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| | Théophile Gautier | |
| | Auteur | Message |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Théophile Gautier Mar 21 Fév 2006, 20:08 | |
| Venise pour le bal s'habille. De paillettes tout étoilé, Scintille, fourmille et babille Le carnaval bariolé.
Arlequin, nègre par son masque, Serpent par ses mille couleurs, Rosse d'une note fantasque Cassandre son souffre-douleurs.
Battant de l'aile avec sa manche Comme un pingouin sur un écueil, Le blanc Pierrot, par une blanche, Passe la tête et cligne l'œil.
Le Docteur bolonais rabâche Avec la basse aux sons traînés; Polichinelle, qui se fâche, Se trouve une croche pour nez.
Heurtant Trivelin qui se mouche Avec un trille extravagant, A Colombine Scaramouche Rend son éventail ou son gant.
Sur une cadence se glisse Un domino ne laissant voir Qu'un malin regard en coulisse Aux paupières de satin noir.
Ah ! fine barbe de dentelle, Que fait voler un souffle pur, Cet arpège m'a dit : C'est elle ! Malgré tes réseaux, j'en suis sûr,
Et j'ai reconnu, rose et fraîche, Sous l'affreux profil de carton, Sa lèvre au fin duvet de pêche, Et la mouche de son menton. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Théophile Gautier Mar 21 Fév 2006, 20:15 | |
| sur http://www.poetes.com/gautier/variations.htm | |
| | | coline pilier
Nombre de messages : 3986 Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Théophile Gautier Jeu 23 Fév 2006, 17:35 | |
| Très beau ce tableau, Rotko... Louedin, un peintre breton que j'aime beaucoup, peint aussi Venise...tout en finesse. Son site...mais les photos ne rendent pas la beauté du travail... | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Théophile Gautier Sam 01 Juil 2006, 11:59 | |
| theophile Gautier : Un jour, au doux rêveur ...
Un jour, au doux rêveur qui l'aime, En train de montrer ses trésors, Elle voulut lire un poème, Le poème de son beau corps.
D'abord, superbe et triomphante Elle vint en grand apparat, Traînant avec des airs d'infante Un flot de velours nacarat :
Telle qu'au rebord de sa loge Elle brille aux Italiens, Écoutant passer son éloge Dans les chants des musiciens.
Ensuite, en sa verve d'artiste, Laissant tomber l'épais velours, Dans un nuage de batiste Elle ébaucha ses fiers contours.
Glissant de l'épaule à la hanche, La chemise aux plis nonchalants, Comme une tourterelle blanche Vint s'abattre sur ses pieds blancs.
Pour Apelle ou pour Cléomène, Elle semblait, marbre de chair, En Vénus Anadyomène Poser nue au bord de la mer.
De grosses perles de Venise Roulaient au lieu de gouttes d'eau, Grains laiteux qu'un rayon irise, Sur le frais satin de sa peau.
Oh ! quelles ravissantes choses, Dans sa divine nudité, Avec les strophes de ses poses, Chantait cet hymne de beauté !
Comme les flots baisant le sable Sous la lune aux tremblants rayons, Sa grâce était intarissable En molles ondulations.
Mais bientôt, lasse d'art antique, De Phidias et de Vénus, Dans une autre stance plastique Elle groupe ses charmes nus.
Sur un tapis de Cachemire, C'est la sultane du sérail, Riant au miroir qui l'admire Avec un rire de corail ;
La Géorgienne indolente, Avec son souple narguilhé, Étalant sa hanche opulente, Un pied sous l'autre replié.
Et comme l'odalisque d'Ingres, De ses reins cambrant les rondeurs En dépit des vertus malingres, En dépit des maigres pudeurs !
Paresseuse odalisque, arrière ! Voici le tableau dans son jour, Le diamant dans sa lumière ; Voici la beauté dans l'amour !
Sa tête penche et se renverse Haletante, dressant les seins, Aux bras du rêve qui la berce, Elle tombe sur ses coussins.
Ses paupières battent des ailes Sur leurs globes d'argent bruni, Et l'on voit monter ses prunelles Dans la nacre de l'infini.
