Chochana Boukhobza

Chochana Boukhobza, née en 1959 à Tunis, est un écrivain israélien.
Elle a étudié les mathématiques en Israël.
Elle est l'auteur de plusieurs romans : le premier, Un été à Jérusalem, a reçu le Prix Méditerranée 1986 alors que le second, Le Cri, a été finaliste au Prix Fémina 1987.

Le troisième jour




Denoël-412 pages

Citation :

Elisheva, musicienne connue dans le monde entier, et Rachel, son élève violoncelliste, arrivent de New York pour un concert à Jérusalem, en 1990, un matin de khamsin.
Tandis que Rachel retrouve sa famille, ses amis et un amour perdu, Elisheva prépare une très secrète entreprise. À l'hôtel, elle rencontre Daniel, un chasseur de nazis, et sur l'esplanade du Temple, Carlos, qui travaille pour le Vatican. Survivante des camps, puisant sa force dans la musique et la colère, Elisheva a embarqué les deux hommes dans son aventure.
Sur l'échiquier de Jérusalem, deux histoires se superposent, l'une errante, qui ressuscite les blessures de l'enfance et l'intrigue amoureuse, l'autre pleine de la promesse faite aux morts.
Dans un roman où chaque personnage livre sa vérité, Chochana Boukhoza tisse sur trois jours une aventure haletante dont Jérusalem, avec ses parfums et sa lumière intense, est le centre.

Pourquoi choisi t-on un livre plutôt qu’un autre, pourquoi Ce livre, alors que je ne connais pas, au départ son auteur ?

Son sujet, le mot de l’éditeur appelle à l’ouvrir, la jaquette, immédiatement, invite au voyage, en l’occurrence Jérusalem. Mais il y a la rencontre irremplaçable entre un auteur et son lecteur déjà conquis .Madame Boukhabza aura les mots pour faire de son livre un coup de cœur avant même de l’avoir lu.

Le troisième jour, jour où tout se dénoue ; le troisième jour, celui où j’ai refermé mon livre, la tête encore à Jérusalem, Fauré et l’élégie pour violoncelle que je fredonne encore et encore, et tous ces personnages si présents, si vivants, si humains avec leurs blessures, leurs espérances. Je referme ce livre avec encore bien ancrée cette ambiance tendue tellement palpable qui règne à Jérusalem.
"La vie, la mort dans ce pays sont en perpétuel contrepoids" p 352

Le troisième jour est superbement écrit ; le rythme des phrases y est soutenu, et le sera d’autant plus que le dénouement approche.
La musique, bien que discrète dans son évocation formelle, est omniprésente dans l’écriture, et dans la structure même du roman. Les chapitres, au nombre de trois sont dénommés cantiques ; évocation à la fois musicale et sacrée.

Trois jours, durant lesquels Rachel, Elishéva, Eytan, Daniel,Carlos, sont à Jérusalem pour y accomplir leur destin ; Quatre personnages unis par une même culture. Quatre personnages dont la vie est marquée, par les tourments de l’histoire. Chacun d’eux aura à cœur d’affronter ce qui les hante. Est-ce la solution ? Vont-ils trouver l’apaisement une fois accomplie leur " mission" ?
Tous les personnages sont attachants, et en particulier Rachel et Elishéva.
Elisheva, rescapée des camps, meurtrie, animée d’une vengeance destructrice, mais tellement compréhensible. Elle porte en elle, et sur elle les stigmates d’un passé lourd et obsédant.
Rachel, d’une autre génération, jeune, dont le parcours est radicalement différent, mais elle aussi meurtrie, rejetée, tiraillée entre un amour de jeunesse, sa passion, sa culture et ses convictions.

Tout se tient, tout s’enchaine. Tout est clair. Madame Boukhobza a réussi, dans sa présentation, à ne pas perdre le lecteur dans les méandres de la mémoire des personnages qui se mélangent intimement avec leur présent. J’y suis particulièrement sensible.

une piste interessante, merci Mimi. Pour moi le titre est biblique ou sonne comme tel.

D'ailleurs je trouve
Quand la Bible rêve ; Illustrations de Mireille Vautier -- Texte Chochana Boukhobza 2005 Gallimard-Jeunesse Giboulées
et un autre récit
Pour l'amour du père par Boukhobza , Chochana, 188p. 1996 Le Seuil.

Sous les étoiles

édition du Seuil (2002)

Citation :

Par testament, le richissime et mystérieux Maurice Chauvet a contraint ses enfants à résoudre une énigme, faute de quoi sa fortune leur échapperait. A ses yeux, Patrick et Nicolas, ses fils, sont des ratés. Quant à Adrienne, jeune peintre de talent, sa vie tumultueuse l'a éloignée de son père.
Après la mort du magnat, pourquoi Adrienne décide t-elle soudain de relever le défi alors que l'argent ne l'intéresse pas ?
De Paris à Jérusalem et New York, guidée par un archéologue israélien, un cabaliste de Brooklyn, un jeune astronome et Michel Fuks, un romancier qu'elle a jadis aimé, Adrienne se lance dans une quête dont elle ignore le sens. Sans cesse le texte de l'énigme s'interpose entre elle et Chauvet, lui interdisant de connaître la paix qu'elle a si longtemps fuie et l'espoir d'elle ne sait quelle rédemption. Car la cruauté et l'amour des pères sont des secrets que leurs enfants ne peuvent percer sans mettre en cause leurs propres rêves. Pour Adrienne et ses frères, la liberté peut-elle naître du partage de la souffrance, de la reconnaissance et de la tendresse que recherchait le solitaire Maurice Chauvet ?
Peut-être la réponse se niche-t-elle sous les étoiles, au cœur même de l'énigme.

