Création (nouvelle).

Il fait doux, c’est la fin du printemps. Passé l’émoi des premiers beaux jours, tout s’épanouit sereinement ; il y a de la douceur, et de la certitude de bonheur dans l’air.

C’est vraiment bien fait, du beau boulot. Un peu crevant mais pratiquement parfait. L’arrondi des formes, le pastel des couleurs, les fleurs exubérantes, les oiseaux parés de ramages magnifiques, c’est bien. Et les chants inventifs et joyeux, romantiques et virtuoses : un fond sonore tout à fait réussi. Et le parfum, ah, réellement soigné, qui exprime l’idée même du proche été : un peu piquant au matin, avec l’odeur des prés sous la rosée puis le miel arrive avec la chaleur et les fleurs qui explosent de beauté sous la caresse du soleil. L’air est dense, chaud, vivant.

Le détail a été particulièrement étudié, ces mouches bourdonnantes, au bleu profond et métallique, ce mouton, blanc, rond, doux, évoquant à lui tout seul gentillesse et bonté.

Il va toujours au fond des choses.

Car Il est là, nonchalamment couché sur l’herbe tendre, vêtu de rouge assez doux, la tête repose sur sa main, il observe. Il a de quoi être fier, c’est beau l’Eden. Il joue avec l’herbe, d’un doigt distrait.

Ses pensées vagabondent, Il songe à son jardin. A cette beauté intemporelle, cette harmonie fantastique, cet esthétisme parfait. Le jardin est comme enveloppé d’une brume légère, endormissant les sens d’une béatitude un peu somnolente. Peut-être un peu trop feutré ?

Il s’endort un peu, que sera l’avenir ?

L’amour, la beauté, belle et généreuse idée, mais c’est long l’Eternité. A voir s’agiter tout ce petit monde sous ce décor un peu lénifiant, pendant des siècles et des siècles, il y a de quoi inventer l’ennui.

Il a bien une idée mais…en vérité oui…ce qu’il lui faut, c’est de la vie. De la vie avec de la mort.

Du sang, de la sueur et des larmes.

Et Dieu sourit.

Spoiler:

Texte inspiré, Tchipette, avec un insolite "endormissant"mais c'est un joli néologisme.

tu le dis bien,

Citation :

Il joue avec l’herbe, d’un doigt distrait. [...] il y a de quoi inventer l’ennui.

une fois que le beau boulot est fait, c'est le danger de la post partum.

Un texte impressionniste à propos d'un tableau qui ne l'est pas.

J'aime le rendu des sensations et particulièrement cette phrase : "A voir s’agiter tout ce petit monde sous ce décor un peu lénifiant, pendant des siècles et des siècles, il y a de quoi inventer l’ennui."

Idem, c'est la phrase que je préfère, elle aussi bien formulée qu'elle est intéressante.

Un très joli texte, Tchipette, et que je trouve pour ma part fort bien adapté à la peinture choisie.

Merci à tous pour vos commentaires sympas.
Pour "endormissant", j'aurais sans nul doute du préférer "assoupissant" mais je ne peux me faire au son du mot !

Bernique a raison, ce sont des impressions, dans le tableau, il n'y a, forcément, ni bruit, ni parfum, mais voilà, c'est que ce tableau m'inspire...

Et puis, ce n'est même pas Dieu que Bosch a peint, mais St Jean Baptiste. En plus je triche.

mais tu triches pour notre plaisir de te lire Tchipette. très beau compte rendu de ce tableau et surtout ... on rêve en te lisant que le monde est beau...

chère amie: je viens de relire ta nouvelle, elle dévoile une inspiration poétique nourrie de rêves
merci, c'est très réussi.