Cadencer et bibelots

Je vous propose ce soir mes deux contributions au groupe d'écriture l'effarouchée. Vous l'aurez compris, Aurélien aime les vers. Je préfère la prose.

Ce premier texte ne répond à aucune commande précise. Juste à une envie du soir. Il est sûrement bien chancelant, mais j'ai pris plaisir à l'écrire.

A mes utopies desillusoires.

Drôle d’époque où les rêves permettent de garder les pieds sur terre. Ils ont mis nos illusions sous le plancher des vaches. Ils ont envoyé nos songes à l’abattoir. Réduit à néant l’espoir d’une génération. Nous sommes exploités, publicisés. Produit ou outil de communication, notre jeunesse ne nous appartient pas. L’image qu’on veut bien donner de nous s’affiche sur des écrans. Nos profils sont publics, nos vies aucunement privées. Aliénés, ils ne nous restaient alors plus rien exceptés notre liberté. Nous nous en sommes défaits pour jouir allègrement de ce qu’ils appellent progrès. Triste constat d’un monde sous palliatifs. La misère y est normale, le malheur insupportable. Les paradoxes et la contradiction sont les ressorts post modernistes d’une dynamique des crises. Tout va mal et tout doit être soigné. Hygiène sociale prônée par la classe dirigeante : « laissez nous faire nous exorciserons vos névroses. » Beaucoup y ont cru, la plus part ne savent pas pourquoi. Nous nous sommes désengagés, virtualisés. Le monde ne nous appartient plus. Tournés vers les possibles infinis du clavier, bon nombre d’entre nous ont choisi de jouer. Le piège s’est alors refermé, ils ont fait capituler leurs derniers rêves. L’imaginaire sous contrôle, la messe fût dite.

La plume par endroit empêche encore certains de plier. Le papier, comme dernier espace ou respirer, matrice de rêves hors de contrôle. Les mondes qui s'y construisent sont souvent sombres. Ces utopies desillusoires éclairent la réalité. Constat difficile mais empli de lucidité, un jour peut être écrirons nous autrement qu'au présent.


Hadrien Bortot

Ce second texte répond à une commande précise: le thème Cadencer. L'écriture sur ce thème a été pour moi très difficile. Je suis là encore plutôt partagé sur le résultat.

J'attends l'aube mécanique.

Le matin qui se fait absinthe, m'ivre dès le réveil. Pris dans le tourbillon des possibles, je m'en lève. L'eau coule en torrent, fouette ma peau, glace mon sang. Le jour point. Mon café achève la nuit, fini de me désembuer. La course peut enfin commencer. Je sors, le vent me rappelle à ma corporalité, j'ai froid, mes mains bleuissent.

Prêt ! Le métro, la sonnerie, je peux m'asseoir. Les nouvelles ne sont pas bonnes. Pourtant ce journal pourrait très bien être celui de demain. La misère le matin est le deuxième contact avec mon corps, toujours la même jeune femme accoudée au mur.

Feu ! Changement, je n'ai donc pas de cœur. La sonnerie encore, deux stations, j'y suis. 9 heures, je suis à l'heure. Les escaliers ou l'ascenseur?

Partez! Je trie les dossiers. Je classe. Je range. Téléphone : « Bonjour maman. ». Je tamponne. Je trie. Je classe. Je range. Je tamponne. Le café de onze heure est salutaire à ma productivité. Je retourne à l’ouvrage, mon temps est bon. Midi et demie, un ravitaillement bien mérité s’impose.

"Bonjour-un jambon beurre-s’il vous plait-Merci-Bonne journée à vous aussi." Je mange en marchant, je n’aime pas être immobile. Un peu de lèche vitrine. Il est l'heure, j'ai peur d'être en retard.

Retour en piste. Je trie. Je range. Téléphone : « bien monsieur, ce sera fait » . Mission accomplie quinze heure trente. Un café, dernière ligne droite. Ca y est la ligne est passée. Le métro, la sonnerie. Un changement, la même jeune femme. Mon cœur ralenti, je la regarde. La sonnerie, le métro. Sur un siège le journal du matin est déjà celui d’hier. Le vent, j'ai froid, j'ai l'impression de perdre mes mains, de me défaire de mon corps.

Je rentre. Je brume. J'ouvre les rideaux. Une tranche de jambon du beurre, la télé, l’ordinateur. Je clique. Je suis un autre. Je connais très bien mon rôle. Un verre pour se détendre. Je me laisse bercer par l'écran. Nouvelle photo de profil, un nouveau visage. Je change de statut, une nouvelle humeur. Un Email, un nouvel ami. Il est tard, mes yeux fatiguent.

Alors seulement les masques peuvent tomber. J'entre dans la salle de bain, je me défais de mon moi maquillé. Je me dépouille de mon costume, pour ne faire plus qu'un avec mon corps. J'apparait enfin dans le miroir, ça y est, c'est moi. Je retrouve mon lit, sanctuaire de mon intériorité. Mes rêves sont là, eux n'ont pas bougés. Morphée peut arriver. J'attends une nuit illusoire. L'extase du sommeil me fait envie.

Je tourne en rond, je ne dors pas. Je m'embobine, je rêve, seul, les yeux ouverts, du marchand de sable qui ne semble pas vouloir passer. L'insomnie, encore. J'attends l'aube mécanique

Hadrien Bortot


Ps: étant moi même quelqu'un de très critique, j'attends avec impatience vos retours.

Merci

lu le premier texte, il m'a semblé coherent et bien répondre à une unite de sujet. Personnellement j'en aurais fait une chronique. Tu en fais un texte personnel, pourquoi pas ?

Mp dans ta messagerie, envoie toi un Mp pour débloquer le bug

Avec la fonction "éditer" tu peux corriger les éventuelles coquilles du 1er comme du second texte. Comme je te le disais, le recours au correcteur orthographique et grammatical n'est pas déshonorant - ou alors je suis fondamentalement indigne

Que dire sur le second ? j'ignore quelles contraintes tu t'es fixé pour raconter la journée de qui semble être un robot moderne.

Le thème est devenu, à mon avis, assez courant, ce qui supposerait un traitement original. L'idée d'une course achoppe sur le "feu !" "partez!", qui, dans mon idée, sont simultanés et non successifs.

je n'ai pas vu tomber le masque, comme annoncé. Si la vraie personnalité est le retour au corps dans le sommeil, ce n'est guère rejouissant, d'autant qu'il n'y a pas sommeil, mais insomnie

Interviens sur le forum, nous sommes plus axés sur la lecture et les spectacles que sur les avis concernant des textes, à moins qu'il ne s'agisse d'une production collective sur un thème commun.

bien à toi,

Je pense corriger cela ce week-end. Je n'ai pas énormément de temps en ce moment. Comme je l'ai déjà dit, ce texte répond au sujet cadencer proposé dans le cadre de l'effarouchée. Il répond à un précédent texte lui écrit par Aurélien, en vers: "Crépuscule".
Pour ce qui est du discours du starter: "feu!" "partez!" , ce n'est pas simultané dans le déroulement d'une course.

Quand le signal est donné au pistolet, tout le monde démarre...