Nicolaï Gogol [Russie]

Les nouvelles de Petersbourg est un recueil de 7 nouvelles; recueil en épanadiplose puisqu'il s'ouvre avec Pétersbourg et se ferme avec Rome (étrangement d'ailleurs).
* La perspective Nevski: Deux hommes dans un parc remarquent deux femmes. Chacun va tenter de séduire l'une de ces femmes. C'est ainsi que Piskariov va découvrir la débauche chez l'une, prostituée et Pirogov, quant à lui, va s'amouracher avec la femme d'un artisan vulgaire et fruste.

* Le nez: Le major Kovaliov se réveille un matin s'aperçevant que son nez a disparu, laissant au milieu de son visage un plat lisse étrange. Là va commencer les périples d'un homme ridiculisé, Gogol s'amusant du cliché du fonctionnaire russe alcoolique. Une quête étonnante qui démontre qu'un sujet au départ anodin et futile prend une dimension étonnante, drôle et pathétique.

* Le portrait: Partie 1; Un artiste peintre pétrit de talent mais sans le sou décide de sacrifier son art et son âme pour peindre des tableaux fades et insignifiants mais très rémunérateurs. La gloriole et les assignats ne vont pas cacher longtemps ce qu'il est devenu, un fat sans scrupule.
Partie 2; Pendant une vente aux enchères, l'assemblée reste subjuguée par un tableau figurant le portrait d'un homme dont les yeux semblent habités. C'est ainsi qu'on va découvrir l'étrange origine de ce tableau maléfique et l'influence terrible qu'il exerce sur ses propriétaires.

* Le manteau: Akaki Akakiévitch, fonctionnaire zélé et solitaire n'a qu'un but dans sa vie, recopier encore et toujours les lignes des rapports de son supérieur. Le long fleuve tranquille et austère de son existence va être bousculé par son nouveau manteau. L'achat épique d'abord puis le vol dramatique de ce dernier vont entrainer ce pauvre Akaki dans les faubourgs de Petersbourg où les bandits-voleurs, loins d'être manchots, sont de curieux fantômes à moustaches.

* La calèche: Encore une fois, Gogol s'amuse ici à railler ces hommes qui jouent des rôles qui ne sont pas les leurs. Sur fond d'alcool, Pythagore Pythagorovitch Tchertokoutski, aristocrate d'une bourgade provinciale russe abandonnée et triste va inviter un colonel de régiment pour lui montrer sa "superbe" calèche. Mais les lendemains de fête sont quelquefois difficiles et conséquemment les promesses difficiles à tenir.

* Les carnets d'un fou: Axenti Ivanovitch, fonctionnaire, s'éprend éperduement de la fille de son supérieur hiérarchique. L'admiration de la classe et du faste de la jeune fille va se transformer en passion obsessionnel entretenue dans un journal intime, témoin du trouble psychologique progressif qui envahit Axenti. L'altération mentale de la fin de la nouvelle est pathétique et drôle; qui sont donc ces espagnols magnifiques qui se rasent la tête ?

* Rome (fragments): Dernière nouvelle de l'oeuvre, Gogol nous emmène dans un long périple. Un jeune homme est envoyé en France pour poursuivre ses études; il découvre alors avec une jubilation extrême ce pays des Lumières après avoir quitté un Italie qui l'ennuyait. Pourtant la lassitude va le gagner et son retour en Italie va être pour lui le révélateur d'une vérité longtemps enfouie, Rome l'éternelle est bien la plus belle et celle qui touche le plus profond de son coeur. Cette nouvelle picaresque est un hymne à Rome et au retour aux sources.


Mon avis: L'ensemble est assez équilibré, Gogol semble avoir un compte à régler avec les fonctionnaires et les aristocrates. L'écriture est très belle sans jamais être pompeuse, sauf peut-être pour Rome empreinte d'un lyrisme qui m'a agacé au plus haut point; sans doute parce que je ne suis pas du tout "latin" ce panégyrique de Rome ne m'a pas touché. D'ailleurs quand Gogol glorifie Rome au travers de ses artistes ou monuments, il fait l'éloge des gens qui arpentent la perspective Nevski de Petersbourg, et c'est ce que je préfère.

