Friedrich Holderlin

Il me semble bien qu'il n'y a pas de fil sur Holderlin (j'espère ne pas me tromper) et je me hâte de combler ce manque.
J'ai découvert Holderlin il y a une dizaine d'années, en lisant Combat contre le démon de Sweig, mais à l'origine pour mieux connaitre Nietzsche. (le livre est formé de trois biographies, celles de Nietzsche, Holderlin et Kleist).
Et j'ai découvert un poète comme j'aurai voulu en lire quand j'avais 17 ans.
Né en 1770 à Lauffen (Allemagne), Holderlin est destiné par sa mère à la carrière théologique, et c'est au séminaire qu'il écrit ses premiers poèmes. Puis il se détache peu à peu du protestantisme et décide de devenir précepteur pour pouvoir écrire.
Il arrive à 26 ans chez les Gontard, 4enfants, un père banquier et une femme, Suzette, il tombe amoureux d'elle. Il l'évoque dans son oeuvre sous le nom de Diotima.

Tu subis en silence et ils ne te comprennent pas,
Vie sacrée! et tu te flétris en silence,
Car vainement, hélas! chez les barbares
Tu recherches les tiens dans la lumière du soleil,

Les grandes tendres âmes, qui ne sont plus!
Mais le temps court. Mon chant mortel encor verra
Le jour qui, Diotima! tout près des dieux,
Au milieu des héros te nommera, pareil à toi.

Mais il doit quitter les Gontard et, quelque temps plus tard,travaille en France, à Bordeaux et rentre chez lui, visiblement avec les premiers signes d'une maladie qui lui tiendra la seconde partie de sa vie, frappé par Apollon, comme il le dit lui même. C'est là qu'il apprend la mort de Suzette Gontard.
Après un accès de folie il retrouve un état stable pendant quelques temps et devient bibliothécaire, mais retombe vite dans la folie, où il s'exprime dans un mélange d'allemand, de grec et de latin.
Il vivra les dernières années de sa vie dans une tour à Tubingen, au-dessus du Neckar, de 1807 à 1843.

Holderlin était partagé entre l'appel de la démesure et la mesure, passait constamment d'un extreme à un autre. C'est peut-être le seul véritable romantique, le seul pour lequel la poésie n'était pas une distraction affaire de symbolisme et de prestige social.
Il pensait réellement que les poètes avaient pour mission d'interceder entre les hommes et les dieux, et il croyait en leur existence!
Holderlin se pensait incompris, trop sensible, trop pur pour les hommes, pas assez pour les dieux, et dénonçait déjà le bruit des forges que préparaient la révolution industrielle naissante.
Les mouvements de ses poèmes peuvent descendre loin dans le désespoir, mais ils remontent toujours pour tenter de toucher le ciel.
J'ai adoré Hypérion, que je conseille vivement (et tout le reste d'ailleurs), et Empédocle aussi, même s'il est plus axé philosophie grecque. En ce moment je lis ses oeuvres complètes chez la Pléiade, et je me régale.

Les amateurs de Holderlin doivent tous être en vacances
Ce n'est pas grave, mais je ne vais pas vous lâcher avec mon romantique fou. A bientôt

Rassure-toi, je suis là

Je n'ai pas lu grand chose de Hölderlin, si ce n'est un recueil chez Gallimard/Poésie rassemblant quelques odes, élégies et hymnes. En le lisant, j'ai eu l'impression d'être face à une poésie aboutie, presque absolue. C'est magnifique, allemand (j'aime beaucoup les images et idées du romantisme allemand) et universel.

J'ai découvert Hölderlin grâce à une biographie de M.Brion sur Robert Schumann, et je n'ai pas été déçu. Schumann refusait de toucher aux poèmes d'Hölderlin, car pour lui les mettre en musique revenait presque à un sacrilège. Ce qui n'est pas si faux, car on trouve toute la beauté de la poésie chez Hölderlin, poésie qui se suffit à elle-même.