D'un linceul de point d'angleterre Que l'on recouvre sa beauté : L'extase l'a prise à la terre ; Elle est morte de volupté !
Que les violettes de Parme, Au lieu des tristes fleurs des morts Où chaque perle est une larme, Pleurent en bouquets sur son corps !
Et que mollement on la pose Sur son lit, tombeau blanc et doux, Où le poète, à la nuit close, Ira prier à deux genoux.
THÉOPHILE GAUTIER | |
| | | coline pilier
Nombre de messages : 3986 Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Théophile Gautier Sam 01 Juil 2006, 15:18 | |
| Carmen
Carmen est maigre - un trait de bistre Cerne son oeil de gitana ; Ses cheveux sont d'un noir sinistre ; Sa peau, le diable la tanna.
Les femmes disent qu'elle est laide, Mais tous les hommes en sont fous ; Et l'archevêque de Tolède Chante la messe à ses genoux ;
Car sur sa nuque d'ambre fauve Se tord un énorme chignon Qui, dénoué, fait dans l'alcôve Une mante à son corps mignon,
Et, parmi sa pâleur, éclate Une bouche aux rires vainqueurs, Piment rouge, fleur écarlate, Qui prend sa pourpre au sang des coeurs.
Ainsi faite, la moricaude Bat les plus altières beautés, Et de ses yeux la lueur chaude Rend la flamme aux satiétés.
Elle a dans sa laideur piquante Un grain de sel de cette mer D'où jaillit nue et provocante, L'âcre Vénus du gouffre amer.
(Emaux et Camées) | |
| | | coline pilier
Nombre de messages : 3986 Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Théophile Gautier Sam 01 Juil 2006, 15:21 | |
| Au bord de la mer
La lune de ses mains distraites A laissé choir, du haut de l'air, Son grand éventail à paillettes Sur le bleu tapis de la mer.
Pour le ravoir elle se penche Et tend son beau bras argenté ; Mais l'éventail fuit sa main blanche, Par le flot qui passe emporté.
Au gouffre amer pour te le rendre, Lune, j'irais bien me jeter, Si tu voulais du ciel descendre, Au ciel si je pouvais monter
(Espana) | |
| | | coline pilier
Nombre de messages : 3986 Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Théophile Gautier Sam 01 Juil 2006, 15:23 | |
| Consolation
Ne sois pas étonné si la foule, ô poète, Dédaigne de gravir ton oeuvre jusqu'au faîte ; La foule est comme l'eau qui fuit les hauts sommets, Où le niveau n'est pas, elle ne vient jamais. Donc, sans prendre à lui plaire une peine perdue, Ne fais pas d'escalier à ta pensée ardue : Une rampe aux boiteux ne rend pas le pied sûr. Que le pic solitaire escalade l'azur, L'aigle saura l'atteindre avec un seul coup d'aile, Et posera son pied sur la neige éternelle, La neige immaculée, au pur reflet d'argent, Pour que Dieu, dans son oeuvre allant et voyageant, Comprenne que toujours on fréquente les cimes Et qu'on monte au sommet des poèmes sublimes
(Espana) | |
| | | coline pilier
Nombre de messages : 3986 Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Théophile Gautier Sam 01 Juil 2006, 15:26 | |
| J'ai dans mon coeur...
J'ai dans mon coeur, dont tout voile s'écarte, Deux bancs d'ivoire, une table en cristal, Où sont assis, tenant chacun leur carte, Ton faux amour et mon amour loyal.
J'ai dans mon coeur, dans mon coeur diaphane, Ton nom chéri qu'enferme un coffret d'or ; Prends-en la clef, car nulle main profane Ne doit l'ouvrir ni ne l'ouvrit encor.
Fouille mon coeur, ce coeur que tu dédaignes Et qui pourtant n'est peuplé que de toi, Et tu verras, mon amour, que tu règnes Sur un pays dont nul homme n'est roi ! (Espana) | |
| | | coline pilier
Nombre de messages : 3986 Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Théophile Gautier Sam 01 Juil 2006, 15:31 | |
| Le laurier du Generalife
Dans le Generalife, il est un laurier-rose, Gai comme la victoire, heureux comme l'amour. Un jet d'eau, son voisin, l'enrichit et l'arrose ; Une perle reluit dans chaque fleur éclose, Et le frais émail vert se rit des feux du jour.
