Claire keegan (Irlande)

Claire Keegan, née en 1968 en Irlande, Les trois lumières, Sabine Wespieser éditeur, 2010, traduit de l'anglais.
 
 

Bonjour à toutes et tous,

Je m'appelle OURAN et suis sur votre site depuis quelques jours seulement. J'ai déjà lu une petite partie de vos commentaires, surtout sur le choix de vos lectures et je reviens sur un livre qu'a lu un de vos membres. Il s'agit de "Les trois lumières" de Claire Keegan, que j'a beaucoup aimé, mais que je n'ai pas compris. Y aurait-il, parmi vous, des personnes qui auraient découvert les "mystères" dont parle la 4ème de couverture ? S'ils existent bien sûr car il peut tout simplement s'agir du but de l'auteur, laisser à ses lecteurs le choix du dilemme.

Merci d'avance et à bientôt sur le Forum. Ouran

Je n'ai pas lu le livre, mais s'il y des ambiguités sur la fin du récit, il est vraisemblable que c'est délibéré de la part del'auteur, comme Thib le laisse entendre.

Certains auteurs disent tout, d'autres sollicitent le lecteur et lui donnent un part active, voilà tout

Ouran, Parle nous d'autres livres qu'on voie ce qui te branche...

 
Dans l'authenticité d'une Irlande rurale, chaque nouvelle déchire le voile d'une existence renversée, d'un destin brisé ou reconquis. Face aux drames dissimulés sous les gestes du quotidien, les êtres de Claire Keegan vacillent : une seconde les fera basculer vers l'ombre ou la lumière.
 
un auteur à explorer.
 
je lirai sans doute les trois lumières chez S.Wespeiser et chez 10/18.
 
Dans le but de soulager sa mère enceinte, une jeune fille est amenée dans une ferme du Wexford, au fond de l'Irlande rurale, chez les Kinsella, des amis de ses parents. Au fil des jours, puis des mois, elle apprivoise cet endroit singulier où la végétation est luxuriante et les bêtes grasses. Certains détails l'intriguent comme les habits dont elle se voit affublée par le couple.

Je recommande chaudement les trois lumières de Claire Keegan, chez Wespeiser.
 
Tout est vu et entendu par une petite fille, confiée quelque temps à un couple, plus ou moins de la famille. On a l’impression d’écouter par-dessus son épaule, elle ressent plus qu’elle ne comprend les paroles et les réactions des adultes.
 
Ceux-ci ne livrent pas, et derrière des propos insignifiants, on se familiarise avec « cette manière qu’ont les hommes de ne pas parler ». Le silence devient une valeur essentielle, surtout  dans cette famille.
 

Citation :

« Tu n’as pas toujours obligée de dire quelque chose…Pense que la parole n’est une nécessité en aucune circonstance. Nombre de gens ont beaucoup perdu pour la seule raison qu’ils ont manqué une belle occasion de se taire ».

 
Des drames, vécus intensément,  présents sans cesse à l’esprit, sont tels qu’on les devinera à demi-mots, à des comportements, ou par les interrogations curieuses de voisins. Quant aux sentiments ..
 

Citation :

« Nous ne parlons ni l’une ni l’autre, comme les gens se taisent parfois quand ils sont heureux »

« Kinsella dit quelques petites choses insignifiantes puis s’enveloppe dans le silence qui est habituel chez lui, et le temps passe sans donner l’impression de passer ».

 
L’auteur en fait un art d’écrire : la fillette ne sait pas toujours exprimer ce qu’elle sent ou pense. « Une partie d’elle » voudrait dire, et l’autre se tait.
 
Le récit est minutieux et attentif comme des yeux d’enfant, celle-ci va petit à petit s’initier à un regard plus éveillé et perspicace, comprendre ses hôtes,  juger aussi ses propres parents ; apprendre que tout n’est pas à dire, y compris à son sujet, ce que dans la fin du récit elle exprime par un élan.
 
L’émotion baigne les dernières pages, Si la dernière phrase demeure un peu énigmatique, c’est l’étreinte finale qui est à retenir, L’effusion  traduit un accord  fondamental, une affection et une compréhension totales.
 
