tierno Monenembo

prix renaudot


«Le roi de Kahel» (Le Seuil) du Guinéen Tierno Monénembo.


Au début des années 1880, Aimé Victor Olivier, que les Peuls appelleront Yémé et qui deviendra le vicomte de Sanderval, fonde le projet de conquérir à titre personnel le Fouta-Djalon et d'y faire passer une ligne de chemin de fer.

On a presque tout oublié de lui aujourd'hui: il fut pourtant un précurseur de la colonisation de l'Afrique de l'Ouest et ses aventures faisaient le régal des gazettes de l'époque. Au cours de ses cinq voyages successifs, Sanderval parvient à gagner la confiance de l'almâmi, le chef suprême de ce royaume théocratique qu'était le pays peul, qui lui donne le plateau de Kahel et l'autorise à battre monnaie à son effigie.

. L'épopée solitaire d'un homme, Olivier de Sanderval, qui voulut se tailler un royaume au nez et à la barbe de l'administration française... et des Anglais

Citation :

Tierno Monénembo, 61 ans, est un écrivain africain francophone de réputation internationale qui possède des attaches à Caen. Il a quitté son pays, la Guinée, en 1969, pour fuir la dictature de Sekou Touré.
Monénembo est l'auteur d'une dizaine de romans, dans lesquels il évoque notamment l'impuissance des intellectuels en Afrique et les difficultés de vie des Africains en France.

"Le roi de Kahel" raconte l'épopée d'Olivier de Sanderval, précurseur de la colonisation de l'Afrique de l'ouest à la fin du XIXe siècle. Sanderval parvient à gagner la confiance du chef du pays peul et va tenter de se tailler un royaume contre la volonté de son propre pays.

nous apprend Ouest-France.

C'est après avoir écrit le Peul où figure Olivier de Sanderval que Monénembo révise son opinon sur le personnage, et consulte les Archives départementales du Calvados, à Caen où vit la descendance d'Olivier de Sanderval.

Heureusement qu'il y a des prix pour sortir les écrivains africains de l'indifférence générale. Voici ce qu' Alain Mabanckou écrit sur son blog à son aîné guinéen :

Citation :

A l’heure où la France va enfin découvrir ton oeuvre qui court sur trois décennies, je t’imagine en train de suivre les événements avec un regard désabusé.

Tu penses à tes amis qui ne sont plus là : Sony Labou Tansi, Tchicaya U’Tamsi – mais aussi à tes compatriotes Williams Sassine et Camara Laye qui a bercé notre jeunesse avec son magistral Enfant noir…

Tu penses à la Guinée, ta terre natale. Mais ta voix n’est plus une voix nationale, elle traverse les frontières, résonne au-delà de l’horizon, prolonge la symphonie universelle de cette littérature ouverte au monde que nous ne cessons d’appeler de nos vœux…

Autres récits :

Pelourhino, dont l'action se situe à Salvador de Bahia, la ville de Jorge Amado, raconte la quête d'un écrivain africain venu trouver ses racines au Brésil.

Citation :

L'Aîné des orphelins consacré au génocide rwandais.est sans doute le plus beau récit consacré au génocide, en tout cas une contribution essentielle à notre mémoire en lambeaux

dit cet article d'africulture auquel je renvoie.

Le roi de Kahel est une chronique vivante et apparemment très documentée – mais sans lourdeur ! de la vie d’Olivier de Sanderval, à mi-chemin entre l’exploration du continent inconnu et le début du colonialisme.

Il réalise son rêve de gosse, devenir roi en Afrique, dans une aventure, préparée méthodiquement, mais avec passion :

Citation :

L’Afrique, il avait envie de la longer lentement d’abord , à la manière dont on tâte la croupe d’une femme avant de la pénétrer.

