Grain de sel - Forum littéraire et culturel
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.


Forum littérature, roman, polar, poésie, théâtre, BD, SF, auteurs et livres du monde entier sur le forum littéraire et tous les arts, cinéma, peinture ...

Une table conviviale pour parler des livres, des spectacles, et goûter aux plaisirs des mots.
 
AccueilPortail*Dernières imagesIndex auteursS'enregistrerConnexion
-20%
Le deal à ne pas rater :
-20% Récupérateur à eau mural 300 litres (Anthracite)
79 € 99 €
Voir le deal

 

 cathyhu son dernier roman

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
cathyHu
pilier
cathyHu


Nombre de messages : 314
Localisation : isère
Date d'inscription : 12/12/2009

cathyhu son dernier roman Empty
MessageSujet: cathyhu son dernier roman   cathyhu son dernier roman EmptySam 01 Mai 2010, 09:26

Je vous présente mon dernier roman : Mathieu, pour toujours.
Il n'est pas encore publié, je voudrais un avis.
C'est une histoire d'amour entre une jeune femme et un monsieur qui aurait l'âge de son père.


Mathieu, pour toujours

Cathy HUNE

De janvier 2008 à mars 2010

NOTE DE L’AUTEUR

Je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes qui, par un regard bienveillant, des compliments ou des conseils avisés, m’ont donnée une aide précieuse pour continuer mon travail d’écriture, malgré le peu de succès que j’en retire.
Je pense particulièrement à Anna Dick, à Amélie Nothomb, à Jean d’Ormesson qui m’a très aimablement et très amicalement permis d’utiliser l’une de ses phrases comme citation.

Lucie, mon amie présente ce livre comme une parenthèse dans un monde désenchanté, tourné vers le profit, le paraître, le toujours « plus ». Elle vous propose son histoire, celle d’une femme qui a trouvé l’amour, qui a su le garder même après la mort de l’être aimé. Ce sont quelques fragments d’une vie basée sur la tolérance, l’empathie, la compassion, l’amour c’est-à-dire tout ce qui manque à cette société.
J’ai accepté d’écrire les fragments d’histoire de mon amie car je pense aussi qu’un peu de douceur donne du baume au cœur et permet de se poser, de se détendre et de regarder cette vie avec toute l’attention à laquelle elle a droit.


PREFACE

Lucie est une amie que je connais depuis longtemps et nous nous apprécions mutuellement.
Arrivée à l’hiver de sa vie, elle m’a demandé d’écrire sa vie ou tout au moins ce qu’il pouvait en rester : des souvenirs. Ecrire la vie de quelqu’un est difficile même si vous le fréquentez régulièrement mais je me suis tout de même astreinte à cette tâche. J’espère simplement qu’elle aura le temps de lire le manuscrit avant publication.


« Il me semble qu’il n’y a eu dans toutes les circonstances
Rien d’autre que mon amour sur tout comme un grand tilleul ombreux
Rien d’autre que mon amour qui tremble comme un joueur heureux
Il me semble qu’il n’y a eu que mon amour dans l’existence (…) »
(ARAGON, Le roman inachevé, extrait de « L’amour qui n’est pas un mot »)



Les couchers de soleil sont magnifiques en cette époque de l’année.
Voilà 20 ans, que, chaque soir, je me mets à la fenêtre de mon salon pour regarder ce spectacle magique. Mon soleil s’est définitivement couché il y a 20 ans. Le seul homme que j’ai aimé disparaissait à cette époque. Je ne l’ai pas oublié, cet homme fort, fier qui m’a prise pour femme malgré mon inexpérience, mon jeune âge.
Les mots ne peuvent pas tout traduire, surtout un amour comme celui-là. Rien ne nous est dû. Si la vie est un cadeau irremplaçable, l’amour en est un aussi précieux car il nous humanise, il nous sublime, il nous fait toucher la Vérité, il nous oblige à nous dépasser. L’amour n’est pas synonyme de conscience car le ressenti ne se situe pas au même endroit que l’intelligence, il se ressent, ne s’explique pas, ne peut se mettre en statistiques, il se vit, se défait et se refait chaque jour.
Non, ma première rencontre était encore un souvenir, nous allons dire : presque récent. C’était mon employeur, il m’a tout de suite plu. Après, je l’ai beaucoup observé, en amoureuse prudente, je cherchais à voir si c’était le bon, si mon cœur faisait le bon choix. Et puis, oh merveille ! , il me l’avait dit lors d’un entretien que lui aussi était tombé amoureux de moi. Alors nous avons commencé à faire des projets ensemble, l’oiseau de l’amour est venu faire son nid dans nos deux cœurs et, à mesure que nous tournions les pages du livre de la vie, les branchages sont devenus de plus en plus solides, de plus en plus inébranlables, ils faisaient face comme un seul bloc aux médisances (vu notre différence d’âge, la richesse de mon mari, etc.), aux jalousies…à la vie, au temps. Longtemps, nous n’avons pas couché ensemble car nous avions l’impression que cet amour se flétrirait si nous faisions l’amour, que notre amour était trop grand, unique et rare, donc à protéger, à faire durer.
Il ne m’a pas donné d’enfants mais peu m’importait, je vivais dans son ombre, la main dans sa main, le cœur dans son cœur, les yeux dans ses yeux. Deux « je » avaient fusionné pour ne former qu’une seule personne, nous étions DEUX.
Si demain je ne vois pas l’aube nouvelle, si le fil arrête d’être filé, je ne serai pas malheureuse car j’aimais et j’ai été aimée. Je resterai dans la mémoire de mes proches. C’est l’oubli qui tue, pas la mort, la mort n’est qu’un passage….. L’être humain cherche son éternité, mais il est trop bête pour savoir qu’il l’a déjà par tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a écrit, composé, par ses enfants et tous ceux qui peuvent parler de lui.
Je m’appelle Lucie et je vais vous raconter mon histoire.



FRAGMENT I
MATHIEU
« (…) Lorsqu’on est heureux, on devrait pouvoir arrêter la vie, arrêter le temps qui passe (…) »
Extrait d’une chanson chantée par Jacqueline DULAC

Mathieu gare sa voiture devant son restaurant depuis maintenant plus de cinquante ans. A vingt ans, il est rentré "au biscuit" comme simple cuistot puis à force de persévérance, de volonté et de travail, il est devenu le patron de ce snack gastronomique de la banlieue de Paris. Il avait une clientèle de personnes riches qui aimaient bien manger. Lui-même était fort sans avoir la bedaine. Ses 1,90 m faisaient de lui un géant.
Je reviens constamment sur son passé tout au long du roman car je pense que le passé explique le présent. C’est une donnée très importante dans la vie d’un personnage. Un homme se construit chaque minute de sa vie.
Aujourd’hui, sa clientèle était constituée de riches oisifs qui choisissaient son restaurant pour les menus originaux et fins et pour son accueil toujours aimable, pour sa discrétion et puis aussi pour y rencontrer d’autres riches oisifs… Il avait notamment comme client régulier un monsieur qui n’aimait pas les femmes, il connaissait son nom mais il l’appelait monsieur le misogyne (en privé). Pour ce client, les femmes, c’étaient toutes des salopes, des traînées. Un jour Mathieu a appris que son aversion pour les femmes venait de sa mère. C’était une femme frivole et dépensière qui ne s’occupait jamais de ses problèmes ; son carnet de notes, il avait fini par le montrer à son père car cela n’intéressait pas sa mère. Elle aimait certainement son fils mais pas comme il comprenait l’amour d’une mère à son fils ; pour lui cela consistait en des cajoleries, de la compassion, de la tendresse, une oreille pour parler et un peu d’autorité. Elle ne lui donnait rien de tout ça. Il était son petit caniche qu’elle exhibait à ses copines. Alors, pour lui, toutes les femmes étaient comme sa mère persona non grata. Le restaurateur l’écoutait parler de ses histoires de plus en plus sordides, de sa petite vie d’égoïste. L’homme l’accaparait, il voulait son attention pour lui tout seul. C’est le rôle de Mathieu de venir lui tenir la conversation quelque instant ne serait-ce que pour voir si tout allait bien, mais il n’était pas question de privilégier un client plutôt qu’un autre. Tout le monde ne le comprenait pas, mais c’est la base des relations d’accueil.
Quand le client venait, il trouvait toujours la même table, la même serviette, il demandait un menu différent chaque jour. Mathieu est une oreille compatissante mais il ne faisait qu’écouter et chaque client lui demandait la même attention. Un jour, ce client n’est plus venu. Mathieu apprit plus tard qu’il était mort d’une rupture d’anévrisme. Il ne regrettait pas cet homme plus que ça car sa clientèle commençait à devenir pesante. Il avait des réflexions de certains clients qui lui reprochaient de passer trop de temps avec lui.
Mathieu parlait souvent avec un autre client. Ce monsieur était marié mais sa femme tendrement chérie ne venait que rarement manger en sa compagnie. Puis, quand sa douce moitié est morte, il est devenu comme un zombi, il venait pâle comme un linge ; Mathieu se rappelle, qu’un jour, il a été malade. A tel point, que Mathieu s’est demandé s’il s’en sortirait un jour. Puis, le temps a passé et avec lui, la douleur. Il revint plus triste mais plus calme, moins malade qu’avant. L’esprit humain a beaucoup de ressources. Il a un remède contre la douleur, c’est la mémoire, les souvenirs, la compréhension de la vraie définition de la mort : une porte vers autre chose. Sa femme vivait avec lui, encore plus vivante qu’avant car elle se trouvait dans son esprit en permanence. Sa relation était intense, secrète mais elle lui faisait du bien, lui avait permis de reprendre le dessus.
(suite)
Revenir en haut Aller en bas
http://cathyhune.e-monsite.com
cathyHu
pilier
cathyHu


Nombre de messages : 314
Localisation : isère
Date d'inscription : 12/12/2009

cathyhu son dernier roman Empty
MessageSujet: suite de Mathieu, pour toujours   cathyhu son dernier roman EmptySam 01 Mai 2010, 09:36