Il rougit dans l'azur comme une jeune fille ; Ses fleurs, qui semblent vivre, ont des teintes de chair. On dirait, à le voir sous l'onde qui scintille, Une odalisque nue attendant qu'on l'habille, Cheveux en pleurs, au bord du bassin au flot clair.
Ce laurier, je l'aimais d'une amour sans pareille ; Chaque soir, près de lui, j'allais me reposer ; A l'une de ses fleurs, bouche humide et vermeille, Je suspendais ma lèvre, et parfois, ô merveille ! J'ai cru sentir la fleur me rendre mon baiser...
(Espana) | |
| | | coline pilier
Nombre de messages : 3986 Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Théophile Gautier Sam 01 Juil 2006, 15:33 | |
| Le poète et la foule
La plaine un jour disait à la montagne oisive : " Rien ne vient sur ton front des vents toujours battu ! " Au poète, courbé sur sa lyre pensive, La foule aussi disait : " Rêveur, à quoi sers-tu ? "
La montagne en courroux répondit à la plaine : " C'est moi qui fais germer les moissons sur ton sol ; Du midi dévorant je tempère l'haleine ; J'arrête dans les cieux les nuages au vol !
Je pétris de mes doigts la neige en avalanches ; Dans mon creuset je fonds les cristaux des glaciers, Et je verse, du bout de mes mamelles blanches, En longs filets d'argent, les fleuves nourriciers.
Le poète, à son tour, répondit à la foule : " Laissez mon pâle front s'appuyer sur ma main. N'ai-je pas de mon flanc, d'où mon âme s'écoule, Fait jaillir une source où boit le genre humain ? "
(Espana) | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Théophile Gautier Ven 21 Juil 2006, 13:54 | |
| L'aveugle
Un aveugle au coin d'une borne, Hagard comme au jour un hibou, Sur son flageolet, d'un air morne, Tâtonne en se trompant de trou,
Et joue un ancien vaudeville Qu'il fausse imperturbablement ; Son chien le conduit par la ville, Spectre diurne à l'oeil dormant.
Les jours sur lui passent sans luire ; Sombre, il entend le monde obscur, Et la vie invisible bruire Comme un torrent derrière un mur !
Dieu sait quelles chimères noires Hantent cet opaque cerveau ! Et quels illisibles grimoires L'idée écrit en ce caveau !
Ainsi dans les puits de Venise, Un prisonnier à demi fou, Pendant sa nuit qui s'éternise, Grave des mots avec un clou.
Mais peut-être aux heures funèbres, Quand la mort souffle le flambeau, L'âme habituée aux ténèbres Y verra clair dans le tombeau ! | |
| | | coline pilier
Nombre de messages : 3986 Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: Théophile Gautier Dim 23 Juil 2006, 21:53 | |
| Pluie
Ce nuage est bien noir : - sur le ciel il se roule, Comme sur les galets de la côte une houle. L'ouragan l'éperonne, il s'avance à grands pas. - A le voir ainsi fait, on dirait, n'est-ce pas ? Un beau cheval arabe, à la crinière brune, Qui court et fait voler les sables de la dune. Je crois qu'il va pleuvoir : - la bise ouvre ses flancs, Et par la déchirure il sort des éclairs blancs. Rentrons. - Au bord des toits la frêle girouette D'une minute à l'autre en grinçant pirouette, Le martinet, sentant l'orage, près du sol Afin de l'éviter rabat son léger vol ; - Des arbres du jardin les cimes tremblent toutes. La pluie ! - Oh ! voyez donc comme les larges gouttes Glissent de feuille en feuille et passent à travers La tonnelle fleurie et les frais arceaux verts ! Des marches du perron en longues cascatelles, Voyez comme l'eau tombe, et de blanches dentelles Borde les frontons gris ! - Dans les chemins sablés, Les ruisseaux en torrents subitement gonflés Avec leurs flots boueux mêlés de coquillages Entraînent sans pitié les fleurs et les feuillages ; Tout est perdu : - Jasmins aux pétales nacrés, Belles-de-nuit fuyant l'astre aux rayons dorés, Volubilis chargés