qu'est ce que la poésie ?

Citation :

Je sais (extraits):

Je sais que la mauvaise humeur ne résiste pas à une situation d’urgence. Preuve de sa vanité.

Je sais qu’en hibernant, les animaux échappent au ciel gris et aux idées qui vont avec.

Je sais que, contrairement aux êtres humains, les arbres ne guérissent pas de leurs plaies. Ils les contournent et vivent ainsi avec des trous ici et là.

Je sais que les frontières entre deux milieux sont pleines de mystère : ville et campagne, atmosphère terrestre et milieu interplanétaire, maintenant et tout à l’heure… A partir de quand l’un devient-il l’autre ?

Je sais que si sa main appuyait à peine plus fort, ce ne serait plus une caresse.

- 47. Je sais que j’ai senti une fois la fleur appelée mokusei et que je me demandais comment me souvenir de son parfum.

- 48. Je sais que tu sais qu’il sait que nous savons que vous savez qu’ils savent.

- 49. Je sais que, curieusement, ceci a un sens et qu’on peut s’amuser à voir jusqu’où on comprend, comme par-dessus des cols.

- 79. Je sais d’avance qu’il dira « non » à ce que je lui propose, mais je le lui propose quand même.

- 80. Je sais que cela lui fera plaisir de pouvoir dire « non » une fois de plus.

j'ai piqué ces textes sur le web ; évidemment c' est un peu court pour qu'on puisse porter une appréciation.

j'y verrais des aphorismes, ou des réflexions mises dans un carnet, à usage personnel, mais je n'y vois rien de poétique :

textes plats (les mots sans polysémie et en rien évocateurs pour moi.), nul rythme nulle image, nulle sonorité.

il est vrai qu'un texte traduit souffre....

t'as d'autres citations ?

...

oui, c'est la question piège, car plusieurs définitions sont possibles. Je ne vais pas chercher une définition tout prête, aussi je m'expose à découvert.

Pour moi un texte poétique doit être evocateur, être la partie émergée de l'iceberg qui laisse entrevoir le reste, non visible.

Autant dire que ce n'est pas une simple information, mais que par le rythme, les sonorités, les images, il me fait percevoir autre chose que la banalité. La poésie suggère, séduit, crée des émotions, ouvre des horizons.

assez de discours, un exemple.

je prends au hasard un texte de pierre Reverdy

Citation :

Crépuscule

Le soir tombant dilatait les yeux du chat.

Nous étions tous les deux assis sur la fenêtre et nous regardions, nous écoutions tout ce qui n'était pas autre part qu'en nous-mêmes.

Derrière la ligne qui fermait la rue, la ligne d'en haut, les arbres découpaient de la dentelle sur le ciel.

Et la ville, où est-elle la ville qui se noie au fond dans l'eau qui forme les nuages ?

Maintenant un exemple, à mon avis, de fausse poésie : je la cite chez ito naga à cause du bluff final : l'articulation.

je peux me tromper.

Citation :

- 89. Je sais qu’avec un peu de recul, n’importe quel mot acquiert une étonnante beauté. N’importe – quel – mot – acquiert – une – étonnante – beauté.

Articuler la maxime ne lui apporte rien de plus que l'affirmation précédente. Même pas le rythme, puisqu'avec ses 14 syllabes, il ne tombe pas dans une musique connue.

Le texte de Reverdy par contre suggère un moment d'intimité reconnu par le chat.
qui sont les deux ? un couple ? ils ressentent une émotion intense traduite par des sensations communes, et un paysage où abondent des épures (les lignes) et des images.
J'y verrais un recueillement des personnages, eux-mêmes en osmose, comme les arbres avec le ciel et la ville avec les nuages.

d'autres interprétations sont possibles, mais ce texte me parle, et sans doute à d'autres personnes.

jako a écrit:

un poète [...] C'est juste un petit bijou.

Là je te rejoins, avec ll'image d'un diamant : perfection de la forme et multiplicité des sens, comme les éclats nés des facettes du diamant.

Irréductible et dense.

On n'arrête pas de le regarder, de s'abîmer dans sa contemplation. On joue aussi avec lui.