En somme, j'ai beaucoup apprécié ces nouvelles à l'exception de la dernière. Ici l'homme est perfectible et les femmes, fortes et décidées; l'humour côtoie le fantastique et le pathétique dans un ensemble très agréable.

Epanadiplose ????

hum.....je m'étonne qu'il ne soit pas dans le dico. C'est une figure de style en rhétorique que j'avais étudiée parmis d'autres. Un lien ICI.
Dans les nouvelles de Petersbourg en l'occurence, la 1ere nouvelle s'ouvre sur une ville (Petersbourg) et la dernière se ferme sur une autre (Rome).

Wikipédia donne une explication obscure ("consistant à la reprise à", j'aurais écrit "consistant en").

http://atheisme.free.fr/Citations/Style1.htm

Merci oxymoron de ta contribution ma fois concise et rigoureuse et tout et tout

Je voulais dire que je ne vois pas en quoi c'est une épanadiplose.

Ça collerait si le recueil s'ouvrait sur Saint-Petersbourg, en partait dans les nouvelles suivantes, et se fermait sur une nouvelle péterbourgeoise...
Mais bon, on ne va pas chipoter !

oxymoron44 a écrit:

* Le nez: Le major Kovaliov se réveille un matin s'aperçevant que son nez a disparu, laissant au milieu de son visage un plat lisse étrange. Là va commencer les périples d'un homme ridiculisé, Gogol s'amusant du cliché du fonctionnaire russe alcoolique. Une quête étonnante qui démontre qu'un sujet au départ anodin et futile prend une dimension étonnante, drôle et pathétique.

Chostakovitch en a fait, du nez, un opéra truculent où les metteurs en scène trouvent matière à débrider leur imagination !

Citation :

"Le plus étrange, le plus inexplicable, c'est que les auteurs puissent choisir de tels sujets !".

s'exclame Gogol, en pince-sans-rire.

ce récit est insolite : un coiffeur trouve le NEZ d'un client dans le pain de son petit déjeuner, et, ce client, assesseur de collège, n'en croit pas ses YEUX : il a perdu son NEZ !

A partir de ce postulat loufoque, l'auteur développe le thème avec une grande logique : plainte à la police, petites annonces etc...

On jette un OEIL sur la vie privée des Petersbourgeois, l'existence des fonctionnaires de tous grades dans les administrations, on prête l'OREILLE à des conversations cocasses.

Ah ! quel boulet dans le jeu de quilles ! On voudrait jouer aussi ! mais une fois le lecteur appâté, Gogol lui rit au NEZ !

maïa a écrit:

Je voulais dire que je ne vois pas en quoi c'est une épanadiplose.

Ça collerait si le recueil s'ouvrait sur Saint-Petersbourg, en partait dans les nouvelles suivantes, et se fermait sur une nouvelle péterbourgeoise...
Mais bon, on ne va pas chipoter !

Disons que le recueil commence et se termine sur une ville, la boucle est bouclée.

Bonjour à tous,

J'avais e projet de me lancer dans les Ames mortes.
Je n'ai jamais lu de roman russe, ni Dostoievski, ni Tolstoï...
Le sujet des âmes mortes m'a inspiré : c'est original !

Mais ne sachant pas où je m'apprète à poser les pieds, je vous demande conseil. Est-ce une bonne porte d'entrée dans le littérature russe ?

PLUTOT OUAIS. ET UNE JOLIE PORTE.
ceci dit, c'est un roman inachevé. donc tu pourrais rester sur ta faim. et ça fait toujours mal. mais ce qui a été fait a été bien fait. huhu.

les nouvelles de petersbourg sont excellentes. drôle. allégorique. drôle. acharné. drôle.

Citation :

Ça collerait si le recueil s'ouvrait sur Saint-Petersbourg, en partait dans les nouvelles suivantes, et se fermait sur une nouvelle péterbourgeoise...

toutes les nouvelles ne se passent pas à Petersbourg ? de mémoire, je me souviens qu'il cite pas directement le nom de la ville dans les nouvelles mais il donne des noms de quartiers, des bâtiments. ou des symboles de la ville.
d'ailleurs il me semblait que c'était un peu le principe du recueil. que les nouvelles avaient été écrites sans idée précises d'assemblement et à des dates différentes et qu'elles avaient été rassemblées par la suite pour former un recueil et que leur point commun était la haine qu'avait Gogol pour Petersbourg.

