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 Yves Bonnefoy

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rotko
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MessageSujet: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyJeu 11 Jan 2007, 21:15

J'ai un texte sous le coude depuis un moment d'Yves Bonnefoy.

Voici ce texte réveillé par celui De la nature proposé par Aristarque et l'illustration qui m'est venue... sous influence de l'image partagée par Rotko et Moon d'Alechinsky suite au portail de cette semaine.

--------------------

Le souvenir
Ce souvenir me hante, que le vent tourne
D’un coup, là-bas, sur la maison fermée.
C’est un grand bruit de toile par le monde,
On dirait que l’étoffe de la couleur
Vient de se déchirer jusqu’au fond des choses.
Le souvenir s’éloigne mais il revient,
C’est un homme et une femme masqués, on dirait qu’ils tentent
De mettre à flot une barque trop grande.
Un vent rabat la voile sur leurs gestes,
Le feu prend dans la voile, l’eau est noire,
Que faire de tes dons, ô souvenir,

Sinon recommencer le plus vieux rêve,
Croire que je m’éveille ? La nuit est calme,
Sa lumière ruisselle sur les eaux,
La voile des étoiles frémit à peine
Dans la brise qui passe par les mondes.
La barque de chaque chose, de chaque vie
Dort, dans la masse de l’ombre de la terre,

Et la maison respire, presque sans bruit,
L’oiseau dont nous ne savions pas le nom dans la vallée
A peine a-t-il lancé, on dirait moqueuse
Mais non sans compassion, ce qui fait peur,
Ses deux notes presque indistinctes trop près de nous.

Ce qui fut sans lumière, 1987, pages 11 – 12.
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyJeu 11 Jan 2007, 21:40

Passant,
regarde ce grand arbre
............et à travers lui,
il peut suffire.

Car même déchiré, souillé,
............l’arbre des rues,
c’est toute la nature,
.........tout le ciel,
l’oiseau s’y pose,
..........le vent y bouge, le soleil
y dit le même espoir malgré
...........la mort.

Philosophe,
as-tu chance d’avoir arbre
...........dans ta rue,
tes pensées seront moins ardues,
...........tes yeux plus libres,
tes mains plus désireuses
...........de moins de nuit.

Yves Bonnefoy
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptySam 20 Jan 2007, 18:44

Ouverture du recueil les planches courbes, Poésie/gallimard.


Les rainettes, le soir.


I
Rauques étaient les voix
Des rainettes le soir,
Là où l’eau du bassin, coulant sans bruit,
Brillait dans l’herbe.

Et rouge était le ciel,
Dans les terres vides,
Tout un fleuve la lune
Sur la table terrestre.

Prenaient ou non nos mains,
La même abondance.
Ouverts ou clos nos yeux,
La même lumière.
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyJeu 25 Jan 2007, 16:14

Je ne sais si c'est à sa place mais voilà un bout du travail fait par BIbi pour mes élèves l'année dernière. Si, c'est long, barbant mal placé, je ne serais pas offensée que mon post soit effacé. Il peut être scindé. Les références sont celle de la NRF

Citation :
le thème de l’enfance
Le motif de l’enfant apparaît dans chacune des sections. On a cependant plus d’indices à ce sujet dans la section « La maison natale » et « Les planches courbes ».

L’enfant est certes celui du souvenir et on peut voir un certain ancrage autobiographique ; mais s'ajoutent aussi une métaphore du poète et des références mythologiques, poétiques… L’enfant a donc une valeur en soi, mais on peut s’interroger sur ses liens avec ses parents. Le père paraît énigmatique et la mère semble bien absente. Cependant, le souvenir de l’un comme de l’autre surgit, bien vivant, et le poète leur rend hommage.

I. L’enfant, un motif aux multiples sens.

L’enfant peut incarner l’amour de ses parents, comme dans le poème « Le miroir courbe » de Ce qui fut sans lumière. Cet enfant est peut-être celui que Bonnefoy a été. En effet, l'enfant apparaît de façon très autobiographique dans la section «La Maison natale», en particulier dans les poèmes VI, VII, VIII et IX.

Les traditionnels voyages de la famille Bonnefoy vers le Lot, où se passaient les vacances, sont évoqués, et le jeu dans le jardin avec le père. C'est un enfant qui joue (p.41), que l'on appelle parce qu'il est tard (p. 57), un enfant rieur (p. 75, p. 83), dont on voit le pied ou la jambe nus (p. 61, p. 19), un enfant qui saisit une grappe (p. 75), un enfant qui tombe et pleure, et qu’on console (p.29,30).

