LU Wenfu [Chine]

Citation :

Chez Zhu Hongxing était alors un restaurant de nouilles très célèbre. Le restaurant existe toujours ; il est situé en face du jardin de la Tranquillité. Je ne vais pas m’étendre sur la variété, la saveur des nouilles servies chez Zhu Hongxing ; il suffit de consulter le menu, qui du reste ne comporte rien d’exceptionnel. Je voudrais plutôt parler des rites accompagnant ces nouilles. Parce qu’il y avait des rites ? Oui, c’est vrai, pour un même bol de nouilles, chacun avait ses habitudes. Les gastronomes avaient les leurs, bien établies. Un exemple : on s’asseyait à une table et on appelait le serveur : « Hep ! (A l’époque, on ne disait pas ‘Camarade !’.) Un bol de nouilles de… ! » Au bout d’un instant le garçon répondait d’une voix forte : « Voilà, j’arrive ! Un bol de nouilles de… » Pourquoi ne venait-il pas immédiatement ? Parce qu’il attendait que le client ait précisé : nouilles al dente ou bien cuites, nature ou avec bouillon ; vertes ou blanches (avec ou sans ciboule) ; riches (bien grasses) ou légères (sans graisse) ; sauce longue (avec plus de sauce que de nouilles) ou sauce courte (avec plus de nouilles que de sauce) ; nouilles sur l’autre rive : la sauce, au lieu d’être versée sur les nouilles, est présentée à part sur une assiette et l’on doit « faire le pont » entre le bol et l’assiette. Quand c’était Zhu Ziye qui arrivait dans le restaurant, on entendait le serveur prendre son souffle et lancer : « Voilà, je viens ! Un bol de crevettes sautées, nouilles sur l’autre rive, beaucoup de bouillon, vertes, sauce longue, al dente. »

extrait de : Vie et passion d'un gastronome chinois

Et pour le mouton sauvage cela sera un bol de nouilles « première cuisson » sur l’autre rive, beaucoup de bouillon, riches, vertes et al dente ! Et pour les autres grains ? Bon appétit !

L'un est gros, gastronome et goinfre.
L'autre est tout le contraire.
Le premier représentera l'ennemi capitaliste, le second le camarade communiste.
Tous les deux s'affronteront sur le thème de la gastronomie du début de la révolution jusqu'à l'ère du grand capitalisme chinois, en passant par le Grand Bond en Avant, les famines et les grands travaux.

C'est un livre que j'ai du lire trois fois. Savoureux à souhait, dans lequel les cinq sens sont comblés selon la tradition culinaire chinoise.
La gastronomie comme un élément de subversion et de contre révolution.

C'est tentant ... ce livre

Pour moi, ce sera nouilles al dente, légères, vertes avec bouillon et sauce longue sur l'autre rive !

Si en plus vous combinez cette lecture à la diffusion du film Tampopo de Juzo Itami, qui bien que japonais fait l'éloge de la nouille, vous voilà rassasiés pour l'hiver.

Je le vois comment ce film

Je pensais à Mouton'S en voyant un titre de Jim Harrison :
Aventures d'un gourmand vagabond : Le cuit et le cru ...

Utopie a écrit:

Je pensais à Mouton'S en voyant un titre de Jim Harrison :
Aventures d'un gourmand vagabond : Le cuit et le cru ...

Il est sur ma liste : "livres prioritaires à rechercher lorsque je rentre dans une boutique de livres d'occasion" !

Né en 1928, dans la province de Jiangsu (Chine), Lu Wenfu vit à Suzhou depuis 1945.

Journaliste, puis romancier, il a obtenu plusieurs prix littéraires nationaux. Vice-président de l’Association des écrivains chinois, il dirige actuellement la revue mensuelle le Magazine de Suzhou, dont il est le fondateur.

En français, il a publié :

• Vie et Passion d’un gastronome chinois (Philippe Picquier/UNESCO, 1989 et Philippe Picquier, 1996).
  
• Le Puits (Philippe Picquier, 1991).
  
• Nid d’hommes (Seuil).