Alphabète

. . Il se hissa hors de l'eau, se dressa sur le marbre froidement enluminé par le vitrail turquoise. Nu il sortit cherchant l'évaporation des gouttes. Le cernaient les murailles préservatrices de l'analphabétisme externe ; à leur pied l'herbe grasse avait soif. Il héla Laetitia qui le complimenta de son état. Bouche et main firent jaillir la semence qui se mourut parmi les dahlias. Méritait-il tant de plaisir dans les êtres et les lettres ?
. . Viendra bien dans son ventre la lame aiguisée du peuple déguisé ; encre et sang se mêleront dans le papier bavard. La mort le saisira dans l'amour et sa moëlle se rompra sans détour.
. . Ses larmes coulèrent ; il était sans arme.

C'est un geyser de semence qui arrose les dahlias ?
va falloir que je relise

très imagé ce texte.

. . Exhalaient les gueules des dogues un brouillard s'insinuant dans le froid matinal qui mordait les dos des chasseurs. Vertèbres déboîtées dans les fluides du petit corps duveteux par les crocs, expira le lièvre. Retentit alors la corne du triomphe emplissant le dédale abyssal de la forest domaniale.
. . L'écuyer gravit à demi l'échelle de la cabane perchée ; entendant les ébats de son maistre sur Calda il n'osa.
. . Sire Gorgul la laissa pantelante et fécondée.

elle fait voyager cette écriture ! incroyable et pleine de force. Je trouve ça impressionnant !!

. . Léchaient les flammes la chair puante du dogue et la langue le palais sec du gueux. De derrière l'assommma le casse-teste. On le traîna par les pieds à cul de cheval dans la boue et les cailloux jusqu'au pied de sire Gorgul. On jeta sur lui le dogue rousti.
. . "Tu voulais bouffer mon bien, chien ! Alors qu'ils te bouffent !" hurla Gorgul en jetant le gueux sanguinolent dans l'enclos des dogues.
. . De hargne ils se l'arrachèrent.

troglodyte a écrit:

. . Exhalaient les gueules des dogues un brouillard s'insinuant dans le froid matinal qui mordait les dos des chasseurs. Vertèbres déboîtées dans les fluides du petit corps duveteux par les crocs, expira le lièvre. Retentit alors la corne du triomphe emplissant le dédale abyssal de la forest domaniale.
.

Pour Myriam, elle fera comme elle voudra, expliquera ou non. C'est vrai qu'un texte n' a pas besoin d'explication de l'auteur puisque le lecteur a le dernier mot. Toutefois, rien n'interdit à l'auteur de parler de ses intentions, faute de quoi, il dirait comme Gombrowicz

Citation :

je suis fatigué par tous les malentendus qui s'accumulent entre moi et mon lecteur, et si j'avais pu, j'aurais limité encore davantage sa liberté de m'interprèter

.
Gombrowicz, la pornographie, chez Folio.

L'auteur fait donc ce qu'il veut, il répond ou non ; c'est son droit et son affaire, mais qu'il n'attende pas du lecteur une passivité totale

je dis donc ce qui m'intrigue dans le texte cité de Troglodyte :

la place des verbes répond-elle à une intention précise ?

Le verbe c'est l'action ; si je place le verbe en première position c'est pour mieux agresser le lecteur par une action dont il ne connaît pas (encore) l'auteur.

Citation :

Exhalaient les gueules des dogues un brouillard

Tu ferais donc un gros plan sur les gueules des chiens...

Oui, et les crocs sembleraient des monts !

troglodyte a écrit:

Le verbe c'est l'action ; si je place le verbe en première position c'est pour mieux agresser le lecteur par une action dont il ne connaît pas (encore) l'auteur.

Lorsque tu dis "l'auteur", s'agit-il de :

1/ l'auteur de la phrase ?

2/ le sujet du verbe, auteur de l'action ?

3/ les deux, auquel cas ce serait une phrase auto-biographique ?

4/ comme il sied de nos jours où l'on ne jure que par l'auto-fiction, peut-on imaginer que la phrase soit auto-fictionnelle ?

5/ dans le pire des cas, une phrase auto-fictive ?

Amarande a écrit:

Lorsque tu dis "l'auteur", s'agit-il de :

1/ l'auteur de la phrase ?