Ce livre intimiste et délicat, offre des pages qu’on a envie de relire, pour le plaisir d’y découvrir des « échos internes » .

Citation :

Je recommande chaudement les trois lumières de Claire Keegan, chez Wespeiser.

Les premières pages semblent un délice rotko ! j'apprécie cette manière d'écrire !

J'ai fini "Les trois lumières". Vite lu d'ailleurs car il s'agit d'un  court roman. L'époque où se déroule le roman est difficile à cerner, peut-être dans les années 80, je ne saurais dire précisément. La petite fille, la narratrice,  dont il est question vit dans une famille nombreuse, où les problèmes de dettes, d'argent, semblent monnaie courante. Un matin le père dépose sa fille chez les Kinsella car la mère est à nouveau enceinte. La petite va apprendre auprès de cette famille, durant le temps d'un été, ce qu'est le vrai bonheur.

La poésie, présente dans la description de la campagne, alliée à la douceur infinie des sentiments, rend ce récit attachant. J'ai été ravie de retrouver la campagne Irlandaise que j'apprécie par dessus tout  !  "Le vent est fort et rauque dans les arbres, il s'agite parmi les branches sèches, dont les feuilles se soulèvent et se balancent. C'est très agréable de sentir la route découverte dévaler au-dessous de nous, sachant qu'on va, au bout, trouver la mer. La route continue et le ciel, le paysage entier semble s'éclaircir. Kinsella dit quelques petites choses insignifiantes puis s'enveloppe dans le silence qui est habituel chez lui, et le temps passe sans donner l'impression de passer, et nous voilà dans un espace dégagé, sableux, où les gens doivent garer leur voiture ..."

Lorsque nous pénétrons dans le monde de l'enfant, il suffit de se laisser bercer par la douceur et la finesse qui s'en dégage! "Tu n'es pas toujours obligée de dire quelque chose, reprend-il. Pense que la parole n'est une nécessité en aucune circonstance. Nombre de gens ont beaucoup perdu pour la seule raison qu'ils ont manqué une belle occasion de se taire. (p. 75)"

Certains détails malgré tout intriguent : les habits dont elle se voit affublée, la réaction de Mr Kinsella quand il les découvre sur elle, l’attitude de Mrs Kinsella lors de leurs rares sorties à la ville voisine ... Les personnages semblent parfois désorientés. Claire Keegan nous mène là ou elle veut à n'en pas douter. Oui, c'est un récit délicieux, ce fut ma toute première impression.

La fin pour moi n'est pas ambiguë ! C'est l'apprentissage de la vie d'une enfant racontée simplement en laissant parler la tendresse, le respect et l'amour.

parfait, je sauve ma casquette. 

J'espère que d'autres grains liront ce court roman, et je reviendrai alors sur ta dernière phrase  

"Tu n'es pas toujours obligée de dire quelque chose, reprend-il. Pense que la parole n'est une nécessité en aucune circonstance. Nombre de gens ont beaucoup perdu pour la seule raison qu'ils ont manqué une belle occasion de se taire. (p. 7 a écrit:

Arun
oui, et c'est bien pour cela, entre autre, que je veux le lire. Merci  Arun

Citation :

oui, et c'est bien pour cela, entre autre, que je veux le lire.

Oui, cette phrase me plait beaucoup Ysandre !  

Citation :

J'espère que d'autres grains liront ce court roman, et je reviendrai alors sur ta dernière phrase

J'attends également d'autres avis, il semblerait qu'il y aurait encore quelques impressions à rajouter !

je viens de le terminer
je reste un peu sur ma faim comme souvent d'ailleurs avec la fin  

mise à part une histoire très bien racontée, des termes choisis, une écriture très simple mais belle.

mais j'aimerais que l'on m'explique:

Le vrai papa va tuer Kinsella? c’est cela que la petite fille voit quand elle est dans les bras de ce dernier?  
pourquoi répéte - t-elle papa? grrrr ? fait-elle un transfert? que fait son papa avec un bâton? Kinsella serait-il son père? je sais il a perdu un fils et il transfère tout sur cette gamine mais...

j’ai horreur des fins qui ne sont pas claires ! ou alors c’est mon cerveau embrumé par la chaleur orageuse depuis deux jours???
 