Merci! Je ne suis pas tout seul sur le coup!
Je ne l'ai pas lu en allemand, dans ses oeuvres en Pléiade il n' y a pas de textes originaux. Mais il faudra que je m'y mette.
Ce que j'aime tout particulièrement chez Holderlin c'est le mouvement que l'on ressent en le lisant, dans les grandes élégies sur les grands fleuves, par exemple ou dans Hypérion, qui finit toujours par une élévation sublime.
Et ce qui est fascinant c'est que ce type était tellement habité par sa mission d'être un lien entre les hommes et les dieux (de ce côté là il était plus près des grecs anciens que des allemands du XVIII et XIXsiècles), tellement sensible, fragile, bref un vrai romantique qui ne prenait pas la pose (il n'était pas du genre à déclamer toujours la même tirade poétique à ses invités sous le clair de lune comme Chateaubriant -que j'aime beaucoup au demeurant) que sa sincérité ne peut que toucher.
A tel point d'ailleurs qu'il y a même eu une théorie comme quoi il aurait simulé sa folie (on a donc tant de mal à croire que les gens sincères et purs peuvent exister?). Mais simuler la folie pendant presque 40 ans, ça relève d'une volonté hors du commun (et pour faire ça, il ne faut pas être un peu...fou?).
Quand je lis du Holderlin, je pense à mes 17 ans quand je ne pensai qu'à prendre mon sac pour faire le tour du monde et ressentir le vrai monde, comme je l'imaginais à l'époque.
J'aime cette idée chez lui qu'il ne faut faire aucune concession à ses idéaux, quitte à passer pour un cinglé (et le devenir vraiment).
Tiens, d'ailleurs ça me fait penser au film Les noces rebelles avec Kate Winslet et Léonardo DiCaprio (mais c'est moins optimiste).

Je suis tout à fait d'accord avec ce que tu dis, sauf peut-être sur la relation entre les hommes et Dieu (typique de la Naturphilosophie allemande des XVIIIe et XIXe).

J'imagine bien Hölderlin, au demeurant complètement fou comme tu le dis, écrire ses poèmes de la Folie, qui sont cependant eux aussi magnifiques. Je compare souvent Hölderlin à Nerval dans le sens où malgré leurs problèmes mentaux ils ont continué à écrire des œuvres superbes. Hölderlin est pour moi l'un des plus grands poètes allemands du XIXe avec Novalis.

Je ne suis pas aussi calé que tu sembles l'être sur les romantiques, et je n'ai lu que quelques poésies de Nerval, donc je ne peux pas me prononcer sur lui. Quant à Novalis, j'ai lu ses Hymnes à la nuit (j'ai honte de la dire, mais en français uniquement) que j'ai trouvé très beaux.
Connais-tu un bon livre théorique sur les romantiques?

Il est vrai que je m'y connais en romantisme, puisque je veux me spécialiser dans cette période au cours de mes études. Cependant, je ne connais pas du tout l'allemand, et ne lis que des traductions - malheureusement.

Pour les ouvrages théoriques, en voici quelques-uns (ce sont des références) :

- Paul Bénichou, Romantisme français I : Le sacre de l'écrivain; Le temps des prophètes, Gallimard, Quarto;
- Paul Bénichou, Romantisme français II : Les Mages romantiques; L'École du désenchantement, Gallimard, Quarto;
- P.Lacoue-Labarthe et alii., L'Absolu littéraire. Théorie de la littérature du romantisme allemand, Seuil, collection Poétique.

Je ne te donne que ceux-là, qui sont des pavés. Pour les deux premiers, ils font presque 3000p. (900p. et 2000p.) mais sont absolument incontournables pour le romantisme français.

Merci!!
ça me passera le temps quand je serai en prison
Je plaisante, ça demande juste un peu de temps libre et du calme (je vais être obligé de me retirer dans un monastère tibétain dans la creuse)
Ce ne sera pas pour tout de suite mais je garde bien au chaud tes références. tu fais des études de lettres?

Oui. Je suis en 3ème année de fac de lettres modernes et veux faire un master sur le romantisme, précisément sur Gérard de Nerval.

Bon courage pour la troisième année, alors. Moi je suis en troisième année d'histoire. C'est en master que ça va devenir vraiment intéressant.

fulcanelli a écrit:

C'est en master que ça va devenir vraiment intéressant.