2/ le sujet du verbe, auteur de l'action ?

3/ les deux, auquel cas ce serait une phrase auto-biographique ?

4/ comme il sied de nos jours où l'on ne jure que par l'auto-fiction, peut-on imaginer que la phrase soit auto-fictionnelle ?

5/ dans le pire des cas, une phrase auto-fictive ?

C'est un nouveau jeu ?
je laisse troglodyte répondre car pour moi la réponse est claire

Amarande, je coche le 2. Tout simplement. Je suis un provincial qui exerce un métier manuel.

quel suspens !

Chevauchant les veaux des champs
Le vent méchant s'engouffre un temps
Dans les volets mi-clos de la chaumière.
Il en réveille en sursaut l'occupant
Le coupant net de son enchantement.

Tendrement enlacés
Les amants, les blessés
D'amour n'ont jamais assez.

L'image inversée
De tes globes de chair
Tapisse le fond
De mes globes oculaires.

ça, j'aime.

abandon de poste ?

Citation :

Stressbourg
le 20 février 2008

Madame le Maire

Je me permets par cette missive de solliciter votre bon vouloir à faire clore l'établissement nommé "Bibliothèque" sis au numéro 17 de la rue de la Mésange en notre bonne ville de Stressbourg. C'est en effet un lieu de débauche outrée qui par ses miasmes putrides propage un parfum de scandale attirant des gens non seulement du bourg mais aussi de ceux à l'entour. Je m'en vais vous conter ce que j'y ai vu après que mes pas m'y aient conduit hier.

Figurez-vous des centaines de livres livrés en pâture à la concupiscence de perverses personnes qui les prennent sans vergogne dans les rayons, en écartent les pages sans même les avoir achetés, se livrent à toutes sortes de plaisirs coupables parmi lesquels figurent la lecture silencieuse, les yeux exorbités ou mi-clos, le humage éhonté de l'entrepage, surtout en ce qui concerne les plus anciens livres, le feuilletage rapide d'un doigt humecté de salive, le caressage de la tranche, et certains parmi les plus libertins n'hésitent pas à truffer ces pauvres ouvrages de marque-pages au couleurs criardes.

Si vous aviez vu, madame le Maire, les plus vieux de ces pauvres livres entassés pêle-mêle sur des sortes de chariots comme on en voit dans les hospitaux, poussés d'une allure rapide par les esclaves badgés du Grand Bibliothécaire, ce grand proxénète de proximité qui ne prend son plaisir qu'à la vue de son établissement bondé de scélérats - ces fameux rats de bibliothèque ! Si ces pauvres livres aux reliures craquées pouvaient parler, que ne nous narreraient-ils pas des outrages qu'on leur fait subir dans l'intimité des maisons privées, car sachez qu'il existe un réseau de bibliophiles qui les emmènent à domicile !

Les rats de bibliothèques, ivres de plaisirs illicites, en perdent l'usage de la parole : vous n'entendrez nulle parole en un tel lieu, mises à part les coupables demandes d'emprunt qui se font en chuchotant, juste avant que de sortir, après avoir étouffé les victimes d'un sac plastique. Quand je vous aurai dit le pire, vous allez penser que je veux vous en faire accroire, mais Madame, je vous jure que j'y ai même vu des livres fraîchement imprimés, des nouveaux-nés, posés sur ces mêmes chariots dont je vous ai parlé, qu'on allait sans pitié enserrer dans les rayons aux côtés des plus anciens.

Je n'ai eu, Madame, nul besoin de presser trop sur mon crayon pour vous dresser cet effroyable portrait de cet établissement interlope. Il s'agit bien, dans les faits, d'une libidothèque, et je vous demanderai à nouveau, humblement, d'agir en droit à son encontre afin de restaurer dans chaque parcelle du bourg la bonne morale qui seule peut sauver le Royaume d'un effondrement douloureux.

Veuillez bien, Madame, recevoir les salutations les plus obséquieuses d'un de vos adminisistrés les plus admiratifs de vos glorieuses vertus.

Hubert de la Tranchedorée

Ce n'est plus alphabète, mais alpha comme des des bêtes.

La putain rit du puritain.

Je découvre avec grand plaisir tes créations. Oserais-je dire : "encore !" ?
Eh bien oui, je l'ai dit.