J'ai une autre porte avec Tarass Boulba.

Effectivement, je viens de vérifier, toutes les nouvelles se passent à St Petersbourg.
Je ne sais pas s'il cite à chaque fois le nom de la ville mais par contre il cite au moins un lieu qui permet de savoir où se passe l'histoire (la perspective Nevski par exemple)

Harelde a écrit:

J'ai une autre porte avec Tarass Boulba.

J'ai beaucoup aimé, c'est merveilleusement écrit et narré. Quand on pense qu'il s'agit d'un jeune homme de 26 ans qui a écrit, on est stupéfait devant une telle énergie, une telle truculence, un tel humour et un tel sens de l'absurde.

Les âmes mortes
Un livre à grand destin.
17 ans d'écriture. Interrompue par des crises existentielles.
Par un auteur mythique - mystique, qui nous livre là une longue allégorie romancée.

Celle illustrée par le pélerinage picaresque à travers la Russie d'un héros matérialiste, même pas sympathique, car magouilleur.

Il est très bien éduqué, mais étrange...

Une première moitié de livre : il cherche à acheter des âmes mortes. Celles de serfs décédés. Ainsi, sur le papier, il devient propriétaire. De plus en plus puissant.

Le lecteur est perplexe. La galerie de personnages qu'il rencontre est épique ! Toute la nature humaine y passe : les avares, les hâbleurs, les généreux, les sceptiques...

Des sacrés farceurs ces Russes, par ailleurs bons vivants, exaltés, enthousiastes (au sens étymologique)...

De nombreuses ripailles, de l'alcool à foison...

On en vient au fait en fin de livre : pourquoi acheter des âmes mortes ? Donc suivre cette quête de pouvoir, de puissance par l'acquisition ?


Posséder, est-ce bien cela la vie terrestre ?

Imagine t-on Gogol dire oui ? Lui qui voyagea jusqu'en terre sainte pour chercher une lumière, une révélation divine et mourut le feu à l'âme, en s'écriant "l'échelle, vite l'échelle..."


Un ton vivant, des morceaux savoureux, des travers humains épinglés, une morale laconique et irrévocable, un amour infini de la campagne, de la nature Russe, d'un peuple pittoresque, capable de noblesse et pourtant si faible...


Que dire ?

Chef d'oeuvre exigeant. Différent. Déroutant souvent (l'écriture sur de longues années y est pour quelque chose).





On s'incline.

Citation :

Chef d'oeuvre exigeant. Différent. Déroutant souvent (l'écriture sur de longues années y est pour quelque chose).

On s'incline.

Un grand livre épique.
Le premier livre a une unité que l'on retrouve pas dans la deuxième partie où il ne reste que des fragments, Gogol ayant brulé son livre avant de mourir.
Il a passé son temps à reprendre son ouvrage.
Un livre d'errance du personnage, un livre avec de l'humour acide qui nous montre la Russie d'avant la révolution russe.
Bref un livre à lire. Gogol a inspiré nombre d'écrivains russes et d'ailleurs : Dostoïevski, Tolstoï, Boulgakov.... Gogol semble le père des grands écrivains russes.

Bon jour
de Gogol , de ses oeuvres, j’ai lu plusieurs. Mais celle qui est restée gravée dans mon esprit est « le Manteau »`L’ambiance de la bureaucratie Russe, ses employés toujours soumis au chef.. Le héros de l’histoire, insignifiant, timide, presque miséreux, devient un homme sûr de lui-même, hardi grâce à un nouveau manteau ; impossible de décrire en quelques mots cette magnifique histoire qui a abouti au cinéma, applaudie par la critique, un formidable succès Les images sont encore dans ma mémoire, des scènes incroyables,mérite du régisseur et en même temps, un malheur pour qui jouait le rôle principal car après ce chef-d’œuvre, aucun rôle ne pouvait l’ égaler et sa carrière artistique a commencé et a fini avec « le manteau "

j'ignorais l'existence d'un film ! merci d'en avoir parlé, il existe en DVD,



Réalisé en 1952 par Alberto Lattuada, Avec Renato Rascel, Yvonne Sanson, Giulio Stiva