L’enfant est aussi celui qui est encore dans la « maison ». La maison : c'est la maison natale, que l'on trouve au début du recueil et dans la section centrale intitulée justement « La Maison natale » où est évoquée « la sécurité des années qui ne savent rien de la mort ». Mais l’enfant peut représenter la nostalgie de ce qui est perdu, ceci est plus flagrant dans les poèmes où la « la maison natale » se fait menaçante comme dans le poème I, car si l’enfant n’a pas encore conscience de la mort, la « sans visage » vient déjà dans la maison. La « sans visage » peut représenter une morte, une divinité… Nous verrons ceci dans le cours sur la mythologie et l’intertextualité.

Mais l’enfant n’est pas seulement lié au souvenir, il est lié à une mythologie personnelle de Bonnefoy. Deux figures mythologiques sont évoquées: Marsyas, écorché vif par Apollon (p. 19), et Ascalabos changé en lézard (légende de Cérès) (p.97). On trouve donc une hésitation entre un « je » autobiographique et un « il » mythologique.

Chez l’enfant, la parole qui nomme, et donc qui éloigne la présence, n’a pas encore toute sa vigueur : le chatoiement du réel peut encore l’émerveiller « … un enfant/ Qui avance, étonné, sous une treille./ …heureux/ De tant de lumière,/Tend sa main pour saisir/ La grappe rouge » (p.52) et, (p.53) « Comme s’il…/…tenait un miroir/Où tout du ciel/ …recolorerait tout de la terre ». Ce thème de l’enfance, comme un état d’homme jouissant d’un lien privilégié à la présence, est cher à Bonnefoy.

C'était là la première partie. Est-ce plus lisible ainsi ? C'est un cours pour terminale, vous excuserez le ton un peu professorale... Du moins je l'espère. A l'oral, cela passe beaucoup mieux, c'est horrible de se relire lol!


Dernière édition par le Jeu 25 Jan 2007, 21:36, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyJeu 25 Jan 2007, 20:07

Le nestor a encore frappé !

Chère Clmemont, fort de ton autorisation ci-dessus, j'ai pensé effectivement que la lecture de ton texte serait plus facile s'il était scindé. je propose donc que tu fasses deux billets, l'un pour la deuxième partie, l'autre pour la 3 é.

Aérér le texte paraît aussi indispensable, aussi ai-je séparé tes developpements en blocs dont les limites sont arbitraires, mais que tu pourras mieux réajuster.

je l'ai fait dans un but egoïste car, le soir, avant de faire mon dodo, je lis les planches courbes et je voudrais pouvoir lire confortablement ce que tu en as dit.
Sur GDS* comme tu le sais, on aime les billets relativement courts et aérés.

Aristarque a supporté, au début de notre rencontre, mes remarques avec une longue patience - par la suite il m'a envoyé sur les roses, c'est vrai lol!.

merci à toi pour cette belle étude qui va nous "instructionner" comme dit Ekwerke Wink
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyJeu 25 Jan 2007, 21:29

Voici la deuxième partie:

II. L’énigme du père

Le père apparaît dans le poème VII de « La Maison natale », les parents dans le poème VIII. La maison natale n’est plus, comme jusqu’alors, la maison natale onirique, lieu où l’eau est présente de manière inquiétante ou apaisante. Elle est la maison où l’enfant a vécu la plus grande partie de son temps, la vraie maison natale, celle de Tours. Par comparaison avec les poèmes VIII ou même IX, le poème VII surprend d’abord par sa longueur : quarante-deux vers, répartis en trois épisodes, trois évocations du père, dont une parenthèse de vingt-et-un vers. Ceci montrerait l’importance accordée à la figure du père.

Il ne faut pas oublier que l’enfant dans « les planches courbes » est en quête de père.
Le poème VII s’ouvre sur la formule rituelle « Je me souviens », celle-là même qui fait remonter le passé à la mémoire. Dans le premier épisode, le fils observe son père de la fenêtre « entrouverte ». L’un est à l’intérieur de la maison, l’autre, le père, à l’extérieur, dans le jardin. L’enfant occupe donc la position privilégiée de celui qui voit sans être vu « J’apercevais mon père ». Mais ils sont suffisamment éloignés l’un de l’autre pour que l’enfant éprouve le besoin de réduire la distance qui les sépare - distance réelle mais aussi symbolique -, peut-être pour surprendre une attitude inconnue de lui, un secret, un indice qui lui permette de répondre à la question : « Qui était-il, qui avait-il été dans la lumière ? ». « Je m’approchais ». On peut supposer que le père est présenté comme lointain parce qu’il est mort alors que Bonnefoy n’avait que treize ans. Ainsi le « père » devient-il un « il » pour finir par « l’homme », dans le poème suivant (p.92).