Merci Jako, je ne connaissais pas et j'aime beaucoup ce que j'ai pu trouver, j'aime bien les listes déjà, un peu comme les "J'aime, j'aime pas" de Barthes, j'y trouve matière à réfléchir ou à rêver voire pire à méditer :hum:

Je sais qu’on finit par se demander : « Ca sert à quoi d’être sensible ? »

Et sur l'auteur :

Citation :

L’auteur qui écrit sous le pseudonyme de Ito Naga est astrophysicien.
Derrière l’inventaire de ces micro événements de la vie, pointent l’acuité d’un regard et une méthode d’observation scientifique. Mais ici le regard scientifique se mue en une écriture claire et lisible pour tous, qui désigne et révèle les singularités de la vie. Sans doute est-il utile de rappeler que certains esprits passionnés par les sciences sont aussi parfois poètes tels Queneau, Vian, ou plus près de nous Jacques Roubaud.

Probablement que l’interrogation systématique, ordonnée et rationnelle des mystères de l’univers, appliquée ici au quotidien des jours, n’est pas étrangère à la moisson poétique de ces énumérations cognitives.

Source ici

La question était de savoir si c'était poétique ou non.

Pour le reste, chacun peut trouver là où il veut matière à réflexion, ou à méditation.

Je suis allé sur le site de l'editeur qui parle d'observations cognitives,

tu [jacko] as bien dû lire le texte puisque sur ce site tu as fait ta petite pub

Citation :

c'était pour vous informer que Jako a écrit des poèmes en parcourant la ville, s'y est perdu

je ne vois rien de poétique dans

Citation :

Je sais qu’il m’arrive de passer sous une échelle. Juste pour voir

.,

Citation :

Je sais qu’en Inde, il n’y a pas d’insectes écrasés sur le pare-brise des voitures. Elles ne roulent pas assez vite.

Si la poésie est musique, image et rythme, pour schématiser, tu me diras si dans les deux exemples ci-dessus, tu vois de quoi faire un récital.

oui, vu son nom, j'ai pensé qu'il était japonais et je l'ai généreusement credité d'une perte de musicalité d'une langue à l'autre.

rotko a écrit:

Je suis allé sur le site de l'editeur qui parle d'observations cognitives,

tu as bien dû lire le texte puisque sur ce site tu as fait ta petite pub

Citation :

c'était pour vous informer que Jako a écrit des poèmes en parcourant la ville, s'y est perdu

je ne vois rien de poétique dans

Citation :

Je sais qu’il m’arrive de passer sous une échelle. Juste pour voir

.,

Citation :

Je sais qu’en Inde, il n’y a pas d’insectes écrasés sur le pare-brise des voitures. Elles ne roulent pas assez vite.

Si la poésie est musique, image et rythme, pour schématiser, tu me diras si dans les deux exemples ci-dessus, tu vois de quoi faire un récital.

oui, vu son nom, j'ai pensé qu'il était japonais et je l'ai généreusement credité d'une perte de musicalité d'une langue à l'autre.

1) ce n'est pas le site de l'éditeur.

2) je trouve ta vision de la poésie et du poétique réduite

3) je suis triste pour toi mais après tout...

4) c'est amusant la plupart des critiques que tu fais vis a vis de ce texte(simplicité du langage, absence de musicalité ou pauvreté de celle-ci, etc...) sont presque identiques à celles que l'on faisait à Goethe à propos de sa première version de Faust.

5) je trouve que quand artaud parle de merde c'est de la poésie et c'est pas pour autant que j'en ferais un récital... euh finalement si j'en ferais bien un récital... peut-être n'avons nous tout simplement pas le même sens musical. J'aime la musique intestinale

6) et puis finalement que tu trouve cela poétique ou non peu importe. Si un seul lecteur défini cela comme de la poésie cela en est.

7)

Au moins l'intervention de Jako aura-t-elle servi à faire réflechir sur ce que la poésie n'est pas : une succession de réflexions qui paraissent sans lien entre elles.

c'est un malentendu qui amène à reproduire sans précautions je me souviens de Pérec qui obeissait à un effort rigoureux de retrouver une mémoire.

