Encore une bédé !
Locas, écrit et dessiné par Jaime Hernandez, représente un accomplissement singulier dans la bande dessinée du XXe siècle. Cette série de récits plus ou moins longs, publiée à l'origine dans les pages du magazine Love & Rockets, de 1982 à 1996, suit le parcours de deux personnages principaux - Hopey et Maggie - sur quatorze années. Réunies en deux volumes pour composer un roman graphique dense et foisonnant, Locas retrace la vie de Hopey et Maggie, leurs amours, leurs problèmes, leur détresse et leur joie. Maggie Choscarillo est une jeune Californienne d'origine mexicaine rôdant dans la scène rock du début des années 1980, au moment où l'explosion punk vient de lancer son assaut virulent et primitif contre les tours d'ivoire des dinosaures du rock. Adolescente, Maggie se trouve attirée par l'anarchie, l'énergie et l'idéalisme de la scène punk hardcore. Elle y rencontre Hopey Glass, une punkette téméraire et insolente. Hopey est une présence turbulente mais constante dans la vie de Maggie, combinant paradoxalement des convictions morales en béton armé et un tempérament irascible. L'amitié qui les lie est volcanique mais indéfectible. Jaime Hernandez explore une très large palette d'émotions liées aux jeux de l'amour, du sexe, de la passion exubérante au doute existentiel, de la frivolité joyeuse à la détresse solitaire. Le portrait amoureux de Maggie et Hopey dépasse le constat simple de leur bisexualité et, grâce au sens naturel de l'auteur pour la justesse des sentiments, devient partie intégrante de leur vie quotidienne. Ames sœurs au caractère bien trempé, Maggie et Hopey vibrent d'un amour sincère et beau, décrit avec une justesse que peu d'écrivains, et encore moins d'auteurs de BD, sont parvenus à accomplir.
Là, une critique d'un lecteur qui m'enlève les mots de la bouche :
Quelques indices… Début des années 80, un comic américain qui cartonne, deux filles, deux amies, des rapports plus ou moins amoureux… Vous ne voyez pas ? Non, il ne s’agit pas de Strangers in Paradise de Terry Moore, mais bien de Maggie et Hoppey, 2 latinas qui vivent dans une banlieue américaine et tentent de vivre au mieux leur adolescence et le passage à l’âge adulte…
Fauchées, elles sont passionnées de musique et rivalisent d’inventivité pour satisfaire leurs envies. Les amourettes et l’amitié indéfectibles sont importantes mais ne sont pas l’unique centre de cet épais livre de près de 350 pages.
C’est un univers étrange, qui mixe super-héros, catcheuses, métiers improbables, et qui peut déstabiliser le lecteur, mais qui est une vraie mine d’inventions !
C’est d’ailleurs ce que j’ai un peu ressenti en me plongeant dans Locas. Je trouvais ça pas très passionnant, un peu pénible même, et puis les idées fusent, se font écho, et petit à petit, on se fait spectateur privilégié de la vie trépidante et tumultueuse de ces 2 filles et de leurs ami(e)s.
Je recommanderai cependant à ceux qui veulent découvrir cet univers de passer le rejet éventuel qui peut être ressenti sur les premières histoires, et de déguster en petites lampées gourmandes le reste du livre. En une fois, ça peut provoquer une overdose !
Dernière remarque, mais plus tatillonne, Locas a été plusieurs fois adapté, avec plus ou moins de réussite, par des éditeurs.
Avec la pseudo impression d’édition « ultime », je continue d’être déçu par le travail des traducteurs. Même si ça semble être de loin la meilleure version, nombreuses sont les pages qui comportent leur lot d’erreur de traduction ou d’orthographe ce qui a le don de m’agacer à un très haut point. Cela décrédibilise continuellement la valeur intrinsèque de la bande dessinée et nuit à ce grand foutoir jubilatoire qu’est ce Love and Rockets.
Textes et dessins : Jaime Hernandez
Editeur : le Seuil