Il tombe d’abord en admiration devant les paysages, admirant l’

Citation :

étourdissant panorama de ce coin d’Afrique où seraient venus s’égarer les volcans d’Auvergne et les bocages normands, les torrents du Jura et les vallées de la Suisse.

Il affronte des problèmes de santé, et des périls divers qui lui font risquer décapitation et autres supplices dans un univers aux usages bien différents :

Citation :

l’horrible poteau de Vikaria servait aux exécutions. on y attachait les condamnés, après leur avoir rompu les membres, puis la marée haute venait les asphyxier si, entre-temps, les caïmans ne les avait pas dévorés.

Mais ce sont surtout ses rapports avec les Peuls qui détiennent le Fouta Djalon qui assurent sa réussite, non sans mal !

Citation :

Les Peuls avec » leur art tout florentin de la conjuration et de l’esquive. Il avait compris que la rouerie, chez eux, passait pour un noble sport. Vivre, c’était avant tout se gruger les uns les autres. Celui qui ourdissait les conjurations les plus ingénieuses, celui-là méritait sa place à la cour et les louanges des griots. Les roturiers et les esprit lourds ne suscitaient nulle compassion. Ici on naissait rusé ou maudit ; roi ou rien du tout.

Olivier considère bien entendu les "Nègres" avec les idées de son temps, mais il ne manque pas d’ouverture d’esprit, par rapport à ses contemporains :

Citation :

C’est une race primitive j’en conviens, bien plus proche du singe que nous, mais c’est une race jeune. Le cœur commence à naître, l’esprit naîtra par la suite. L’évolution, mon cher, l’évolution !

On aurait pu s’attendre à une description des sociétés en place, voire aux différents rites de ses membres. Mais Olivier de Sanderval n’a rien d’un ethnologue, et l’histoire est racontée de son point de vue. On s’attarde sur son équipée et sur les multiples intrigues qu’il doit tisser - ou déjouer, tant dans les milieux peuls que dans les couloirs des ministères.

On voit aussi comment la France procède pour s’annexer des territoires, brutalement et sans scrupules, Contrairement à Olivier de Sanderval qui garde une belle stature morale, tout en ayant évidemment des ambitions personnelles.

Le roi de Kahel

Rotko ayant déjà résumé et commenté le livre, je n’ajouterai rien …ou peu.
Un récit teinté d’humour et d’ironie. Mais qui sous des dehors picaresques nous livre une histoire bien documentée et qui nous révèle les différentes facettes du colonialisme. Un personnage injustement oublié évoqué par Tierno Monénembo de façon cocasse mais non sans une certaine admiration. Les Peuls tels que dans leur réalité par le regard vrai de leur compatriote. Un livre extrêmement intéressant écrit d’une plume alerte. Réjouissant et riche.

Le Terroriste noir de Tierno Monénembo
Tierno Monémembo s'inspire de la vie d'un soldat d'origine guinéenne pendant la Seconde Guerre mondiale, qui entra dans la résistance et créa un des premiers maquis de la région vosgienne. Son roman est un hommage aux oubliés de l'Histoire, à la fois drôle, émouvant et poétique.

Tout commence en lisière de la forêt des Vosges, un jour de 1940, quand un père et son fils partis cueillir des champignons tombent par hasard sur un « pauvre nègre » endormi au pied des arbres. Conduit au village, ce jeune Guinéen adopté en France à l’âge de 13 ans, à la fois austère et charmeur, y fera sensation. Il saura enflammer les cœurs, s’attirer des protections. Mais ce n’est qu’un début : en 1942, il entre en contact avec la Résistance et crée un des premiers maquis de la région. Lancés sur ses traces, les Allemands l’appelleront « le terroriste noir ».
Qui a trahi Addi Bâ ? Une de ses nombreuses amantes ? Un collabo professionnel ? Ou tout simplement la rivalité opposant deux familles aux haines séculaires ? À travers cette figure fascinante, c’est tout un pan méconnu de notre histoire qui défile : ceux que l’on appelait les tirailleurs sénégalais. C’est aussi la vie quotidienne de la population des Vosges, évoquée par Tierno Monénembo avec une verve irrésistible… comme s’il s’agissait d’un village africain.

