Edward Bond,

Edward Bond, Le Crime du XXIe siècle, L'Arche.
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le monde des réprouvés

Sur un site de désolation, ruines et gravats, errent comme des chiens des personnages faméliques. Qui a trouvé une niche précaire s'efforce d'en éloigner les autres.
A moins que petit à petit, l'autre s'incruste.

En arrière-plan l'armée et les prisons, symptomatiques d'une société cloisonnée qui a crée le "ghetto des riches" et les "cités", qui équipe les délinquants avec un "mouchard", sorte de bracelet électronique.

Violence extérieure, violences entre les réprouvés. C'est un univers de violence et de hurlements. Même hors de toute crise, la parole est brutale, syncopée, comme traumatisée.

Nul doute qu'une mise en scène rende cette pièce de dix tableaux très éprouvante.

J'isole arbitrairement une maxime

"

Citation :

L'univers est une erreur avec laquelle nous devons apprendre à vivre".

"

Citation :

Ceux qui sont nourris ne recherchent pas la justice
Ceux qui qui sont nourris ont plus faim que ceux qui ne le sont pas - c'est la loi de la machine
Et comme ils volent dans l'assiette de l'autre ils ont peur que l'autre vole dans leur assiette."

Bref, le théâtre de Bond renvoie à un monde inhumain où règnent l'exclusion, et une violence porteuse de tous les délires.

deux sites :

http://www.theatre-contemporain.net/auteurs/bond/pdgeb.htm

http://www.peripheries.net/g-bond.htm

Il y a peu, j'ai lu "Pièces de Guerre"......

Extraits:"nous naissons radicalement innocents mais tandis que nous grandissons, l'innocence se protège en se corrompant... La société qui nous crée nous déforme. C'est pourquoi nous devons bien souvent pour être de bons citoyens, vivre une vie de violence et d'indifférence colossale"

"S'il y avait des dieux, ils viendraient ici pour apprendre!" fait-il dire au premier homme.

Des chorus ponctuent la deuxième pièce : "... on a demandé aux gens de s'exercer à la vertu alors qu'ils travaillaient pour des voleurs/ D'être des philosophes alors qu'ils vivaient dans le bruit d'immeubles où personne ne pouvait penser/ D'apprendre l'art de vivre en paix quand chacun doit combattre son voisin pour travailler...Demandez-vous pourquoi ces gens-là ne sont pas devenus fous avant que les bombes ne soient lancées."

"la démocratie n'est pas le droit de vote mais la liberté de savoir et la connaissance basée sur le savoir".

Un théâtre qui dénonce le monde noir et violent dans lequel nous vivons.

"Pièces de guerre", j'ai vu ça à l'Odéon il y a 10 ans, je crois. Lucide et cruelle. Très bien.

Lear inspiré de Shakespeare bien entendu, est aussi une pièce d'Edward Bond, et sa préface mérite d'être citée avec quelques extraits. je commence :

Citation :

Pourquoi nous comportons-nous les uns envers les autres de façon pire que les autres animaux ? Notre mode de vie n’est pas celui auquel nous sommes destinés, si bien que notre existence quotidienne est une entrave à notre fonctionnement naturel, t que cela stimule ce qui est notre réaction naturelle à toute menace : l’agression. […]

Et Bond de parler de notre structure sociale et des dirigeants, comme Nietzsche parlait des prêtres remplaçant les guerriers dans leur position dominante (généalogie de la morale) :

Citation :

Dès qu’une structure sociale existe elle tend à se perpétuer Les groupes qui l’organisent, les dirigeants se voient accorder des privilèges. Peut-être certains de ceux-ci étaient nécessaires lors des situations critiques qui avaient fait naître le besoin de dirigeants.
Mais ils deviennent moins justifiés lorsqu’ils sont transmis à leurs enfants. En même temps ils deviennent plus étendus et plus enracinés. Ils deviennent une injustice.. Mais le groupe des organisateurs en vient à s’auto-justifier, car bien que sa situation soit injuste, c’est lui qui fait régner la justice.

la préface de lear (suite)

Citation :

[…]Nous ne sommes pas destinés à travailler à la chaîne, à vivre dans de grands ensembles, ni même à conduire des voitures ; et de telles choses ne nous sont pas prédestinées Elles sont avant tout destinées a faire des profits.

Les tensions et l’ agression sont en train de devenir les traits distinctifs de notre espèce.

Le visage de nombreuses personnes demeure figé dans des expressions où dominent l’inquiétude, la froideur ou la menace et leur démarche embarrassée et saccadée (1) n’a rien de l’aisance de celle d’animaux libres.

De tels traits sont les signes d’un mal moral, mais on nous apprend à les admirer. On les utilise dans la propagande commerciale, dans les représentations iconographiques d’hommes politique et de dirigeants, voire d’écrivains ; et on les considère évidemment comme des signes de bonne éducation chez les jeunes.

(1) Tapie animé par Duracell par exemple.

Difficile à la seule lecture de se faire une idée précise de cette pièce qui comporte une trentaine de personnages, sans parler d’une douzaine de soldats et d’ « intermittents ».

Le Roi Lear n’est pas le père trahi qu’on prend totalement en pitié. D’ailleurs lui non plus n’a pas de pitié, même s’il déclare à la fin de la pièce :

Citation :

« Nos vies sont frustes et fragiles et une seule chose peut nous garder de la démence : c’est la pitié et l’homme dépourvu de pitié est un fou »

Le début de la pièce montre sa dureté, allant jusqu’au crime, pour édifier un MUR protégeant son pays des ennemis, entreprise vaine puisque ses ennemis viennent de l’intérieur et de son entourage le plus proche.

La présence de ce mur n’est certes pas anodine à nos yeux (mur de Berlin, mur israélien) dans cette pièce où la cruauté est au premier plan, avec des scènes qui deviennent horribles : Lear face au cadavre de sa fille Fontanelle, ou Lear auquel on arrache les yeux, notamment.