de cloches et de vrilles, Roses de tous pays et de toutes famines, Douces filles de Juin, frais et riant trésor ! La mouche que l'orage arrête en son essor, Le faucheux aux longs pieds et la fourmi se noient Dans cet autre océan dont les vagues tournoient. - Que faire de soi-même et du temps, quand il pleut Comme pour un nouveau déluge, et qu'on ne peut Aller voir ses amis et qu'il faut qu'on demeure ? Les uns prennent un livre en main afin que l'heure Hâte son pas boiteux, et dans l'éternité Plonge sans peser trop sur leur oisiveté ; Les autres gravement font de la politique, Sur l'ouvrage du jour exercent leur critique ; Ceux-ci causent entre eux de chiens et de chevaux, De femmes à la mode et d'opéras nouveaux ; Ceux-là du coin de l'oeil se mirent dans la glace, Débitent des fadeurs, des bons mots à la glace, Ou, du binocle armés, regardent un tableau. - Moi, j'écoute le son de l'eau tombant dans l'eau. | |
| | | soussou pilier
Nombre de messages : 14224 Date d'inscription : 25/02/2007
| Sujet: Re: Théophile Gautier Sam 03 Avr 2010, 12:11 | |
| Camélia et Pâquerette Théophile Gauthier
On admire les fleurs de serre Qui loin de leur soleil natal, Comme des joyaux mis sous verre, Brillent sous un ciel de cristal.
Sans que les brises les effleurent De leurs baisers mystérieux, Elles naissent, vivent et meurent Devant le regard curieux.
A l'abri de murs diaphanes, De leur sein ouvrant le trésor, Comme de belles courtisanes, Elles se vendent à prix d'or.
La porcelaine de la Chine Les reçoit par groupes coquets, Ou quelque main gantée et fine Au bal les balance en bouquets.
Mais souvent parmi l'herbe verte, Fuyant les yeux, fuyant les doigts, De silence et d'ombre couverte, Une fleur vit au fond des bois.
Un papillon blanc qui voltige, Un coup d'oeil au hasard jeté, Vous fait surprendre sur sa tige La fleur dans sa simplicité.
Belle de sa parure agreste S'épanouissant au ciel bleu, Et versant son parfum modeste Pour la solitude et pour Dieu.
Sans toucher à son pur calice Qu'agite un frisson de pudeur, Vous respirez avec délice Son âme dans sa fraîche odeur.
Et tulipes au port superbe, Camélias si chers payés, Pour la petite fleur sous l'herbe En un instant, sont oubliés !
Recueil Emaux et Camées | |
| | | Prince d'Aquitaine Animation
Nombre de messages : 2948 Age : 34 Localisation : Maromme, Seine-Maritime Date d'inscription : 29/05/2009
| Sujet: Re: Théophile Gautier Sam 03 Avr 2010, 15:22 | |
| Dans le même recueil, un poème que je trouve magnifique Les Joujoux de la morteLa petite Marie est morte, Et son cercueil est si peu long Qu'il tient sous le bras qui l'emporte Comme un étui de violon. Sur le tapis et sur la table Traîne l'héritage enfantin. Les bras ballants, l'air lamentable, Tout affaissé, gît le pantin. Et si la poupée est plus ferme, C'est la faute de son bâton ; Dans son œil une larme germe, Un soupir gonfle son carton. Une dînette abandonnée Mêle ses plats de bois verni A la troupe désarçonnée Des écuyers de Franconi. La boîte à musique est muette ; Mais, quand on pousse le ressort Où se posait sa main fluette, Un murmure plaintif en sort. L'émotion chevrote et tremble Dans : Ah ! vous dirai-je maman ! Le Quadrille des Lanciers semble Triste comme un enterrement, Et des pleurs vous mouillent la joue Quand la Donna é mobile, Sur le rouleau qui tourne et joue, Expire avec un son filé. Le coeur se navre à ce mélange Puérilement douloureux, Joujoux d'enfant laissés par l'ange, Berceau que la tombe a fait creux ! | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Théophile Gautier Jeu 12 Aoû 2010, 11:28 | |
| un quintil découvert par Caroline Suchard - Citation :
- "Que les chiens sont heureux !