C’était un client sympathique qui a fini par changer de ville et donc Mathieu ne l’a plus revu….avec regret cette fois-ci. Il avait toujours un mot gentil à donner, un compliment à faire. En plus, il n’avait aucune exigence.
Il y avait d’autres clients qui étaient très bavards. Ils venaient pour parler de choses et d’autres, de politique. Ils appréciaient la discrétion et la qualité d’écoute de Mathieu. Ils n’évoquaient pas le thème de la politique car tout le monde connaissait le caractère de Mathieu, pas de coup de gueule mais quand un client avait une politique raciste ou xénophobe, Mathieu ne pouvait s’empêcher de lui faire part de son désaccord. Le client s’en allait furieux et ne revenait pas.
Il avait su se faire une clientèle. Mais cela n’avait pas toujours été si rose.
Il venait de l’assistance publique, orphelin de guerre. A six ans, il est rentré dans un orphelinat jusqu’à ses dix-huit ans. Durant cette période, il ne fut jamais adopté. Quand une famille venait, il faisait les pires vilénies pour que cette famille en choisisse un autre plus calme, plus doux. Il se sentait bien dans cet orphelinat, il s’était fait beaucoup d’amis. La plupart restèrent amis avec lui toute sa vie, d’autres devinrent ses collaborateurs et d’autres encore partirent sans laisser d’adresses et sans donner de nouvelles. Il s’entendait bien avec ses responsables qui faisaient tout pour que la vie de ces orphelins soit la plus agréable possible. Il devint un homme grand et fort, et très vite il voulut partir faire sa vie en dehors de cet endroit sécurisant mais qu’il commençait à trop bien connaître…Il voulait vivre sa vie. Il n’avait point de formation mais il avait son BAC général. Sans expérience et sans recommandation et tout seul, chercher du travail est peine perdue. Il ne voulait s’inscrire à l’ANPE, il était trop indépendant et fier pour cela. Son rêve était d’ouvrir sa propre entreprise mais il ne savait pas trop dans quel domaine.
Il commença par travailler sur les marchés, il aidait à déballer les cageots, à nettoyer la place. Ce boulot était épuisant, loin d’être gratifiant mais il pouvait manger et avait un toit (chez ses employeurs). Ses soirées, il les passait avec ses amis à boire un coup, à jouer aux cartes ou à courir après les filles. Jojo, Albert, Rémi et les autres représentaient une bouée d’oxygène pour lui.
Tous les sujets étaient abordés et particulièrement le sexe. Jojo avait une copine plus jeune que lui, il se sentait bien avec elle mais il ne savait pas si son amour était partagé et cela l’embêtait.
Albert butinait différentes fleurs sans jamais rien regretter.
Comme Mathieu, il prenait le plaisir là où il se trouvait.
Rémi, lui, travaillait la nuit ; alors le sexe, c’était plutôt des émissions porno ou des cassettes en location…
Quant à Mathieu, c’était un séducteur, il regardait la femme longtemps avant de l’aborder puis la danse commençait et finissait au lit. Chez lui, c’était un besoin mais, si la femme refusait ou n’était pas disponible, il n’insistait pas. Il ne s’attachait pas. Quand il aimait, c’était passionnément et quand il se détachait, c’était définitif. Mais il n’a jamais aimé, les femmes étaient de belles fleurs admirées pendant un temps et sans cesse renouvelées.
La conversation tournait aussi autour du travail : sa pénibilité, son manque de reconnaissance. Albert disait même « qu’on est tous des marchandises. On nous prend quand on a besoin de nous et on nous jette si on n’est pas rentable ou pas assez utile. » La plupart étaient dégoûtés mais tous reconnaissaient qu’ils ne savaient pas ce qu’ils deviendraient sans leur travail… Ils étaient d’accord pour dire que le travail leur donnait un salaire mais aussi une reconnaissance dans la société, une sorte de carte de visite : ils travaillaient comme les autres.
Je parle d’Albert, de Rémi et de Jojo car ils vont jouer un rôle dans la vie de Mathieu.
Et puis le temps passa. Un jour, Mathieu finit par rencontrer un restaurateur qui avait besoin d’un cuistot certains jours. Il accepta surtout parce qu’il pouvait cumuler les deux jobs. Par contre, les soirées entre copains étaient compromises, il n’avait plus le temps. Elles étaient plus espacées mais le contact n’a jamais été perdu. Ils étaient plus que copains, ils étaient vraiment amis. Des amis n’ont pas besoin de se faire de longs discours ou de se téléphoner tous les jours, ils savent qu’ils sont deux quelque part à vivre deux vies mais l’un a besoin de l’autre ; il sera là, toujours là. Ils se croisaient quelquefois dans la rue et se faisaient un signe de tête : traduction de bonjour, comment ça va.
Cuistot était un métier où il rencontrait beaucoup de monde. Il s’entendait bien avec son patron. Mathieu avait une forte personnalité mais il était très discipliné et savait être conciliant.
Son patron, quant à lui, était exigeant, maniaque mais juste, droit et franc.
En exerçant cet emploi, Mathieu s’aperçut qu’il aimait cuisiner. Chez lui (il avait pu louer un petit studio), il s’inventait de nouvelles recettes de cuisines. Il devenait de plus en plus inventif et audacieux. A tel point qu’un jour, il prit son courage à deux mains et alla trouver son patron. Il lui dit qu’il l’invitait chez lui le soir de son choix et qu’il lui ferait la cuisine. Il y eut un silence, son patron le regardait attentivement. Et il fut presque surpris de s’entendre répondre positivement. Son patron était d’accord. Celui-ci lui dit que ce qu’il appréciait avant tout chez ses employés, c’était l’audace et que cette invitation était une proposition très audacieuse de la part d’un simple cuistot au patron du restaurant. Mathieu se surpassa, fit ce qu’il réussissait le mieux. Son employeur mangea tout avec délectation en posant des questions sur les différents ingrédients. Il s’aperçut vite que c’était fait maison à quelques détails que seul un gourmet peut connaître… Il regarda Mathieu d’un œil différent, plus intéressé ; le petit avait du talent.
Plus tard, il laissa son apprenti cuistot à faire ses nouvelles recettes à ses clients. Ce fut le commencement de la carrière du jeune homme car les clients étaient satisfaits et ce fut une carte de visite précieuse. Quand ces derniers se renseignaient sur ces nouveaux menus, le patron appelait Mathieu et celui-ci leur expliquait en détail ce qu’il mettait dans ses plats pour les rendre si savoureux. Son employeur aurait très bien pu prendre cette nouveauté à son compte par orgueil ou malhonnêteté, mais il ne le fit pas car il avait du respect pour ceux qui étaient sous ses ordres. Selon lui, tout le monde devait avoir sa chance, tout le monde même le plus petit et le plus faible d’entre nous.
Mathieu ne réserva pas ses recettes à son lieu de travail, il voulut aussi partager avec ses amis et ils en parlèrent, et c’est ainsi qu’il se fit une réputation de bon cuisinier dans différents milieux : celui d’ouvriers, d’employés et celui de banquiers, de cadres supérieurs. Ses amis étaient de milieux modestes mais ce que dit l’employé revient toujours un jour ou l’autre aux oreilles du patron. Dans son lieu de travail, Mathieu touchait des milieux riches, qui ne regardaient pas et qui n’étaient pas avares de faire et de défaire les réputations.
Cette réussite le rendit fier…..et encore plus entreprenant.
Maintenant, trois ans après avoir invité son patron chez lui, il parla d’ouvrir son propre restaurant avec ses économies. Il n’en avait pas assez et les banques ne prêtent qu’aux riches, alors il se tourna une fois de plus vers son patron qui, une nouvelle fois, répondit présent. Il se porta caution et c’est ainsi que Mathieu put ouvrir son propre restaurant avec la possibilité d’embaucher en CDI du personnel. Il avait besoin d’un serveur, de deux aides pour les cuisines. Il s’occuperait des comptes, du nettoyage et de la cuisine.
Il pensa tout de suite à ses amis. Certains avaient trouvé du travail ou avaient quitté la ville mais le noyau dur était resté. Ses amis travaillaient tous en CDD, alors alléchés par un CDI et en plus chez leur ami, cela ne se refusait pas.
Jojo accepta le poste de serveur car il avait fait ce genre de mission et Albert devint un aide de cuisine dévoué. Rémi n’était pas intéressé par la cuisine mais il fut utile pour la construction et la décoration du bistrot. Il recruta par les petites annonces un deuxième aide et l’aventure put commencer. Son ancien patron était disposé à lui donner des fonds s’il en manquait.
A ses débuts, ce n’était qu’un petit bistrot où la nourriture n’était pas mauvaise, inventive. Il avait une clientèle de passage, de quartier. Il avait travaillé très, très dur pour transformer ce petit bistrot sympathique en un lieu obligé pour qui voulait bien manger. Il n’avait pas compté ses heures. Percer dans ce milieu de la restauration est très difficile. Il faut se démarquer de la concurrence, trouver l’idée qui fera que telle ou telle clientèle ira chez vous plutôt que chez les autres. Mathieu avait ces deux grandes qualités : l’idée et le goût du travail.
A force de persévérance et avec l’aide financière (entre autres) d’autres grands restaurateurs, il transforma ce petit restaurant de quartier en un coin réputé pour sa gastronomie, son accueil et sa décoration.
Cette réussite professionnelle a permit à Mathieu de s’enrichir, d’acheter une belle maison, une cave à vin, de beaux meubles, de bien vivre.
Il aidait quelques organismes caritatifs mais il aimait l’argent, ainsi il pouvait apprécier un certain confort et une vie agréable.
A ceux qui lui demandaient de l’argent, il répondait souvent négativement. Avant de donner, il étudiait la réelle situation financière et le réel désir du demandeur de s’en sortir.
Ainsi il était généreux dans une certaine limite.
Il était un ancien de la DDASS, orphelin suite à la mort de ses parents dans un accident de voiture quand il avait quatre ans.
Il recevait de l’amour d’adultes qui ne pouvaient s’attacher à lui car il n’était qu’un enfant de passage.
Très tôt, il avait vécu dans la rue où il avait dû galérer pour manger, pour vivre, pour se faire une place. Il avait très vite su se faire des amis, il avait les joies et des aides du groupe, il avait connu la solitude de la rue.
Il avait débuté seul et avait travaillé seul. C’était un autodidacte qui étudiait dans les livres de bibliothèque et qui méritait sa réussite d’aujourd’hui. Il apprenait partout où il est possible d’apprendre : en lisant, en écoutant (il avait une qualité d’écoute surprenante).
Cela aussi, il ne l’oublia pas et il s’en est servi dans sa vie, il donna la chance et même parfois une seconde chance en cas d’erreur ou de dispute car il savait ce que la galère voulait dire, que quand la vie tape dur (comme souvent), on a besoin d’une main tendue, d’un soleil pour continuer…
Parlons maintenant d’un de ces traits de caractère commun à beaucoup d’hommes : il aimait coucher avec les femmes.
Quand il eut assez d’argent, il commença ses voyages autour du monde, et chaque fois qu’il allait dans un pays, il faisait l’amour avec une femme et puis il rapportait des recettes de cuisine qu’il utilisait pour certaines préparations. Il était très ingénieux, il savait faire beaucoup avec peu. Il avait beaucoup d’imagination dans la décoration et dans ses plats. Ses menus étaient justement appréciés pour leur inventivité car quelquefois, il préparait telles quelles les recettes qu’il rapportait de ses voyages.
Avant, tous les jours, le bistrot était plein. Il n’y avait rien à redire depuis l’accueil chaleureux, jusqu’à la bonne cuisine. Maintenant, il ferme le dimanche, n’accepte plus les repas de familles. Il reste ouvert aux grandes fêtes.
Je passe les recettes de cuisine des femmes car les femmes lui suggéraient des recettes de cuisine. En préparant ses petits plats, cela lui procurait les mêmes sensations que quand il les caressait.
Il restait plus ou moins longtemps avec les femmes, trois semaines avec une asiatique et (son record) un mois avec une noire car il les appréciait pour leur beauté, leur sensualité. Il appréciait une certaine catégorie de femmes ossues, charpentées, plus grandes que lui.
Jusqu’à un certain âge, il pensa avec son cœur et un certain organe reproducteur. Dès qu’une femme lui plaisait, il l’accostait et essayait de la séduire. Les trois quarts du temps, cette tentative se soldait par un échec et d’autres fois, cela marchait. Il aimait l’instant de l’amour, le fait de ressentir le plaisir d’aimer. Il était assoiffé de tendresse et d’affection et, à travers ces femmes, il trouvait cette présence maternelle qui lui avait longtemps manqué.
En fait, son plus grand défaut, est qu’il était volage.
Dans ce défaut, il avait une qualité : il ne choisissait pas de femme mariée, c’était chasse gardée. Il y avait beaucoup de morale et d’application dans ce qu’il faisait, beaucoup de classe.
Il faut dire qu’il était superbe, un athlète, très beau. Il n’aimait pas les complications, il possédait un esprit clair, franc avec de la psychologie autant qu’un homme peut en avoir. Il savait ce que c’était que la galère, les problèmes ; donc ces situations, il n’en voulait plus. Les femmes et les chevaux de course appartenaient aux loisirs. Il laissait les situations conflictuelles aux autres plus jeunes.
Il n’utilisait jamais sa force et sa puissance contre les autres. Les femmes, pour lui, ont été une sorte de jeu, il savait que c’était pour un certain temps, pour le plaisir de l’amour. Une esquimaude lui avait proposé de vivre avec elle, il avait refusé, ce n’était pas son but, c’était un étalon qui avait besoin de pouliches diverses et variées.
Quand on sait que le jeu peut être une addiction, il était drogué par les femmes et c’était en leur faisant l’amour qu’il prenait ses idées de recette. Les femmes et la cuisine, mélange curieux mais c’était sa vie. Il était rare que son désir dure plus de 3 ou 4 jours, le temps de prendre son pied. Il les oubliait aussi vite qu’il les avait séduites. Ces relations n’allaient pas au-delà du sexe c’est-à-dire qu’elles étaient vouées à finir.
Quand il eut atteint un certain âge, il regarda toute cette «débauche sexuelle » avec sérénité et amusement. Son appétit sexuel avait diminué. Il regardait avec toujours autant d’attention les femmes mais il ne les abordait plus. Il n’avait plus de désir.
A l’époque de la rencontre qui allait bouleverser sa vie, il menait une vie calme et tranquille.
Chaque matin, il faisait sa marche dans le bois puis son marché car il aimait acheter du frais mais surtout discuter avec les commerçants qui le connaissaient et l'appréciaient tous.
Il s'arrêtait souvent pour regarder le soleil, le ciel bleu, aussi bleu que ses yeux, les nuages blancs, aussi blancs que ses cheveux.
De visage, il ressemblait à cet acteur américain qui a joué Spartacus avec ses mains fines et sa binette allongée.
Des cheveux blancs lui tombaient sur les épaules et sa voix était douce, il n'a jamais fumé ou très peu.
Il vivait dans une villa avec un domestique pour le nettoyage de la maison et de son linge. La cuisine, il se la faisait lui-même. Vous comprenez pourquoi…
Ses vacances, il les passait en voyage, il avait parcouru tous les pays. De l'Asie, il avait ramené des meubles, de l'Afrique, il avait acheté des objets, des sculptures et des tapis, des USA, un bon rhume et quelques recettes de cuisine. Mais il préférait l'Afrique pour sa chaleur, ses fauves magnifiquement dangereux, pour ses paysages d'une beauté bestiale. Il se sentait humble devant tant de pauvreté, une vie si dure et pourtant des gens si à l'aise, si accueillants, si souriants. Au son des tam-tams, il appréciait les nuits chaudes encore plus chaudes quand une femme noire se prélassait dans ses bras. Après les Esquimaudes, il y eut les Asiatiques connues pour leur sensualité et leur massage, les noires. Le SIDA régnait dans ces pays, donc il fallait mettre un préservatif, l'amour : oui mais surtout continuer à vivre après.
Aujourd’hui, son restaurant, il l’a donné à son associé mais il en a gardé le contrôle. Son associé était un ancien de la DDASS comme lui, mais bien plus jeune que lui. Il l’avait rencontré dans la rue, il vendait des légumes à la criée, décharné, mal nourri. De plus, il avait déjà commencé son métier de restaurateur, alors il l’a embauché dans son bistrot tout naturellement. Puis, ils sont devenus amis et ont continué à travailler ensemble. Il lui avait donné son resto en remerciement pour tout.
Bizarrement, Mathieu n'était pas tombé amoureux. Avant, chaque rapport avec une femme était vécu comme une nouvelle expérience, maintenant, sa seule véritable passion était l'art.
Il s'y était habitué et à son âge, les habitudes, c'est important. Il venait saluer les clients mais ne leur faisait pas la conversation, il savait et devait rester discret.
Il parlait beaucoup moins qu’avant aux clients. Il était toujours aussi présent dans son restaurant, sa seconde maison mais il y mettait plus d’insouciance. Il s’en faisait moins.

