Poèmes tirés du journal

Damnation

Près de cette obscure forêt, j'erre

Avec mes sentiments, vague noirceur.

Je n’aime plus et mon âme naguère

M’apportait plus que cette horrible peur.

Le ruisseau, près de moi s’évapore,

Ses effluves chanteresses ne m’enivrent pas,

Les fleurs se ternissent ainsi que les sycomores ;

Tout est noir, il ne manque plus que la mort et son glas.

Je me bouscule, m’éreinte et me disperse

Je ne me contente pas de ce chêne immortel.

Il se lève et de mon orgueil il transperce

Mes rêves de ciel, d’Eden et d’apparat.



Que sont ces ombres m’entourant de leur présage,

Ne pourrais-je me trouver sous d’autres paysages ?

La mer se déchaîne et mon bateau s’enterre,

L’écume me dévore et me voilà militaire.

Je ne combats pas, je ne peux que fuir

Devant ces ennemis aveugles et invisibles

Qui de leur pic semblent vouloir m’occire.

L’eau ne cesse de me fouetter et me prend pour cible.

Je nage pour me sauver mais le fond m’attire ;

La berge toute proche s’efface de ma mémoire,

L’oiseau noir me murmure qu’il faut mourir

Mais une branche se dispose et dans le ciel disparaît.



L’éclair flamboyant m’attise de son fléau,

Ils me regardent tous et contemplent ma fin

Promise à sa belle alcôve d’airain.

Elle est là, endimanchée de tous ses généraux,

Pourtant je poursuis mon chemin de croix,

Les éléments se déchaînent avec mon passage

Et de tous ces bâtards je suis devenu la proie.

Mais quelle est donc cette clarté, un message

D’espoir ou seulement un autre beau mensonge ?

Le vent souffle, m’éclabousse et me ronge,

Pourtant je me bas encore et encore, sans fin,

Sans fatigue, sans envie et ne me dérobe pas.

Chœur



L’enfance, belle ingénue, aux yeux innocents,

S’élevait du chœur aux abysses divins ;

Habillées de blanc et la chaise de l’ordinant

Leur brandissant le Christ pour toute rapine,

Les voix pures et cristallines déclinaient, du haut

De leur jeune âge, un silence au crucifié.

Le regard au-delà des cieux, semblant déjà prier,

Les mains se tendent enfin et dispersent leurs idéaux ;

La couronne d’aubépine séjourne au-dessus d’eux,

Préservant la lourde croix qu’ils encensent ensanglantés.

Quelques ombres s’entremêlent et déjouent de leur queue

La foi misérable que leur cœur porte pour les initiés ;

Les chimères foisonnent et en feu tourbillonnent,

Célébrant la Saint-Jean en cette chère icône.

Chaire, donjon des hommes, enfin qu’ils s’arraisonnent,

Les voix se taisent en timides plaintes : Dieu est mort.

Dans le brouillard, j’erre, tels mes pères
Je me perds et me retrouve au sanctuaire
De mes peines et me morfonds en solitaire.
Quelques armées, belles militaires, me libèrent
De cette étreinte égoïste d’impubère.

De grandes gorgées gorgées de rêves
Liquoreux, en volutes j’inhale sans trêve.

Le vacarme silencieux cesse dans mes airs ;
Je me détourne et observe ces orfèvres
Qui dans mes doigts de l’or libèrent !

Insolite que ce soliste sans instrument,
Lui empreinterai-je son corps pour me jouer de lui ?
Sur la vague dune, l’homme divague et ment
A celui qui de son cor harmonise l’infini.

Quittons cette plage et voguons vers d’autres rivages
Fantasmatiques et évitons leurs piètres prêcheurs
Pêcheurs d’anathèmes au crucifix ravageur.
Regarde dans la coupe, pour y voir l’ivoire du mage.

De grandes gorgées gorgées de rêves
Liquoreux, en volutes j’inhale sans trêves.