Aloysius Bertrand

A la demande de Fontelle, ce poeme sur LES DOIGTS DE LA MAIN.

Le pouce est ce gras cabaretier flamand, d'humeur goguenarde et grivoise, qui fume sur sa porte, à l'enseigne de la double bière de mars.

L'index est sa femme, virago sèche comme une merluche, qui dès le matin soufflette sa servante dont elle est jalouse, et caresse la bouteille dont elle est amoureuse.

Le doigt du milieu est leur fils, compagnon dégrossi à la hache, qui serait soldat s'il n'était brasseur, et qui serait cheval s'il n'était homme.

Le doigt de l'anneau est leur fille, leste et agaçante Zerbine qui vend des dentelles aux dames et ne vend pas ses sourires aux cavaliers.

Et le doigt de l'oreille est le Benjamin de la famille, marmot pleureur, qui toujours se trimballe à la ceinture de sa mère comme un petit enfant pendu au croc d'une ogresse.

Les cinq doigts de la main sont la plus mirobolante giroflée à cinq feuilles qui ait jamais brodé les parterres de la noble cité de Harlem

in Gaspard de la nuit

A signaler pour les agrégatifs la bibliographie mise en ligne par Nicolas Wanlin sur :

http://etudes-romantiques.ish-lyon.cnrs.fr/cariboost_files/Bibliographie_20Bertrand.pdf

et la parution récente de ses deux livres : "Aloysius Bertrand. Le Sens du pittoresque. Usage et valeurs des arts dans Gaspard de la Nuit" - Presses Universitaires de Rennes - ; " Le Grand Oeuvre d'un petit romantique" - Presses Universitaires de Paris-Sorbonne ( que j'ai commandés mais ne possède pas encore).

Autre livre intéressant : "Lectures de Gaspard de la Nuit" aux Presses Universitaires de Rennes - sous la direction de Steve Murphy.

Mile a écrit:

[…] Autre livre intéressant : "Lectures de Gaspard de la Nuit" aux Presses Universitaires de Rennes - sous la direction de Steve Murphy.

Le nom d'Aloysius Bertrand me disait quelque chose mais je ne l'ai jamais lu ; en explorant un peu j'ai vu que tu as un blog consacré à lui, très informatif et bien écrit. La dédicace à Hugo est très ironique ! Je vais sûrement lire Gaspard, merci.

Le Québec possède un des meilleurs spécialistes actuels d'Aloysius Bertrand en la personne du Professeur Luc Bonenfant de l'Université du Québec à Montréal avec lequel je corresponds de temps en temps. Il publie sur Internet et aux éditions "Nota Bene".

Quant à mon petit blog, il est délibérément non littéraire, au sens "universitaire" du terme. Il s'intéresse à la couleur locale et à la biographie de Louis Bertrand. Peut-être n'y-a-t-il pas grand chose à en tirer mais il occupe presque tous mes loisirs, d'autant que je collectionne tout ce qui a un rapport, de près ou de loin, avec Louis Bertrand. Il ne me manque - pour l'essentiel - que l'édition originale de "Gaspard de la Nuit", actuellement en vente sur Abebooks, mais à.... 19000 Euros.

Mile a écrit:

Quant à mon petit blog […]. Il s'intéresse à la couleur locale et à la biographie de Louis Bertrand.

Quand on y pense, tout est local et sont rares les écrivains qui n'ont pas été influencés par les lieux où ils ont vécu ; je suis ignorant de Louis Bertrand mais je vais corriger bien vite grâce à ton blog.

C'est gentil. Il faudra compléter, à défaut d'avoir le livre, par une visite sur le site des " Amis d'Aloysius Bertrand" :

http://aloysiusbertrand.blogspot.com/2008/11/adresse.html

On y trouve un résumé biographique et le texte de "Gaspard de la Nuit".

En livre, l'édition GF Flammarion de Jacques Bony me semble la meilleure puisque calquée sur le manuscrit original acquis par la Bibliothèque Nationale de France.On peut lire aussi la première édition sur "Gallica" à la BNF.

Mile a écrit:

En livre, l'édition GF Flammarion de Jacques Bony me semble la meilleure puisque calquée sur le manuscrit original acquis par la Bibliothèque Nationale de France.

Merci, je vais l'acheter ; que penses-tu de l'édition de Max Milner chez Poésie/Gallimard ?

Gilles a écrit:

Merci, je vais l'acheter ; que penses-tu de l'édition de Max Milner chez Poésie/Gallimard ?

