Keiji Nakazawa, GEN d'hiroshima

Les éditions Vertige Graphic reprennent les anciennes éditions de 1983 et 1990 en respectant mieux l'original japonais.

Spiegelman, l'auteur de MAUS préface l'ouvrage rappelant des specificités de la manga japonaise :

une violence ordinaire "vite relativisée face à l'enormité d'un bombardement nucléaire sur une population civile", des visages parfois trop mignons, etc.

Reste qu'il admire l'art inexorable du témoignage :

Citation :

La plus grande vertu de ce travail est son abrupte et totale sincérité. Sa conviction et son honnêteté nous permettent de croire à l'incroyable, à l'impossible qui pourtant se produisit à Hiroshima.

En Japonais le titre est Gen aux pieds nus.(Hadashi no Gen).

Si on passe sur le manque de couleurs (oui je sais que les mangas...), sur des visages trop tordus dans l'expression, et des claques monumentales distribuées à tout bout de champ, on en vient à appréier la substantificque moëlle de ce manga.

Le conditionnement des enfants à l'école, la militarisatation des esprits et des corps japonais à cette époque, la réprobation unanime et collective des conduites pacifiques nous apparaissent bien restituées.

Nakazawa introduit habilement dans cette préparation la situation des Coréens exploités au Japon. Que ce manga destiné aux enfants joue un rôle humaniste, nul n'en doutera.

rotko a écrit:

Si on passe sur le manque de couleurs (oui je sais que les mangas...),

Pas très maligne cette remarque.
Vas-tu reprocher à une sonate pour piano de manquer de cuivres ? À un film muet de manquer de son ?
Ben là c'est pareil. Le manga, dans 95% des cas, c'est fait avec de l'encre de chine, des à plat de noir, et éventuellement des trames de diverses nuances.

J'ai lu la série cette année, c'est une saga passionnante à suivre surtout via les trajectoires des personnages, Gen en premier lieu. Par contre il y a des passages vraiment insoutenables, en premier lieu desquels, bien entendu, le bombardement atomique, à la fin du 1er volume, et les conséquences directes dans le volume 2. Ensuite c'est un mélange entre moments d'espoir et injustice. Un très très bon manga, plus adressé aux ados qu'aux enfants à la base (publication dans Weekly shonen jump), à lire absolument.

oui, je reconnais que ma remarque est déplacée.

tu fais bien de préciser les caractéristiques des mangas.

finalement, (je m'enferre ! ) voir les originaux serait une aubaine...

Le studio madhouse a réalisé d'après ce manga un film d'animation remarquable ( 2 DVd) - j'ai vu le premier.

Hiroshima 1945, le jeune Gen et sa famille tentent de survivre dans un Japon en guerre. La famine fait rage et il est difficile de gagner de quoi se nourrir convenablement. Puis le 6 août, la première bombe atomique est lâchée sur la ville par les Américains.
A son réveil, Gen va découvrir toute l'atrocité de cette arme qui a transformée toute sa ville en ville fantôme. Mais les difficultés ne font que commencer pour le jeune garçon et il s'aperçoit très vite qu'il y a le feu dans la direction de sa maison. Arrivé sur place, il va découvrir sa maison totalement écroulée..

Gen - qui a perdu son père et sa grande soeur, retrouve ici un enfant qui ressemble à son cadet lui aussi décédé : il faut survivre par tous les moyens, en acceptant n'importe quel travail.

Le coffret des deux films est accompagné d’un livret très bien fait sur le contexte historique et artistique ; il offre aussi quelques pages du manga original.

Dans le premier film, les images liminaires campent la vie familiale de Gen et ses activités, sorte de code de conduite dont l’adolescent se souviendra toute sa vie.

Le réalisateur n’esquive rien : ni la responsabilité du Japon militariste, ni l’horreur des bombardements et ses répercussions à court et long terme sur la population comme sur l’avenir du pays. Le discours est nettement antimilitariste, mais laisse aussi transparaître un sentiment anti-américain inévitable.

La dimension symbolique s’impose dans les couleurs du film ! Le bleu profond et le vert (le blé d’hiver qui pousse quelles que soient les circonstances) de la période heureuse font place au rouge des destructions et des scènes d’horreur impressionnantes ;

Le second film se situe après la guerre et il témoigne aussi d’une vigueur dynamique : celle des enfants qui vont tout reconstruire, après avoir pallié les manques de nourriture, les malheurs et solitudes des adultes victimes. Ainsi Gen et son frère, puis Gen avec Ryuta, survivent avec débrouillardise, secourent les survivants (la mère) etc.

Ce ne sont pas des anges, mais s’ils volent, ce sont surtout dans les entrepôts de l’armée et d’entreprises bellicistes.

Deux films à voir

Je n'ai pas vu le film, j'espère surtout qu'il est fidèle au manga, qui est excellent, bien que pas tout jeune.
Il est autrement plus honnête que le film animé Le Tombeau des Lucioles, de Takahata, qui gomme toute la responsabilité des Japonais dans la guerre, et en fait des victimes martyrisées sans raison mentionnée aucune ! de plus, le réalisateur a dit des choses innommables sur les deux enfants du film (qui est tiré d'un roman autobiographique d'un autre auteur).

Le livret qui accompagne le film indique quelques différences notables entre le manga et le film. Oui, au début il est bien question de la responsabilité du japon et de sa politique agressive.

A d'autre moments, on sent bien - comment pourrait-il en être autrement ? le ressentiment intérieur contre ces calamités épouvantables, vécues par l'auteur et son entourage. Les scènes d'horreur sont impressionnantes.

On dit actuellement que la 2e bombe 5 jours après Hiroshima, je crois, n'était nullement "nécessaire", au sens stratégique du terme.

Moi j'ai beaucoup aimé le tombeau des lucioles qui ne se présente pas avec l'exactitude d'un documentaire.

Pendant que j'y suis, je note que personne à ma connaissance n'a relevé dans Kafka sur le rivage l'épisode initial des enfants et de l'institutrice comme une allusion à la bombe, et pour moi le nom de Johnny Walker renvoie directement aux Americains.

Inutile, à mes yeux, d'y voir le fruit d'une fantaisie - ou d'une imagination, qu'on a d'ailleurs bien du mal à expliquer, et pour cause !