ça doit être ça, Marie ! je suis aussi embrumée , et colère pour un rien !!! ou pour beaucoup, mais colère, quoi !!!! le ciel est gris blanc ... mais qu'il pleuve ! bon d'la ! c'est quoi, ça ???? ha ! que ça m'énerve quand c'est ni oui ni non ! on tranche, quoi ... et tant pis si ça fait mal ! au moins, on sait ou on en est .

tu as raison, la fin reste menaçante.

Spoiler:

darabesque a écrit:

je reste un peu sur ma faim comme souvent d'ailleurs  avec la fin  

une solution est de faire abstraction de la fin pour se pencher sur tous les non-dits de l'histoire, pourtant perceptibles par le lecteur, pas toujours ou obscurément par la gamine.

ça d'accord que de non-dits et pour cette fillette, forcément pas simple.
mais moi parfois j'ai eu des doutes sur le comportement de Kinsella?
et puis ensuite sur le père enfin bref ! très belle histoire bien racontée qui laisse une drôle d'impression quand même !

Kinsella, un type très bien, apprécié de tous.

oui donc le père rêvé pour la petite dont le père est un rustre  

c'est mon sentiment.

[size=18]Une histoire sur l’enfance, la pauvreté et la solitude.
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Un père emmène sa fillette chez de lointains parents  attendant que la mère accouche d’un nouveau bébé. Un père froid, presque toujours absent, qui  ne lui dit adieu et oublie son bagage. Les Kinsella un couple de fermiers sans enfant, l’accueille les bras ouverts.
Une Irlande appauvrie, mais avec un paysage ravissant passe sous nos yeux.
La petite aide la femme dans les travaux quotidiens tandis que l’homme s’occupe de la ferme. Elle commence à goûter le confort, l’eau chaude et de nombreuses situations nouvelles ;  écouter le journal, apprendre qu’il y a des grévistes qui sont morts de faim. Dans cette maison il n’y a pas de secret, avait dit la femme, et pourtant il y avait un très douloureux, caché.
Par une commère bavarde et sans scrupules elle le connaîtra. Les Kinsella sont  attristés.
Les vacances vont vite finir et la petite devra retourner à sa maison et à sa famille.
La veille de son départ elle veut aller vers le puits chercher de l’eau, et un étrange épisode arrive. Se regardant dans le puits une main semblable a la sienne,  sort et  veut l’y entraîner ! Hallucination, souvenir de ce qui s’était passé une nuit  il y a longtemps ?
Un soir elle s’était promenée avec Kinsella vers la plage,  il la tenait par la main, agréable sensation, son père ne lui a jamais pris la main !. Du sommet d’une colline il lui avait montré le ciel avec trois lumières. Après il l’avait étreinte dans ses bras et  elle  avait ressenti une émotion, jamais éprouvée auparavant.
De retour dans sa famille nombreuse et pauvre sa mère trouve qu’elle a grandi ; elle a appris aussi qu’à certains moments il vaut mieux se taire.
Le père n’est pas encore arrivé, il vient avec son insouciance habituelle.
Les Kinsella  prennent leur voiture, démarrent et partent.
La fillette commence à courir,  court à toute vitesse pour les retrouver, un instant qui est le plus troublant de la nouvelle : il la prend dans ses bras et l’embrasse très fort, elle sent son coeur battre comme le sien, la femme pleure et la petite gémit «  Papa, Papa ! »
De cette nouvelle j’ai ressenti le manque de père, même s’il existe. Mais la figure paternelle, celle qui donne le bonheur, celle qui nous sort de la solitude elle l’a trouvée chez Kinsella
Un petit bijou.

Coucou Amadak, oui je pense qu'en fait nous avons tous eu cette impression de manque de père bien qu'il soit existant
mais ce bâton? que tient le vrai père? pour quoi? pour qui?   