Dans leur humeur badine, Ils se suçent la pine, Ils s'enculent entre eux. Que les chiens sont heureux !" | |
| | | Prince d'Aquitaine Animation
Nombre de messages : 2948 Age : 34 Localisation : Maromme, Seine-Maritime Date d'inscription : 29/05/2009
| Sujet: Re: Théophile Gautier Jeu 12 Aoû 2010, 17:58 | |
| Oui enfin, ce n'est pas parmi les chefs-d'œuvre de Gautier (heureusement ) | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Théophile Gautier Jeu 12 Aoû 2010, 18:04 | |
| pure plaisanterie, qui fait aussi partie du personnage. | |
| | | Prince d'Aquitaine Animation
Nombre de messages : 2948 Age : 34 Localisation : Maromme, Seine-Maritime Date d'inscription : 29/05/2009
| Sujet: Re: Théophile Gautier Jeu 12 Aoû 2010, 19:13 | |
| Oui, Gautier fut un grand fantaisiste. Il a d'ailleurs écrit des poèmes érotiques, dont certains sont vraiment bien tournés. Si vous voulez, j'en posterai demain | |
| | | Prince d'Aquitaine Animation
Nombre de messages : 2948 Age : 34 Localisation : Maromme, Seine-Maritime Date d'inscription : 29/05/2009
| Sujet: Re: Théophile Gautier Ven 13 Aoû 2010, 09:07 | |
| Comme promis, un poème érotique de Gautier. En 1849, il retrouve les plaisirs de la chair avec Marie Mattéi, et trouve dans ce corps charmant une source de poésie. C'est donc le mont de Vénus de cette chère Marie qu'il va décrire Musée secret
Des déesses et des mortelles Quand ils font voir les charmes nus Les sculpteurs grecs plument les ailes De la colombe de Vénus.
Sous leur ciseau s’envole et tombe Le doux manteau qui la revêt Et sur son nid froid la colombe Tremble sans plume et sans duvet.
Ô grands païens, je vous pardonne ! Les Grecs enlevant au contour Le fin coton que Dieu lui donne Otaient son mystère à l’amour ;
Mais nos peintres tondant leurs toiles Comme des marbres de Paros, Fauchent sur les beaux corps sans voiles Le gazon où s’assied Éros.
Pourtant jamais beauté chrétienne N’a fait à son trésor caché Une visite athénienne La lampe en main, comme Psyché.
Au soleil tirant sans vergogne Le drap de la blonde qui dort, Comme Philippe de Bourgogne Vous trouveriez la toison d’or,
Et la brune est toujours certaine D’amener autour de son doigt Pour le diable de La Fontaine Le cheveu que rien ne rend droit.
Aussi j’aime tes courtisanes Et tes nymphes, ô Titien, Roi des tons chauds et diaphanes, Soleil du ciel Vénitien.
Sous une courtine pourprée Elles étalent bravement, Dans sa pâleur mate et dorée Un corps superbe où rien ne ment.
Une touffe d’ombre soyeuse Veloute, sur leur flanc poli Cette envergure harmonieuse Que trace l’aine avec son pli.
Et l’on voit sous leurs doigts d’ivoire Naïf détail que nous aimons Germer la mousse blonde ou noire Dont Cypris tapisse ses monts.
À Naples, ouvrant des cuisses rondes Sur un autel d’or Danaé Laisse du ciel en larmes blondes Pleuvoir Jupiter monnoyé.
Et la tribune de Florence Au cant choqué montre Vénus Baignant avec indifférence Dans son manchon ses doigts menus,
Maître, ma gondole à Venise Berçait un corps digne de toi Avec un flanc superbe où frise De quoi faire un ordre de roi.
Pour rendre sa beauté complète Laisse moi faire, ô grand vieillard, Changeant mon luth pour ta palette, Une transposition d’art.
