Grain de sel - Forum littéraire et culturel
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 Verhaeren

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Moon
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MessageSujet: Verhaeren   Verhaeren EmptyLun 16 Juil 2007, 12:56

Verhaeren Verhaqf5.th


Je suis sorti des bosquets du sommeil

Je suis sorti des bosquets du sommeil,
Morose un peu de t'avoir délaissée
Sous leurs branches et leurs ombres tressées,
Loin du joyeux et matinal soleil.

Déjà luisent les phlox et les roses trémières ;
Et je m'en vais par le jardin, songeant
A des vers clairs de cristal et d'argent
Qui tinteraient, dans la lumière.

Puis tout à coup, je m'en reviens vers toi,
Avec tant de ferveur et tant d'émoi
Qu'il me semble que ma pensée
De loin, subitement, a déjà traversé,
Pour provoquer ta joie et ton réveil,
Toute l'ombre feuillue et lourde du sommeil.

Et quand je te rejoins dans notre maison tiède
Que l'ombre et le silence encore possèdent,
Mes baisers francs, mes baisers clairs,
Sonnent, comme une aubade, aux vallons de ta chair.
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyLun 16 Juil 2007, 13:37

Lire le recueil entier des villes tentaculaires

Verhaeren Verh10
clic !


on y trouve les poèmes célébres des "usines", du "port" pour 1, 5 €
voici le début des cathédrales sur ce site.

Citation :
Au fond du coeur sacerdotal,
d' où leur splendeur s' érige
-or, argent, diamant, cristal-
lourds de siècles et de prestiges,
pendant les vêpres, quand les soirs
aux longues prières invitent,
ils s' imposent les ostensoirs
dont les fixes joyaux méditent
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyLun 16 Juil 2007, 13:46

On peut aussi retrouver la plupart (du moins je pense ?) de ses poèmes ici
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyLun 16 Juil 2007, 13:48

Les fièvres

La plaine, au loin, est uniforme et morne
Et l'étendue est vide et grise
Et Novembre qui se précise
Bat l'infini, d'une aile grise.

Sous leurs torchis qui se lézardent,
Les chaumières, là-bas, regardent
Comme des bêtes qui ont peur,
Et seuls les grands oiseaux d'espace
Jettent sur les enclos sans fleurs
Le cri des angoisses qui passent.

L'heure est venue où les soirs mous
Pèsent sur les terres gangrenées,
Où les marais visqueux et blancs,
Dans leurs remous,
A longs bras lents,
Brassent les fièvres empoisonnées.

Parfois, comme un hoquet,
Un flot pâteux mine la rive
Et la glaise, comme un paquet,
Tombe dans l'eau de bile et de salive.

Puis tout s'apaise et s'aplanit ;
Des crapauds noirs, à fleur de boue,
Gonflent leur peau que deux yeux trouent ;
Et la lune monstrueuse préside,
Telle l'hostie
De l'inertie.

De la vase profonde et jaune
D'où s'érigent, longues d'une aune,
Les herbes d'eaux,
Des brouillards lents comme des traînes
Déplient leur flottement, parmi les draines ;
On les peut suivre, à travers champs,
Vers les chaumes et les murs blancs ;
Leurs fils subtils de pestilence
Tissent la robe de silence,
Gaze verte, tulle blême,
Avec laquelle, au loin, la fièvre se promène,

La fièvre,
Elle est celle qui marche,
Sournoisement, courbée en arche,
Et personne n'entend son pas.
Si la poterne des fermes ne s'ouvre pas,
Si la fenêtre est close,
Elle pénètre quand même et se repose,
Sur la chaise des vieux que les ans ploient,
Dans les berceaux où les petits larmoient
Et quelquefois elle se couche
Aux lits profonds où l'on fait souche.

Avec ses vieilles mains dans l'âtre encor rougeâtre,
Elle attise les maladies
Non éteintes, mais engourdies ;
Elle se mêle au pain qu'on mange,
A l'eau morne changée en fange ;
Elle monte jusqu'aux greniers,
Dort dans les sacs et les paniers
Où s'entassent mille loques à vendre ;
Puis, un matin, de palier en palier
On écoute son pas sinistre et régulier
Descendre.

Inutiles, voeux et pèlerinages
Et seins où l'on abrite les petits
Et bras en croix vers les images
Des bons anges et des vieux Christs.
Le mal hâve s'est installé dans la demeure.
Il vient, chaque vesprée, à tel moment,
Déchiqueter la plainte et le tourment,
Au régulier tic-tac de l'heure ;
Et l'horloge surgit déjà
Comme quelqu'un qui sonnera,
Lorsque viendra l'instant de la raison finie,
L'agonie.

