Sociologie et littérature

Quand les sciences humaines se mèlent d'art il y a parfois conflit et vision biaisée d'un décortiqueur sans scrupule face à l'Art transcendant. Prenant fait et cause pour l'art et la sociologie, je pense que cette dernière ne nie pas l'esthétique mais aide à replonger - entre autre - au sein d'une oeuvre par ce qui l'entoura et l'entoure toujours.

Oui, mais la sociologie, je crois, consiste a transformer une oeuvre en document d'époque.
On abandonne, au moins provisoirement le regard esthetique, les critères de qualité, pour trouver des indices de l'epoque et du milieu.

Tu soulèves un point intéressant. Tu pensais à des oeuvres précises ? dans quels domaines ?

Je pense à l'étude de P.Bourdieu Les Règles de l'art (titre pompeux, mais bon passons...) concernant principalement L'Education sentimentale de G.Flaubert dans laquelle il tente, via l'histoire de l'auteur, l'autonomisation progressive du champ artistique durant le XIXéme siècle vis-à-vis de la bourgeoisie, des luttes entre avant-garde et conservateurs, etc., de mettre notamment en défaut le "mythe" du "créateur incréé", chaque artiste prenant toujours position par rapport à un courant artistique antérieur, courant dont ce dernier peut être familier (Picasso - exemple que Boudieu n'a pas cité - était, m'a t-on dit, un maître en peinture classique).
Apprécier dans toute sa richesse une oeuvre peut parfois demander certaines connaissances et si des sociologues se limitent à l'étude sans prendre en compte le rapport au réel, il y demeure alors, pour moi, des lacunes
J'ai encore beaucoup de choses à en dire mais chaque chose en son temps.

Effectivement à partir d'une oeuvre, de l'étude de son contexte, on en apprend beaucoup sur la création artistique, sur l'auteur et ses thèmes. Les historiens disent que l'éducation sentimentale est essentielle pour comprendre la révolution de 1848.

Le roman traite alors d'une totalité d'aspects étudiés séparément et parfois sèchement par les historiens.

N'hésite pas à en dire plus sur "sociologie et littérature".

Effectivement les quatres camarades de L'Education sentimentale peuvent être vus comme différents idéaux-types; allant du fils de bourgeois (Cisy) qui reproduira ce pour quoi on l'a destiné (conservateur instalé) à celui d'une ascendance plus modeste en quête de réussite (Deslauriers), leurs différentes évolutions et la description de la société dans laquelle ils évoluent peuvent être en soi une approche pour comprendre la réalité sociale d'une époque.
Mais la vision exprimée par G.Flaubert reste subjective et il demande d'en rétablir le contexte. Car au delà de la connaissance de l'histoire de l'auteur il peut aussi être intéressant de prendre en compte la production, la diffusion, et la perception de l'oeuvre, multipliant en cela le nombre d'individus mis en mouvement par cette dernière.

Pour ceux qui s'intéresse un peu à la sociologie pure et dur, Durkheim et Mauss sont des passages obligés. Des adeptes ?

J'ai lu et étudié Les Règles de la méthode sociologique, et étudié Le suicide également. Concernant Mauss, j'ai étudié des extraits de L'Essai sur le don et j'attends d'avoir un peu de temps pour le lire intégralement.

Je crois que Durkheim (qui est, avec Max Weber et quelques autres, un des père fondateur de la sociologie en tant que discipline "autonome") était quelque peu frileux concernant l'étude du domaine de l'art, et ceci probablement à cause de l'aspect "non scientifique" de ce dernier.

Je crois avoir déjà cité l'ouvrage de Jaques Dubois Les Romanciers du réel qui développe l'idée selon laquelle certains romanciers (dont Balzac, Maupassant, Simenon et j'en passe), nous permettent, de comprendre leur époque.
Ces auteurs, Jaques Dubois les nomme les "auteurs du réel" afin de les différencier des romanciers "réalistes" car ces derniers ne font que restituer la surface de ce qu'ils observent alors que ceux cités par l'auteur usent de mises en scènes et d'outils littéraires afin de mettre en exergue, et de manière plus approfondie, des aspects clés de telle ou telle époque (par exemple un repas de famille comme lieu de cristallisation des tensions entre classe).