Samuel Zaoui, Saint-Denis bout du monde,

Samuel Zaoui, Saint-Denis bout du monde, l’aube.


Un beurette en déprime, quoique bien admise à l’agrégation de lettres classiques, regarde autour d’elle dans son quartier, et montre sensible aux silhouettes silencieuses qui traversent son champ de vision.

Après un incident, elle fait la connaissance de vieux maghrébins, qui, mis en confiance, deviennent parfois spontanés « comme des petits voyous de banlieue mais sans les dents ».

Le récit permet donc de faire la connaissance de personnages sur lesquels glisse souvent le regard. On les écoute aussi, et notre Souhad décide de partir avec eux en voyage sur les sites de travail qu’ils ont connus.

Pour moi les meilleures pages du livre furent la narration d’un incident dans une grande surface, et quelques incursions de la jeune fille dans des magasins où joue la fraternité entre vigiles. Elle est accompagnée par un géant noir qui connaît bien des ficelles

C’est aussi l’occasion d' écouter des paroles de l’exil

Citation :

« Tu ne peux plus rentrer.[ au Pays] Rentrer alors que les autres restent ? Et les voisins ? Ta mère leur a dit que tu avais la situation en France et toi tu rentres comme ça avec rien, juste le costume que tu as acheté pour ce jour-là ? Tu peux pas. Ta mère, elle pourrait plus montrer sa figure. Ton père n’oserait pas rejoindre les autres sur laplace. Ce serait comme si tu avais trahi. »

Citation :

« Ce qu’ils ont fait avec mon argent, je veux pas savoir. Tu envoies, tu envoies, beaucoup, un million, cinq dans l’année et qu’est-ce qu’ils font avec ? Des méchouis et des mariages Ils invitent tout le village avec ton argent et toi, tu es ici, comme un chien. »

Citation :

« Ça fait douze ans que j’ai pas vu mon fils. La dernière fois que je suis rentré, il avait quatorze ans. Déjà j’étais un étranger. Je sais pas comment il a été élevé, je sais rien de lui. Même sa mère, je la connais plus. Les premiers jours je dors à côté d’elle, après elle va dormir chez sa sœur. Jalil, mon fils, il me croise, il me regarde pas. »

Ce livre a eu un prix des lecteurs dans une bibliothèque de ma région. Il intéresse, mais sans plus.

Samuel Zaoui , né à Paris en 1967, enseignant, revendique calmement sa double appartenance: séfarade et algérienne. Passionné de motocyclette, de mécanique et d'écriture, il publie ici son premier roman.

Saint Denis , bout du monde Editions de l'aube, 2008

C'est un roman très agréable à lire, écrit simplement mais avec une jolie musique légère, qui parle de souffrances et d'amitié avec tendresse et humour.

Au début du livre, des personnages apparaissent, sans que soit connu ce qui va les unir. On suit Souhad, jeune beurette agrégée de lettres classiques, de vieux arabes qui se retrouvent au café, ou dans un foyer sonacotra dans des chambres de 4m carrés, Idriss, le jeune vigile africain.

Un jour, parce que Souhad ne supporte plus une injure raciste de trop dans une superette, ils vont se rencontrer, se raconter leurs vies, partager le secret de Souhad et entamer un road movie du souvenir, partir ensemble dans une camionnette à travers la France, en direction d'Alger, en repassant dans les villes où ils ont travaillé.

C'est, de petites touches en petites touches, le quotidien de ces travailleurs immigrés, d'autrefois et d'aujourd'hui, les humiliations au travail, la difficulté à se comprendre entre générations, et surtout la tendresse qui lie Souhad et ses vieux amis.

J'ai beaucoup aimé ce livre, et dans sa structure, qui a une narration en flash backs, en histoires parallèles qui se croisent et se rencontrent, et dans le fond, qui est sans haine, et qui témoigne sans pathos.