En attendant, les mois se passent à languir.
Les malades rapetissés,
Leurs genoux lourds, leurs bras cassés,
Avec, en main, leurs chapelets.
Quittant leur lit, s'y recouchant,
Fuyant la mort et la cherchant,
Bégaient et vacillent leurs plaintes,
Pauvres lumières, presque éteintes.

Ils se traînent de chaumière en chaumière
Et d'âtre en âtre,
Se voir et doucement s'apitoyer,
Sur la dîme d'hommes qu'il faut payer,
Atrocement, à leur terre marâtre ;
Des silences profonds coupent les litanies
De leurs misères infinies ;
Et quelquefois, ils se regardent
Au jour douteux de la fenêtre,
Sans rien se dire, avec des pleurs,
Comme s'ils voulaient se reconnaître
Lorsque leurs yeux seront ailleurs.

Ils se sentent de trop autour des tables
Où l'on mange rapidement
Un repas pauvre et lamentable ;
Leur coeur se serre, atrocement,
On les isole et les bêtes les flairent
Et les jurons et les colères
Volent autour de leur tourment.

Aussi, lorsque la nuit, ne dormant pas,
Ils s'agitent entre leurs draps,
Songeant qu'aux alentours, de village en village,
Les brouillards blancs sont en voyage,
Voudraient-ils ouvrir la porte
Pour que d'un coup la fièvre les emporte,
Vers les marais des landes
Où les mousses et les herbes s'étendent
Comme un tissu pourri de muscles et de glandes
Où s'écoute, comme un hoquet,
Un flot pâteux miner la rive,
Où leur corps mort, comme un paquet,
Choirait dans l'eau de bile et de salive.

Mais la lune, là-bas, préside,
Telle l'hostie
De l'inertie.
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marie chevalier
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyLun 16 Juil 2007, 15:22

Les mendiants

Les jours d'hiver quand le froid serre
Le bourg, le clos, le bois, la fange,
Poteaux de haine et de misère,
Par l'infini de la campagne,
Les mendiants ont l'air de fous.

Dans le matin, lourds de leur nuit,
Ils s'enfoncent au creux des routes,
Avec leur pain trempé de pluie
Et leur chapeau comme la suie
Et leurs grands dos comme des voûtes
Et leurs pas lents rythmant l'ennui ;
Midi les arrête dans les fossés
Pour leur repas ou leur sieste ;
On les dirait immensément lassés
Et résignés aux mêmes gestes ;
Pourtant, au seuil des fermes solitaires,
Ils surgissent, parfois, tels des filous,
Le soir, dans la brusque lumière
D'une porte ouverte tout à coup.

Les mendiants ont l'air de fous.
Ils s'avancent, par l'âpreté
Et la stérilité du paysage,
Qu'ils reflètent, au fond des yeux
Tristes de leur visage ;
Avec leurs hardes et leurs loques
Et leur marche qui les disloque,
L'été, parmi les champs nouveaux,
Ils épouvantent les oiseaux ;
Et maintenant que Décembre sur les bruyères
S'acharne et mord
Et gèle, au fond des bières,
Les morts,
Un à un, ils s'immobilisent
Sur des chemins d'église,
Mornes, têtus et droits,
Les mendiants, comme des croix.

Avec leur dos comme un fardeau
Et leur chapeau comme la suie,
Ils habitent les carrefours
Du vent et de la pluie.

Ils sont le monotone pas
- Celui qui vient et qui s'en va
Toujours le même et jamais las -
De l'horizon vers l'horizon.
Ils sont l'angoisse et le mystère
Et leurs bâtons sont les battants
Des cloches de misère
Qui sonnent à mort sur la terre.

Aussi, lorsqu'ils tombent enfin,
Séchés de soif, troués de faim,
Et se terrent comme des loups,
Au fond d'un trou,
Ceux qui s'en viennent,
Après les besognes quotidiennes,
Ensevelir à la hâte leur corps
Ont peur de regarder en face
L'éternelle menace
Qui luit sous leur paupière, encor.
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyMar 11 Sep 2007, 17:14

Parabole

Parmi l'étang d'or sombre
Et les nénuphars blancs,
Un vol passant de hérons lents
Laisse tomber des ombres.

Elles s'ouvrent et se ferment sur l'eau
Toutes grandes, comme des mantes ;
Et le passage des oiseaux, là-haut,
S'indéfinise, ailes ramantes.