Quelques éléments récurrents, disséminés d’un poème à l’autre, suffisent pour donner du père l’image d’un homme fatigué, tôt vieilli, usé par le travail et par les déceptions. Un homme effacé et silencieux, résigné. Ici, dans le poème VII, seuls ses outils de jardinier, bêche et pioche, ont à voir avec le monde concret qui est le sien. Au-delà, son dos voûté, son regard, son immobilité, sa lenteur, la fatigue de ses gestes trahissent un rapport au monde difficile, inabouti. Le regard de l’enfant sonde celui du père : « il regardait/Où, quoi… au-dehors de tout//« son regard vers l’inaccompli ou l’impossible ».

On sent chez le père une interrogation, une incompréhension, un mystère qui le rend tout aussi « impénétrable… » que « la fraîcheur » de « ce matin-là du monde », dans lequel il se tient, « immobile ». L’enfant cherche à comprendre et n’y parvient pas. Le mystère de son père, celui de sa jeunesse et de sa vie, lui échappe : « Qui était-il, qui avait-il été dans la lumière,/Je ne le savais pas, je ne sais encore ». Le père reste, définitivement, une énigme pour le poète.


À la vision du père dans le jardin vient s’ajouter celle du père à la ville « sur le boulevard »(p.90). Ce deuxième épisode se situe à un tout autre moment que celui de l’été et des vacances. L’enfant évoque dans cette strophe le monde du père qui « repartait au travail », « au début de l’après-midi »et son monde à lui qui « errai(t) avec quelques uns de (sa)classe », deux mondes présentés dans une simultanéité qui les oppose.

Ce qui caractérise la description du père, ce sont les assonances en [ã], réparties sur les participes présents et les adverbes : « Avançant lentement, tant de fatigue/Alourdissant ses gestes d’autrefois »Cette fatigue ainsi rendue perceptible pour le lecteur lui-même, a si fortement frappé l’enfant, que le poète y revient dans le poème suivant (p.92) : « La fatigue / Qui a été le seul nimbe des gestes / Qu’il fut donné à son fils d’entrevoir ».

Le souvenir du père, tel que l’enfant l’a surpris, lors de ces deux épisodes, lui est une souffrance. L’enfant, même s’il ne peut pénétrer la vie de son père, en saisir le sens, en a perçu « l’inaccompli ». Il est probable que l’enfant ait fait sienne pour toujours, la souffrance indicible du père. Le langage et les mots sont impuissants à dire et à traduire l’amour du poète pour son père. Impuissants aussi à dire et à traduire son désarroi. Cependant, il les lui offre, en hommage : « A ce passage-là, aperçu de loin,/ Soient dédiés les mots qui ne savent dire. »


Le troisième épisode du poème VII s’inscrit dans une longue parenthèse dont la signification échappe, à moins qu’elle ne soit donnée par les derniers vers : « J’aurai barré/ Cent fois ces mots partout, en vers, en prose, / Mais je ne puis / Faire qu’ils ne remontent dans ma parole. ».

Cette parenthèse, épisode difficilement avouable, est le récit d’une partie de cartes qui se déroule sur une longue phrase de quatorze vers très peu ponctuée. Comme si tout ce qui était en train de se dire ou de se jouer devait l’être d’une seule traite. La scène se déroule au cours de « l’après midi d’un dimanche ». Le père, désigné tout au long de cet épisode par le pronom personnel « il », sur lequel se superpose le « il » de « l’enfant maladroit », propose une partie de cartes dont le jeu n’est pas précisé. La seule raison donnée au choix des cartes est qu’elles sont « dans la maison natale », les seules images susceptibles de « recevoir la demande du rêve ».