Sa vie bien ouatée allait être bouleversée par quelqu'un... Ce quelqu'un, nous allons le découvrir maintenant.
(suite)
Revenir en haut Aller en bas
http://cathyhune.e-monsite.com
cathyHu
pilier
cathyHu


Nombre de messages : 314
Localisation : isère
Date d'inscription : 12/12/2009

cathyhu son dernier roman Empty
MessageSujet: suite de mon dernier roman Mathieu, pour toujours   cathyhu son dernier roman EmptySam 01 Mai 2010, 09:38

FRAGMENT II
LUCIE

« Le bonheur confond le présent et le futur, l’être et le devenir »
Albert JACQUART

A la mort de ma mère suite à la maladie, j’avais un mois.
Je suis allée à l’orphelinat et très vite dans une famille d’accueil gentille, aimante.
Comme mon mari, je suis sans famille.
J’ai vécu dans cette famille d’accueil jusqu’à l’âge de dix-huit ans. C’était des gens gentils, qui faisaient ce qu’ils pouvaient. Ils n’étaient pas riches et vivaient dans une maison à deux étages. Au rez-de-chaussée, se trouvaient la cuisine et le salon ; au premier : les chambres (une pour les parents, je n’y mettais jamais les pieds, une pour les deux filles et moi, et une pour le garçon. Je m’amusais souvent avec les filles mais cela n’allait jamais bien loin. Le dernier étage : la salle de bains, les WC et un débarras. Il n’y avait pas de grenier mais une petite cave : je n’y suis jamais allée car j’avais une peur bleue du noir quand j’étais petite, je voyais des monstres et ne pas voir les contours des meubles m’effrayait… Je sus m’adapter à ces inconnus, je jouai avec des enfants que j’appelais frères et soeurs, j’étais obéissante et tendre avec un couple que j’appelais mes parents. Mon enfance fut sans accroc, l’adolescence, sans véritable crise, je prenais la vie comme elle venait et selon ce qu’elle me donnait. Ils avaient déjà trois enfants, alors j’ai été nourrie, logée mais c’était presque tout. On me donnait juste ce qu’il fallait d’affection. Pour Noël, les jouets étaient pour leurs enfants mais je pouvais jouer avec ces jouets. J’avais en gros ce qu’il me fallait : un toit, de la nourriture et de l’affection. Je me suis contentée de peu. Je n’étais ni heureuse ni malheureuse, je vivais une petite vie tranquille.
Et puis un jour, ce fut un choc car mes parents me parlèrent de mon accueil. Ce n’était pas vraiment une adoption, je portais le nom de ma famille d’accueil mais c’était, aux yeux de l’administration, un nom d’emprunt. J’ai donc repris le nom de mes parents, de mes vrais parents à dix-huit ans… sans avoir l’impression de changer d’identité. Le nom n’apporte rien pour soi, ce n’est qu’un moyen pour l’administration de vous identifier.
Je sentais au fond de mon cœur que j’étais une étrangère mais je ne savais pas comment interpréter cette impression. J’ai connu ce sentiment pénible de ne pas me sentir à ma place sans que personne ne me fasse de réflexions ou de remarques déplaisantes. C’était juste une sensation. Ma famille d’accueil avait signé un contrat avec l’orphelinat comme quoi, sauf problème de ma part, elle devait s’occuper de moi jusqu’à dix-huit ans ; la direction de l’orphelinat avait considéré que j’étais apte à suffire à mes besoins à cet âge. Ce n’était pas faux car j’avais mon BAC et ma famille d’accueil était loin d’être riche.
Un jour, mes parents adoptifs m’ont dit à la fin d’un repas que j’étais adoptée. La mère avait reçu un papier de l’orphelinat qui lui demandait si elle voulait me garder ou pas. Elle avait décidé de ne pas me garder. Je ne leur en veux pas, ce n’était pas méchant de leur part. Ils ont été directs, sans concession et je n’avais pas le choix.
Mais a-t-on le choix la plupart du temps ?
Là, je sus pourquoi je me sentais étrangère, tout simplement parce que je l’étais. A dix-huit ans, je dus partir et faire des petits boulots pour payer mes études. Je suis donc partie, sans regret. Je suis allée à l’aventure à Paris.
J’avais mon BAC mais il me fallait continuer mes études pour avoir un métier convenable. En attendant, je fis des métiers de serveuse, de femme de charge. Je m’engageai dans une association qui me trouva une chambre de bonnes (une pièce avec un coin WC et un lavabo) et qui pouvait me donner des repas. Cela a été dur car, contrairement à Mathieu, j’étais vraiment seule. Ma famille d’adoption a coupé définitivement les ponts avec moi et je n’avais aucun moyen de subsistance. Petit à petit, je pus me payer des études. Au début, je voulais être interprète mais le métier ne me plaisait pas, l’ambiance était superficielle et les gens peu courtois, donc je me suis dirigée vers le secrétariat trilingue (je parle et j’écris 6 langues : le français, l’anglais, le russe, l’allemand, le japonais et le chinois).
Je suis allée en fac pour étudier les langues et j’obtins un BTS de Secrétariat par alternance. En fac, les élèves me regardaient comme une provinciale, une fille sans famille, on se posait beaucoup de questions sur moi, je suis restée l’étrangère, celle à qui on ne parle pas car on ne sait pas exactement d’où elle sort et que l’on en a peur. Après, j’ai été seule. Au travail non plus, je me suis pas fait d’amie car j’étais la secrétaire du directeur des ventes, place enviée par des femmes plus âgées que moi, plus anciennes que moi qui me jalousaient et ne m’adressaient pas la parole. Je n’étais pas malheureuse, mais je n’étais pas heureuse non plus car je manquais d’amitié, d’une épaule sur laquelle me reposer, peut-être même pleurer le trop plein de ce que je ne pouvais pas supporter.
Comment ai-je pu supporter cette vie si longtemps…pas si longtemps que cela car j’ai rencontré Mathieu à vingt-cinq ans…
Je fus très rapidement embauchée dans une entreprise dans laquelle j’avais fait mon stage d’étude pour un CDD de 2 ans. Au bout de ces 24 mois, j’ai trouvé un autre CDD en tant qu’assistante de Direction. Je n’avais pas d’amis, pas de piston, pas de carnet d’adresses, pas de voiture car pas d’argent. J’ai trouvé mon poste grâce à la FAC qui réalisait un suivi de ses élèves les plus méritantes. Quand j’ai débuté mon travail, je venais d’emménager. Cela a été très dur. Mes années de fac dans les études, après, dans la galère et le travail, ce sont des années que je veux oublier.
Je devais prendre le bus, c’était loin de chez moi mais c’était bien payé et assez intéressant comme poste. J’étais la secrétaire particulière du directeur des ventes, j’avais une partie ventes/achats, secrétariat classique, gestion, paie, accueil, saisie, etc.
J’avais une grosse responsabilité, quelquefois, j’étais obligée de travailler tard le soir ou le week-end mais en compensation, je gagnais bien ma vie. Je pus gagner assez d’argent pour quitter la chambre de bonnes et louer un petit studio dans un quartier calme de Paris. Je vivais dans un petit logement propre et simple. Le studio était au cinquième avec ascenseur. L’entrée donnait dans un couloir qui séparait la cuisine de la salle d’eau et qui menait à une grande pièce qui me servait de salon et de chambre. J’aménageai un coin canapé/tv, hifi avec un meuble bibliothèque pour les livres. Près de la cuisine, étaient placées des chaises et une table sur laquelle je prenais mes repas. En face du poste, se trouvaient mon lit, une commode, un meuble et une table de chevet. Voilà l’endroit où je passais une vie de travail, de loisirs : lecture, cinéma, sorties, une vie de solitaire. J’ai eu beaucoup de mal à meubler correctement car je n’avais pas d’argent. Quand je compare avec ce que j’ai aujourd’hui : une villa luxueuse, des meubles de style, de l’argent ; c’est le jour et la nuit. C’est la roue qui tourne dans le bon ou mauvais sens selon les mystérieux désirs du marionnettiste.
Je me rappelle ma première nuit. Je me sentais perdue, je n’avais pas encore mes repères. Mon premier matin, je me suis mise en retard à chercher les tasses, les bols et même la cuisine. J’ai passé ma première nuit à dormir d’un sommeil agité, je tombais dans des trous immenses mais que je ne voyais pas et je ne pouvais pas m’en sortir. Après un jour ou deux (je ne m’en souviens plus), je me suis sentie chez moi, en sécurité. Je connaissais chaque recoin de mon studio et j’étais bien dans ce petit nid.
J’ai pris mes marques et j’ai laissé s’installer une douce et tranquillisante routine. Le matin je partais travailler à 7 heures pour prendre mon travail à 8 heures, je mangeais à la cantine et rentrais généralement vers les 18 heures (sauf réunions, colloques, etc.). Avant je prenais le pouls du monde dans un parc puis je faisais mes courses ou je flânais avant de rentrer pour manger. Après, souvent je lisais ou je regardais la TV. J’ai toujours adoré lire, aussi loin que je me rappelle, je me vois avec un livre dans les mains. Dans ma famille d’accueil, je lisais les livres des enfants et, très vite, je me suis abonnée à la bibliothèque. Je lisais beaucoup de classiques : HUGO, BAZIN, ZOLA, LAMARTINE, PREVERT, CAMUS, BRONTE, ARAGON, d’ORMESSON, les contes de GRIMM (mes préférés), etc. Et puis quand je me suis installée chez moi, j’ai eu la période biographies (toutes), roman d’art et poésie. Ma maigre collection était sagement rangée dans une bibliothèque ouverte puis, avec Mathieu, c’était tout le pan du mur qui était tapissé de livres placés dans un magnifique meuble fermé. Les livres ont toujours représenté l’évasion, le plaisir de découvrir des paysages, des villes étrangères, de participer à des situations familiales, de me sentir prise dans le tourbillon d’une saga ou dans le malheur d’un couple. Une porte s’ouvrait vers un inconnu qui faisait du bien ou non mais en tout cas qui me faisait voir autre chose, j’étais spectatrice et en sécurité.
J’avais un beau regard vert. De ces deux grands puits d'eau, se reflétait une âme pure et bonne. Curieuse de tout, sérieuse, généreuse, persévérante. A vingt-cinq ans, j’étais aussi responsable et mature que n'importe qui. Sous mes airs romantiques de petite fille, j’avais exercé le dur métier de la vie seule. La vie tape très dur, Romy SCHNEIDER le disait bien mais elle paraît encore plus dure avec celui qui est seul. Car il reste sur la défensive en permanence pour parer tous les coups et cela peut l’user, l’aigrir. Je n’avais personne à qui raconter ma journée, avec qui partager mes doutes, mes peurs, mes démons. Le mari a sa femme et inversement, l’enfant a ses parents, le frère a sa sœur. Les gens qui gravitaient autour de moi n’étaient jamais que des inconnus, je ne pouvais pas me confier à eux. J’avais apprivoisé la solitude et sa vie spartiate comme un dompteur avec ses lions, avec patience, pragmatisme et intelligence. Je savais ce que je voulais, ce que j’étais et où j’allais autant que c'est possible de le savoir. Quand je rentrais de mon travail, je m’asseyais sur un banc des jardins publics. Je regardais les couples passer. Ces moments de pause au contact de la nature et des gens me plaisaient. Je me sentais bien en spectatrice de la vie des autres, cela me déchargeait de la mienne.
Chez les couples âgés, je voyais toujours les mêmes têtes. Je me rappelle surtout d’un couple qui ne se parlait pas beaucoup, sans doute parce qu’ils n’avaient plus rien à se dire ou parce qu’ils ne voulaient pas trop en dire en public. La femme était élégante, pas trop maquillée. Elle avait un sac en cuir qu’elle tenait serré contre elle. Elle changeait souvent de tenue. Le mari avait des costumes sombres, des souliers vernis, les cheveux courts. Il regardait fixement. Quelquefois, ils se regardaient sans se sourire. J’avais l’impression que ce couple était juste très à cheval sur les convenances (qui veulent qu’on ne fasse pas étalage de ses sentiments en public). Je me rappelle de ce couple parce qu’il m’avait impressionnée, une vieillesse bien tranquille et bien morne ou toute flamme est éteinte, il ne reste plus qu’une habitude de l’autre qui couvre une froideur des jours de son manteau de routine.
Chez les jeunes, par contre, les couples changeaient souvent. Là par contre, je n’ai aucun souvenir précis. Je ne revois aucun visage. Je me souviens juste qu’ils s’embrassaient beaucoup ; qu’ils parlaient fort (pas tous mais la plupart).
J’avais l’impression que les jeunes confondaient l’amour avec leurs kleenex. Je ne voulais pas d’un amour papillon. La seule chose dont j’étais sûre, c’est que je me fixerais, que je resterais toujours avec le même, je suis la femme d’un seul homme. Ma virginité est précieuse et je ne veux pas la galvauder et la donner à n’importe qui. C’est pour cela que j’ai rencontré pas mal d’hommes mais ce n’est jamais allé plus loin qu’une simple rencontre car le sexe ne m’a jamais intéressée. J’aurais pu, mais je ne l’ai pas fait, pas par dégoût mais par manque d’engouement. Je veux ressentir quelque chose de beau, de chaud dans mon corps. Le désir était si fugace qu’il était insignifiant pour moi. D’ailleurs, je ne me rappelle pas avoir désiré quelqu’un. Et puis, c’était une époque où je me consacrais beaucoup à mon travail, seul moyen de subsistance, je n’avais pas l’idée de sortir le soir, j’étais épuisée nerveusement à cause du stress et physiquement, à cause de tout ce que je faisais à côté pour que mon petit studio soit agréable à vivre et que mes placards soient remplis.
Je réfléchissais à ma vie sexuelle bien morne. Je ne faisais rien pour que les hommes me regardent, je n’avais pas de vêtements sexy, ni de maquillage. Je portais des vêtements sport ou amples. Montrer mes seins ou mes fesses bien moulés dans ce que je portais ne m’intéressait pas. Quand je regardais une femme qui papillonnait les seins découverts, cela me gênait plutôt qu’autre chose. Pour moi, le corps d’une femme est un sanctuaire qui doit être préservé et qui ne doit être regardé que par celui que l’on a choisi. Mais je suis tout à fait tolérante vis-à-vis des femmes qui ne pensent pas comme moi et qui sont la majorité.
Et puis, par timidité ou par autre chose, je ne me rappelle plus, je ne les regardais pas. Ils s’en apercevaient, me tournaient autour et s’en allaient vers une autre plus avenante. A cette époque, je lisais des livres sentimentaux qui parlaient d’amour fou, de coup de foudre. Quelquefois, je me disais, si tu pouvais tomber amoureuse de quelqu’un de riche et qui partage ton désir, cela serait pas mal pour quelqu’un comme toi. Et d’autres fois, je me disais qu’il ne faut pas trop s’illusionner et j’arrivais à me demander si l’amour heureux existait, si le coup de foudre n’était pas qu’une fadaise de midinettes avides de romans à l’eau de rose. Quand j’ai rencontré Mathieu, toutes mes questions ont trouvé leurs réponses : l’amour fou existe, le coup de foudre existe et l’amour heureux existe.
C’est une évidence que la solitude comme la mort, la vie et tout le reste, s’apprivoisent. Il faut chercher au plus profond de nous-mêmes, (être assez fort pour le faire) pour vivre avec. La solitude peut devenir une compagne, la seule compagnie qui ne vous dénigre jamais…

