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3 participants
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Arundathi
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Arundathi


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MessageSujet: Contrecoups   Contrecoups EmptyJeu 04 Juil 2013, 17:49

Contrecoups

L’énergie prend ses racines dans l’enfance, l’adolescence. Par exemple, le désir fou d’ouvrir la fenêtre d’un « train bleu » en pleine vitesse pour y recevoir l’air, la pluie, le vent.

Durant les siestes d’été, là bas de l’autre côté de la mer, dans ce pays aux maisons blanches, c’était la contemplation des murs et du plafond où la lumière filtrant à travers les volets projetait comme au travers d’une lanterne magique le monde entier sur le papier de la chambre. Des voix montaient de la cuisine avec des bruits de vaisselle qu’on range. Des voix venaient du dehors. On entendait courir les enfants, claquer une portière de voiture, démarrer un moteur, le bruit particulier des sabots des chevaux martelant l’asphalte et tirant les calèches. On pouvait voir la projection de leurs silhouettes sur le plafond…

A quoi rêvais-tu encore ?

Des îles lointaines ou un rayon vert apparaît aux êtres purs. Un certain Jules Verne l’affirmait .

Tout me portait ailleurs.  S’abîmer dans la contemplation de rien, apparemment rien.

La transparence de ces silhouettes dans la lumière, un insecte renversé sur le dos, le sourire de mon cousin et le scintillement de la mer. L’univers entier dans ces riens.

On a sept ans. On a vingt ans. On en a quarante. Puis cinquante. On éprouve alors une étrange mélancolie, un peu douce amère.

Aujourd’hui, je regarde l'araignée descendant sur son fil. Je veux jouir avant qu’il ne se casse et qu’elle tombe sur le lit… heureusement elle remonte, tirée par une mystérieuse poulie. En plein cœur de sa toile s’est pris un insecte. Je ne le quitte pas des yeux. Comment lui dire à lui ce qui se passe au plafond ? Mes mains sont devenues moites. Là haut, l’araignée s’est accouplée avec sa victime et  lui aspire toute substance de vie.

Contrecoups Arraig10

Dehors il y a de la vie, des éclats de voix et,  sur le parking, des rires d’enfants…

Filtrant à travers les volets, des lucioles de lumière m’incitent à tout abandonner pour sortir…

Pourtant, là bas, un vent brûlant soufflait sur la grande place « Marquet ». Une place immense, du moins, dans le labyrinthe de mes souvenirs, une place fourmillant de monde, au pied des statues. J’entends encore le bruit d’une fontaine et les cris des enfants réclamant des glaces.

Revient aussi le souvenir d’un peu d’herbe entre les pavés, aux abords des arcades, et sous la verrière multicolore des mausolées ou dégustant notre glace on écoutait mourir les guêpes et bourdonner le temps. Dans ces refuges, des éclats de rire et les baisers d’enfants innocents ou rien encore n’était encore venu trahir les serments.

Je suis hantée par le regard de ces femmes voilées, ces regards au vide éternel, aux froides étoiles. Parfums, éblouissement, lumière, vibrations ? Mais dans quelle vie ? Pourquoi ma mémoire a t-elle si bien conservée ces empreintes en même temps que cette capacité de me souvenir ? Ma tête se penche, ma mémoire aussi.

Contrecoups Femme_10

Midi, en plein muezzin. En pleine prière. La folie se lit dans les yeux des enfants. La lumière est coupante comme les ciseaux qu’on aiguise.

Amoureuse du roulis des vagues sur la plage, de l’or vivant du sable, je ris avec ce cousin, je ris dans les vagues qui roulent au soleil. Nos rires résonnent encore aujourd’hui. Vivre dans la couleur, et respirer la couleur. Aucun danger de périr de monotonie car le moindre incident ne revêtait toujours que du pittoresque et un château sculpté dans l’or du sable était toujours une fête pour les yeux.  Le goût des choses fragiles, l’édifice tombe en morceaux et peu après on a rien perdu.

On garde le souvenir vivace de l’or…

A présent que l’araignée digère,  je suis sûre que, dans la montagne les cascades éclatent, je voudrai tremper les pieds dans les torrents et lutter contre le courant. Mon ami, laisse moi te convertir à mes folies, à la tempête, aux larmes de joies. La géante en feu, à force de remuer les reins, a creusé sous elle une vallée où coule une rivière de sperme.

Je l’appelle Gretel comme dans ce conte. Comment les contes ont-ils  envahis ma mémoire ?

Là bas, au pays de mon enfance, la vue de ses mains blanches dans la farine, malaxant la pâte, la soulevant, la battant . Pour confectionner ces bonnes pizzas et pour le seul plaisir d’entendre ses neveux et nièces éclater de joie et se lécher par avance les babines. Gretel ou ma bonne tante, tout en rondeur, un peu forte, à la voix chantante du pays de là bas. Les cadavres que j’ai enfouis bougent et transpirent.