Voila un livre à explorer, et qui me tente davantage que "j'aime, j'aime pas" d'Alain Robbe Grillet :

Citation :

J'aime la vie, je n'aime pas la mort. Pourtant, j'aime assez ce qui demeure immobile. J'aime les chats, je n'aime pas les chiens ; j'aime l'impression d'éternité, les vieilles demeures de province aux décors immuables, les lourds velours rouges passés depuis toujours, la mousse dans les allées, les carpes entre deux eaux dans les bassins. Je n'aime pas le téléphone, je n'aime pas la voiture. J'aime les longs voyages en chemin de fer, Paris - Bucarest, New-York - Los Angeles, Istanbul - Téhéran, Moscou - Kabarovsk. ...

rotko a écrit:

Au moins l'intervention de Jako aura-t-elle servi à faire réflechir sur ce que la poésie n'est pas : une succession de réflexions qui paraissent sans lien entre elles.

Ce que la poésie n'est pas selon toi, ce que tu as bien raison d'exprimer, c'est ton opinion mais de la généraliser ne me permettait pas d'intervenir.

Dans certaines, j'y trouve de la poésie ou un sens poétique si tu préfères.
Pour le lien, cela peut-être tout simplement l'auteur/l'humain qui les pense et les écrit.

je reprends cet échange sur la poésie introduite par un "invité" venu faire sa pub personnelle sur GDS*et qui a eu l'inélegance d'effacer ses posts avant de partir.

June a écrit:

Un balcon en forêt:

Un mot sur l'écriture gracquienne... [...] ...
On atteint donc les limites du narratif oui, pour toucher à quelque chose de plus essentiel et de plus souverain: la poésie.

Voila qui permettrait, à partir de ces deux exemples (les citations ci-dessus et un balcon en forêt) de définir ce qu'est pour nous la poésie, question déjà abordée à propos du poème en prose.

Alors je citerai Larcenet dans Le combat ordinaire tome 3 pour expliciter ce que je perçois de la poésie:

" Délestée de toute logique, la poésie est la seule manière libre de remarquer ce qui est précieux"

et pour complèter, Henri Pichette dans Les Epiphanies:

" La poésie est une salve contre l'habitude"

et Jean-Pierre Siméon dans Sermons Joyeux:

" L'ultime recours, l'ultime provocation sera la poésie, sera parler poème là où règne la langue basse"

oui, je comprends ce que vous voulez dire, mais si on en reste aux définitions, on n'éclaire pas beaucoup les cas précis, à moins de les appliquer à certaines oeuvres.

Pour tout dire, et j'ai choisi les exemples à dessein, il me paraît possible de parler de la poésie de Gracq (comme de celle de Reverdy ci dessus), mais plus hasardeux de la trouver dans

Citation :

Je sais qu’en Inde, il n’y a pas d’insectes écrasés sur le pare-brise des voitures. Elles ne roulent pas assez vite.

qui relève de la boutade ou de l'histoire drôle.

le texte suivant que j'avais mis dans le rayon érotique relève pour moi de la poésie, par les images, les sensations, le rythme qui lui confèrent une atmosphère évocatrice.

Citation :

Tout s’engouffrait au fond des yeux de Grange dans le sillage d’un vent de foudre qui lui mordait les oreilles et semblait purger la terre de sa puanteur ; il lui semblait les seins de Mona allongée tout contre son dos, puis se délester à chaque cahot de la luge : elle collait à ses épaules, légère et lourde, comme ces enfants-fées qu’on charge dans le gué et dont le fardeau tout à coup plombe les jambes, et quelquefois le jeu devenait plus étrange : il sentait la bouche de Mona se refermer sur sa nuque ses dents fraîches, et les mains glisser le long de ses bras jusqu’à ses poignets qui manoeuvraient l’avant-train.

La luge les culbutait contre une falaise molle que le ruisseau affouillait au fond du ravin ; roulés dans la neige, avec des rires énervés, ils luttaient collés l’un à l’autre, des mains et des genoux, et très vite, de nouveau il sentait les dents de Mona qui cherchaient sa nuque : une mollesse brusque l’[mots qui manquent] comme un chat qu’on enlève de terre par la peau du cou - la neige qui glissait au creux de ses épaules et le long de ses bras, devenait une brûlure douce.