L’amour réunit deux corps et deux âmes. Il n’est pas question d’âge ou de catégorie sociale.
Tout d’abord, deux âmes qui s’aiment, un amour platonique, une communion d’esprit et ensuite vient l’amour physique : deux peaux se rencontrent, des mains se caressent, le blond et le noir se mélangent.
Si le désir est situé dans le physique, il ne durera pas, le temps de la jeunesse, quand l’image que l’on se fait de l’autre se dégrade, on le quitte pour un autre. Le plaisir est une cerise sur le gâteau de l’amour mais si le gâteau n’est pas bon, il ne sert à rien.

J’avais vingt-cinq ans et lui cinquante et un ans.

C'est le pur hasard qui va faire se rencontrer ces deux personnes. Dans cette relation, ce n'est pas un coup de foudre mais un sentiment partagé qui va naître, mûrir et conduire à une sorte d'osmose sentimentale entre un cœur en hiver et une âme de l'été.
Comment se sont-ils rencontrés ?
Comment l'hiver et l'été ont-ils pu faire une telle rencontre, vous demandez-vous, chers lecteurs ?
Comment un cœur peut-il être apprécié, aimé à sa juste valeur par un cœur en été qui devrait choisir la jeunesse ?
L’amour rend tout possible. L’amour nous ouvre d’autres espaces-temps, une éternité propre. Nous sommes sur la terre pour nous aimer d’abord nous-mêmes ensuite les autres, surtout pour ce qu’ils sont et un peu pour ce qu’ils nous apportent. Le plus grand amour c’est de se donner en se gardant, quand votre je fusionne et forme un nous qui, seul, compte. Le disparu n’aime plus car il est seul mais continue d’être aimé et c’est cela qui est le plus important.
C'est plus simple dans un roman que cela ne pourrait l'être dans la vie... Je sais bien que c’est utopique car on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche dans nos sociétés où règnent l’hypocrisie, le mensonge, la jalousie, le matérialisme, l’orgueil.
Cet orgueil avec lequel on oublie d’aimer, le soi a une trop grande importance, notre intérêt seul compte et c’est grave car, un jour ou l’autre, on se perdra et on ne se retrouvera pas, et alors notre humanité disparaîtra pour de bon.


FRAGMENT III
LA RENCONTRE

« Il existe dans l’homme une trinité sainte : la volonté, l’amour et l’esprit sont en nous, (…) »
(Alfred DE VIGNY, extrait : Poèmes : « La trinité humaine »)

Mon bel emploi ne dura que 4 ans car l’entreprise voulut aller ailleurs pour diminuer ses coûts ; je ne voulus pas suivre et fus donc licenciée. Au bout de quelques mois, je n’eus plus aucun salaire et comme j’avais un loyer à payer et des frais, il fallait, à nouveau que je recherche du travail. Comme au début, je cherchai dans tout ce qui avait un rapport avec le secrétariat.
A la même période, le restaurant de Mathieu avait besoin de quelqu'un pour faire l'hôtesse d'accueil, il y eut une opportunité de rencontre.
J’avais un physique avenant (même si je ne le mettais pas souvent en valeur), parlais plusieurs langues, avais une voix sensuelle et présentais bien.
En plus, j’acceptais les horaires tard le soir (obligatoires dans la restauration).
Je passai un premier entretien avec le chef du personnel qui n'était pas Mathieu. Dans ce genre d'entretien, il faut savoir que les trois premières secondes sont très importantes, selon l'impression que vous donnez à votre interlocuteur pendant ce moment-là, l'entretien se déroule bien ou mal. Le but de ce premier rendez-vous était d'éliminer 15 candidates sur les 20 pour qu'il n'en reste plus que 5 au deuxième avec Mathieu. Celui-ci n'était pas très satisfait du choix de son recruteur (qui était en outre un ami).
Cet entretien s’est déroulé dans l’une des salles du restaurant.
L’employeur m’a invitée à m’asseoir et le débat a commencé.
La première question a été que je me présente. Ce n’est jamais une question piège, l’employeur veut savoir comment la candidate parle d’elle-même. Je l’avais d’ailleurs préparée et je m’en suis bien sortie. Mon interlocuteur n’a eu aucune réaction en écoutant ma vie d’orpheline, ma galère pour la location, ma personnalité, etc.
L’employeur n’est pas un glaçon mais n’a pas à montrer quoi ce soit à la candidate. La suite a porté sur des questions plus personnelles, sur : vous avez dit telle ou telle qualité, pouvez-vous me le prouver, parlez-moi de votre famille d’accueil, etc.
Ce n’est pas pour déstabiliser le candidat (quoi que) mais pour savoir comment il résiste à l’adversité, au stress. Là aussi, je m’en suis très bien tirée même si j’ai été un peu surprise par certaines questions comme pourquoi je n’étais pas encore mariée alors que j’étais jolie.
Après cette partie sur ma personnalité, il y eu des questions sur mon CV.
L’employeur était impressionné par mon CV. Pour une orpheline seule, j’avais bien mené sa barque comparée aux filles à papa qui manifestement avaient tout eu tout cuit, j’avais une bonne expérience, je parlais plusieurs langues, avais obtenu une bourse. Cela se voyait que je ne m’étais jamais laissé aller.
L’heure de l’entretien est passée vite car il n’y a pas eu de temps morts et tout a été dit de part et d’autres. L’employeur m’a dit que je n’étais pas la seule et qu’il y aurait un deuxième entretien avec le patron et qu’à l’issue de cet entretien, ils choisiraient leur candidate. L’ami de Mathieu m’a présentée comme jolie, intelligente, compétente mais moins que certaines qui avaient plus d’entrejambe, de culot, qui étaient plus sophistiquées.
Mais Mathieu voulut tout de même me rencontrer pour me donner toutes mes chances.
D’ailleurs Mathieu n’était pas très satisfait du choix de son ami. Ces femmes possédaient toutes les qualités techniques requises pour le poste mais n'avaient pas d'âme, aucune culture générale, une beauté qui se regardait mais il ne fallait surtout pas qu'elles ouvrent la bouche, leur conversation était d'une platitude désolante.
J’étais en cinquième position.
Dès qu'il me vit rentrer, il remarqua mon regard de toute beauté ; mon maquillage discret mais soigné, ma grâce langoureuse comme chez les femmes Asiatiques, mes manières subtiles et précieuses comme chez les Asiatiques, ma poignée de main franche et ferme comme chez les Européennes. Il sut que non seulement je serais la bonne candidate mais que je pourrais être intéressante à fréquenter le cas échéant.
Mon CV était éloquent, il me demanda de me présenter et me parla du poste plus en détails. Il savait que ce serait moi et personne d'autre mais il reçut tout de même les cinq candidates. J’avais passé un cap.
De mon côté, j’ai très vite su à qui j’avais à faire : à un homme beau, élégant, intelligent, très calme et poli. Sa poignée de main était sans rapport avec son physique : ferme mais douce. Il savait maîtriser sa force, il ne l’utilisait qu’à bon escient. Il me plaisait d’autant plus que je connaissais la vie qu'il avait vécue auparavant, il me ressemblait mais je ne se berçai pas d'illusions, j’étais dans le lot (peut-être un peu au-dessus) et ce serait difficile d'en sortir.
C'est avec beaucoup de bonheur que je reçus sa réponse positive une semaine plus tard. J’avais bien besoin de cet argent car mon loyer tombait chaque mois. Le restaurant n'était pas loin de chez moi et dans un quartier calme. C'était un travail de dix mois payé net le triple du SMIC avec tickets restaurant, chèques vacances et un repas gratuit par semaine à midi, il ne fallait pas refuser.
Le premier jour de travail, je fus accueillie cordialement par un monsieur que je ne connaissais pas et par Mathieu. On me fit visiter les lieux et mon poste de travail, à l’entrée. Le restaurant était très vaste avec une grande salle claire, la salle principale, trois autres plus petites pour les petits groupes, les gens qui voulaient manger tranquille et deux salles qui servaient de living-room et salle tv pour faire la sieste. La cuisine était immaculée et ultramoderne. Le personnel avait une pièce de repos.
Mon poste de travail était un bureau à l’entrée avec ordinateur, planning des salles, etc.
On me demanda de mettre un tailleur noir, couleur élégante, ce que j’acceptai. Peu m’importait le costume surtout que le noir allait parfaitement à son teint…
Au début, ce fut une relation d'employée à patron, sérieuse, saine et productive.
Je m'entendais très bien avec toute l'équipe et aimais mon travail. Quand j’étais contrainte de travailler plus tard le soir, on me reconduisait en voiture jusque chez moi, ordre de Mathieu. Exceptionnellement, c'était Mathieu lui-même qui me raccompagnait, nous parlions du temps, du travail, des clients du jour, de comment ça allait pour moi dans le travail et dans ma vie.
La communication passait bien entre nous.
Epuisée, j’allais au lit et rêvais de mon patron qui avait la bonté de me raccompagner.
Je devenais la midinette qui rêvait de son prince charmant, Mathieu devenait, cela dépendait des circonstances, mon frère, mon père, mon ami ou mon amant. Je revivais ma journée dans un rêve, j’idéalisais les moments qui m’avaient plus avec lui.
Il est vrai que les journées étaient épuisantes mais les avantages étaient certains : une bonne ambiance, essentielle dans tout travail et particulièrement dans le travail de secrétaire, un bon salaire, un travail intéressant à responsabilité.
J’avais quelques heures par jour, souvent l’après-midi pour m’occuper de moi, faire mes courses, nettoyer mon studio. Je le savais dès le premier entretien que le travail serait physique mais le travail ne me faisait pas peur.
Tout allait bien pour moi. Je sentais que quelque chose avait changé dans mon corps, un désir inconnu, Mathieu me plaisait, certainement. Je ne me rendais pas compte à quel point il me désirait, avec quelle intensité il me regardait.
Quelque chose d'infime était en train de se préparer dans nos cœurs sans qu'aucun d’entre nous ne sache vraiment quoi. Mathieu s'en doutait un peu plus mais il ne disait rien, comment un homme en hiver pouvait-il espérer plaire à une fille de l'été et qui de plus était son employée. Je l'estimais, l'appréciais bien, étais satisfaite et fière de travailler pour lui mais c'était tout, pensait-il. Il était content de mon travail, admirait mes jolis yeux comme tant de gens avant lui, pensais-je.
En fait, il y eut deux tentatives de rapprochement entre nous comme si le destin voulait absolument que nous soyons réunis. Une première fois, un client me fit des avances et notre Mathieu sentit en lui un sentiment inconnu (c'était la jalousie, mais c'était un sentiment qui n'appartenait pas à son caractère d'éternel amoureux). Et d'ailleurs comment pouvait-il être jaloux d'une femme qu'il n'aimait pas, à moins que ce ne fût déjà la flammèche annonciatrice. Le client n’était pas un habitué et en plus il était sans gêne, donc Mathieu n’eut aucun remord à mettre ce malotru dehors.
Ce grossier personnage fut éconduit et mis à la porte par le service d'ordre et je n’ai jamais reparlé de cet incident.
Son désir était en train de revenir, il se sentait plongé dans quelque chose de fort, de beau et de pur. Quand il pensait à Lucie, il se sentait à la fois bien et mal car elle ne lui appartenait pas. Une si jeune, si jolie et si sérieuse fille ne pouvait pas donner une réponse positive à ce désir, ce n’était pas possible. Il sentait que ce désir n’était pas au-dessous de la ceinture comme avec les autres mais qu’il se situait beaucoup plus haut. Il avait mal quand il ne la voyait plus. Dans le cœur de cet homme, la porte de l'amour s'était refermée, il avait tant connu de femmes sans jamais trouver la bonne, celle avec qui faire sa vie, que son cœur hibernait. Il connaissait toutes les clés mais ne faisait pas de liaison avec la porte.
Il aurait voulu se présenter nu et frais devant cette déesse mais il avait un passé amoureux qu'il traînait.
Il avait de plus en plus des sensations en-dessous de la ceinture qu'ils croyaient éteintes à tout jamais depuis qu'il était solitaire. Son regard devenait de plus en plus amoureux. Comme dans l'excellent film de Marcel CARNE : "Les portes de la nuit", le destin vient et va mais ne reste pas longtemps, il faut l'attraper au vol sinon tant pis pour soi.
Il fallait donc le provoquer…
L'alibi, ce fut au bout des 10 mois, l'entretien annuel pour voir si j’avais été contente de mon job.
Il mit un costume clair et une chemise noire, il était très élégant.
J’avais un chemisier à rayures bleues et blanches, un tailleur crème et une longue jupe verte droite, qui m’allait très bien.
Après les questions d'usage, il entra dans le vif du sujet.
Voici ce que nous nous sommes dits cet après-midi-là (à peu près car à mon âge mes souvenirs font de la résistance) :
Après avoir fait un bilan de mon travail qui n’est pas intéressant pour notre histoire.
___ Je vois que tout s'est bien passé et j'en suis heureux, vous êtes une excellente hôtesse d'accueil et une femme charmante. Maintenant, dites-moi ce que vous pensez de votre patron, franchement.
___ Je pense que vous (silence) eh bien, je pense que le courant est bien passé entre nous. Vous êtes aimable, prévenant, courtois et honnête. Vous êtes le patron idéal pour moi.
___ Le courant est même très bien passé entre nous, (silence) et vous savez que, si vous avez besoin de quelque chose...
Pas de réponse, je méditais…
___ Vous ne répondez pas… mais il me semble que c'est possible entre nous...dit Mathieu.
Il me tendait une perche, c’était à moi de la prendre...
Je pleurais, après un moment.
___ J'ai toujours pensé que j'étais la petite employée qui ne vous intéressait pas, ce que vous me dites me touche beaucoup, vous ne pouvez pas savoir à quel point, oui, je vous aime, oui je vous aime depuis le premier jour.
___ (Emu lui aussi mais les larmes étaient intérieures) Mais, c'est merveilleux qu’à mon âge, une belle jeune fille comme vous s'attache à moi. Je peux vous le dire, vous m'avez tout de suite plu, vous m'avez séduit par votre naturel, votre grâce, quelque chose d'indéfinissable était entre nous, déjà depuis le premier jour. Je crois qu'aucun de nous deux ne pouvait se rendre compte de la nature de la chose. Je vous aime et j'ose encore le dire à mon âge, j'ose encore dire que je peux rendre une femme heureuse, que je peux vous rendre heureuse. Même si on ne se marie pas, vivons en couple côte à côte. Je vous invite à venir partager le pain de la vie avec moi.
Et puis, si vous êtes malheureuse, vous pourrez partir quand vous le désirerez, sans problème.
___ Je vous aime dès le premier jour, je veux bien partager avec vous ce pain, ce vin de la joie, de la vie à deux.
___ Vous n'êtes plus mon employée mais ma compagne. Vous pourrez emménager dès demain chez moi. J'espère que ça marchera entre nous. Alors à demain, Lucie.
___ A demain, Monsieur, lui répondit Lucie aux anges.
___ NON ! Mathieu corrigea-t-il.
___ Pardon, mais je ne réalise encore pas...oui, à demain... Mathieu !"
Certainement, ce dialogue est romancé à l’eau de rose parce que j’ai vécu une belle histoire d’amour avec Mathieu…
Après nous nous sommes séparés, et chacun se prépara à accueillir l'autre.
J’avais peu de chose. Je ne m’attachais pas au bien matériel, seul comptait pour moi mon bonheur, mon bien-être et mon travail. Je n’avais donc rien acheté de bien précieux car je voulais économiser pour payer mon loyer. Je possédais quelques meubles en pin, quelques vêtements, tout cela rentrait sans problème dans une petite camionnette. J’ai résilié mon loyer (son propriétaire habitait dans mon immeuble).
Quant à Mathieu, il avait préparé une chambre, il acheta plus de linge, plus de provisions, plus de bonnes bouteilles.
Revenir en haut Aller en bas
http://cathyhune.e-monsite.com
cathyHu
pilier
cathyHu