Addi Bâ, itinéraire d'un résistant méconnu

Né le 25 décembre 1916 à Bomboli (Guinée) et fusillé par l'occupant allemand le 18 décembre 1943 à Épinal (Vosges)

pour sen savoir plus : http://addiba.free.fr/accueil.html

Merci, Mazel, c'est effectivement un livre tentant pour qui connaît les talents d'ecriture de Monenembo


224 p. Seuil

bibliobs y va de son couplet élogieux :

Son nouveau roman poursuit cette exploration de «l'histoire ambiguë» en racontant celle d'Addi Bâ, Guinéen arrivé en France à l'âge de 13 ans, devenu un tirailleur sénégalais et qui participa à la bataille de la Meuse. Mais s'il est demeuré une figure légendaire dans la région de Tollaincourt - Romaincourt dans le livre -, c'est pour son action héroïque dans la Résistance.

Par la voix truculente de la jeune Germaine Tergoresse, l'auteur décrit la rencontre, en 1940, entre ce «pauvre nègre» retrouvé endormi dans la forêt et des villageois vosgiens qui l'adoptent comme un des leurs. Peuplé de personnages naïfs et sincères, Mâmiche Léontine, Yolande, l'Etienne, la Pinéguette, le récit tient à la fois de Pagnol et du conte africain. Emouvant et cocasse avant de tourner à la tragédie puisque Addi Bâ fut trahi et livré à l'ennemi, «le Terroriste noir» est une superbe fable humaniste

j'étais déjà tombée sous le charme avec Le roi de Kahel de Tierno Monénembo

sur le sujet, je pense lire en 2013 : Galadio de Didier Daeninckx

Je lis en ce moment le terroriste noir :

aucun doute possible, Monenembo sait raconter une histoire de manière originale, comme un conteur s'adressant oralement à un public. Sans que le récit soit linéaire, il intéresse son auditoire et répare utilement des lacunes de l'histoire.

je retrouve chez lui bien des aspects que j'apprécie chez Mabanckou.

Seigneur ! ils n'arrêtent pas de lire !... et moi ? et moi ? et moi ? je passe mon temps à m'amuser ! je ne nourris pas mon esprit ! que vais-je devenir ?
".. dans un mois, dans un an
comment souffrirons-nous ?
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous !..."
et le lémurien tombé des étoiles se coucha sur le sol froid
et dorma.
(pardon, c'est pour la rime !)

Rotko, ravie que tu apprécie le terroriste noir,
Ysandre, ce n'est pas la quantité de livres qui importe, mais la qualité et le plaisir...
bonne journée

c'est toi Mazel qui m'a mis ce titre sous les yeux : que le Ciel t'en remercie, et moi avec !

J'aime l'histoire de cet

Citation :

"inconnu sorti des forêts d'Afrique [et] qui voulait se battre alors ques les Blancs avaient jeté les armes, avaient pactisé avec l'ennemi."

Nous suivons le récit, intrigués par la narratrice, et l'aura complexe qui plane au-dessus de la "tête de nègre", (jeu de mots initial des villageois).

Ce village irrésolu, hésitant entre Pétain et radio-londres, est une métaphore de la France entière, et nous devons aussi décrypter puis réhabiliter des personnes jugées provocatrices et dérangeantes, auxquelles, nous le savons maintenant, l'avenir donnera raison.

L'aveuglement d'alors ne continue-t-il pas de nos jours où, troublante injustice, ne figurent pas sur les stèles de nos villages, le nom de ces étrangers qui sont morts pour une conception de la liberté ?

C'est bien aussi qu'un romancier guinéen, de talent, francophone par surcroît, éclaire notre étroite lanterne.