Un pêcheur grave et théorique
Tend vers elles son filet clair,
Ne voyant pas qu'elles battent dans l'air
Les larges ailes chimériques,

Ni que ce qu'il guette, le jour, la nuit,
Pour le serrer en des mailles d'ennui,
En bas, dans les vases, au fond d'un trou,
Passe dans la lumière, insaisissable et fou.
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyDim 11 Jan 2009, 12:20

Fleur fatale

L'absurdité grandit comme une fleur fatale
Dans le terreau des sens, des coeurs et des cerveaux ;
En vain tonnent, là-bas, les prodiges nouveaux ;
Nous, nous restons croupir dans la raison natale.

Je veux marcher vers la folie et ses soleils,
Ses blancs soleils de lune au grand midi, bizarres,
Et ses échos lointains, mordus de tintamarres
Et d'aboiements et pleins de chiens vermeils.

Iles en fleurs, sur un lac de neige ; nuage
Où nichent des oiseaux sous les plumes du vent ;
Grottes de soir, avec un crapaud d'or devant,
Et qui ne bouge et mange un coin du paysage.

Becs de hérons, énormément ouverts pour rien,
Mouche, dans un rayon, qui s'agite, immobile
L'insconscience douce et le tic-tac débile
De la tranquille mort des fous, je l'entends bien !
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyDim 11 Jan 2009, 12:21

Heure d'automne

C'est bien mon deuil, le tien, ô l'automne dernière !
Râles que roule, au vent du nord, la sapinière,
Feuillaison d'or à terre et feuillaison de sang,
Sur des mousses d'orée ou des mares d'étang,
Pleurs des arbres, mes pleurs, mes pauvres pleurs de sang.

C'est bien mon deuil, le tien, ô l'automne dernière !
Secousses de colère et rages de crinière,
Buissons battus, mordus, hachés, buissons crevés,
Au double bord des longs chemins, sur les pavés,
Bras des buissons, mes bras, mes pauvres bras levés.

C'est bien mon deuil, le tien, ô l'automne dernière ?
Quelque chose, là-bas, broyé dans une ornière,
Qui grince immensément ses désespoirs ardus
Et qui se plaint, ainsi que des arbres tordus,
Cris des lointains, mes cris, mes pauvres cris perdus.
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyDim 11 Jan 2009, 22:13

Insatiablement

Le soir, plein des dégoûts du journalier mirage,
Avec des dents, brutal, de folie et de feu,
Je mords en moi mon propre coeur et je l'outrage
Et ricane, s'il tord son martyre vers Dieu.

Là-bas, un ciel brûlé d'apothéoses vertes
Domine un coin de mer - et des flammes de flots
Entrent, comme parmi des blessures ouvertes,
En des écueils troués de cris et de sanglots.

Et mon coeur se reflète en ce soir de torture,
Quand la vague se ronge et se déchire aux rocs
Et s'acharne contre elle et que son armature
D'or et d'argent éclate et s'émiette, par chocs.

La joie, enfin, me vient de souffrir par moi-même,
Parce que je le veux, et je m'enivre aux pleurs
Que je répands, et mon orgueil tait son blasphème
Et s'exalte, sous les abois de mes douleurs.

Je harcèle mes maux et mes vices. J'oublie
L'inextinguible ennui de mon détraquement,
Et quand lève le soir son calice de lie,
Je me le verse à boire, insatiablement.
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyMar 10 Fév 2009, 20:05

le donneur de mauvais conseils

par les chemins bordés de pueils
rôde en maraude
le donneur de mauvais conseils.

La vieille carriole en bois vert-pomme
qui l' emmena, on ne sait d' où,
une folle la garde avec son homme,
aux carrefours des chemins mous.
Le cheval paît l' herbe d' automne,
près d' une mare monotone,
dont l' eau malade réverbère
le soir de pluie et de misère
qui tombe en loques sur la terre.

Le donneur de mauvais conseils
est attendu dans le village,
à l' heure où tombe le soleil.

Il est le visiteur oblique et louche
qui, de ferme en ferme, s' abouche,
quand la détresse et la ruine
ronflent en tempêtes sur les chaumines.
Il est celui qui frappe à l' huis,
tenacement, et vient s' asseoir
lorsque le hâve désespoir,
fixe ses regards droits
sur le feu mort des âtres froids.

En habits vieux comme ses yeux,
avec sa blouse lâche
et ses poches où vivement il cache
les fioles et les poisons,
mi-paysan, mi-charlatan,
retors, petit, ratatiné,
mains finaudes, ongles fanés,
il égrène ainsi qu' un texte
les faux moyens et les prétextes
et les foisons des mauvaises raisons.