Livre voyageur, qui n’a pas emprunté la route des étoiles pour arriver jusqu’à moi, mais celles de l’amitié –et j’insiste sur le pluriel puisque qu’il en porte deux fois la marque ; d’une part de la personne qui m’en a fait cadeau, et je l’en remercie vivement, et de son auteur, d’autre part très attentive à l’accueil que l’on réserve à son œuvre.
Sous les étoiles, est l’avant dernier opus de Chochana Boukhobza découverte à l’occasion du troisième jour, paru récemment.
Radicalement différent, également, car plus mystique, plus ésotérique, j’ai un peu plus de mal à mettre en mots un avis de lecture, tant ma culture du fait religieux en général me fait défaut. Et, de fait, j’ai certainement mal compris, ou du moins mal perçu un certain nombre de choses.

Néanmoins, cela ne m’a pas empêchée d’en apprécier la lecture, et pour de multiples raisons.

La structure même du roman est agréable à appréhender :4 parties clairement identifiées, introduites par une citations de nos poètes ou des textes bibliques, une invitation au voyage à elles seules, précédées et suivies d’un prologue prometteur, et d’un épilogue qui pose la touche finale qui change tout et sans qui il manquerait un petit quelque chose.
Un livre structuré comme j’aime, c'est-à-dire avec logique, clarté ; j’oserais dire « scientifiquement »

L’écriture et le style me plaisent ; les mots sont choisis avec soin, les descriptions sont fines.

« New-York était la chair vivante que tous les mots, les photos, les commentaires ne feraient que déformer. »

L’intrigue, puisque c’est l’objet de ce roman, est bien menée. Le voyage auquel Chochana Boukhobza nous invite est à la fois dans le réel, en passant par Paris, New-York, et Jérusalem, mais aussi intérieur, avec le cheminement intime qu’Adrienne entreprend d’accomplir en tentant de résoudre l’énigme qui se pose à elle et ses deux frères, mais aussi, et surtout avec les échanges entre un vieux Rabbi et son petit fils. Le second, astronome, voit dans le ciel des étoiles, des constellations, et le premier y voit tout autre chose. Et c’est avec c’est autre chose que j’ai le plus de mal. Nous retrouvons cette dualité, entre Adrienne et ses frères, Entre le modernisme d’un observatoire de Manhattan, et le côté moyenâgeux une cour de Brooklyn où officie le vieux Rabbi.

Au cours de ma lecture, j’ai été frappée par la récurrence du chiffre 3 L'action se déroule dans 3 villes : 3 personnes pour bâtir l'énigme: Chauvet, l'archéologue, le Rabbi ; 3 personnes liées par cette énigme (dans la recherche) Adrienne, L'astrologue, et Michel ; une fratrie de 3 personnes ; les 3 diamants……..et 3 jours pour le lire (comme le troisième jour, d’ailleurs)
Est-ce un hasard, ou bien ………j’ai cherché une explication, sans succès…

Adrienne parviendra t-elle à relever le défi et récupérer l’héritage laissé par son père ? Que gagnera t-elle au fond, de ce périple ? Même si à un moment donné j’ai pu me douter, ça n’est vraiment qu’à la fin que les fils se dénouent. Et c’est tout ce qui fait le sel de ce livre : c’est qu’une fois le prologue lu, une seule option m’est offerte : aller au bout, pour savoir.

« Ton travail m’inspire du regret, pas du mépris. Car cent mille hommes peuvent prendre ta place devant ta lunette du télescope, mais dix à peine te valent pour étudier le Talmud ou la Cabale »

Mimi a eu raison de placer cet auteur en littérature française : elle est franco-israélienne, de confession juive, et son evocation de la société israélienne est particulièrement vivante.

Le troisième jour

Pour l'instant j'ai lu la première partie (intitulée "le premier cantique") : certaines scènes m'ont paru très présentes, comme les attitudes respectives de ménagères israéliennes avec des producteurs palestiniens.

Le regard est souvent caustique, ou malicieux : on vise les comportements rigoristes, les usages sociaux communautaires, car chacun entre chez l'autre sans préavis. Je l'ai vu dans une fête familiale où identifier les personnages et leurs parentés m'a posé problème.

Une intrigue quasi policière donne de la tension au récit, et j'attends la suite, avec des éclaircissements sur des relations mystérieuses.

le troisième jour,

Mimi en a bien parlé, et j'abonde dans son sens.

