Knut Hamsun [Norvège]

Je n'ai pas vu de fil sur lui et rien trouvé en cherchant...donc je me lance.

Auteur norvégien, né en 1859, mort en 1952. Prix Nobel de Littérature en 1920.

D'abord adulé dans son pays pour ses écrits brillants, dont La Faim, Hamsun est l'un des précurseurs d'auteurs comme Kafka. Il connaît pourtant la déchéance pour avoir, pendant la Seconde Guerre Mondiale, soutenu le parti nazi de son pays. D'hospice en hospice, on tente alors de le faire passer pour aliéné avant d'éviter le procès...

Indépendamment de cette opprobre, que reste-t-il de son oeuvre ? Et que vaut-elle en elle-même ?


Mystères

Une petite ville de province norvégienne, paisible... Paisible sinon qu'un homme vient de s'y suicider. Il laisse derrière lui un message à l'adresse de la fille du pasteur, aimée en vain.

Par le bateau, arrive alors un curieux personnage, Nagel, dans un costume jaune de la plus grande discrétion. Sans raison apparente, il décide de séjourner quelques temps dans cette ville. Il en rencontre les habitants les plus en vue, des notables aux plus pauvres. Et la belle Miss Kielland. Celle-là même qui a coûté la vie à celui qui l'aimait...

Mais qui est vraiment Nagel ? Un manipulateur ? Un saint ? Un visionnaire ? Un fou ? Un provocateur ?

Dans ce roman, tout est symbole. Chaque détail fait sens tôt ou tard et c'est au lecteur qu'il apparaît de délier les fils de la conscience et de l'inconscience, d'interpréter les actes et pensées de cet étrange personnage...

Personnellement, j'ai trouvé ce livre d'une grande subtilité. Pas forcément évident à lire, car assez dense et complexe, bien que bref, il devient captivant à partir du moment où l'on comprend son fonctionnement et où l'on apprend à rentrer dans ce jeu de symboles et de mystères, avancés avec intelligence.

Et finalement, j'ai été totalement envoûtée...

Citation :

Je ne pense pas qu’on puisse découvrir dans mes œuvres, depuis que j’ai commencé à écrire, un seul personnage " tout d’une pièce ". Mes personnages sont tous exempts de ce qu’on appelle abusivement le caractère. Ils manifestent tous les divisions, les déchirements de leur nature. Ils ne sont jamais bons et mauvais, mais à la fois l’un et l’autre et, dans leur essence illuminée par la réalité, reflètent les millions d’aspects de leur nature. Je suppose que moi-même je suis ainsi.

Knut Hamsun, à propos de son oeuvre.

j'ai lu la faim et un air si pur ( qui porte aussi un autre titre dont je ne me souviens plus le nom ). une écriture directe, pleine d'émotion et parfois psychologiquement très lourde. c'est d'ailleurs un type qui a eu une influence sur des écrivains américains comme Miller ou Fante.

la faim est vraiment monumentale. une autobiographie déguisée de ses débuts d'écrivain ou il n'avait tout simplement rien à bouffer. le narrateur déambule dans la ville à la recherche de nourriture et d'inspiration. mais la faim ne s'arrête jamais et la folie qui va avec, non plus.

un air si pur est moins simple, moins direct ( pour autant que ça veuille dire quelque chose ) mais m'a quand même beaucoup plu. l'action se déroule dans un sanatorium, en pleine montagne, ou des gens - aisés pour la plupart - viennent pour faire une cure. on aboutit à une sorte de microcosme symbolisant la civilisation occidentale en générale, à la nécessité d'un retour à un mode de vie plus rural. c'est assez sombre en fait.

Ce sont bien les titres : un air si pur est dans le livre de poche, ainsi que la faim, dans bibilopoche.

Le mode de pensée comme d'écriture de Hamsun ne me semble effectivement pas joyeux pour ce que j'ai pu en lire...c'est hanté par la folie, par la névrose, par la conscience aiguë de l'inconscient...ça ne me déplaît pas, car cela crée des oeuvres très nuancées. Les personnages ne sont jamais totalement ce qu'ils semblent être, ils sont complexes, on ne peut les mettre dans des cases manichéennes.

La Faim, c'est le prochain auquel je m'attaque.

Citation :

Knut Hamsun (1859-1952), écrivain norvégien, prix Nobel de littérature en 1921
La Norvège a donné jeudi le coup d'envoi aux célébrations marquant le 150e anniversaire de la naissance de Knut Hamsun, un des plus grands auteurs du pays, prix Nobel de littérature en 1921, mais tombé en disgrâce après la guerre pour son soutien aux nazis.