Nombre de messages : 314
Localisation : isère
Date d'inscription : 12/12/2009

cathyhu son dernier roman Empty
MessageSujet: suite de mon dernier roman Mathieu, pour toujours   cathyhu son dernier roman EmptySam 01 Mai 2010, 09:40

FRAGMENT IV
LA VIE A DEUX
« La vie n’est pas un problème à résoudre, c’est une réalité à expérimenter »
BOUDDHA

J’emménageai chez lui 2 jours après.
Mon déménagement dura un jour, une petite camionnette prêtée par un ami de Mathieu suffit à tout emporter. Je n’avais pas beaucoup investi dans les meubles que j’ai vendus avec plaisir. J’avais quelques vêtements, des produits de maquillage, quelques objets de décoration, des miroirs, de la literie, tout est rentré dans cette camionnette qui appartenait à Jojo ou à René, je ne me rappelle pas, et cela n’a pas beaucoup d’importance pour la suite.
Ce que j’ai ressenti la première fois que j’ai vu cette maison, c’est le sentiment d’être enfin propriétaire de quelque chose, d’être chez moi. J’appartenais à Mathieu de tout mon corps et de toute mon âme.
La première phrase de Mathieu, ce jour-là, fut de me dire que j’étais chez moi et ces 4 petits mots m’ont fait un bien fou. J’étais la maîtresse de maison, non plus la locataire ou l’intruse. J’étais aussi la maîtresse des deux domestiques : une femme de chambre et un chauffeur/jardinier. Mathieu s’occupait de la cuisine et de la comptabilité.
Je serais enfin importante pour quelqu’un. Il m’a dit très rapidement que je m’occuperais de tout ce qu’il ne faisait pas : l’agencement du jardin, la décoration.
Il m’apprendrait aussi à gérer un domaine et un carnet d’adresses comme le sien (des noms de notables). Il ne me disait pas cela pour me mettre en confiance, pour me mettre dans sa poche, mais parce qu’il le pensait et qu’il voyait notre relation durable et solide.
Tout ce qu’il disait il le pensait, il était droit, fier, féru de vérité.
La vérité chez une personne, cela se sent.
Je me plus tout de suite dans cette grande maison. J’étais impressionnée par de si grandes pièces, par tant d'objets merveilleux provenant de tant de pays. Au rez-de-chaussée, il y avait deux salons : un privé pour nous et un pour les invités.
Dans le premier, nous regardions la télévision, écoutions de la musique, organisions des petits repas fins.
Dans le deuxième, une grande table trônait au milieu de la pièce avec un buffet, un bar à liqueurs, à apéro et un piano. Cela se prolongeait par une grande bibliothèque car nous aimions tous les deux lire. Cette pièce vaste et claire s’ouvrait sur une grande terrasse donnant sur le parc.
Au premier, se trouvaient nos chambres, au deuxième, celles des invités et au dernier, les appartements des domestiques. Les domestiques étaient bien logés et bien traités.
Ma chambre était splendide.
Elle était toute peinte en bleu, son plafond était orné de frises et un lustre en fonte éclairait doucement la pièce. Elle donnait sur le jardin magnifique en cette saison. Elle était meublée avec goût et tact. Les meubles étaient anciens sans style. A droite de l'entrée, se trouvait la commode, puis le bureau à l'angle en face de la fenêtre. Puis, le lit, la table de chevet. En face de la fenêtre, se trouvaient un miroir pivotant et une coiffeuse. A gauche de la porte, une armoire et un poste de télévision occupaient l'emplacement. La pièce étant très grande, cela me faisait un endroit très agréable, un havre de paix comme les filles aiment à en avoir un. Derrière la coiffeuse, une porte menait au dressing (vêtements et chaussures) et à la salle de bains toute en marbre vert, magnifique. Tout y était installé pour mon plus grand confort, jacuzzi, lavabo sur pied, meuble, bidet, tout était fait pour que je me sente bien là où j’étais. Et il avait réussi, tout me plaisait.
D'ailleurs, le reste de la maison aussi me plaisait.
Comment avait-il fait pour si bien me cerner, si bien savoir ce qui me plaisait et ce qui me déplaisait ?
Pour connaître mes goûts, il m’avait questionnée habilement dans une conversation qui n’avait rien à voir avec le sujet. Et puis, certains de ces goûts transparaissaient dans ma personnalité, le fait que j’aimais être bien, que je n’appréciais pas la médiocrité ou la vulgarité. Souvent je parlais du dernier livre que j’avais lu, venais avec un paquet à la main….Et puis, son intuition avait joué aussi, cette espèce de sixième sens qui fait qu’on sait sans bien savoir pourquoi on le sait.
Dans le restaurant, Mathieu avait disposé des œuvres d’art en vitrine comme décoration et quelquefois, je les regardais avec intérêt.
La chambre de Mathieu était meublée presque pareille sauf que les meubles étaient africains. Dans la salle de bains, il y avait de la moquette et une baignoire. Sa chambre donnait aussi sur le jardin.
J’avais accès à tout, même au bureau privé de Mathieu.
C’était l’endroit où il faisait ses comptes.
Dans le couple, pour sa sérénité, sa pérennité, il ne doit pas y avoir de secret, de non-dits sauf dans les cas où l’homme ou la femme veulent avoir un jardin privé.
Ses rêves, on n’est pas obligé d’en parler à son conjoint.
Chaque humain a le droit de se protéger, de garder quelque chose d’intime.
Un couple, cela se construit tous les jours.
Mathieu et moi, nous nous respections, nous avions une attirance l’un envers l’autre, c’est un bon terreau mais le couple vit et il a besoin d’un engrais journalier fait de petits riens, de sourires, de projets en commun…sinon c’est la rupture ou pire l’indifférence, vivre avec un autre devenu un étranger…
Il a été très gentil avec moi, la différence d’âge ne comptait pas beaucoup pour lui. On ne fit pas l’amour tout de suite, il voulait m’apprivoiser et me donner le temps de l’apprivoiser. Mes rapports avec Mathieu ont toujours été sains, solides et francs. Le matin, avant le petit déjeuner, il m’embrassait en me disant bonjour. Quand on sortait ensemble, il m’enlaçait, me regardait souvent et ses yeux me faisaient l’amour. Nous nous aimions, nous nous sommes aimés dès notre première rencontre.
Au début, je me rappelle, ce fut dur car le regard des autres ne fut pas tendre.
Beaucoup dirent qu’il m’avait trouvée dans le ruisseau, qu’il me prenait par pitié, que je n’étais pour lui qu’un passe-temps, que notre couple n’allait pas faire long feu.
Il y en a d’autres qui ont dit que je l’avais épousé pour son argent, surtout ceux qui m’ont connue en tant que secrétaire.
Une troisième catégorie ne dit rien mais les femmes me toisaient, étaient méprisantes, me faisaient bien sentir que je n’étais qu’une petite secrétaire qui n’avait pas sa place.
Je les ai laissées parler.
Quelquefois, il vaut mieux laisser hurler les chiens et faire ce que l’on a faire, c'est-à-dire cultiver son bonheur avec un homme qui se moquait éperdument de ces médisances. Je me rappelle encore aujourd’hui de cette politesse méprisante, de ces sourire cauteleux, de ces regards en-dessous, cela me donnait et me donne toujours envie de vomir.
Il y a dans la vie, des choses que l’ont doit supporter sans broncher mais sans baisser la tête. Les mots blessent et une blessure morale met longtemps à guérir. Nous le savions. Aussi, au début, il y eut peu de cérémonie ; nous ne fréquentions que très peu le grand monde.
Nous passions beaucoup de temps ensemble.
L'amour doit être basé sur la confiance qu'un être donne à son aimé comme à lui-même.
Il alternait son temps entre le jardinage, il était très fier de ses roses et de ses lys, la cuisine et maintenant : moi, Lucie.
Il me bichonnait, me chouchoutait. Il passait de longs moments avec moi, un verre de vin à la main ou tranquillement allongé sur le transat en regardant le jardin.
Nous nous regardions les yeux dans les yeux de longues heures et nous étions bien, si bien. Quelquefois, il m'accompagnait pour faire des courses ou acheter des éléments de décoration ou des affaires pour s'habiller.
Nous allions au cinéma.
Nous avions réuni nos goûts cinématographiques et musicaux et possédions une superbe collection de CD, de DVD, de vidéos : des vieux films côtoyaient sans honte avec une certaine curiosité des nouveaux films de tout pays. Côté bibliothèque, littérature étrangère et romans pour lui, livre d'art, biographie pour moi, c'était impressionnant, une pièce était réservée aux livres et une autre pièce à la télévision. Nous avions les mêmes goûts artistiques même si j’étais plus meuble européen. Il remarqua très vite que je n'aimais pas les bijoux, ni les fourrures, ni les voitures (tout ce qui fait la vitrine du qu’en dira-t-on). Je pris un intérêt grandissant pour la manucure, la coiffure et les vêtements de marque. J’aimais être bien dans ce que je portais et j’en avais maintenant les moyens. Ceci dit, je ne devins jamais snob, ni distante envers les domestiques ou les employés du restaurant, je n'oubliai jamais qui j’étais avant. J’étais restée généreuse, aimable et serviable pour le bonheur de tous ceux qui me côtoyaient.
Il me connaissait bien comme on connaît bien quand on aime.
Lors de sa relation, il avait déjà dans l’idée de donner son restaurant à son associé, ce n’est pas que le métier lui déplaisait mais, maintenant, il était préoccupé par autre chose……
Il prit le large en ce qui concerne le restaurant. Il avait un nouveau but dans sa vie : Lucie.
Il donna son restaurant à son associé et se réserva en permanence une table et le droit de regard sur les menus.
Nous avons beaucoup ri. Le rire détend et c'est un rempart naturel et humain contre les miasmes de la vie et le regard pas toujours adorable des autres.
Longtemps, les gens pensèrent que j’avais intriguée et ne m'étais mise avec ce vieillard que pour l'argent.
Pour ce qui était de Mathieu, ce n’était pas possible d'être si con à son âge, elle va lui bouffer son argent avant qu'il ne s'en aperçoive.
Mais tous ces gens avaient vite déchanté car tout cela était faux comme la plupart des racontars et des jugements hâtifs. Les gens qui disaient cela, c’étaient ceux qui gravitaient autour de Mathieu : des clients, des vendeurs, des fournisseurs.
Ceux qui étaient amis avec lui, ceux qui l’aimaient n’ont jamais pensé cela, ils savaient que s’il avait fait ce choix, c’est qu’il avait une bonne raison, qu’il avait assez de jugeote pour savoir ce qu’il avait à faire….
Mathieu et moi nous nous sommes formés une carapace contre les aléas de la vie, nous savions résister et faire fi des propos oiseux, des situations délicates. A force d’être dans la panade, on trouve les moyens de s’en sortir ou tout au moins de ne pas trop souffrir. Nous étions deux…
Mathieu n’oublia rien de ses propos fielleux. Rien ne s’efface de notre mémoire, on accumule, on fait comme si, c’est tout.
On reste avec notre douleur, on joue la comédie pour ne pas attiser le feu, pour avoir la paix. C’est ce qu’il a fait et le temps a passé… Faute d’avoir du répondant, les propos ont fini par se taire, les gens par l’oublier…
A vingt-cinq ans, quand on s’est rencontré, j’étais très jeune mais je connaissais la vie et j’étais très mature. Ce trait de caractère avait plu à Mathieu. Pendant ce temps, je me suis faite toute petite, trop heureuse d’être au côté d’un homme tel que lui. Je n’avais jamais osé rêver une telle union mais il faut dire aussi que je ne faisais pas de rêves érotiques. Et puis j’ai pris de l’assurance car j’étais vraiment la maîtresse de maison, l’égale de Mathieu, celle qui partageait sa vie mais pas son lit tout de suite. A partir du moment où j’ai partagé son intimité, quelque chose a changé, je me suis sentie plus grande, plus belle. La discussion sur l’enfant, comme je l’ai dit, est venue sur le tapis. Mais comme il était stérile, nous n’en avons plus parlé, jusqu’à la proposition de cet ami pour l’orphelinat.
Nous avons vécu deux ans dans cette situation de couple, mais chambre à part, le temps nécessaire pour s'apprivoiser, pour mieux se connaître.
Une nuit, il me demanda de coucher avec lui, ce qui ferait de moi sa femme légitime.
J’acceptai.
Pour moi ce n'était pas l'amour avec quelqu'un de beaucoup plus vieux que moi mais avec mon aimé ; j’allais enfin m'unir à l'homme que j’admirais, que j’adorais et que je désirais.
La première nuit d'amour fut douloureusement sublime.
Je suis rentrée dans sa chambre. Je portais un déshabillé crème et lui un tee-short long. Il m’enlaça, m’embrassa langoureusement. Ces mains m’enlevèrent mon vêtement et ses yeux dévorèrent ce corps nu qui attendait.
Alors il m’a appris les caresses et la rencontre animale de deux peaux. Puis, une fois sur le lit, il a continué son apprentissage en explorant mon corps de ses baisers. Longtemps…longtemps…
Mon corps était en feu. J’étais comme dans un de mes rêves, dans une mer étale.
Je sentis qu’il m’écartait les jambes et que sa langue fouillait mon intimité et me donnait une leçon de plaisir, un plaisir pur, sain. Quand les deux sexes se rencontrèrent, ce fut l'extase, l'orgasme intégral. Il allait et venait au creux de mes reins. Quelques gouttes rouges coulèrent, elles furent noyées dans mon plaisir, notre plaisir.
Ce fut une nuit si chaude, si chaude que je ne l'oublierais jamais.
Quant à lui, qui en avait connu beaucoup d'autres, ce fut la première fois qu'il aimait de tout son corps, de tout son sexe, de tout son esprit, de tout de qui faisait de lui un être humain.
L’amour nous donne l’éternité, nous pouvons oublier notre espace-temps, oublier que nous avons un corps, tout oublier et ne faire que ressentir, nous laisser aller à nos sentiments, nous abandonner l’un à l’autre, être bien.
Après, les nuits furent plus douces, il y eut plus de caresses, des baisers plus longs, plus langoureux, des matinées où nous restions l'un contre l'autre, fatigués mais ravis, où nous nous faisions des fellations et des cunnilingus sans honte, tranquillement. Nous jouissions comme deux gamins et les cheveux blancs et les cheveux blonds se mêlaient.
Si l'amour n'a pas d'âge, le plaisir sexuel non plus. Nous étions à l'écoute de nos corps et de nos plaisirs et nous étions bien, tellement bien.
Il sut qu'il était stérile, qu'il ne pourrait jamais faire d'enfants mais peu nous importait.
Pour remplacer ce vide, nous avons créé une fondation pour les enfants orphelins dans le monde entier. Ces enfants-là, c'était un peu les nôtres, des enfants en souffrance, en mal d'affection, sans famille, qui ne savaient pas où aller.
L’oiseau de l’amour vient quand il sent que deux personnes s’aiment et il fait son nid quand les deux cœurs battent l’un pour l’autre, l’un dans l’autre.
Son nid est fait de bric et de broc : les tout petits riens qui font qu’une vie est remplie, ils entretiennent ce sentiment merveilleux qu’est l’amour.
Ce sont aussi les aléas du temps : les rendez-vous manqués, les décès, les naissances.