Citation :

Trois jours, durant lesquels Rachel, Elishéva, Eytan, Daniel,Carlos, sont à Jérusalem pour y accomplir leur destin ; Quatre personnages unis par une même culture.

En effet, tout se déroule très vite, exacerbant les passions : l'amour et les tentations amoureuses de Rachel, une fête pour s'étourdir, la volonté de tout résoudre en peu de temps.

Chochana Boukhobza suit Rachel, mais aussi les autres personnages, passe habilement de l'une à l'autre, de Rachel à Elishéva, ou même par leur biais à d'autres personnages, ce qui produit un maillage très serré. La fin est haletante, et par le suspens et l'émotion qui s'en dégage.

Entre temps, c'est la vie quotidienne de ceux qui sont moins pressés, mais non moins tendus : les relations avec les Palestiniens soumis aux contrôles incessants et qui doivent travailler en Israël ne sont pas escamotées, pas plus que les rapports parfois difficiles.

Des scènes comme celle du concert, ou la dernière scène du roman dans un contexte de foule et de marché, donnaient envie de tourner les pages pour en savoir le fin mot.

Tout est très visuel, presque fait pour un film parfois (pourquoi Eytan conduit-il si vite ? oui, on est dans l'urgence, mais quand même !) .

Merci à Mimi pour ce livre où l'effet de réel est impressionnant, y compris par la langue et les tournures locales utilisées (en italiques, comme le conseille Bridget).

Madame Boukhobza est un auteur à suivre de très près, et qui est très à l'écoute du ressenti de ses lecteurs

un extrait

Il a passé beaucoup de temps dans les territoires occupés. Il connaît bien les Palestiniens et les yeux des enfants, qui te donnent les foies, même armé jusqu’aux dents […] il n'a pas oublié les adolescents masqués qui se jettent vers les chicanes en hurlant « Allahou Akbar », prêts à mourir devant les soldats qui tentaient de les contenir, qui reculaient, puis qui s’accroupissaient, qui visaient, tiraient ; des soldats qui s’effondrent, qui demandent à être mutés, qui n’en peuvent plus de se faire lapider et de se battre contre des mômes
[…]

Car c’est là le paradoxe, c’est en descendant en Israël gagner leur vie, parce qu’ils ne peuvent trouver à s’employer à Gaza ou à Naplouse, que leur haine des Juifs grandit. Ils partent aux premières lueurs de l’aube dans un taxi collectif avec du pain dans leur besace, ils mettent une heure pour arriver aux check-points ; il leur faut patienter trois heures, quatre heures, avant de savoir s’ils seront pris. La plupart sont renvoyés chez eux, la rage au ventre, sans argent dans les mains. Ceux qui sont choisis subissent la fouille…

L'extrait ci-dessus n'est certes pas représentatif du récit, mais un épisode palestinien était attendu, quasi inévitable dans notre vision actuelle du quotidien d'Israël et de la vie locale.

Je n'aurais pas cru à une société israelienne aussi puritaine, où la présence d'un homme dans la maison d'une femme en l'absence de son mari pose question !

Une auttre remarque, qui n'est pas directement dans l'oeuvre, mais dans l'esprit du lecteur .
Peut-on faire justice soi-même, et infliger une mort sans appel ?

Dans le cas présent, même si l'auteur n'a pas, avec raison, détaillé les préjudices des victimes - elle les a suggérés, c'est pour moi assez compréhensible, voire admissible.

rotko a écrit:

L'extrait ci-dessus n'est certes pas représentatif du récit, mais un épisode palestinien était attendu, quasi inévitable dans notre vision actuelle du quotidien d'Israël et de la vie locale.

Je n'aurais pas cru à une société israelienne aussi puritaine, où la présence d'un homme dans la maison d'une femme en l'absence de son mari pose question !

Une auttre remarque, qui n'est pas directement dans l'oeuvre, mais dans l'esprit du lecteur .
Peut-on faire justice soi-même, et infliger une mort sans appel ?

Dans le cas présent, même si l'auteur n'a pas, avec raison, détaillé les préjudices des victimes - elle les a suggérés, c'est pour moi assez compréhensible, voire admissible.

c'est la loi du talion, Rotko, bien ancrée dans l'inconscient des Israélien. C'est le cas à chaque attaque du pays, ils y répondent systématiquement. L'instinct de survie, sans aucun doute (entre autres raisons), et c'est compréhensible

je ne me situais pas sur le plan du talion et des ripostes,

mais uniquement sur la justice "expéditive" d'Elisheva, son acte calculé et décisif, d'ailleurs brievement justifié de son point de vue, dans le texte, et sur laquelle j'emploie la formule

c'est pour moi assez compréhensible, voire admissible.

rotko a écrit:

je ne me situais pas sur le plan du talion et des ripostes,

mais uniquement sur la justice "expéditive" d'Elisheva, son acte calculé et décisif, d'ailleurs brievement justifié de son point de vue, dans le texte, et sur laquelle j'emploie la formule

c'est pour moi assez compréhensible, voire admissible.

d'accord
Au regard de ce qu'elle a vécu, je suis d'accord avec toi