On l' écoute, qui lentement marmonne.
Toujours ardent et monotone,
prenant à part chacun de ceux
dont les arpents sont cancéreux,
dont les moissons sont vaines
et qui regardent devant eux
las, trébuchants et malchanceux,
la mort venir du bout des plaines de leurs haines.
à qui, devant sa lampe éteinte,
seul avec soi, quand minuit tinte,
s' en va tâtant aux murs de sa chaumière
les trous qu' y font les vers de la misère,
sans qu' un secours ne lui vienne jamais,
il conseille d' aller, au fond de l' eau,
mordre des dents les exsangues reflets
de sa face dans un marais.
à tel qui branle et traîne un corps
comme un haillon à un bâton,
usé d' espoir, tari d' efforts ;
à qui grimace sa vieillesse
devant l' orgueil du vieux soleil,
il reproche les avanies,
que font ses fils qui le renient,
à l' infini de sa faiblesse.

Il pousse au mal la fille ardente,
avec du crime au bout des doigts,
avec des yeux comme la poix
et des regards qui violentent.
Il attise en son coeur le vice
à mots cuisants et rouges,
pour qu' en elle la femelle et la gouge
biffent la mère et la nourrice
et que sa chair soit aux amants,
morte, comme ossements et pierres
du cimetière.

Aux vieux couples qui font l' usure
depuis que les malheurs ravagent
les villages, à coups de rage,
il vend les moyens sûrs
et la ténacité qui réussit toujours
à ruiner hameaux et bourgs,
quand, avec l' or tapi au creux
de l' armoire crasseuse ou de l' alcôve immonde,
on s' imagine, en un logis lépreux,
être le roi qui tient le monde.

Enfin, il est le conseiller de ceux
qui profanent la nuit des saints dimanches
en boutant l' incendie à leurs granges de planches.
Il indique l' heure précise
où le tocsin sommeille aux tours d' église,
où seul, avec ses yeux insoucieux,
le silence regarde faire.
Ses gestes secs et entêtés
numérotent ses volontés,
et l' ombre de ses doigts semble ligner d' entailles
le crépi blanc de la muraille.

Et pour conclure il verse à tous
un peu du fiel de son vieux coeur
moisi de haine et de rancoeur ;
et désigne le rendez-vous,
-quand ils voudront-au coin des bordes,
où, près de l' arbre, ils trouveront
pour se brancher un bout de corde.

Ainsi va-t-il de ferme en ferme ;
plus volontiers, lorsque le terme
au tiroir vide inscrit sa date,
le corps craquant comme des lattes,
le cou maigre, le pas traînant,
mais inusable et permanent,
avec sa pauvre carriole
avec son fou, avec sa folle,
qui l' attendent, jusqu' au matin,
au carrefour des vieux chemins.
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyMer 11 Fév 2009, 15:33

Cadeau de mon libraire

Verhaeren Villes10


coeur!
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyMer 11 Fév 2009, 15:55

Les villes tentaculaires est l'oeuvre la plus célèbre de Verhaeren, et assurément la plus typique de son génie. Ces poèmes amples, éloquents, aux images vigoureuses, d'une grande souplesse prosodique sans que le rythme et la rime perdent leurs droits, évoquent le paysage nouveau des grands centres industriels, l'activité ferroviaire et portuaire, l'industrialisation qui vide les campagnes et gonfle les villes d'un gigantesque prolétariat. Sa gageure - et sa réussite - consiste à évoquer des réalités "prosaïques" : le travail ouvrier, la prostitution, la Bourse, que décrit à la même époque un Zola, avec un souffle authentiquement lyrique.
Peintre fiévreux de la laideur et de la brutalité du monde, Verhaeren n'en exprime pas moins avec une force visionnaire sa confiance dans les progrès de la science, dans l'élan des saints et des héros, dans un idéal de justice et de beauté. Amassant force et lumière, la Ville doit se muer en environnement d'une humanité régénérée.
Le modernisme de Cendras et d'Apollinaire, le "futurisme" d'un Tzara ou d'un Maïakovski, devront quelque chose à ce poète abondant et robuste, proche de l'expressionnisme pictural. Un poète authentiquement populaire, dont les thèmes et le style n'ont pas vieilli.

(in la présentation)

"Les convulsions fébriles des grandes villes, cette agitation, ces tourments et ces cris, tout cela ne se produit pas sans objet. Douleurs et convulsions sont le signe qu'un ordre nouveau est enfanté. Etre le premier à avoir transformé en sentiment de volupté cette douleur de la foule, voilà ce qui peut vraiment s'appeler être novateur, un de ces hommes dont la destiné est de donner une poétique réponse à ces questions nouvelles que pose notre temps."
Ainsi Stefan Zweig salua-t-il ces Villes tentaculaires (1895), où pour la première fois un poète disait la brutale grandeur du paysage industriel, le vacarme des ports et des usines, le travail ouvrier. Oeuvre visionnaire aussi, appelant la Ville future à incarner une civilisation de justice et de beauté.
Apollinaire, Cendrars, le futurisme doivent beaucoup à cette poésie puissante, lyrique, imagée, dont ni les thèmes ni les accents n'ont vieilli.