Le jubilé a démarré le jour anniversaire de la mort de Hamsun, décédé le 19 février 1952 dans l'opprobre et le dénuement, ses compatriotes ne lui ayant pas pardonné ses positions favorables au IIIe Reich.

De tendance politique pourtant diamétralement opposée, le journal
communiste Klassekampen ("La lutte des classes") a consacré
l'intégralité de sa Une à la reproduction d'un article écrit sur
Hamsun en 1936, ainsi que six pages intérieures.

Hamsun admirait Adolf Hitler et le collaborateur norvégien Vidkun
Quisling, il "haissait les Anglais, la démocratie et les pacifistes"
et il a enjoint ses compatriotes à jeter leurs armes face aux nazis et à aller se battre sur le front de l'Est, rappelle Klassekampen, qui
juge pourtant indispensable de commémorer un des plus grands auteurs scandinaves.

A Oslo, une exposition sur l'écrivain devait être inaugurée en
présence de la reine Sonja à la Bibliothèque nationale, puis des
artistes devaient interpréter dans la rue des scènes de "La Faim"un roman relatant les déboires d'un auteur famélique qui assura le succès à Hamsun en 1890.

Hamsun, qui donna sa médaille Nobel au chef de la propagande nazie Joseph Goebbels, reste cependant sulfureux en Norvège. Seule une petite poignée de municipalités, mais pas Oslo, ont donné son nom à un espace public et les statues à son image sont rarissimes.

AFP.

Quelque part, j'ai eu de la chance. J'ai appris ça après l'avoir lu. Je sais qu'avant, ça m'aurait influencée, et je n'aurais pu me laisser guider par l'oeuvre comme je l'ai fait. Je ne l'aurais peut-être même pas lue, pour être honnête.

Quel dommage que les positions d'artistes puissent autant nuire à leur oeuvre...

J'avais entendu parler de Quisling, mais j'ignorais que Knut Hamsun ait pris ces positions, - et les ait poussées aussi loin.

Le tout est de savoir si ses premières oeuvres ne contenaient pas déjà de mauvais germes. Impossible de ne pas se le demander.

Les admirateurs de Céline - et ses détracteurs, sont d'accord sur un point : Céline est un tout, on ne sépare pas "le bon Céline" du "mauvais".

On serait tenté de penser aux "moi successifs" dont parle Proust, mais dans le domaine de l'écriture, n'y a-t-il pas une permanence, bien que les exégètes distinguent pour les commodités de leurs analyse, des "périodes", comme pour Giono par exemple.

Je doute de lire Hamsun.

Je n'ai lu que Mystères. Et je pense que si on doit voir les traces de telles positions dans ce livre, c'est dans l'idée nietzschéenne d'un homme supérieur, qui soit un ensemble, qui forme un tout complexe et peu aisément compréhensible.

Ou alors dans une vision exaltée du monde.

Maintenant, je n'y ai vraiment RIEN lu qui était de l'ordre de l'antisémitisme (je ne pense d'ailleurs pas qu'il l'était, ou du moins je n'ai jamais rien lu de tel...à ce que j'ai lu, il me semble que ce n'est pas là que se situait son nazisme), ni même de la volonté de détruire les autres pour s'élever ou les dominer.

Rappelons tout de même, à la décharge de Hamsun, que c'est très âgé qu'il s'est rapproché de Quisling. Après tout, ce qui a été invoqué à l'époque n'est peut être pas totalement faux : des chercheurs tendent à penser qu'il était effectivement sénile et/ou dérangé à l'époque où il a eu ces positions et ces actes.

Par contre, j'avoue que j'ignorais aussi des détails comme le don de la médaille.

Ceci étant, je ne puis que déplorer vraiment ces prises de position si critiquables, car rarement il m'a été donné de lire un esprit aussi brillant et ayant une approche psychologique de ses personnages si fouillée et percutante.

Sans pouvoir en aucune façon le défendre intégralement, j'avoue que j'ai été vraiment dérangée et perturbée de découvrir qui il était politiquement, après ma lecture. Car qui qu'il ait été, je ne puis nier désormais que cette lecture restera parmi les plus marquantes que j'ai pu faire...

Citation :

les voies de la litterature comme celles de la Grâce sont impénétrables

je porte la soutane ce matin.

