L'abbé de Choisy (1644-1724)

J'ai bien du mal à sortir du XVIIème siècle, tant nombreux en furent ses acteurs qui rédigèrent leurs mémoires, et tant est plaisante à mener l'enquête qui, menant vers la vérité peut-être, repose sur l'audition de tous ces témoins dont chacun nous livre sa version des faits. Parmi ceux-ci, l'abbé François-Timoléon de Choisy, bien que s'exprimant en phrases plutôt courtes, est très brouillon et donc assez difficile à suivre. Dans ses Mémoires pour servir l'histoire de Louis XIV il opère de nombreuses entorses à l'ordre chronologique des évènements relatés, il saute certaines époques car le coeur ne lui en dit pas, il se répète parfois. Chez lui, nul souci de dégager les grandes lignes, ni de faire entrer les actes des hommes dans un schéma ; il se contente de conter, toujours avec de la vie et souvent avec un humour moins mordant que celui du petit St-Simon qui avait trente ans de moins que lui.
Il commence l'histoire de Louis XIV à la mort de Mazarin, mais cela ne l'empêche pas de parler de Mazarin en long et en large, et au passage de son prédécesseur : "Richelieu, né pour commander aux autres hommes, ami généreux, cruel ennemi, avait sur la même table son bréviaire et Machiavel." C'est la maman de M. de Choisy qui avait le plus contribué à lui enseigner l'histoire et la politique, car tandis qu'il était enfant elle lui dictait des lettres pour des dames de toute l'Europe.


Il sera coadjuteur de l'ambassadeur extraordinaire envoyé en Siam pour tenter de convertir le roi de ce lointain pays et en rédigera un Journal de voyage, puis sera élu en 1687 à l'académie.

L'oeuvre est découpée en douze livres, les sept premiers sont généralistes - entendez par là qu'il s'agit d'un vaste bric-à-brac de souvenirs qui remontent de façon naturelle et ne sont pas du tout ordonnés, et les cinq autres sont soit des mini-biographies, soit des coups de projecteur sur des évènements précis : Daniel de Cosnac évêque de Valence, le Roi de Pologne piégé par un imposteur, le cardinal de Bouillon - qui était un ami de l'auteur, lequel l'encense contrairement à St-Simon qui le "descend", mais dont la relation de toutes les démarches qu'il effectua avec sagacité et vivacité afin d'obtenir le chapeau de cardinal prouve assez l'ampleur de son ambition, l'histoire secrète des motifs qui ont donné lieu au grand-visir Kara-Mustapha d'entreprendre le siège de Vienne l'an 1683, Antoinette de Pons dont la vertu surpassa la beauté puisqu'elle résista inexorablement aux avances de Henri IV, Mademoiselle de Montpensier cousine de Louis XIV qui tomba amoureuse de Lauzun ("petit, malpropre, de mauvaise mine ; mais son esprit, sa vivacité, ses airs gascons, et certaines qualités occultes, le faisaient aimer des dames").

Le monde est petit : M. de Choisy fit un saut chez M. de St-Simon à La Ferté : "le petit voyage que je viens de faire à la Ferté-Vidame, où M. le cardinal de Bouillon a demeuré quelque temps en s'en retournant à Cluny, m'a fait venir la pensée d'écrire des Mémoires sur sa vie" écrit-il, sans même mentionner St-Simon, qui de son côté nous apprend que "il (Bouillon) voulait engager ce prélat (M. de Chartres) à faire revoir par le Roi l'important procès qu'il venait de perdre, et qui l'avait si fort piqué, pour de là l'embarquer. Ce fut l'objet du voyage de l'abbé de Choisy, qui y perdit toute son insinuation, son esprit, et son bien-dire : il revint à la Ferté avec force compliments, mais chargés de refus sur tout."

L'oeuvre-bonus, les Mémoires de l'abbé de Choisy habillé en femme, tient de la confession. L'abbé nous informe qu'aux alentours de ses vingt ans alternaient deux vices en lui : le jeu et le travestissement. Il aimait à s'habiller en femme pour avoir le plaisir d'être regardé avec admiration. C'est sa mère qui lui avait donné ce goût, qu'il partageait enfant avec le petit frère du roi, Philippe le duc d'Orléans, qui jouait avec lui. Si l'on se refère à l'extrait suivant on voit que le travestissement est une excellente technique de drague auprès des jeunes demoiselles que la virilité parfois rebute. Je devrais peut-être raser ma barbe.

Citation :

Deux demoiselles mes voisines me témoignaient beaucoup d'amitié et ne faisaient aucune façon de me baiser ; c'était à qui m'ajusterait ; je leur donnais assez souvent à souper, elles venaient toujours de bonne heure, et ne songeaient qu'à me parer ; l'une m'accommodait mon bonnet, et l'autre redressait mes pendants d'oreilles ; chacune demandait comme une grande faveur l'intendance des mouches ; elles n'étaient jamais placées à leur gré, et en les changeant de place, elles me baisaient à la joue et au front ; elles s'émancipèrent un jour à me baiser à la bouche d'une manière si pressante et si tendre, que j'ouvris les yeux et m'aperçus que cela partait de plus que la bonne amitié [...]

Citation :

L'oeuvre-bonus, les Mémoires de l'abbé de Choisy habillé en femme, tient de la confession. L'abbé nous informe qu'aux alentours de ses vingt ans alternaient deux vices en lui : le jeu et le travestissement. Il aimait à s'habiller en femme pour avoir le plaisir d'être regardé avec admiration.

interessant;

Comme tu le dis, le XVIIIe et ses petits abbés n'ont pas fini de nous étonner.
J'ai en attente les memoires du chevalier D'Eon qui n'était pas mal dans le genre(sic).

Troglodyte, les mémoires de Casanova te feront aussi rencontrer bien des têtes cornues connues.