai fait que 15 jours chez All Clean, et à part la photocopieuse, j’ai pas vu grand chose. J’ai déjeuné plusieurs fois avec Simon. On a maté la serveuse et on a beaucoup parlé. J’lui ai parlé des syndicats, j’lui ai demandé pourquoi les mecs comme lui avaient mauvaise réputation, alors que finalement, grace à lui, tout le monde arrivait à s’entendre. Il a sourit un long moment et m’a que c’était peut-être parce qu’il était génial, ou peut-être parce que Brassard était pas un mauvais patron, ou peut-être les deux... Mais qu’il était rare hélas que les choses se passent aussi bien. Très rare... Et que si quelqu’un, un jour avait envie de raconter ce genre d’histoire, il ne serait pas crédible. Pas deux secondes...
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MessageSujet: Re: Syndicalistes, philosophes et footballeurs   Syndicalistes, philosophes et footballeurs EmptyMar 08 Fév 2011, 17:07

Si tu veux être lu, il faut préférer, à une grande tartine sur écran, une succession de petits messages comme ceux que tu sépares ici par un trait,

et le mieux serait de les espacer d'un jour, pour en faire un feuilleton.

C'est du moins mon opinion, mais chacun fait comme il l'entend, hein ? cheese
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MessageSujet: Re: Syndicalistes, philosophes et footballeurs   Syndicalistes, philosophes et footballeurs EmptyMar 08 Fév 2011, 19:22

pas faux Rotko..ou vous pouvez l'imprimer en mode brouillon ou alors comme moi vous avez le temps ou bien encore vous le lisez en plusieurs fois....

y a quelques fautes d'accord pour le reste genre grammaire ou conjugaison j'suis trop nulle.

Sinon moi j'aime beaucoup parce que justement en tant que parent d'élève au CA j'ai gueulé contre çà ( et maintenant c'est aussi en quatrième ).

T'es un gaucho mon pote affraid MDR
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MessageSujet: Re: Syndicalistes, philosophes et footballeurs   Syndicalistes, philosophes et footballeurs EmptyMer 09 Fév 2011, 10:51

ton élève de troisième sait construire un récit vivant, pas de problème.

Tu lui diras quand même de passer son texte au vérificateur orthographique, sans ça Brassard et Brodsky seront réticents pour son avancement Wink
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MessageSujet: Re: Syndicalistes, philosophes et footballeurs   Syndicalistes, philosophes et footballeurs EmptyMer 09 Fév 2011, 11:39

des petits points d'interrogation ? je peux ? Smile

Citation :
Il est payé par son syndicat et n’est même pas salarié de la boîte
.

et c'est lui qui parlerait au nom du personnel ? c'est inhabituel ;

quant aux contrats de travail rédigés dans la langue du ressortissant, je m'étonne aussi.
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Simon BRODSKY
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MessageSujet: Re: Syndicalistes, philosophes et footballeurs   Syndicalistes, philosophes et footballeurs EmptyMer 09 Fév 2011, 12:55

Merci à tous,

Pour ce qui est de la langue du contrat de travail, c'est pourtant vrai.

Rédaction du contrat

En cas de signature d'un CDI par écrit, celui-ci doit être rédigé en français. Si la fonction est désignée par un terme étranger qui n'a pas de correspondant en français, l'explication de ce terme, en français, doit figurer dans le contrat.

Si le salarié est étranger et que le contrat est écrit, une traduction du contrat doit être rédigée dans la langue du salarié sur sa demande.


Quand aux représentants, c'est un peu différent. Un responsable national ou régional peut être invité par une délégation travaillant dans la même branche. Ainsi m'arrive-t-il de siéger dans des réunions d'agent de nettoyages, alors que je suis cheminot. Mais leur branche d'activité et semblable à la mienne, sur le papier.

Je suis là en tant que conseiller, mais dans les faits, étant souvent le seul à savoir lire et à connaître le fonctionnement, je parle pour eux (à leur demande).

Je n'ai pas précisé cela dans la nouvelle, pour rester plus léger. On était pas dans un cours syndical de droit du travail...
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