Mathieu était plein de soins et d’attention pour moi, il me faisait des cadeaux, me téléphonait quand il rentrait tard ou qu’il avait un contretemps comme cela lui arrivait quelquefois.
Il me disait tous les jours « je t’aime », ces trois petits mots étaient comme un baume pour moi, ils montrent à l’autre qu’il est important, précieux, plus précieux que les autres : amis ou relation, qu’il est au-dessus de tous les autres. C’est merveilleux d’entendre cela et de sentir que c’est vrai, que cela sort de sa bouche mais que ça vient du cœur.
Quand on aime quelqu’un, on l’aime plus que soi, on va beaucoup plus loin que son petit nombril sinon l’amour ne dure pas.
Souvent, on rencontrait des couples, amis de Mathieu qui avaient divorcé car leurs mariages n’étaient qu’un collage, qu’une lubie qu’il fallait satisfaire. Au bout d’un certain temps, la colle se désintègre et il n’y a plus rien d’autre que du dégoût, de l’ennui ou pire, de la haine ou de la rancœur. Deux êtres qui s’aiment se fondent l’un dans l’autre et ne forment qu’un seul être d’amour, armure contre le temps, l’ennui. On dit que la routine est un tue l’amour. Ce n’est pas tout à fait vrai. Ce qui tue un amour c’est le manque d’inventivité. Vivre devient une habitude, il devient une sorte de meuble.
Malgré l’exemple de tous ces couples, nous ne nous sommes jamais mariés, on s’aimait, cela nous suffisait.
Nous nous connaissions parfaitement, chacun de nous savait quand l’autre était heureux ou malheureux. Cet ennui ne nous a jamais gâché la vie. Chaque jour, ou régulièrement, on organisait une balade, un cinéma, un restaurant, on choisissait ensemble un dvd ou un cd, on discutait du programme tv et puis les trois quarts du temps, nous décidions de faire autre chose, pas forcément l’amour…
Quand on s’offrait des cadeaux, souvent on ne se trompait pas car il m’avait vu m’arrêter devant une robe ou un bijou. Il tenait compte de mes sentiments et de mes ressentis et c’était important pour moi.
Tous les jours, Mathieu était là pour me dire quelque chose de gentil, me féliciter de ce que j’avais fait ou de la nouvelle robe que j’avais achetée (il me faisait confiance pour mes dépenses, il n’a jamais été trop regardant à ce niveau). Nous faisions souvent la grasse matinée, le soleil nous trouvait enlacés, fatigués ou endormis. Après un petit-déjeuner, chacun vaquait à ses occupations. Moi, c’était la maison, la décoration, la lecture, le repas, l’intendance, le shopping, lui, c’était le restaurant, le marché - pendant très longtemps il est allé au marché car il voulait tous les jours des légumes et des fruits frais - la cuisine. Nous mangions ensemble. Le tantôt c’était soit balades, soit cinéma, soit jeu de cartes, soit lectures. J’avais (et j’ai toujours) la vie d’une femme d’intérieur mariée à un homme riche qui a largement assez pour deux et pour entretenir des biens immobiliers. Nous allions en vacances en Chartreuse, en Italie, au Canada. Nous avons aussi fait le tour des capitales européennes, nous avons rapporté, outre beaucoup de splendeurs dans les yeux, des objets, des choses pour les enfants, des livres, etc. et une belle fatigue, mais nous avions tout le temps de nous reposer après…
Nous prenions notre temps, nous nous demandions si cela allait, si ce n’était pas trop dur, pas trop rapide. Nous écoutions notre corps, nous étions bien et les jours s’écoulaient au temps de l’horloge.
Ma vie de femme épanouie et sûre d’elle a commencé réellement avec Mathieu, en vivant avec cet homme, j’ai trouvé la plénitude, le bonheur. Et puis, ce qui m’a aidée après sa mort et avant, c’était l’orphelinat que nous avions créé en rachetant la grande propriété d’un des amis de Mathieu.
Il m’a aidée à me reconstruire, à continuer ma vie sans lui.
Ses enfants étaient un petit peu les miens, ils avaient besoin d’affection, de tendresse et je pouvais leur en donner.
Je me rappelle, qu’après la mort de Mathieu, certains m’ont demandée où il était, pourquoi il n’était plus là. Ils étaient petits et ne comprenaient pas qu’il était mort alors je leur répondais qu’il avait fait un long voyage et qu’il reviendrait un jour. Chaque jour, je leur disais que c’était demain qu’il rentrait. C’était un mensonge pieux…et après ils n’y pensaient plus… Les plus grands ont compris mais n’ont rien dit. Le grand voyage est celui vers Dieu d’où l’on ne revient jamais. C’est dur de parler de la mort aux petits. Même s’ils ne savent pas ce qu’est la mort, ils la ressentent. La mort faisant partie de la vie, on doit leur en parler. Les évocations du grand voyage ou du paradis leur permettent d’imaginer et de rendre cette mort plus douce, plus « vivante ».
L’orphelinat m’a apporté beaucoup. Mathieu aidait les grands à être plus responsables, plus fermes, plus fiers. Il avait une autorité naturelle qui en imposait, plus que moi. A tel point que certains, n’étant plus suivis par Mathieu, se sont laissé aller vers la délinquance. Ce ne fut pas la majorité, loin de là. Ma vie s’est partagée entre Mathieu (les sorties, les voyages, l’amour), l’orphelinat : tous les dossiers des nouveaux étaient traités par moi et je passais des heures avec les enfants, les plus jeunes mais aussi les plus âgés, et la maison, que j’ai toujours bien aimé décorer et entretenir. La vie s’est écoulée aussi rapidement et facilement qu’une rivière sans faire plus de bruit.
Le mot « enfant » m’évoque beaucoup de souvenirs.
L’idée de cette fondation est née lors d’une rencontre avec l’un des amis de Mathieu.
Il vendait sa maison pour s’installer ailleurs et cherchait acquéreur.
C’était une belle maison bourgeoise avec de grandes pièces, un beau parc, l’installation électrique et sanitaire avait été refaite récemment. Il se demandait si Mathieu n’avait pas besoin d’une résidence secondaire à la campagne. Mathieu lui répondit par la négative pendant que moi, je réfléchissais… Au cours de la journée, j’ai pris Mathieu à part et je lui ai dit, qu’étant donné que nous ne pouvions avoir d’enfants à nous, pourquoi ne pas créer une fondation pour les orphelins de tous pays, de toutes origines.
Cette idée lui plut, je me rappelle de son sourire…
« Je te reconnais bien là » me répondit-il.
Puis, il rejoignit son ami et lui parla de cette idée.
Il fut ravi et prêt à donner les fonds nécessaires pour l’aménagement de chambres individuelles, de salles d’eau individuelles, tout serait fait pour le bien-être et le confort de l’enfant… Pour un enfant, il n’y a pas à pinailler, c’est trop important…
Ce que j’aimais le plus chez Mathieu, c’était sa générosité, sa philanthropie. Il avait été pauvre, et maintenant, il était riche et cela n’avait pas gâté son amour de l’autre, son envie et son besoin d’aider l’autre, même et surtout un inconnu, le don gratuit dans toute sa splendeur…… On a appelé « la fondation des enfants », nom bateau mais qui voulait dire que ces enfants étaient chez eux, c’était une maison à eux, à tous.
On a recruté du personnel, on s’est basé, Mathieu et moi, sur des qualités professionnelles, des références, bien-sûr, mais aussi sur des qualités humaines, philanthropiques, un sens du service, des responsabilités, faire plus que ce qui est demandé dans le règlement, quand un enfant a besoin de vous, le temps ne compte plus, d’ailleurs, le personnel vivait avec les enfants, toute une aile du bâtiment lui est réservée. Nous avons aménagé des lieux de vie, des lieux d’amusements, une crèche, une cantine, des lieux d’étude, de sport adaptés aux âges des enfants. Dans le parc, nous avons construit des jeux, planté des arbres, construit des cabanes dans ces arbres, etc.
Nous avons reçu des subventions de l’Etat parce que, justement c’était une fondation pour les orphelins, c’était la condition d’entrée, la seule…
J’ai des souvenirs qui me reviennent…la plupart des enfants étaient très gentils, doux, aimables, ils avaient souffert et quand ils reçurent l’affection, l’attention auxquelles ils avaient droit, ils s’intégrèrent bien et devinrent très vite membres frères et sœurs.
Pour certains, ce fut plus dur que pour d’autres.
Je me rappelle d’un enfant qui volait, Paul, c’était viscéral chez lui, c’était sa réponse à son mal-être. Il ne savait pas pourquoi il volait et en plus il accusait les autres. Alors, lorsqu’on s’en est aperçu, Mathieu le prit à part et lui demanda de ne plus voler et de ne plus accuser les autres, je ne sais pas ce qu’il lui a dit mais en tout cas cela a marché, le garçon continua à voler mais n’accusa plus les autres. Quand Mathieu mourut, cela a été, pour ce gosse, le déclic pour qu’il arrête définitivement ses vols. On ne sut jamais vraiment pourquoi il volait, et on ne sut vraiment pas plus pourquoi, il arrêta…peut-être le respect de Mathieu, son souvenir ; ce n’était pas une mauvaise graine, c’était une cause de sa peine, de sa douleur, de son mal-être.
Certaines personnes deviennent méchantes parce qu’elles souffrent et ne savent pas exprimer leur souffrance autrement que par le mal, la destruction. Beaucoup d’attention, beaucoup d’amour, un dialogue constant peuvent pallier à cela.
D’autres sont méchantes par plaisir, par jeu. C’est profondément ancré dans leurs personnalités et là, tout ce qu’on peut faire, c’est ne pas trop subir et s’en écarter. Ils apportent le mal partout où ils arrivent. Je suis assez d’accord avec les philosophes qui disent que le bébé a une âme bonne, pure. Un homme bon restera bon dans n’importe environnement et celui qui sera bon mais avec de mauvais instincts, les développera dans un environnement néfaste (sans dialogue, où il est seul, etc.). Il faut un grand capital d’amour, une grande force d’âme pour dire non à ses démons, ne pas les suivre et rester droit dans ses bottes malgré le chant des sirènes.
Mathieu voulait que ces enfants deviennent forts, mais aussi droits et fiers, ne jamais faire subir aux autres son propre malaise, c’est dur mais avec un bon professeur, on y arrive ; les enfants qui déviaient sont arrivés à rester sur le bon chemin, sur le droit chemin.
Un jour, un enfant qui avait perdu ses parents dans un accident de voiture arriva complètement apeuré et désorienté. Je me suis reconnue en lui et je me suis occupée de lui ; à force d’amour, d’attention, il s’est senti moins perdu dans sa tête, et avec les autres, cela a été une grande réussite et une preuve supplémentaire, que si la vie tape très dur, avec une carapace d’amour, de souvenirs de tendresse, de compassion, on peut passer outre et être bien dans sa tête…apprendre à s’apprécier, à s’affirmer. D’ailleurs, Mathieu en a fait un cuisinier dans son restaurant car il avait des talents certains pour la cuisine, il était entreprenant, intelligent, propre.
Ceci dit, il y a eu des mauvaises graines, des enfants qui n’écoutaient rien, qui mentaient, qui ne se mêlaient pas aux autres. Ils étaient orphelins comme les autres, pourtant…
Dans tous les groupes humains, il y a des moutons noirs, des cons qui fichent l’ambiance en l’air en deux ou trois réflexions…c’est comme ça… On a eu des problèmes avec eux, ils sont partis très tôt et on en a entendu parler dans les faits divers, comme tout le monde, ils vieilliront et arrêteront leurs conneries…
Une fois, je me rappelle d’un enfant, orphelin car ses parents étaient morts d’un accident de voiture, qui était très égoïste, méchant, revanchard. Mathieu, en lui parlant, s’est aperçu que, derrière cette face de révolté se cachait un enfant timide, perdu, qui ne se remettait pas de la mort de ses parents. Certains enfants étaient vraiment méchants et là Mathieu les a « dressés » du mieux qu’il pouvait sans grand succès. Quand c’est la personnalité qui est comme cela, il n’y a pas grand-chose à faire à part donner peut-être encore plus d’amour, d’attention et d’affection, ce que nous faisions…
Mathieu savait reconnaître une personnalité profonde d’une personnalité faite de souffrance.
A force de parler au garçon, il lui a enlevé cette haine et l’a rendu sociable, il lui a fait sortir quelque chose de mieux, de bien. Il était fier de ses petits, ils voulaient qu’ils réussissent.
Il y a eu aussi le cas de Rémi qui mentait tout le temps. Mathieu n’a rien pu faire pour lui car ce garçon s’est enfermé trop profondément dans un monde de violence, de mensonge, un monde préfabriqué. Cet enfant était et est resté asocial, il cassait l’ambiance dans un groupe. Très vite d’ailleurs, il est parti de l’établissement en disant qu’il reviendrait, mais il n’est jamais revenu c’était un mensonge de plus. Il a mal tourné, il a fait de la prison mais il a toujours eu la main tendue de Mathieu. Mais je lui disais souvent que sa main tendue, il y en a qui la prenne, qui en ont besoin comme une bouée de sauvetage dans leur souffrance mais d’autres n’en n’ont pas besoin, se complaisent dans leur monde à eux par sécurité ou par lâcheté, je ne sais pas…
Mathieu était désolé d’entendre cela mais il fallait que ce soit dit. D’ailleurs il le reconnaissait.
Nous avons continué notre vie de mari et femme ; nous étions heureux, nous n’avions jamais cru ce bonheur possible.
Mais la différence d'âge était présente et bien présente. Il fallait que je partage son aimé avec la dame en noir, celle qui prend sans redonner, celle qui détruit sans reconstruire, celle qui sépare sans état d'âme.
Mathieu s'avançait vers les quatre-vingt-dix-neuf ans, moi, vers les soixante-treize ans et la perspective de fêter les cent ans de Mathieu devenait un défi au temps et à cette dame. En effet, sa santé se détériorait de plus en plus, il avait toujours beaucoup d'amour et de courage dans les yeux et son âme était encore celle d'un homme qui prend la vie pour ce qu'elle lui donne.
Mais le reste de son corps ne suivait plus, il mangeait de moins bon appétit, il respirait de plus en plus mal. La nuit, il respirait mal.
Les radios ne donnaient rien. Il n’avait pas de cancer, juste des poumons, un appareil digestif qui étaient vieux. La vieillesse est dans l’ordre des choses, il fallait laisser faire le temps. Le docteur qui le suivait depuis des années m’a dit que Mathieu devait se reposer, rester dans un environnement le plus tranquille, pas de voyages, pas trop faire l’amour, pas le fatiguer.
Il marchait sans canne tout doucement, ne mettait des lunettes que pour lire et continuait à se tenir droit et digne.
Je savais que Mathieu allait disparaitre avant moi, c’est dans l’ordre des choses…d’ailleurs, est-ce que l’être aimé meurt vraiment, non, il disparaît de notre entendement mais jamais de notre cœur, ni de notre âme, je le crois sincèrement…
Mourir, qu’est-ce-que c’est ? Une paix et un autre espace-temps pour celui qui meurt, un silence et une âme remplie de souvenirs qui discute avec un cœur qui veut continuer malgré tout pour celui qui reste…