La partie de cartes devient source d’espoir pour l’enfant. Espoir qu’enfin l’échange, jusqu’alors impossible, va pouvoir prendre corps. Espoir aussitôt différé par le père: « mais il sort ». L’enfant, déçu dans son attente, « maladroit » peut-être à attirer sur lui l’attention du père, « maladroit » à lui faire don de son désir de le voir reprendre le dessus sur sa vie, brouille les cartes au profit du père, afin « que celui qui perdait gagne ». Les deux verbes en opposition - perdre/gagner - sont réunis côte à côte dans le même vers, le présent l’emportant magistralement sur le passé, « et si glorieusement ». Le geste de l’enfant est calculé mais son attente va bien au-delà de la simple partie de cartes. Ce que désire l’enfant, la « fièvre » qui le brûle, dépasse la victoire éphémère du jeu. Elle est offrande au père afin qu’il puisse tirer « de quoi nourrir » son « espérance », peut-être réduire « l’inaccompli », vaincre « l’impossible » évoqués dans le premier épisode.

L’enfant ne dit rien sur la réaction du père vainqueur, mais il est peu probable que l’attente de l’enfant ait été remplie. Il ne s’est sans doute rien passé, rien produit. C’est ce que laisse entendre le vers suivant, commentaire du poète : « Après quoi deux voies se séparent ». Le désir de l’enfant d’instaurer un lien fort avec son père, s’avère être un leurre. Non seulement l’échange que l’enfant espérait n’a pas eu lieu mais la supercherie de l’enfant entérine la séparation d’avec le père. Séparation qui préfigure sa disparition dans les voies de l’oubli: « et ce sera l’oubli, l’oubli avide », jusqu’à ce que le poète adulte se souvienne.


On a deux aspects du père : d'une part la présence autobiographique, dans les poème VII et VIII de « La maison natale ». (p. 91), et d'autre part le relais mythologique: le passeur de la légende, intitulée « Les planches courbes » Autre allusion mythologique p. 71, le poète évoque Ulysse qui à son retour a grande hâte de retrouver Laërte, son père. Une fois arrivé à Ithaque, il va le rejoindre dans le verger. On peut avoir encore une allusion à la mythologie et en particulier à Anchise que porte Enée dans le chant II de l’Enéide.

Tout comme Enée a porté son père, l’enfant souhaite que son père soit sauvé, c'est-à-dire dans un premier temps qu’enfin il gagne (partie de cartes), dans un second temps qu’il ne sombre pas dans l’oubli (poésie comme autobiographie). Et en effet, Bonnefoy se pose beaucoup de questions sur le père. Dans la légende du passeur, tout se joue autour de deux questions: «Un père, qu'est-ce que c'est ?» et «Veux-tu être mon père?».


Dernière édition par le Sam 27 Jan 2007, 13:51, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyJeu 25 Jan 2007, 21:30

Voici la troisième partie. Je promets d'ajouter des caractères gras demain...

III. L’absence de la mère ?

La mère est à première vue peu présente, elle est «l'évasive présence maternelle», pourtant elle est très présente à travers quelques relais mythologiques. Cérès cherche sa fille, selon la mythologie, mais Bonnefoy écrit Cet enfant plutôt que cette enfant. Isis est aussi évoquée (p.72). Il y a enfin le personnage de Ruth la Moabite. Nous étudierons tous ces mythes plus précisément dans le cours sur l’intertextualité et la mythologie.

La mère du poète, c’est une silhouette entrevue, face à celle du père, par l’enfant qui « les voit » et même « les regarde » du fond du jardin de la maison natale (VIII, p.92). C’est, dans le recueil, la seule évocation de ses parents réunis, couple silencieux, car, souligne le poète, « Ils se parlent, pour une fois ».

La mère, c’est peut-être le visage qui se dégage du reflet des miroirs du rêve (II p.84), visage « …riant d’une douceur / De plus et autrement que ce qu’est le monde », mais visage surtout marqué par la tristesse, « front triste et distrait de petite fille » ; et le rire s’éloigne.

La tristesse domine en effet et la référence à Ruth rend compte de la mélancolie de la mère du poète. Cette référence est introduite par les vers de Keats cités dans le poème IX, p .93 : « …when sick for home / She stood in tears amid the alien corn ». Ruth, personnage biblique de l’Ancien Testament, est une veuve, Moabite, exilée au pays de Juda, loin de son pays de Moab dont elle a la nostalgie, tandis qu’elle glane, pour survivre, dans les champs de blé de Booz.

