TAO

Le texte ci-dessus vient des contes des sages taoistes de pascal Fauliot dans la collection dirigée par Henri Gougaud au Seuil.


Un maître à penser, imbu de sa personne, veut affronter un taoiste dont la réputation lui fait de l'ombre. Il trouve un ascète et la vérité du Tao

Citation :

Les paroles vraies ne sont pas séduisantes.
Les beaux discours ne sont pas véridiques
La sage n’argumente pas.
Le discoureur est un charlatan etc...

le livre se présente comme un missel, avec un cordon marque-pages. Les contes sont très courts, 3 pages maximum. Des dessins (dragons, chevaux) accompagnent chaque conte.

Un livre à fréquenter par petites visites.

" Gardez ce livre auprès de vous.
Ouvrez-le de temps en temps.
Vous pouvez lui demander
de vous nourrir, il vous nourrira.
De vous éclairer, il vous éclairera.
de vous émouvoir, de jouer..."

Excellente recommandation, Rotko ! même si je ne l'ai pas lu, celui-ci, j'ai lu le Tao tö-king de Lao-tseu et quelques autres textes taoïstes (où l'on incluera peut-être aussi ceux des conférences du grand architecte américain Frank Lloyd Wright, adepte taoïste et une de mes personnalités historiques préférées). Une petite remarque : un sage taoïste n'est pas à proprement parler un "ascète", terme que tu as employé pour faire court, mais là justement je n'ai pas le temps de développer.
L'expo parisienne sur le Tao se poursuit actuellement au Grand Palais, profitez-en, les curieux de la chose.

J'ai plus de temps pour développer, (d'autant que Crevette me l'a demandé) à propos du côté "réactif" du taoïsme induisant quelques regrettables limitations.
Au VIIème siècle avant J.-C., par un phénomène assez curieux, la philosophie apparaît simultanément en Grèce, en Perse, en Inde et en Chine, spécule, puis entre en "somnolence" relative sur ses acquis au bout de 4 siècles environ. Celle qui s'est imposée alors en Chine est celle de "Maître Kong" (Confucius), presque seulement contrebattue par le minoritaire taoïsme (plus tard par la religion bouddhiste).
Le confucianisme, c'est un utilitarisme étatique proche de Hobbes et plus exigeant encore, fixant un Ordre immuable où l'individu ne compte presque pour rien : le seul sens de la vie est, dans une hiérarchie d'importance croissante, la famille, la collectivité locale, la tribu ethnique, l'Etat. Les dieux n'existent pas, donc le seul devoir ou rôle humain est d'être soumis et utile à cet Ordre. De plus, selon Kong-tseu, l'être jeune, ou l'enfant plus encore, est esclave de ses pulsions, donc dangereux, instable, irresponsable et stupide par définition. L'intelligence est expérience. On ne bonifie qu'en vieillissant. La femme étant "infantile" (une évidence pour le vieux Kon...g ), c'est très logiquement le Vieil Homme qui représente l'être supérieur, et le comble de la nullité, le zéro humain, c'est un bébé-fille. D'où sa suppression fréquente sans état d'âme dans la Chine traditionnelle.
Or maître Lao s'y opposa, et préconisa le contraire exact du confucianisme, c'est son intérêt... et sa limite. Il préconisa le refus individuel de toute charge sociale, de toute responsabilité, une éthique de pure et simple fuite envers l'Etat, la vie d'ermite dans les montagnes, à "boire du vin en contemplant la lune", "suçant la mamelle de Mère-Nature" dans un retour proclamé à la petite enfance. D'autre part la "divinisation" de cette Nature (le Tao) et même de certaines entités (les "Immortels") était une réaction contre l'athéisme absolu du confucianisme d'Etat.
Il est quand même assez ardu de relier ce sympathique pied de nez non-violent à notre vie, du moins dans nos contrées où ne règne pas la tyrannie (quoi qu'on en dise). Et si l'on rejette et fuit toutes responsabilités, comment protéger et éduquer sa famille ? on vit de quoi ? quelle éthique appliquer à autrui ? enfin le taoïsme en suivant sa logique de réaction anti-confucianiste aurait dû valoriser un peu sérieusement la femme, mais il ne l'a fait que fort timidement. Le machisme extrême confucianiste s'est trouvé sans adversaire vraiment actif, et a imprégné toute la culture chinoise, influant puissamment sur la Corée, puis (dans une moindre mesure) sur le Japon.