FRAGMENT V
LA MORT DE MATHIEU

« Nous ne sommes dans le présent que souvenir et projet »
(Jean d’ORMESSON, extrait de « Voyez comme on danse »)

Un jour qu'il sentit cette dame plus près que d'habitude, il m’a dit : "Lucie, tu sais que je t'aime et que tu hériteras de moi et de toute ma fortune. Je vais sans doute mourir bientôt. Quand la faux passera, je ne veux pas que tu pleures. La faux passe, l'aimé trépasse mais les souvenirs restent et sont une couverture au chagrin. Je sais, c'est une bien maigre pitance car tu ne me verras plus, ne sentiras plus mes caresses. Mais je resterai à tes côtés jusqu'à la fin des temps, la fin de ton temps, je suis en toi pour toujours. La mort comme le temps, ce n'est qu'une illusion ! C'est l'oubli qui tue. Tu me parleras sur ma tombe, tu me raconteras quelle est ta vie, si tu t'es remariée, comment tu te sens et je serai là à t’écouter. Maintenant, si tu veux bien, j'aimerais faire l'amour avec toi une fois encore."
Et nous avons fait l'amour tranquillement, doucement sans jamais penser que notre éternité allait être vaincue par cette grande dame en noir et que, pourtant, elle continuerait dans un autre espace-temps, d’une autre manière.
Chaque jour était intense, chaque minute comptait, elle devient plus essentielle quand on comprend qu’il n’y en aura pas d’autres. Quand il n’y a plus assez de fil à tisser, on devient plus fort, on fait attention à la vie.
Nous nous étions tout donné en quarante-huit ans d’union en tendresse, en sentiments, tout ce qu'un être peut donner à un autre être. La minute comptait double à un certain âge, l’amour ne garde pas en vie mais c’est la soif de vivre, la soif d’aimer, il avait envie d’aimer sa femme, de voir comment ces jeunes tourneraient, comment son restaurant où il avait passé tant d’heures marcherait sans lui, bien, sans doute, car il en avait donné le contrôle à quelqu’un de sérieux.
L’amour est le moteur pour survivre malgré la maladie, les artères qui se bouchent, le cœur qui ne remplit plus son rôle, le sang qui devient vicié…
Il n’en demandait pas plus, que de vivre...
Mathieu mourut dans son sommeil tout tranquillement, je n’ai pas pleuré.
J’ai regardé ce corps tant aimé, je l’ai touché, baisé mais je n’ai pas pleuré.
A quoi cela aurait-il servi ? Il s’éteignit dans son lit à 15 heures par un après-midi ensoleillé.
Quand il sentit la fin, il me demanda en permanence à son chevet. Quand il sentit le parfum fade de la dame en noir, il me dit d’aller lui chercher quelque chose dans la cuisine, je ne m’en rappelle plus.
Il ne voulait pas s’éteindre en ma compagnie, il voulait que le dernier souvenir que j’aie de lui soit le souvenir de quelqu’un de vivant. Il géra sa mort comme sa vie.
Quand je revins, la faucheuse avait fait son travail, ses yeux étaient toujours ouverts mais son corps était mort, bientôt il irait rejoindre ses fantômes, ses amis disparus…
Tel le vent du sud dans les branches d’un arbre, la dame en noir est passée sereinement, tranquillement, doucement mais inexorablement.
Revenir en haut Aller en bas
http://cathyhune.e-monsite.com
cathyHu
pilier
cathyHu


Nombre de messages : 314
Localisation : isère
Date d'inscription : 12/12/2009

cathyhu son dernier roman Empty
MessageSujet: suite et fin de mon dernier roman Mathieu, pour toujours   cathyhu son dernier roman EmptySam 01 Mai 2010, 09:42

Parler de la mort est difficile, j’en parle comme d’une banalité, nous vivons pour mourir, c’est une continuité de la vie, d’une autre vie. Ma rivale éternelle l'avait emporté et c'était juste car il avait fait son temps.
Je l'aimais plus que tout, je le désirais intensément. Il m’avait pris ma virginité et m’avait rendu tellement de bonheur ! Le temps courait à reculons dans mon esprit, les souvenirs noyaient mon esprit, je pleurais non pas en dehors mais en dedans, des larmes de peine, de douleur, d’anxiété, je serais seule avec ma fondation, sans mon aimé.
Comment vivre quand sa moitié est partie, comment manger, se nourrir, se maquiller,…pour quoi, pour qui…
Et pourtant, je lui avais promis de continuer, je pouvais se remarier si je le voulais…
Oui, c’est horrible de voir une personne vivante, puis, la minute d’après, la même personne décédée, mais c’est juste, c’est la vie, c’est comme ça… Il faut vivre pour mourir et pour revivre…
Lors d'un enterrement, les masques tombent, nous voyons les personnes qui aimaient vraiment, qui haïssent vraiment. A part quelques-uns qui se prétendaient ses amis pour avoir une adresse ou de l'argent, tout le monde le pleurait et le regrettait sincèrement. C’est le moment que j’ai choisi pour épurer mon carnet d’adresses. Sur 10 personnes : 6 sont parties et cela a été un bon débarras. Je n’ai gardé que les amis fidèles, les anciens de Mathieu, certaines de mes connaissances, le personnel du restaurant et de la fondation, des domestiques, ceux qui nous avaient aidés pour la rénovation de l’orphelinat.
Je ne vous raconterais pas son enterrement, ni ce que j’ai dit lors de son oraison funèbre car vous le savez. J’ai parlé d’un homme remarquable, de ses valeurs, de son métier, de tout ce qu’il a fait pour les autres. Il aurait fait un bon père mais cet orphelinat était sa famille, ces enfants, il les considérait comme les siens. Ce résumé doit vous suffire….