Veuve et exilée est aussi la mère du poète qui, après le décès du père quitte Tours pour un nouveau poste d’institutrice à Saint-Martin Le Beau, exil géographique, mais aussi affectif. C’est l’audition des vers de Keats qui fait revenir, chez le poète adulte, « du fond de (sa) vie », « …le sentiment de l’exil et les larmes », qui troublaient le regard de sa mère, en quête du « lieu perdu »

S’agit-il encore de la mère, dans le poème X, P. 94 ? On peut le penser en lisant les vers 13 à 15 de l’évocation de ce qui « fut à nouveau / Une maison natale. » :
« …A son silence
Soient dédiés,au soir,
Les mots qui semblent ne parler que d’autre chose »
Il y a parallélisme entre ces vers et ceux dédiés au père dans le poème VII, P.90. A l’un comme à l’autre, l’enfant qui se souvient, dans le cœur de l’adulte, rend hommage


Conclusion :
Notion espoir/nostalgie
Poésie recherche des mots, de la présence mais aussi du souvenir
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rotko
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyMar 08 Avr 2008, 05:21

Citation :
« Il marchait dans les bois quand il entendit ces rires, ces exclamations, cette joie. Et que faire alors sinon s’arrêter, le cœur battant, écouter la voix des enfants à travers le rideau des branches puis se risquer vers eux, l’autre monde ? »

tout un article de
jean -Michel maulpoix sur les planches courbes.
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyMer 07 Jan 2009, 12:18

La Neige

Elle est venue de plus loin que les routes,
Elle a touché le pré, l'ocre des fleurs,
De cette main qui écrit en fumée,
Elle a vaincu le temps par le silence.

Davantage de lumière ce soir
A cause de la neige.
On dirait que des feuilles brûlent, devant la porte,
Et il y a de l'eau dans le bois qu'on rentre.

"La Neige" extrait du recueil Ce qui fut sans lumière.
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyDim 11 Jan 2009, 14:15

La Terre


Je crie, Regarde,
La lumière
Vivait là, près de nous ! Ici, sa provision
D’eau, encore transfigurée. Ici le bois
Dans la remise. Ici, les quelques fruits
À sécher dans les vibrations du ciel de l’aube.



Rien n’a changé,
Ce sont les mêmes lieux et les mêmes choses,
Presque les mêmes mots,
Mais, vois, en toi, en moi
L’indivis, l’invisible se rassemblent.



Et elle ! n’est-ce pas
Elle qui sourit là (« Moi la lumière,
Oui, je consens ») dans la certitude du seuil,
Penchée, guidant les pas
D’on dirait un soleil enfant sur une eau obscure.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .



Je crie, Regarde,
L’amandier
Se couvre brusquement de milliers de fleurs.
Ici
Le noueux, l’à jamais terrestre, le déchiré
Entre au port. Moi la nuit
Je consens. Moi l’amandier
J’entre paré dans la chambre nuptiale.

Dans le leurre du seuil, 1975.
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Constance
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyJeu 15 Oct 2009, 10:38

Yves Bonnefoy Oz6rfi4xsv


Toute douceur toute ironie se rassemblaient
Pour un adieu de cristal et de brume,
Les coups profonds du fer faisaient presque silence,
La lumière du glaive s'était voilée.

Je célèbre la voix mêlée de couleur grise
Qui hésite aux lointains du chant qui s'est perdu
Comme si au-delà de toute forme pure
Tremblât un autre chant et le seul absolu.

O lumière et néant de la lumière, ô larmes
Souriantes plus haut que l'angoisse ou l'espoir,
O cygne, lieu réel dans l'irréelle eau sombre,
O source, quand ce fut profondément le soir !

Il semble que tu connaisses les deux rives,
L'extrême joie et l'extrême douleur.
Là-bas, parmi ces roseaux gris dans la lumière,
Il semble que tu puises de l'éternel.

(Hier régnant désert, in Poèmes)
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Constance
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MessageSujet: Re: Yves Bonnefoy   Yves Bonnefoy EmptyDim 15 Nov 2009, 22:34

Yves Bonnefoy PallasathneGustavklimthcq


Vrai nom


Je nommerai désert ce château que tu fus,
Nuit cette voix, absence ton visage,
Et quand tu tomberas dans la terre stérile
Je nommerai néant l’éclair qui t’a porté.

Mourir est un pays que tu aimais. Je viens
Mais éternellement par tes sombres chemins.
Je détruis ton désir, ta forme, ta mémoire,
Je suis ton ennemi qui n’aura de pitié.

Je te nommerai guerre et je prendrai
Sur toi les libertés de la guerre et j’aurai
Dans mes mains ton visage obscur et traversé,
Dans mon cœur ce pays qu’illumine l’orage.



(Du mouvement et de l’immobilité de Douve, in Anthologie de la poésie française)

Toile "Pallas Athénée", de Gustav Klimt
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