J'attends aussi cette année avec impatience. J'en ai marre de certaines matières (le latin surtout ). En tout cas, pour quelqu'un qui est en histoire, je te félicite pour ta culture littéraire. J'en connais qui sont en histoire et ne sauraient même pas dire qui est Hölderlin

Merci, je trouve qu'il est important de ne pas rester confiné dans sa "spécialité". Je ne parle pas d'éclectisme, mot que je déteste et qui évoque la connaissance évasive et la pédanterie.
Cela dit ma passion c'est avant tout l'écriture et la littérature, avant l'histoire, l'architecture et d'autres trucs que je n'ai pas eu le temps de bien creuser.
L'ennui justement c'est qu'à raisonner comme ça on risque de rester à la surface des choses, à moins d'avoir du temps libre à revendre (être rentier, chômeur,, taulard).
Bon, mais j'ai pas beaucoup de mérite, j'ai 33 ans, quelques années de lecture derrière moi, et je viens de reprendre mes études il y a deux ans.

Fulcanelli, toi qui aimes Hölderlin (et pour les autres aussi ), tu seras peut-être intéressé par cet entretien avec Pierre Lacoue-Labarthe, publié sur le site "La République des Lettres".

Le voici :

http://www.republique-des-lettres.fr/1419-holderlin.php

Merci Lîlâ, j'y vais de ce pas (ou de ce clic plutôt)

fulcanelli a écrit:

Merci!!
ça me passera le temps quand je serai en prison
Je plaisante, ça demande juste un peu de temps libre et du calme (je vais être obligé de me retirer dans un monastère tibétain dans la creuse)
Ce ne sera pas pour tout de suite mais je garde bien au chaud tes références. tu fais des études de lettres?

Mais où que l'on se retire et si loin qu'on se retire on reste dans le même monde, esclave du temps.

A la recherche du temps perdu Marcel Proust a été obsédé par le temps "Proust jusqu'à la dernière page, jusqu'à son dernier mot semble se demander, presque avec angoisse s'il aura le temps d'achever son oeuvre, le temps de retrouver le temps. Il semble avoir du temps, si profondément uni à son oeuvre, une sensation presque tactile, qui aide et prolonge la pensée. Nous retrouvons avec lui, au plus haut niveau, cette antique tentative des théologiens et des philosophes ; réunir les temps en un temps, fondre l'objectif dans le subjectif." Entretiens sur la fin des temps" JC Carrière, J delumeau, Umberto Eco Stephen Jay Gould

C'est peut-être un trou impardonnable dans ma petite culture littéraire, mais je n'ai jamais lu Proust. Il fait partie de ma liste "à lire absolument", mais bizarrement et depuis quelques années je suis toujours passé par d'autres chemins.
C'est vrai que l'on court après le temps...ou peut-être qu'en fait le temps n'existe pas? Que c'est une dimension qui n'existe que dans notre esprit? Comme d'ailleurs je ne sais plus quel philosophe grec (un d'avant Socrate) qui pensait que le mouvement était une illusion. (on se retrouve au fil philo?)

Je m'en vais découvrir à mon rythme l'auteur, je viens de commander Odes, Elégies, Hymnes aux éditions NRF Gallimard, je devrais le recevoir dans la semaine.

Je suis pas un grand lecteur de poèmes, mais la curiosité m'a piqué plusieurs fois : évoqué par Thiéfaine dans l'un de ses morceaux, et lors de la lecture de l'essai biographique de Stefan Zweig sur Nietzsche.

Je ne peux désormais y échapper

Peut-être alimenterai-je un peu ce topic dans les semaines à venir ! Qui sait...

Heureux de trouver des amateurs d'Hölderlin ici.
C'est sûrement mon poète préféré; par l'envergure du mythe qu'il propose et la pureté parfaite du cœur.

Je vous donne en lien un article que j'ai écrit sur son"Œuvre Poétique Complète" dans l'édition La Différence
J'y ai aussi ajouté un extrait : l'élégie "Le Voyageur"
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N'hésitez pas à m'adresser vos ressentis :-)