FRAGMENT VI
LE RESSENTI DE LA DISPARITION DE MON AIME


« La vie ressemble à un conte ; ce qui importe, ce n’est pas la longueur, mais sa valeur (…) »
(SENEQUE, extrait de « lettre à Lucilius LXXVII »)


« Hâte-toi donc de vivre, (…), et compte chaque journée pour une vie entière (…) »
(SENEQUE, extrait de « lettre à Lucilius CI »)

Après la mort de mon aimé, j’ai eu l’impression qu’il était encore là. Je n’avais pas l’impression d’être la veuve de quelqu’un.
Je ne sais pas où il était. J’ai lu plusieurs livres sur la mort et vu des films montrant un au-delà. Nous en avions d’ailleurs parlé quelques mois avant sa mort. Il se demandait ce qu’il trouverait là-bas. Je lui répondais « je ne sais pas ». Il était agnostique et ne croyait pas à cet enfer, à ce paradis, tels qu’ils sont décrits dans la Bible. Il disait que le mort se retrouve dans un monde qui ressemble à sa personnalité. Il m’expliquait que, par exemple, quelqu’un de très bavard se retrouvait dans une rue où tout le monde lui parlait, une autre personne méchante, c’était une forêt très sombre.
Nous parlions beaucoup de tout.
J’ai l’impression que la disparition de mon aimé a renforcé l’amour que je lui portais. Je le ressens chaque minute de ma vie, il est en moi et il restera dans mon âme toute ma vie. Mon cœur est en hiver mais mon âme est au printemps. Elle est à cheval entre des souvenirs doux et pleins d’amour et la vie réelle remplie de tendresse, d’enfants mais sans lui.
Ce n’est pas la mort qui tue, c’est l’oubli.
Je n’ai qu’un seul reproche à faire à la faucheuse : c’est de n’avoir pas pu vieillir avec mon aimé.

Dans la cuisine, j’entendais toujours le bruit des couverts, ses exclamations quand il préparait quelque chose et quand cela n’allait pas comme il voulait. Cette pièce semblait plus petite, plus sombre, les meubles moins luisants. Elle pleurait la perte de celui qui la magnifiait, qui la rendait essentielle.
Le goût des plats n’était plus le même.

Dans la chambre, je sentais encore une odeur, j’entendais encore son rire, ses soupirs. Dans mon corps, montait toujours la même sensation comme quand il me faisait l’amour, quand il me déshabillait lentement, qu’il me regardait, qu’il me caressait.
J’ai longtemps respiré les draps. Au grand dam des domestiques, je n’ai pas voulu laver les draps tout de suite après sa disparition. Son odeur, c’est une partie de lui et c’était ce qu’il me restait de corporel de lui.

Dans la salle d’eau, je revoyais son corps nu quand il se douchait et quand il m’invitait à se doucher avec lui. Je sentais encore l’eau froide couler entre nous et pourtant je n’avais pas froid.
C’était de simples hallucinations mais elles me faisaient tellement de bien. La mort l’avait pris tellement rapidement que c’était un moyen de l’avoir un peu encore à moi, à moi toute seule.
Quand on a aimé quelqu’un comme je l’ai aimé, je sentirai toujours sa peau, son corps. Il est vivant dans mes souvenirs et laisse une marque indélébile sur mon corps. Il est autre part tout à fait mort, disparu de l’entendement mais pas de moi.




FRAGMENT VIII
L’APRES VIE : LA SOLITUDE D’UNE VEUVE


"Je t’aime au-delà de mon âme au-delà des soirs et des jours
M’entends-tu quand je dis je t’aime à t’enlacer à t’en lasser
Je suis la faim que rien ne comble et la soif que rien ne secourt
Et pas un instant de ma chair assez ne t’aura caressée (…) »
(ARAGON, extrait de « le voyage de Hollande et autres poèmes »)

A soixante-treize ans, une femme est encore en pleine possession de ses moyens, de son charme, elle est en pleine maturité. Je suis une très belle femme, une beauté mature, un corps encore svelte ; mes manières, mon argent font de moi une femme que les hommes regardent, que les hommes admirent, que les hommes envient, que les hommes désirent. Mais j’ai préféré rester digne et je ne me suis jamais remariée par fidélité et respect pour l'homme qui m'avait choisie et emmenée au Nirvana. Pourtant, Mathieu m’a permis de se remarier après sa mort, il disait qu’un si beau corps de femme ne doit être laissé à l’abandon.
Il faut dire aussi que si je suis généreuse, je ne le suis pas autant que Mathieu, et j’ai préféré m’occuper corps et âme de ma fondation que je considère comme ma nouvelle famille puisque l’ancienne avec Mathieu était morte. Des vrais amis, je n’en ai pas beaucoup, ceux qui étaient venus à l’enterrement, qui venaient me voir régulièrement ou qui me téléphonaient, qui étaient là à mes anniversaires, pour les grandes fêtes religieuses ou tout simplement quand j’avais un problème, ceux-ci étaient mes vrais amis. Les autres sont des connaissances qui ne me fréquentent que pour mes bonnes grâces et mon argent. Sur dix adresses dans mon agenda de soi-disant amis, il y en a deux qui répondent vraiment à la définition d’amis fidèles… c’est malheureux mais cela aussi c’est comme ça, c’est la vie…
Je commence mes journées à 8 heures. Après un petit-déjeuner copieux (comme j’avais pris l’habitude d’en prendre avec Mathieu), ma toilette, le nettoyage de ma chambre (que personne d’autre ne visitait), je vais à ma fondation voir si tout se passe bien, donner des cours, rencontrer les nouveaux, parler à ceux qui ont des problèmes ou à d’autres qui ont besoin de parler, je regarde les comptes, je paye les dépenses. Les trois quarts du temps, je déjeune là-bas au milieu du brouhaha des enfants. Puis, je fais du shopping, lis, tricote, etc. jusqu’à 20 heures, heure où je prends mon repas du soir. Après, je m’occupe des comptes personnels, je me promène dans le parc et je me couche. D’autres fois, je suis invitée à un cocktail ou à une conférence. Mon planning est celui d’une riche veuve équilibrée, généreuse et active. Je suis restée passionnée et fidèle à mes convictions humanistes et philanthropes, l’argent ne change rien à une personnalité qui s’est forgée dans l’amour, qui est sûre d’elle…Au début, je couchais dans la chambre d’amis, mon corps souffrait de ne plus sentir la caresse de mon aimé, mes oreilles écoutaient toujours le bruit de ses pas, c’était le sentiment de vivre avec un fantôme en le sachant très bien. Et puis, j’ai fini par recoucher dans son lit, le lit de l’amour, des nuits éternelles parce qu’un jour, le deuil fut moins lourd à porter, mon cœur accepta l’absence et mon âme comprit qu’il fallait attendre encore quelque temps avant de tout recommencer…j’ai accepté la douleur, je l’ai apprivoisée et j’ai vécu avec. Les êtres aimés sont simplement ailleurs, c’est tout, donc se murer dans sa souffrance ne sert à rien et c’est même ridicule.
J’ai vécu une vieillesse dorée au milieu de mes enfants, de mes roses, de mes souvenirs.
Longtemps après sa disparition ; je sentais encore son parfum, j’entendais encore son rire, je sentais encore et toujours sa présence dans le jardin, dans le lit, dans son jacuzzi où nous nous sommes tellement aimés.

Les maisons qui ont abrité un grand amour parlent à la moitié restante. Les sons ne se perdent pas, ils restent enfouis sous un oreiller, au détour d’un escalier, dans la cuisine, dans la chambre, le sol résonne des pas du mort. Il faut écouter non pas de toutes nos oreilles mais de tout notre cœur. J’ai été stoïque devant cette dame en noir car je sais que si puissante qu'elle soit, elle ne peut rien face à un passé amoureux, à l'empreinte de l'aimé, aux photos, en un mot aux souvenirs. Ma fondation fut un but et une joie. Voir ces petits orphelins qui retrouvaient une famille et donc le bonheur, voir ces malades qui étaient sauvés ; c'était une expérience fabuleuse qui aménage agréablement ma vie de célibataire, de veuve.

Elle-même mourut d'une rupture d'anévrisme et donna toute sa fortune à la fondation ainsi que son prénom ; ainsi elle continua à vivre....
Elle mourut une après-midi de décembre alors qu’elle lisait tranquillement, sans souffrir, sans remords, sans regret à l’âge de quatre-vingt quinze ans.
Ses domestiques pleurèrent sa mort, les amis de Mathieu étaient tous morts mais elle s’en était fait de nouveaux qui vinrent à son enterrement et perpétuèrent son nom.
Son soleil était mort mais son cœur avait été chauffé par la lumière de l’amour, du sentiment d’avoir été aimée, d’avoir été utile, d’avoir été respectée, cette lumière qui est perdure après la mort…
La vie est un succédané de possible, de peut-être et de je ne sais pas. On ne sait jamais rien. On ne sait pas si le chemin va être long ou non mais on y va quand même.
Une chose est sûre, c’est que l’on ne sait jamais rien, ni pour quoi on vit, ni pourquoi on existe. Les lendemains galopent ardents et fougueux et nous ne sommes que des cavaliers les domptant tant bien que mal.
Nous ne maîtrisons rien et surtout pas notre vie mais n’est-ce pas mieux comme cela, non ?

POSTFACE

La mort est passée mais n'a pas emporté l'essentiel...elle n’emporte pas tout, j’en suis persuadée.
La mort est une femme qui offre son corps moulé pour le plaisir et le rêve en vous regardant avec son regard de mer étale, infinie, et en caressant ses cheveux soyeux comme l’amour et longs comme le temps. Plaisir, rêve, infinité, temps sont les ingrédients de la vie. La mort n’est qu’une autre vie….

« L’Homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; il coule et nous passons »
LAMARTINE

Je suis désolée de ces suites de longs messages mais je ne sais pas utiliser le spoiler....donc si quelqu'un veut bien me dire comment fonctionne le spoiler, je serais ravie .....
Revenir en haut Aller en bas
http://cathyhune.e-monsite.com
Nestor
Admin
Nestor


Nombre de messages : 1576
Date d'inscription : 25/12/2005

cathyhu son dernier roman Empty
MessageSujet: Re: cathyhu son dernier roman   cathyhu son dernier roman EmptySam 01 Mai 2010, 10:07

Manque de chance, le spoiler ne marche pas actuellement sur le forum, sauf à faire disparaître la partie cachée affraid
Revenir en haut Aller en bas
https://grain-de-sel.1fr1.net
cathyHu
pilier
cathyHu


Nombre de messages : 314
Localisation : isère
Date d'inscription : 12/12/2009

cathyhu son dernier roman Empty
MessageSujet: Re: cathyhu son dernier roman   cathyhu son dernier roman EmptySam 01 Mai 2010, 12:15

Nestor a écrit:
Manque de chance, le spoiler ne marche pas actuellement sur le forum, sauf à faire disparaître la partie cachée affraid

bon, on va laisser comme ça. Bonne lecture !
Revenir en haut Aller en bas
http://cathyhune.e-monsite.com
Contenu sponsorisé





cathyhu son dernier roman Empty
MessageSujet: Re: cathyhu son dernier roman   cathyhu son dernier roman Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
cathyhu son dernier roman
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Grain de sel - Forum littéraire et culturel :: CONTRIBUTEURS PRENEZ LA PAROLE :: Accueil et présentations-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser