quels auteurs contemporains nous survivront ?

Je suis occupée à lire " La balade de l'impossible " et au fil de ma lecture, j'ai été perplexe concernant un extrait que je cite ici :

" Je ne dis pas que je n'ai pas confiance dans la littérature contemporaine, mais je ne veux pas gaspiller un temps précieux en lisant des oeuvres qui n'ont pas reçu le baptême du temps. La vie est trop courte.
- Quels sont les auteurs que tu aimes? lui demandais-je.
- Balzac, Dante, Conrad, Dickens, me répondit-il aussitôt.
- On ne peut pas dire que ce soient des auteurs d'actualité.
- C'est justement pour cela que je les lis. Quand on lit la même chose que tout le monde, on ne peut que penser comme tout le monde. Cela fait péquenaud et vulgaire."

Pour ma part, je trouve qu'il n'a pas tout-à-fait tort. Quels auteurs contemporains seront encore lus dans 100 ans?

J'aurais beaucoup aimé avoir votre ressenti sur cet extrait.

Merci  

c'est une bonne question, et je l'isole pour qu'elle s'adresse à tous les grains. Pris à brûle pourpoint par la question, je ne donnerai pas de noms définitifs dans un premier temps, mais je vous soumets quelques réflexions rapides.
 
le texte de Murakami me paraît être un lieu commun fort répandu, tenant pour acquis qu'"un bon écrivain est un écrivain mort !", et que la postérité sanctionne le talent. Autrement dit, ne prenons pas de risques, restons-en à Tacite et à Cervantès, on ne se trompera pas, ils ont fait leurs preuves !
 
- à question franche, réponse franche : je  crois que Murakami ne survivra pas à son époque, comme le laissent entendre, parfois malgré eux, les grains qui, à chaque nouveau volume, le "trouvent intéressant mais  moins interessant qu'auparavant". A trop vouloir occuper la scène littéraire, ne galvaudrait-il pas ses possibilités ?
 
- l'oubli de Kafka, comme d'un écrivain majeur, est d'autant plus surprenant que Murakami se réfère à lui, au moins par son nom,  sans que personne sur grain de sel n'ait été capable de trouver en quoi Kafka sur le rivage justifiait le titre  !
quant à sa nouvelle sur Gregor samsa, le personnage de la métamorphose, je ne l'ai pas lue, mais on attendra avec  bienveillance des justifications.
 
Pour ne pas me dérober, je citerai parmi les écrivains français, Milan Kundera, Annie Ernaux, Patrick Chamoiseau.

Christine Angot ? 

Parmi ceux qui me passent par la tête pour le moment, je citerais volontiers :

Jean Echenoz, Jean d'Ormesson, Milan Kundera, Daniel Pennac, Patrick Modiano

Borges, Philippe Roth  

J'avais exactement la même réflexion. Aujourd'hui tout le monde écrit et peut être médiatisé.
Il n'y a plus "d'école" comme à l'époque. Plus de conceptions et manifestes.
Que restera-t-il pour la postérité ? Je ne sais pas.

Sans doute faut-il revoir à la baisse le rôle des écoles et manifestes, car la manie d'étiqueter a regroupé bien des talents différents sous la même bannière.
 
Ainsi Butor et Simon ne  font pas partie des "nouveaux romanciers" type Robbe-Grillet, ils le disent.
 
Une influence notable certes, un renouveau polémique souvent, et tonifiant, j'en suis d'accord.
 
Les éloges vibrants d'une amie à qui j'ai prêté balco atlantico, et qui avait lu le Sermon me font penser que Jérôme Ferrari restera.

Certes mais reste-t-il des dynamiques esthétiques ?
J'ai surtout l'impression d'être dans un fouilli sans nom.

Vaste question ! mais quand on est trop prêt d'un tableau, il est difficile d'en saisir les lignes de force.

d'ailleurs il faudrait savoir quels auteurs contemporains tu lis, et ensuite voir à quel point les notions traditionnelles sont remises en question : les genres par exemple.

Le "roman" a cessé d'être un récit comme chez les auteurs classiques du XIXe siècle, il regroupe beaucoup d'écrits très différents.

D'autre part au mot "fouillis", je dirais qu'il y a peut-être une écriture du "chaos" qui correspond à notre époque. Bien imprudemment, je ferais remonter cette écriture à Faulkner et à Kafka...

bref, un terrain à explorer  

Contrairement à tous ceux dont on nous rabâche les oreilles à longueur de temps, il y a beaucoup d'écrivains contemporains de talent, je trouve  Modiano, Quignard, JP Toussaint, Annie Ernaux, Murakami pour la litté étrangère...ceux là ont marqué leur époque

 Ils n'appartiennent pas à un mouvement littéraire aussi déterminé qu'avant, mais est-ce si important ?

Ah Quignard j'avais beaucoup aimé tous les matins du monde (sont sans retour).
Bah pensons aux jeunes du 34e siècle ils vont galerer en histoire littéraire si c'est tout le bordel comme ça xD

Oui mais c'est bien aussi parfois de ne pas systématiquement ranger les écrivains dans des cases

Mais les cases ne sont pas fermées. Breton a été Dada avant d'être instigateur du surrealisme.

Non, bien sûr, mais je veux dire, la littérature ne fonctionne plus du tout comme avant, il n'y a plus d'"école" aussi fortement revendiquée...donc personnellement, ça ne me choque pas.

Moi je le regrette un peu dans le sens où à l'époque aussi il y avait des inclassables. Et peu sont restés dans la postérité. Mais les diverses écoles avaient pour but de faire avancer la littérature. Non pas que je sois d'accord avec toutes mais il y avait cet enthousiasme collectif. Aujourd'hui c'est chacun dans son coin c'est ça qui est regrettable.

Layla a écrit:

Mais les diverses écoles avaient pour but de faire avancer la littérature. Non pas que je sois d'accord avec toutes mais il y avait cet enthousiasme collectif. Aujourd'hui c'est chacun dans son coin c'est ça qui est regrettable.

je suis entièrement d'accord avec toi, Layla. L'enthousiasme collectif et une certaine émulation. Et puis des échanges fructueux bien souvent.