Oh ! comme dans la rouge alcôve Sur la blancheur de ce beau corps J’aime à voir cette tache fauve Prendre le ton bruni des ors
Et rappeler ainsi posée L'Amour sur sa mère endormi Ombrant de sa tête frisée Le beau sein qu’il cache à demi
Dans une soie ondée et rousse Le fruit d’amour y rit aux yeux Comme une pêche sous la mousse D’un paradis mystérieux.
Pommes authentiques d'Hespéride, Or crespelé, riche toison, Qu’aurait voulu cueillir Alcide Et qui ferait voguer Jason !
Sur ta laine annelée et fine Que l’art toujours voulut raser Ô douce barbe féminine Reçois mon vers comme un baiser
Car il faut des oublis antiques Et des pudeurs d’un temps châtré Venger dans des strophes plastiques Grande Vénus, ton mont sacré ! | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Théophile Gautier Ven 13 Aoû 2010, 09:15 | |
| Intéressant ! continue tu mérites bien ton grade de licencieux-es-lettres... | |
| | | Prince d'Aquitaine Animation
Nombre de messages : 2948 Age : 34 Localisation : Maromme, Seine-Maritime Date d'inscription : 29/05/2009
| Sujet: Re: Théophile Gautier Ven 13 Aoû 2010, 09:31 | |
| J'aime bien le "licencieux-es-lettres" Je donne le lien Wikisource vers son recueil de poésies libertines. Le "Musée secret" que j'ai posté est sans doute le plus poétique et celui qui mérite le plus d'attention. | |
| | | savinien habitué(e)
Nombre de messages : 28 Age : 55 Localisation : Paris Date d'inscription : 29/08/2010
| Sujet: Théophile Gautier Sam 16 Oct 2010, 08:32 | |
| J'ai redécouvert il y a peu ce plaisant auteur qui s'est essayé dans la poésie et les romans et nouvelles (et d'ailleurs souvent plus à l'aise en prose à mon avis, mais qui a produit aussi de très bonnes poésies). J'aime beaucoup son style d'écriture, très plaisant à lire, avec un art de la description de personnages ou de scènes et lieux assez poussé, une observation et une interprétation des sentiments et comportements humains qui sont très justes. Quelques extraits: Extrait de Fortunio: - Citation :
Les papillons, couleur de neige, Volent par essaims sur la mer. Beaux papillons blancs, quand pourrais-je Prendre le bleu chemin de l'air?
Savez-vous, ô belle des belles! Ma bayadère aux yeux de jais, S'ils me voulaient prêter leurs ailes, Dites, savez-vous où j'irais?
Sans prendre un seul baiser aux roses, A travers vallons et forêts, J'irais à vos lèvres mi-closes, Fleur de mon âme, et j'y mourrais.
Méditation: - Citation :
Le monde est fait ainsi: loi suprême et funeste! Comme l'ombre d'un songe au bout de peu d'instants Ce qui charme s'en va, ce qui fait peine reste: La rose vit une heure et le cyprès cent ans.
Promenade nocturne: - Citation :
Jamais la nuit de plus d'étoiles N'a semé son manteau d'azur, Ni du doigt, entrouvrant ses voiles, Mieux fait voir Dieu dans le ciel pur.
| |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Théophile Gautier Jeu 14 Juil 2011, 15:57 | |
| Carmen
Carmen est maigre, - un trait de bistre Cerne son œil de gitana. Ses cheveux sont d’un noir sinistre, Sa peau, le diable la tanna.
Les femmes disent qu’elle est laide, Mais tous les hommes en sont fous : Et l’archevèque de Tolède Chante la messe à ses genoux ;
Car sur sa nuque d’ambre fauve Se tord un énorme chignon Qui, dénoué, fait dans l’alcôve Une mante à son corps mignon.
Et, parmi sa pâleur, éclate Une bouche aux rires vainqueurs ; Piment rouge, fleur écarlate, Qui prend sa pourpre au sang des coeurs.
Ainsi faite, la moricaude Bat les plus altières beautés, Et de ses yeux la lueur chaude Rend la flamme aux satiétés.
Elle a, dans sa laideur piquante, Un grain de sel de cette mer D’où jaillit, nue et provocante, L’âcre Vénus du gouffre amer. j'aime ces remarques pimentées ! | |
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| | | | Théophile Gautier | |
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