Surtout, pas de culpabilisation à te faire.

Je ne culpabilise pas ! Ce sont ses idées, pas les miennes.

Manquerait plus que ça.

Je trouve juste cela...dommage.

Sous l'étoile d'automne


Publié en 1906, Sous l'étoile d'automne est le premier volet d'une des deux trilogies dites du vagabond. C'est aussi un très court roman, de tout juste 150 pages.

Sous l'étoile d'automne est le récit des pérégrinations d'un homme entre deux âges, fuyant son ancienne vie citadine qu'on devine aisée et confortable pour retrouver la tranquillité des choses simples. Au début du roman, Knut Pedersen vit retiré sur une île proche du littoral norvégien, où il loue une chambre dans une pension. Il y retrouve par hasard un ancien camarade de jeunesse avec qui il part à l'aventure sur les routes, retrouver en quelque sorte la simplicité de l'existence qu'il menait dans sa jeunesse, à vivre d'un travail manuel, sans trop de contraintes. Pedersen est un homme taciturne et mélancolique, et on devine assez vite la source de son mal-être. C'est un homme rongé par la solitude. Il croise au cours du roman deux femmes, deux amours impossibles auxquels il ne peut s'empêcher de rêver. La première est une jeune fille dont il apprendra plus tard qu'elle partageait l'attirance qu'il s'efforçait lui-même de refouler, et la seconde, une femme mariée, insaisissable, avec laquelle se tisse une relation ambiguë et dont il espère l'amour tant rêvé, en vain.

Sa relation à l'amour et aux femmes est en quelque sorte au centre du roman, une relation parasitée par son incapacité à comprendre les autres, à se sentir heureux, où qu'il soit, et à savoir ce qu'il souhaite réellement. La peur de la mort ne rôde pas bien loin dans cette quête éperdue de sens à sa vie. Une histoire à la portée tout ce qu'il y a de plus universelle, au fond. Un roman intéressant, donc.


Quelques extraits :

« (…) Aïe ! comme il est difficile de réussir calmement, joliment, le passage fatidique à la vieillesse. La crispation intervient, l'esbroufe, les grimaces, , la lutte contre les jeunes, l'envie. (…) »

« (…) Me voici loin du vacarme et de la presse de la ville, des journaux et des gens, j'ai fui tout cela parce que, de nouveau, on m'appelait de la campagne et de la solitude dont je suis originaire. Je pense, plein d'espoir : Tu verras, tout va bien aller. Hélas ! Je me suis déjà enfui de la sorte et je suis retourné à la ville. Et me suis de nouveau enfui. (…) »

« (…) Il a peut-être raison, Grindhusen, on trouvera bien un moyen pour tout, demain comme aujourd'hui. Voilà deux semaines que je n'ai pas lu les journaux et je vis tout de même, je vais bien, je fais de grands progrès en calme intérieur, je chante, je me pavane, je vais tête nue, contemplant le ciel, le soir.
Ces dix-huit dernières années, quand j'allais au café, je rendais la fourchette au garçon quand elle n'était pas propre, ici, chez Gunhild, je ne rends aucune fourchette ! As-tu vu Grindhusen, me dis-je à moi-même, quand il allume sa pipe, il utilise son allumette jusqu'au bout, sans pourtant brûler ses doigts endurcis. J'avais remarqué qu'il y avait une mouche sur sa main, il l'avait laissée aller, peut-être ne l'avait-il pas sentie. C'est ainsi qu'un homme doit réagir envers les mouches... (…) »

Lîlâ a écrit:

Quelque part, j'ai eu de la chance. J'ai appris ça après l'avoir lu. Je sais qu'avant, ça m'aurait influencée, et je n'aurais pu me laisser guider par l'oeuvre comme je l'ai fait. Je ne l'aurais peut-être même pas lue, pour être honnête.

Quel dommage que les positions d'artistes puissent autant nuire à leur oeuvre...

Certains disent qu'il faut séparer les idées de l'écrivain et l'oeuvre.

Personnellement, je pense qu'il faut surtout éviter de se faire le juge moral des écrivains. Surtout quand on n'a pas été leur contemporain et que par conséquent, le contexte nous échappe.

On peut essayer de se représenter ce qu'était le climat politique et social de l'époque, mais on ne fera toujours qu'imaginer les choses, je pense qu'il faut parfois savoir admettre qu'on n'est pas en mesure de tout comprendre.