(quatrième de couverture)
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyMer 11 Fév 2009, 16:12

le donneur de mauvais conseils ci-dessus est tiré des campagnes hallucinées, et si pour ma part je connais bien et apprécie les villes tentaculaires, d'autres préférent les campagnes hallucinées.

Il faut avouer que ce donneur a quelque chose de diabolique et le poème serait à illustrer par une sculpture difforme et torturée.
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptySam 10 Sep 2011, 10:29

Un bel hommage au plat pays et à ses hommes, extrait de Toute la Flandre (1904-1911)

Le chaland

Sur l'arrière de son bateau,
Le batelier promène
Sa maison naine
Par les canaux.

Elle est joyeuse, et nette, et lisse,
Et glisse
Tranquillement sur le chemin des eaux.
Cloisons rouges et porte verte
Et blancs et tuyautés rideaux
Aux fenêtres ouvertes.

Et sur le pont, une cage d'oiseau :
Et deux paquets et un tonneau ;
Et le roquet qui vers la rive aboie
Et dont l'écho renvoie
La colère vaine vers le bateau.

Le batelier promène
Sa maison naine
Par les canaux
Qui font le tour de la Hollande,
Et de la Flandre et du Brabant.

Il a touché Dordrecht, Anvers et Gand,
Il a passé par Lierre et par Malines,
Et le voici qui s'en revient des landes
Violettes de la Campine.

Il transporte des cargaisons,
Par tas plus hauts que sa maison :
Sac de pommes vertes ou blondes,
Fèves, pois, choux et raifort
Et quelquefois des seigles d'or
Qui arrivent du bout du monde.

Il sait par cœur tous les pays
Que traversent l'Escaut, la Lys,
La Dyle et les Deux Nèthes ;
Il fredonne les petits airs de fête
Et les tatillonnes chansons
Qu'entrechoquent, en un tic-tac de sons,
Les carillons.

Quai du Miroir, quai du Refuge,
À Bruges ;
Quai des Bouchers et quai des Tisserands
À Gand ;
Quai du Rempart et de la Byloque,
Quai aux Sabots et quai aux Loques,
Quai des Carmes et quai des Récollets,
Il vous connaît.

Et Mons, Tournay, Condé et Valenciennes
L'ont vu passer, en se courbant le front,
Sous les arches anciennes
De leurs grands ponts ;
Et la Durme, à Tilrode, et la Dendre, à Termonde,
L'ont vu, la voile au clair, faire sa ronde
De l'un à l'autre bout des horizons.

Oh ! la mobilité des paysages,
Qui tous reflètent leurs visages
Autour de son chaland !
La pipe aux dents,
D'un coup de rein massif et lent,
Il manœuvre son gouvernail oblique ;
Il s'imbibe de pluie, il s'imbibe de vent,
Et son bateau somnambulique
S'en va, le jour, la nuit,
Où son silence le conduit.
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MessageSujet: Re: Verhaeren   Verhaeren EmptyMar 08 Nov 2011, 13:29

Les Hôtes

- Ouvrez, les gens, ouvrez la porte,
je frappe au seuil et à l'auvent,
ouvrez, les gens, je suis le vent
qui s'habille de feuilles mortes.

- Entrez, monsieur, entrez le vent,
voici pour vous la cheminée
et sa niche badigeonnée ;
entrez chez nous, monsieur le vent.

- Ouvrez, les gens, je suis la pluie,
je suis la veuve en robe grise
dont la trame s'indéfinise,
dans un brouillard couleur de suie.

- Entrez, la veuve, entrez chez nous,
entrez la froide et la livide,
les lézardes du mur humide
s'ouvrent pour vous loger chez nous.

- Levez, les gens, la barre en fer,
ouvrez, les gens, je suis la neige ;
mon manteau blanc se désagrège
sur les routes du vieil hiver.

- Entrez, la neige, entrez, la dame,
avec vos pétales de lys,
et semez-les par le taudis
jusque dans l'âtre où vit la flamme.

Car nous sommes les gens inquiétants
qui habitons le nord des régions désertes,
qui vous aimons - dites, depuis quels temps ?
pour les peines que nous avons par vous souffertes.


in Les Visages de la vie (1899)
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