Les nouvelles que je lis ne sont nullement un manuel de taoisme.

Je les lis pour le plaisir, elles sont courtes et proposent des attitudes, sans les recommander. A chacun de réfléchir comme il l'entend.

Un exemple : un homme perd son étalon favori qui fugue. Les voisins le plaignent mais il refuse de se lamenter. Trois jours plus tard, son étalon revient avec une jument "craquante". Les voisins le félicitent, mais il refuse de se réjouir.
Son fils monte sur l'étalon, mais celui-ci le jette à terre, jambe cassée. Les voisins se désolent, il refuse de se plaindre. Deux mois plus tard, c'est la guerre. Son fils handicapé n'est pas enrôlé.

Il y a donc acceptation de la vie, avec une certaine distance : d'un mal peut sortir un bien, et inversement.
Méditez

Ah ! Je ne savais pas qu'il y avait eu antagonisme entre les 2 mouvements, taoïste et Confucius !
Je n'ai jamais aimé les préceptes de Confucius, car trop pragmatiques et contextuels, justement. (A vrai dire, il m'ennuie...)

Le Tao, c'est avant tout une métaphysique. Il y a flux-reflux, et une origine commune "indifférenciée", comme ils disent, qui transcende les mesquineries terrestres.

C'est vraiment une spiritualité.

On vit comment avec le Tao ?

Je ne sais pas s'il y a une vie profane... J'ai lu comme toi, Lao-Tseu et n'en ai retenu que l'aspect cosmique.

Selon ce que tu illustres, Rotko.

C'est au-delà du bien, du mal, puisque ces 2 notions n'existent pas plus que les nuages fluents.

Citation :

Celui dont la pensée ne va pas loin verra les ennuis de près.

telle est la morale du conte l'ombre du cerisier : un riche commerçant, par amour de l'argent vend à un vagabond l'ombre du cerisier qui borde sa propriété...

Or l'ombre se déplace, pendant le jour, et même au clair de lune. le vagabond la suit

Crevette a écrit:

Selon ce que tu illustres, Rotko.

C'est au-delà du bien, du mal, puisque ces 2 notions n'existent pas plus que les nuages fluents.

... Ou n'existent ni plus, ni moins. En effet, Crevette. Je connaissais l'histoire résumée par Rotko (elle est en effet assez longue, et l'homme répond invariablement aux félicitations ou remarques compatissantes de ses voisins "Je ne sais pas si c'est bien ou si c'est mal"). Curieusement, c'est comme "koan" du Zen qu'un Japonais la citait sur une scène de théâtre, il y a 2 - 3 ans, où je l'ai entendue.

L'expo "Tao" au Grand Palais, à Paris, avant-dernier jour : je l'ai visitée ce matin avec une amie. Ah, très riche en oeuvres, souvent prêtées par le Musée Guimet, notamment une collection de grandes peintures verticales anonymes de 1454, remarquable par l'imagination "burlesque" et par les efforts de différenciation des physionomies dans la foultitude des semi-déités et Immortels.
Plusieurs superbes paysages, de grands peintres parfois (Shidao, Qiuying, Ma Lin...)
Comme je suis du genre à trouver du poil aux oeufs, j'ai des critiques : l'expo n'explique pas ce qu'est le taoïsme philosophique, et l'introduit d'emblée comme une "religion". Ce qu'il est devenu d'ailleurs, suivant la même évolution que le bouddhisme, mais est-ce bien là son essence, son noyau ?
Et puis, bien que je sois le premier à me plaindre des abus du sociologisme lourdement matérialiste en Histoire, ici un peu de rapprochement des succès du taoïsme avec les époques de troubles et de crises, ou avec la peu enviable condition féminine en Chine aurait été de mise, dans cette avalanche assez superficielle de mythes, symboles, légendes. On a bien peu sur les rites concrets et le clergé. Et rien de chez rien sur les pratiques sexuelles des taoïstes, on est bien collet monté au Grand Palais...