Chère Dara: je pense qu'en voyant courir de cette façon la petite, il a pris un bâton dans la crainte qu'il y ait un danger près de la voiture,un chien peut-etre:bye: .

pas sot ce que tu dis là Amadak:hesit:   

pure hypothèse...

ou on accepte la fin qui n'est pas explicite - bien que les mentions d'un bâton, les remarques préalables du vrai père, peu agréables envers Kinsella, le sentiment qu'ont les parents d'un épisode caché par la fillette, l'exclamation pressante de celle-ci comme si désireuse de retenir son vrai père dans une action qu'elle désapprouve, tout cela sent le drame à plein nez.

- ou on ne s'en occupe pas.

la scène du seau est effectivement trouble, comme échappant au contrôle de la fillette : rappel d'un drame ancien que nous avons deviné, mais aussi emprise du puits, comme si le seau trop lourd qui la met en danger de tomber résultait d'une volonté méchante, ou d'une perte de conscience de la fillette.

Toujours est-il que le drame est évité de justesse, que Kinsella et sa femme ont été surpris de l'initiative de la fillette, et qu'ils pourraient, malgré eux, être accusés de négligence ou de manque de surveillance. Cet incident lie l'enfant aux kinsella, sous le sceau du secret...

absolument restons-en là et même si nous devons paraître un peu sots, dans cette histoire de seau gardons-la sous le sceau du secret cela vaut mieux  

Je viens de lire Les trois lumières et j'ai beaucoup aimé.
J’ai eu l’impression de lire une nouvelle plutôt qu’un roman. Ce texte en a la brièveté et la chute, moment très fort, mais surtout il se concentre sur l’essentiel avec peu de personnages, il sème des indices qui montrent que cette parenthèse dans la vie de la petite fille est faite de lumières et d'ombres (cf. par exemple, au tout début "une journée chaude, radieuse, avec des zones d'ombre et de brusque lumière verdâtre sur la route.")Il propose une tranche de vie de cette enfant dont on ne sait pas grand-chose finalement, même pas son prénom (elle est Pétale, Petite ou Longues Jambes) ni son âge exact (sept huit ans ?). De toute façon le non-dit est plus important que ce qui est raconté ; d’ailleurs,

Citation :

La parole n’est une nécessité en aucune circonstance.

L’importance des silences, les ellipses en tout genre créent une intensité dans l’écriture, une discrétion ou une pudeur qui sont celles de l’auteur. Certes, tout est vu et perçu par le regard de l’enfant mais l’auteur est omniprésent, du moins l’ai-je ainsi ressenti.
Plusieurs fois aussi, j’ai pensé à un conte initiatique, à la fois doux, poétique et cruel, à cause des situations, des descriptions de la campagne irlandaise, des rituels (comme la course à la boîte aux lettres) et surtout de l’eau et du seau.
J’ai beaucoup aimé le passage où Kinsella et l’enfant vont à la mer : au retour, Kinsella cherche leurs empreintes dans le sable mais ne trouve que celles de Pétale.

Citation :

« Tu as dû me porter à cet endroit », dit-il
Je ris à l’idée que je le porterais, à l’impossibilité de la chose, puis je m’aperçois que c’était une plaisanterie, et que je l’ai comprise.

La tendre complicité de l’homme et l’enfant est extrêmement émouvante et riche de sens.

Très souvent, on se représente les scènes tant les détails donnés, peu nombreux, sont précis. C’est particulièrement sensible à la fin quand la petite fille, cédant à un élan irrésistible, court se jeter dans les bras de Kinsella. Les images se succèdent comme dans un film qu’on verrait se dérouler sous nos yeux. Le mouvement rapide engendre une accélération du récit qui se confond avec l’émotion très vive de la narratrice.
Il me semble que l’auteur a habilement joué de l’ambiguïté dans les dernières lignes, à la fois pour le lecteur qui se demande ce qu’il faut comprendre, et pour Pétale bouleversée qui « appelle » et « avertit » sans relâche « Papa ». Pour moi, cet appel s’adresse à son père biologique mais aussi à son père adoptif, voire uniquement à lui. Je regrette que le titre français trahisse l’intention de l’auteur qui, en anglais, avait écrit « Foster », mot qui, si je ne me trompe, est utilisé avec « child » ou « mother » ou « father » pour renvoyer à une situation d’adoption.