Jakuchô SETOUCHI - [Japon]

Jakuchô SETOUCHI, la fin de l'été, éditions Philippe Picquier.

Tomoko vit ses amours comme une souffrance indispensable. Au début du roman, elle se partage entre deux hommes, l'écrivain raté Shingo, qui ne pose jamais de questions, et Ryota, son amant, qui fut son mari pendant 6 mois. Shingo de son côté, passe régulièrement de sa maîtresse à sa femme.

Si la situation amoureuse est complexe, la densité de la narration met en valeur l'intensité des émotions. Tomoko est, selon le narrateur, "sortie de la morale traditionnelle", et le talent de la romancière nous fait quitter les chemins balisés des relations amoureuses, pour éprouver à notre tour angoisse, tendresse, et réconfort sur fond de désespoir.

La ligne du récit,très claire, dessine par approches successives les contours de personnages silencieux, pendant les huit ans de leur vie commune.

On s'étonnera peu que ce roman, qualifié d'autobiographique, ait fait scandale dans un Japon bien-pensant. Pour corser le tout, l'auteure, étiquetée "romancière pornographe", mais qui connaît un vrai succès de librairie, est actuellement religieuse bouddhiste !!!

extrait : une amoureuse insolite.

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Citation :

Il suffisait à Tomoko de rencontrer un homme chez lequel l'énergie s'était engourdie ou qui semblait en avoir une dose insuffisante pour qu'inconsciemment elle veuille partager avec lui un peu de sa vitalité. Ses partenaires, les hommes qu'elle traînait derrière elle, ceux qu'elle aimait, étaient inévitablement des délaissés, des ratés, flottant dans les eaux ternes d'une existence au destin paralysé. Elle n'y voyait aucune fatalité propre à ses amours, mais plutôt comme une dette qu'elle pensait devoir payer...."

Mon premier livre, «Kashin» («Pistil», non traduit), paru en 1958, abordait le sujet du plaisir et de l’adultère au féminin. Cela m’a valu d’être qualifiée de «romancière pornographique» par le critique le plus en vue de l’époque. Il s’est ensuivi plusieurs années d’ostracisme dans un monde littéraire dominé par les hommes.

Mon roman «La Fin de l’été», paru en 1963, a lui aussi fait scandale, parce qu’il racontait la relation à trois que j’avais vécue, ou plutôt à quatre: ma liaison avec un étudiant plus jeune que moi et, simultanément, avec un homme marié.

Ces livres n’ont plus rien de choquant aujourd’hui, mais, dans les années 1960, il n’était pas facile pour une Japonaise de s’exprimer librement. De fait, j’ai commencé à écrire des biographies de femmes célèbres, parce que ces textes étaient plus facilement acceptés que les récits de ma propre vie !

Un entretien avec Corinne Atlan, traductrice qui fait autorité dans la litterature japonaise contemporaine.