La crainte de n’être pas assez aimé m’obsède toujours. Et m’obsédait déjà dans mon enfance. La mer tourbillonnait, luttait pour remporter le sable dans ses profondeurs. Le sable dépose sur le corps des enfants une légère mousseline et leurs yeux ont la couleur de la mer. Et ce chant de Stora ? Que disait-il déjà ? Il y a comme un écho dans ces strophes…

Dis moi pourquoi tu pêches
Dans la baie de Stora ?
Je ris, je ne réponds rien
Le cœur oisif et libre.
Poissons d’argent sur l’eau,
S’éloignent sans retour
Autre ciel, autre terre,
Loin du monde des humains…
A qui rêvais-tu encore ?

Ne pas oublier la calèche
Ne pas oublier les sourires

Belle !

Elle m’appelait Belle…

Elle s’en est allée doucement un jour.


Et le seul être sans défaut, le seul qui la comprenait et qui possédait d’inépuisables flots d’amour, c’était le dieu de son enfance, dieu, le père qu’elle avait perdu.

Mais elle, seule dans sa nuit à bout de force et de révolte, après avoir lutté longtemps, en vain, malgré toute la compréhension de son entourage,  dans son enfer, elle s’avouait que c’était sans espoir et qu’elle ne reverrait jamais plus ce fils qu’elle chérissait trop et qu’elle n’aurait voulu garder que pour elle seule.

Perverti par son amour de la souffrance, sa conviction que les guerres et les catastrophes rehaussent le goût de la vie, et que les scènes lugubres exaltent le désir, soudain, comme un feu à l’instant même où elle touchât le fond de cet abîme de solitude elle sentit alors ce dieu comme dans son enfance, comme le jour ou elle avait frôlé la mort lorsqu’elle fut poursuivit par un taureau et qu’elle voulu alors protéger sa petite sœur, ma mère.

Elle sentit alors ce dieu la prendre dans ses bras, la serrer tendrement et la bercer pour l’endormir.

Dans la lumière orange  du port de Skikda où vibrait la nappe indigo de la mer, l’odeur croustillante des makrouds, des mielus, de la joie rayonnante des petits matins sur les bords de mer, la peau brunie et les yeux brillants de l’enfance, elle est là …

Et sur le sable chaud, lorsqu’à la nuit tombée sur la plage, pour griller les brochettes, les pères et oncles, accroupis sur leur jambes musclées, agiles de leur gestes, donnaient alors l’impression d’une harmonie parfaite avec la nature, elle était encore là.

Contrecoups Stora10

Aujourd’hui elle s’en est allée justement là bas, ailleurs, je lui dis adieu, tout comme moi je dis adieu à cette enfance .

Le dieu de l’enfance vient de mourir…

Alors si je revenais à mon araignée et à mes lucioles de lumière ?  à la vie, à l’espoir, atteindre à travers la vie la nature essentielle ...

Tout ce que tu fais est juste petite araignée, j’en aperçois pour la première fois ta beauté !

J’aime ta façon de sourire …

Dans cette  fleur de coquelicot, à l’intérieur de la jupe bouffante, il y a un cœur.

Contrecoups 87290110

17 juillet 2006


Dernière édition par Arundathi le Jeu 04 Juil 2013, 20:50, édité 1 fois
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rotko
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MessageSujet: Re: Contrecoups   Contrecoups EmptyJeu 04 Juil 2013, 17:58

Beaucoup de choses dans ton texte, des sensations, des souvenirs, une distance aussi, dela chambre à la rue, du présent à ce passé. J'aime bien ce monologue qu'on suit - sans savoir où tu vas nous mener, mais pris par le ton.
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MessageSujet: Re: Contrecoups   Contrecoups EmptyJeu 04 Juil 2013, 18:57

oui, moi aussi, j'aime beaucoup ! je te suis, sans savoir où tu vas me mener... mais c'est un joli chemin brodé de souvenirs doux. Les images sont belles et lumineuses;
tu as remarqué, Arundathi, comme les images des souvenirs gardent leur lumières ?
"Dans cette fleur de coquelicot, à l’intérieur de la jupe bouffante, il y a un cœur. " c'est très beau, ça !respect 
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Arundathi
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MessageSujet: Re: Contrecoups   Contrecoups EmptyJeu 04 Juil 2013, 20:49

Les plages de ce texte restent des souvenirs heureux ! La luminosité provient à la fois de ce pays aux blanches maisons et de cette petite lueur toujours présente en moi. Instants présents et passés se mêlent parce que uniques, ils ne reviendront plus. J'ai essayé à travers ces mots de leurs redonner vie.  

Merci rotko et Ysandre pour vos appréciations, merci de m'avoir suivi dans les méandres d'un peu de moi. J'en suis très touchée. merci
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