Cette édition de 1980, bien entendu toujours valable pour l'introduction de Max Milner, n'a cependant pas été établie sur le manuscrit original, acquis le 20 mai 1992 par la BNF lors de la vente de la collection Guérin. Jacques Bony a eu ce document entre les mains pour constituer la sienne. Certains ont pu regretter que les "Pièces détachées" aient été traitées à l'écart mais elles n'ont été rapprochées de l'oeuvre voulue par Louis Bertrand qu'à titre posthume par David d'Angers. "Gaspard de la Nuit" ne les incluait pas.

Mile a écrit:

Gilles a écrit:

[…] que penses-tu de l'édition de Max Milner chez Poésie/Gallimard ?

Cette édition de 1980, bien entendu toujours valable pour l'introduction de Max Milner, n'a cependant pas été établie sur le manuscrit original […] Jacques Bony a eu ce document entre les mains pour constituer la sienne.

Merci. « Mon livre, le voilà tel que je l'ai fait et tel qu'on doit le lire, avant que les commentateurs ne l'obscurcissent de leurs éclaircissements. »… ou de leurs éditions. Je vais suivre ton conseil et celui d'A. B.

L'édition de Jacques Bony est celle que j'utilise habituellement car elle respecte la forme et les fantaisies orthographiques de Louis Bertrand. Les "Oeuvres complètes" d'Hélène Hart Poggenburg sont également une source importante mais contiennent un nombre si extraordinaire de coquilles, fautes et erreurs qu'on ne sait plus ce qui doit en revenir à l'auteur.

A propos d'édition, j' en ai trouvé hier une très belle (partielle) dont j'ignorais l'existence ( a priori non répertoriée aux "Oeuvres Complètes"). Une joie pour un petit collectionneur ; une tristesse pour son portefeuille.

Mile a écrit:

Une joie pour un petit collectionneur ; une tristesse pour son portefeuille.

En effet, les objets de beauté sont dispendieux ; l'édition que tu as achetée est ancienne ? Un point commun avec toi dans le genre « folie » : j'ai acheté un Hiroshigé il y a deux ans, mais je ne la regrette pas.

Non, cette édition n'est pas très ancienne (1966) mais a été tirée à peu d'exemplaires. Je l'attends avec impatience car elle est illustrée d'un frontispice d'Ossip Zadkine, de gravures et d'une estampe pour ce seul exemplaire. Par ailleurs, étant en possession de presque toutes les éditions de "Gaspard de la Nuit" depuis 1868, j'ai naturellement beaucoup de mal a en trouver de nouvelles. L'originale m'est financièrement inaccessible ; je n'ai jamais vu en vente celle de Raymond Schwab (33 exemplaires) ni celle de Fernand Gazier (50 exemplaires) - certainement plusieurs milliers d'euros chacune.

Un original d'Hiroshigé, ça doit aussi coûter bon-bon.

Mile a écrit:

Je l'attends avec impatience car elle est illustrée d'un frontispice d'Ossip Zadkine, de gravures et d'une estampe pour ce seul exemplaire

Magnifique. Es-tu en mesure de nous montrer une photo ici ou sur ton blog ?

Mile a écrit:

Un original d'Hiroshigé, ça doit aussi coûter bon-bon.

Les Japonais n'avaient pas la même conception que les Européens de ce qu'est une œuvre originale : tous les exemplaires d'une lithographie dont l'artiste a surveillé la coloration en personne chez l'imprimeur sont considérés comme des originaux et cela peut varier de quelques-unes à plusieurs dizaines. La mienne, Huit vues du quartier de Shiba à Edo. Neige nocturne sur la colline d'Atago, n'existe qu'en 9 exemplaires. Elle m'a coûté 2500€ et on me dit que j'ai eu de la chance. Actuellement, je cherche Cent vues d'Edo. Pluie d'été sur le pont Ohashi.

Je ferai une photo pour vous la monter, demain.

Oui, je mettrai des photos sur le blog dès que je pourrai. Celles d'ouvrages qui y figurent déjà viennent de prises de vues effectuées à partir de ma collection. Auparavant, je publierai une page avec des textes "rares" et des photos, à ma connaissance, encore plus rares. Le monde ne s'arrêtera pas de tourner pour ça, mais c'est un plaisir de faire partager de petites découvertes. Et c'est gratos.

Pour info, Gilles, avant de lire "Gaspard de la Nuit", il peut être intéréssant de consulter la conférence tenue le 27 février 1960 à La Sorbonne par Louis Guillaume sur le thème : "L'évolution du poème en prose d'Aloysius Bertrand à nos jours". C'est, à mon avis, un panorama bien utile à celui qui s'intéresse à la question ou qui doit rendre un travail sur le poème en prose.

On la trouve sur :

http://www.louis-guillaume.com/spip.php?article43

Il existe une autre version de ce poème datée du 2 janvier 1829. Je la donne ci-dessous pour montrer le travail effectué par Louis Bertrand :

"Ma chaumière aurait, l'été, les feuilles des bois pour parasol, et l'automne, pour jardin, au bord de la fenêtre, quelque mousse qui soupire, et quelque fleur qui sente l'amande.

