Régine Detambel.

Petit éloge de la peau, chez Folio



On parcourt ce livre comme une balade à travers les auteurs et les époques, en suivant le fil du texte et le grain de la peau.

D'ailleurs entre le texte et la peau, les liens sont évidents, etymologiquement, et sur la peau s'ecrit l'enfance si bien évoquée par l'auteure :

Citation :

L’enfance est un trésor en petites coupures […] Le monde des lettres et de l’alphabet permet de conserver chacune des rencontres blessantes avec l’angle rugueux du monde sous la forme commode du nom C’est pourquoi le piètre malheur de l’égratignure, le petit trou en forme d’étoile de l’écorchure,, la figure virtuose et mathématique de l’éraflure, la trajectoire ci dentelle de la zébrure et le bouton de moustique, érectile et délicieux, la fente vive de la gerçure, le bleu, le chuintement de la morsure, la brûlure et sa paille de fer, l’écharde, le point de suture, le coup de soleil et le durillon forment le vocabulaire rude et perçant de tout souvenir.

Cette jolie façon d'écrire, qui m'a rappelé Michel Butor évoquant l'univers poétique de Boubat - Butor est cité dans cet ouvrage, rend visible le caché, elle révèle au sens photographique du terme.
Voici le portrait de Beckett :

Citation :

D’abord, un comble du dessèchement : autour des yeux envahissantes et refoulées, les rides de Samuel Beckett. Puis l’œil lui-même : globe élastique, apparemment éternel et tout gonflé de quelque chose d’aqueux en train de se cristalliser.

La photographie a suspendu la combustion de la cigarette et le flétrissement du tour des yeux. Mais on se dit tout de même que ce qui a nourri et dopé l’œil si bleu a simultanément brûlé la chair aux orbites. A force, l’œuvre littéraire vous vampirise. Et après qu’elle vous a saigné, elle vous déshydrate.