J’avais oublié le nom de l’acteur principal renato Raschid, oublié puisque comme javais dit.ce film a été le début et la fin de sa carrière. Il y a dans ce film des scènes incroyables, quand il va voir le tailleur pour commander le manteau, on voit un atelier désert, le tailleur, aussi dans la misère, comment le sait-on ?quand il sort un magazine sur la table pour trouver un modèle, une nouée de poussière envahit l’atelier, soudain on voit passer en toute vitesse un chat ; le lendemain à la première preuve on voit le manteau avec un col de fourrure, Oh coïncidence de la même couleur du chat.
Une autre scène géniale, il fait un froid de canard dans la ville et le héros se chauffe les mains avec l’haleine d’un cheval, comme ça je pourrais raconter plus sur ce film extraordinaire, nous avons une chaîne RETRO qui passe de vieux films, je me souviens de plusieurs, le livre de Gogol je n’ai pas lu, mais je pense que le film est très réussi.

Le Portrait et Le Manteau sont sans doute mes nouvelles préférées de Gogol. J'ai commandé Tarass Boulba, introuvable dans la petite ville où j'habite. Les Âmes mortes sont sans doute un chef-d'oeuvre de la littérature russe. J'en parlais récemment à une soirée, et pour moi Gogol c'est Flaubert sans être chiant ; j'admire Flaubert mais certains passages de l'Education Sentimentale m'ont vraiment emm... Alors que Gogol c'est truculent, plein d'humour et d'ironie, son style décape tout... Et surtout, on ne s'ennuie pas. Malgré son travail acharné, certaines oeuvres sont inachevées, certes... Je n'ai pourtant pas ressenti de déception de n'avoir lu que le "tome I" des Âmes mortes...

Petite citation tirée du Manteau :

Citation :

Grâce à l’action généreuse du climat pétersbourgeois, la maladie se développa plus rapidement qu’on ne pouvait s’y attendre, et quand vint le docteur et qu’il eut pris le pouls d’Akaky Akakiévitch, il ne trouva autre chose à faire que de lui ordonner des compresses, uniquement pour que la malade ne demeurât point privé de l’aide efficace de la médecine. Il prédit d’ailleurs qu’il mourrait immanquablement avant deux jours, et, se tournant vers la logeuse, il lui dit :

- Et vous, ma petite mère, ne perdez pas votre temps inutilement ; commandez-lui aujourd’hui même un cercueil de sapin, car le chêne est trop cher pour lui.

pour Kurtin, je suis ravie que tu aies aimé Gogol, un géant de la littérature Russe

Je viens de finir « Les âmes mortes » de Gogol. C’était un bon livre dans l’ensemble, mais je suis un peu déçu.
Je l’ai lu car Boulgakov (dont j’ai fini l’excellent « Maitre et Marguerite » il y a quelques semaines) était un grand admirateur de Gogol et de ce livre. Le style est très bon, plein d’humour et de recul sur la corruption, les codes de la société russe de l’époque, etc. L’histoire est intéressante (un homme un peu magouilleur, très bon vivant et beau parleur, cherche à arnaquer le Crédit Foncier en acquérant pour les hypothéquer des paysans déjà morts mais pas encore enlevés des listes de recensement) et les personnages très riches et amusants. En revanche, Gogol a détruit la fin de son livre et seuls des fragments, de qualité inégale, ont été publiés après sa mort. Du coup, on s’éclate pendant 300 pages puis on ne comprend plus tout durant les 100 dernières, puisqu’il manque de nombreux détails…

Beacoup d'interrogations existentielles, le rapport à la propriété, à la piété, etc.
Un livre malgré tout à lire, ne serait-ce que pour les amateurs de littérature russe !

j'ai un bon souvenir des "âmes mortes" Si je ne me trompe pas, cette seconde partie dont tu parles est inachevée.D'abord le titre m'avait captivée,AMES MORTES, sans savoir que s'etaient des serfs morts, et qui valaient un prix.
le livre inoubliable pour moi est "le manteau" et ce qui n'arrive pas souvent le film Italien "IL CAPOTE" qui le dépasse; un chef-d'oeuvre.