Aux premières neiges, tous trois assis autour du foyer tranquille, ma mère nous raconterait notre jeunesse d'Italie, tandis que ma soeur ferait courir l'aiguille luisante sur le métier.

Et moi, les yeux sur la braise ardente, j'y verrais des cathédrales gothiques briller de la clarté rouge des incendies ; et des châteaux forts crouler en ruines avec leurs soldats dans les fossés.

Puis, ouvrant la fenêtre, j'apercevrais bien loin dans la brume, à la lisière d'un bois, un voyageur dont le manteau descend sur la croupe de son cheval, et qui va toujours s'amoindrissant.

Et la nuit, quand je viendrais à m'éveiller, j'entendrais au pied de mon lit mon coq chanter, et un coq lui répondre faiblement, dernière sentinelle du village endormi.

Si le roi voulait, ô ma mère, ô ma soeur, lui qui possède tant et de si beaux palais, il nous donnerait bien une chaumière."


Merci, Chantal, de m'avoir permis d'établir le parallèle et ainsi de montrer ( en gros ) le passage d'une nouvelle poétique au poème en prose ( la version définitive est bien entendu la première).

Mile a écrit:

Pour info, Gilles, avant de lire "Gaspard de la Nuit", il peut être intéréssant de consulter la conférence tenue le 27 février 1960 à La Sorbonne par Louis Guillaume […]

Merci. À propos, on ne peut pas laisser des questions ou des commentaires sur ton blog ?

Non, on ne peut pas.

Mile a écrit:

Non, on ne peut pas.

Parce que tu n'en désires pas, ou parce que ce type de blog n'offre pas la fonctionnalité ?

Voilà, tel que promis hier.



Hiroshigé, Huit vues du quartier Shiba à Edo. Neige nocturne sur la colline Atago (1843)

Je n'ai pas programmé le site pour recevoir des questions ou commentaires. Pourquoi ? Parce que j'entends préserver mon ataraxie. Je me contente de mettre à disposition gracieusement ce que je crois savoir ; libre à chacun de prendre ce qui lui convient.

Merci. Belle estampe. Du coup, je suis allé en voir d'autres chez Pierre Bergé
http://www.pba-auctions.com/html/index.jsp?id=6805&np=10&lng=fr&npp=20&ordre=1&aff=1&r=.
Malheureusement, je ne connais pas assez la symbolique japonaise pour les interpréter.

Mile a écrit:

[…] j'entends préserver mon ataraxie.

Je te comprends !

Mile a écrit:

[…] je ne connais pas assez la symbolique japonaise pour les interpréter.

Les estampes japonaises ne montrent pas de symboles… Une dame est une dame, un oiseau est un oiseau, un groupe de comédiens est un groupe de comédiens, un pêcheur dans sa barque est un pêcheur, un paysage est un paysage mais une fleur peut être une étude de couleurs ; cependant les Japonais ne sont pas mystiques.

D'après les prix atteints à la vente Bergé, je vois que j'ai payé un juste prix pour mon estampe, je suis content.

Pour en revenir à Aloysius Bertrand avant que Nestor nous sanctionne pour hors-sujet, je l'achète demain et je commence à le lire.

Gilles a écrit:

Les estampes japonaises ne montrent pas de symboles… Une dame est une dame, un oiseau est un oiseau, un groupe de comédiens est un groupe de comédiens, un pêcheur dans sa barque est un pêcheur, un paysage est un paysage mais une fleur peut être une étude de couleurs ; cependant les Japonais ne sont pas mystiques.

Pour en revenir à Aloysius Bertrand avant que Nestor nous sanctionne pour hors-sujet, je l'achète demain et je commence à le lire.

Je ne m'aventurerai pas trop avant sur le premier point que je ne connais pas bien. J'aurais cependant plutôt dit l'inverse. La fleur du cerisier japonais est symbole de pureté. Mais laissons aux spécialistes le soin de nous informer.

Sur le second point, outre que, à mon avis, nous ne sommes pas exactement hors sujet, Nestor - inconnu de moi - ne peut sanctionner sans encourir le risque d'entendre la chanson de Brassens :

"Tonton Nestor,
Vous eûtes tort,
Je vous le dis tout net.
Vous avez mi
La zizani'
Aux noces de Jeannett'.
Je vous l'avou',
Tonton, vous vous
Comportâtes comme un
Mufle achevé,
Rustre fieffé,
Un homme du commun."

(Je donne le premier couplet...des fois que je n'aie plus d'accès dans dix minutes)

Mile a écrit:

[…] Nestor - inconnu de moi -

Nestor est l'administrateur de GdS.