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| | Anna Ahkmatova | |
| | Auteur | Message |
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Kervinia pilier
Nombre de messages : 3822 Age : 35 Localisation : Seine-et-Marne Date d'inscription : 04/04/2010
| Sujet: Anna Ahkmatova Jeu 05 Aoû 2010, 15:38 | |
| Je n'ai pas vu de sujet sur cette poétesse russe, alors j'en lance un ! J'ai lu dernièrement Requiem. Poème sans héros, et autres poèmes, paru aux éditions Gallimard, avec Jean-Louis Backès comme traducteur. Dans le cadre de l'AGREG. Car je vous avoue que sans cela, je n'aurais pas lu ce bouquin. Deux raisons à cela : - Je n'aime pas trop lire des recueils de poésie, je préfère de loin lire des poèmes par ci, par là. - Je n'aime pas lire des poèmes traduits. En même temps, ne comprenant rien au russe, j'aurais difficilement pu faire autrement ! Mais, je ne sais pas... La poésie traduite, ça ne m'a jamais plu... Et ma lecture en a fait les frais. J'ai toutefois apprécié la lecture de certains poèmes. Je vous en propose quelques uns pour vous faire une idée. Et je vous conseille de lire ceci à haute voix : Dans la section "Troupe blanche" - Citation :
- J'ai cessé de sourire,
Le vent glacé sèche les lèvres, J'ai perdu encore un espoir. J'y gagnerai encore une chanson. Cette chanson, malgré moi, Je la livre aux rires, aux injures, Parce que le silence amoureux Est pour l'âme une souffrance insupportable.
1915 Dans la section "Roseau" - Citation :
- Le miel sauvage sent la liberté.
La poussière, un rayon de soleil ; La violette, une bouche de fille ; L'or, rien. Le réséda sent l'eau, L'amour sent la pomme. Mais nous savons pour toujours Que le sang ne sent que le sang.
Le procurateur romain S'est lavé les mains pour rien Devant tout le peuple, Sous les cris menaçants de la canaille ; Et la reine d'Écosse a frotté pour rien Sur ses paumes étroites Les éclaboussures rouges, Dans l'ombre étouffante du palais royal.
1934. Léningrad Dans la section "Roseau", et plus précisément dans le poème en plusieurs parties nommé "Requiem" - Citation :
- Introduction
C'était le temps où le seul à sourire Était le mort, heureux d'être en repos. Léningrad n'était plus qu'une annexe inutile Attachée à ses prisons. Rendus fous par les supplices, Les condamnés avançaient en rangs Et les sifflets des locomotives Chantaient la brève chanson de l'adieu. Des étoiles de mort brillaient dans notre ciel. L'innocente Russie se tordait de douleur, Sous les bottes sanglantes, Sous les pneus des fourgons noirs. - Citation :
- 5
Voilà dix-sept mois que je crie, Que je t'appelle pour que tu reviennes. Je t'ai jetée aux pieds des bourreaux, Tu es mon fils et mon effroi. Tout est bouleversé pour des siècles Ce n'est pas moi maintenant qui vais savoir Ce qui est bête brute, ce qui est être humain, Et si nous attendrons longtemps l'exécution. Il n'y a plus que des fleurs somptueuses, Le cliquetis des encensoirs, et des traces Qui mènent quelque part vers nulle part. Elle me regarde droit dans les yeux, Elle me promet pour bientôt la mort, Cette étoile énorme. | |
| | | soussou pilier
Nombre de messages : 14224 Date d'inscription : 25/02/2007
| Sujet: Re: Anna Ahkmatova Ven 05 Avr 2013, 19:08 | |
| L'églantier fleurit Sous ce titre qui, pour un lecteur non ingénu, dit le printemps d’un espoir contre les pires tempêtes, c’est neuf recueils assemblés que nous offrent les éditions La Dogana, dans le travail conjoint de Marion Graf et José-Flore Tappy, Amaury Nauroy et Pierre Oster. Sous sa jaquette bleu nuit, l’édition est bilingue, comme pour donner tout poème traduit comme second, proposer une traduction nouvelle après d’autres, pionnières et courageuses, pour permettre aussi à tout lecteur instruit dans la langue originale l’accès à la vérité première en le laissant libre de balancer d’une page à l’autre, de son timbre pur à son écho fantôme dans la langue étrangère. Enfin, peut-être même ni ceci ni cela, pour offrir au regard ignorant la mesure métrique et prosodique ("le vers syllabotonique russe") donnée à voir dans les caractères cyrilliques. Ce qu’il nous reste, dès lors ? et c’est déjà beaucoup : "l’intonation inimitable, entre ardeur et mélancolie, tendresse blessée et rébellion, impatience et pudeur… d’une voix de fer et de velours" (M. G. et J.F. T. p°229) Après les exercices pratiques consentis au modernisme, c’est dans la peur, la souffrance, la privation majeure, l’horreur historique pour tout dire que la jeune femme va trouver la tessiture authentique de sa voix, celle qu’on reconnaîtra d’âge en âge, différemment modulée. La jeune femme à la fraîcheur farouche ("Tu veux partir, va-t-en" p°19), l’amie fidèle (de Blok, par exemple) et qui se souvient ("Je suis allée voir le poète… / Dans la haute maison grise / Au bord de la Neva", p°51), passionnément amoureuse et passionnément jalouse, qui aime son pays présent dans le poème, sa neige et ses longs fleuves, qui devra un jour s’inclure dans le long cortège des Mères pleurant le Fils ("Mais là où la Mère se tenait en silence / Personne n’osa même regarder" p°219), sait aussi atteindre des accents épiques pour dire les plus grandes douleurs : ("Et le Juste marchait derrière l’ange de Dieu", p°87 ; "J’ai en moi la tristesse que le roi David / En un geste royal offrit aux millénaires", p°69), comme l’émotion la plus simple devant la beauté nue du monde : ("Le gel chaque matin plus dur / Flamme blanche un buisson / D’éblouissantes roses de glace s’incline", p°91). Mais un jour, après avoir traversé tous les barbelés de l’oppression, lorsqu’elle ne peut même plus craindre le pire déjà éprouvé, elle abandonne le chant de sa seule âme, elle endosse l’habit des bagnards et la robe des veuves, le haillon des miséreux et la flamme des drapeaux souillés pour crier la souffrance de tout un peuple : « "Et s’ils bâillonnent ma bouche suppliciée, / Par laquelle crie un peuple de cent millions d’âmes / Puissent-elles aussi penser à moi / Lorsqu’on rappellera ma mort", p° 223). C’est l’accent inoubliable du Requiem. Bernadette Engel-Roux Anna Akhmatova L’églantier fleurit, éd. La Dogana, | |
| | | | Anna Ahkmatova | |
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