Shichirô Fukazawa

Etude à propos des chansons de Narayama


Un bijou pour amoureux de la littérature Nippone, qui sait nous mener vers des contrées imaginaires, fabuleuses et allégoriques.

Narayama est le nom d'une montagne, qu'on atteint après avoir passé 7 vallées. Mais c'est surtout la destination des "anciens", dans un village de montagnards, pauvre et surpeuplé.

Les anciens partent un jour et ne s'en reviennent pas. Ils vont y mourir, à partir de 70 ans, quand leur temps est fini.


Y mourir vite si la neige tombe (elle ne gèlera que les bienheureux) ou cruellement si quelque fils décide d'abréger la vie d'un parent...


Les squelettes jonchent cet endroit quasi mythologique, sous le croassement excité des corbeaux...

Notre héroïne vient de remarier son fils qui était veuf, de marier son petit-fils de 16 ans, cet insolent qui l'insulte, et a le sentiment d'avoir accompli sa destinée.

Elle est si pressée de faire son "pélerinage" qu'elle se casse les dents à coup de pierre, pour les abîmer et se vieillir.

Oui, c'est l'heure pour elle...

Mais l'auteur a le temps de nous décrire ces gens simples, essentiels, aux rapports à la fois affectueux et conflictuels, mais étrangement absents à eux-mêmes, évanescents parfois.
Des miséreux, au ventre souvent vide.

Notre grand-mère est pourtant généreuse.

Mais ainsi va la vie : les préceptes bouddhiques imprègnent ce livre, et l'inéluctabilité de toute chose. Ils l'imprègnent d'une façon musicale : car les villageois chantent. Lors des fêtes. Ils chantent les grandes lois universelles : l'illusion des sens, la vanité, la transition...

Misérables ou riches ?

Riches de la vérité, sans doute.

Cruelle.

Mais acceptée.

Je ne trouve pas les mots pour faire ressentir la magie extraordinaire de cette oeuvre discrète, mince et pessimiste.

Certains ont réellement cru à l'époque de sa parution que les Japonais se débarrassaient des vieux de cette façon.

Bien sûr que non !

Tout est symbole avec les Asiatiques, mais symbole FORT.


Symbole bouleversant, foudroyant, déstabilisant.

Il y aurait beaucoup à dire sur l'écrivain, qui a un "profil" atypique.


Mais je préfère accompagner en pensée les derniers instants de mon héroïne, laissée là-haut, seule sur la montagne, blanche et recouverte par un manteau de neige...

Entendez-vous sa dernière pulsation ?


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